Diarrhée chronique de cause colique

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Les causes de la diarrhée chronique sont nombreuses mais un abord clinique méticuleux permet le plus souvent d’orienter les explorations paracliniques.

Les affections coliques responsables de diarrhées chroniques peuvent être schématiquement classées en deux grandes catégories :

–  les causes dites “ fonctionnelles ”, caractérisées par l’absence de lésions organiques décelables par l’exploration morphologique ou l’étude histologique :

– la diarrhée est le plus souvent de type moteur et traduit soit un trouble neurologique ou humoral d’origine extra-intestinale, soit un syndrome de l’intestin irritable.

Diarrhée chronique de cause colique– le syndrome de l’intestin irritable est fréquent (80 % des causes de diarrhée chronique) et habituellement bénin, mais il peut devenir préoccupant par la gêne fonctionnelle qu’il occasionne et par le recours intempestif à des examens paracliniques souvent inutiles.

– il faut donc savoir le reconnaître autrement que par l’exclusion de toutes les causes de diarrhée chronique.

– les causes coliques organiques, caractérisées par une lésion macroscopique ou microscopique identifiable par les moyens usuels sont moins fréquentes (10 % des causes de diarrhée chronique) mais souvent sévères, surtout si elles sont reconnues avec retard. La diarrhée est ici de type exsudatif et/ou sécrétoire.

La démarche diagnostique repose aujourd’hui presque exclusivement sur la coloscopie. Trois questions méritent d’être posées.

QUAND DEMANDER UNE COLOSCOPIE :

Toujours :

Devant une diarrhée chronique associée à des éléments orientant vers une pathologie colique, la coloscopie s’impose en première intention :

–  antécédents familiaux évocateurs : maladie inflammatoire intestinale, polypose adénomateuse familiale…

– diarrhée associée à des émissions rectales anormales : sang et/ou glaires

–  douleurs abdominales à type de colique, en cadre ou localisées dans un flanc et/ou une fosse iliaque, soulagées par l’émission de gaz ou de selles

–  manifestations extra-intestinales évocatrices d’une maladie inflammatoire du côlon.

Souvent :

En l’absence de tout élément clinique d’orientation étiologique, la coloscopie fait partie des examens paracliniques de première intention au même titre que l’examen parasitologique des selles et que la biologie sanguine de routine (voir “ Orientation diagnostique devant une diarrhée chronique de l’adulte ”).

Coloscopie impérative

La coloscopie est impérative en présence de “ critères d’alarme ” :

– age supérieur à 45 ans ;

– antécédent familial de polypes ou cancer du côlon ou du rectum.

– début récent de la diarrhée (moins de 3 mois) ;

– éléments en faveur de l’organicité (fièvre, altération de l’état général, syndrome inflammatoire).

– importance de la gêne fonctionnelle.

Coloscopie facultative

La coloscopie est facultative (ou différée) s’il n’existe aucun critère d’alarme :

– examen clinique normal.

– age inférieur à 40 ans.

– évolution depuis plus de 6 mois.

– caractère intermittent et capricieux ; la diarrhée est volontiers déclenchée par le stress.

– test au rouge carmin positif.

– efficacité des ralentisseurs du transit (lopéramide [Imodium* ]).

Parfois :

Devant une diarrhée chronique associée à des éléments orientant vers une cause extra-colique, la coloscopie n’est pas réalisée systématiquement en première intention.

Elle peut cependant être indiquée pour différentes raisons :

– car la relation entre l’étiologie suspectée et la diarrhée ne paraît pas certaine, une cause colique devant être alors éliminée.

– certaines causes, notamment de diarrhée par malabsorption au niveau de l’intestin grêle, peuvent avoir également des localisations coliques qui en permettent le diagnostic par la coloscopie. De plus, l’iléoscopie permet une étude macroscopique et microscopique des derniers 20 cm de l’iléon.

COMMENT REALISER LA COLOSCOPIE :

La coloscopie doit être considérée comme un examen invasif dont la réalisation doit être parfaite.

Intérêt :

La coloscopie est actuellement l’examen de référence pour l’exploration morphologique du côlon, sa sensibilité et sa spécificité étant très supérieures à celles du lavement baryté.

Elle permet de plus :

– la réalisation de biopsies sur toute lésion macroscopique mais également sur une muqueuse d’aspect normal, tout particulièrement en cas de diarrhée chronique (biopsies étagées de l’iléon au rectum).

– la réalisation de gestes thérapeutiques : polypectomie, électrocoagulation, laser, dilatation…

Préparation :

Ingestion rapide de 4 litres d’une solution saline de polyéthylène glycol 4 000 la veille de l’examen (ou fractionnée en deux fois la veille et le matin). Les évacuations doivent être claires en fin de préparation.

La solution peut être administrée si besoin par une sonde gastrique.

En cas de suspicion de sténose digestive, la préparation peut être effectuée par des lavements évacuateurs la veille et le matin de l’examen (qualité moins bonne).

Réalisation :

L’examen est réalisé au plus tôt 4 heures après la fin de la préparation (risque de régurgitation et d’inhalation).

Il est effectué sous prémédication simple ou plus souvent sous neurololept-analgésie, en présence – impérative – d’un anesthésiste qui a vu auparavant le patient en consultation.

La progression s’effectue sous contrôle de la vue en s’aidant de la compression manuelle, le but étant d’“ enfiler ” le côlon sur l’endoscope :

– le cæcum est atteint dans plus de 90 % des cas et la valvule iléo-cæcale franchie dans 80 à 90 % des cas.

– l’examen dure de 5 à 20 minutes.

Contre-indications :

– Tout état d’instabilité hémodynamique, d’insuffisance cardiaque ou respiratoire non équilibrée.

– Toute pathologie à risque de perforation.

Complications :

Le risque est d’autant plus important qu’un geste thérapeutique est associé (polypectomie).

Les principales complications sont :

– perforation (0,3 à 0,5 %).

– hémorragie (1 à 1,5 %).

– bactériémie (2 %, prophylaxie nécessaire en cas de valvulopathie).

– la mortalité, tous gestes confondus, est de l’ordre de 0,01 %.

Place du lavement baryté :

La performance diagnostique du lavement baryté (sensibilité et spécificité) est très inférieure à celle de la coloscopie :

– normal, il ne permet pas d’exclure formellement une lésion localisée de petite taille et impose souvent le recours à la coloscopie.

– ses indications sont réduites aux échecs et aux contre-indications (rares) de la coloscopie, et parfois au bilan préopératoire d’une diverticulose ou d’une tumeur colique.

QU’ATTENDRE DE LA COLOSCOPIE :

Un diagnostic de certitude :

L’aspect macroscopique des lésions, parfois caractéristique, peut suffire au diagnostic.

La biopsie reste indiquée, autant pour confirmer le diagnostic que pour préciser la nature exacte de la lésion.

Un diagnostic de présomption :

La coloscopie montre des lésions non spécifiques. Les biopsies sont utiles mais pas toujours suffisantes, l’histologie n’étant pas toujours pathognomonique. C’est notamment le cas pour :

– les lésions ulcérées disséminées.

– les sténoses coliques non tumorales.

Un diagnostic d’exclusion :

Par sa très grande sensibilité, la coloscopie permet en cas de normalité d’éliminer la majorité des causes organiques coliques de diarrhée chronique.

Cependant, certaines causes n’ont qu’une traduction histologique, ce qui impose le recours à des biopsies étagées, systématiques dans cette indication.

Colites infectieuses :

Les colites infectieuses sont habituellement responsables de diarrhée aigue dont l’évolution parfois prolongée pendant quelques semaines ou mois peut poser un difficile problème diagnostique avec les autres causes de colite ulcérée notamment.

COLITES BACTERIENNES :

Yersiniose :

Yersinia pseudo-tuberculosis ou Yersinia enterocolitica sont responsables d’une diarrhée d’évolution habituellement limitée, mais parfois prolongée de quelques semaines à plusieurs mois :

– la coloscopie montre des lésions disséminées, intéressant préférentiellement l’iléon et le côlon proximal, à type d’érythème et de petites ulcérations, sur fond de muqueuse normale ;

– elles doivent être distinguées des lésions de la maladie de Crohn et de la tuberculose intestinale.

Diagnostic

– Coprocultures sur milieux spécialisés, inconstamment positives.

– Mise en culture des biopsies iléo-coliques.

– Sérodiagnostic : un taux significatif (supérieur à 1/320) ou l’ascension des anticorps à 15 jours d’intervalle permettent d’affirmer le diagnostic.

Traitement

Antibiothérapie prolongée (3 semaines) : quinolones, sulfaméthoxazole-triméthoprime (Bactrim*, Eusaprim*).

Tuberculose colique :

Les lésions digestives dues à Mycobacterium tuberculosis sont la conséquence d’un ensemencement par voie hématogène ou lymphatique, parfois par contiguïté, plus rarement par voie digestive.

Elles ont une topographie iléo-colique droite prédominante, parfois colique pure.

Diagnostic

– Contexte : immunodépression, immigration, niveau socio-économique bas (inconstants).

– Manifestations cliniques (absentes dans 10 à 35 % des cas) :

– douleur abdominale prédominant dans la fosse iliaque droite, réalisant parfois un syndrome de König.

– diarrhée inconstante, rarement isolée, de type sécrétoire ou stéatorrhée par colonisation bactérienne chronique du grêle.

– masse de la fosse iliaque droite.

– altération de l’état général : asthénie, amaigrissement, fièvre, sueurs nocturnes.

– Transit du grêle : sténose iléale avec dilatation d’amont, infiltration, voire disparition de la valvule iléo-cæcale, rétraction du cæcum.

– Coloscopie : épaississement pariétal, ulcérations de forme et de taille variable, sténose colique, rétraction cæcale.

– Histologie : granulome tuberculoïde avec nécrose caséeuse et, parfois, présence de bacilles acidoalcoolorésistants à la coloration de Ziehl.

– Examen bactériologique des biopsies à l’état frais : examen direct souvent négatif, mise en culture (plus de 3 semaines).

Traitement

– Traitement antituberculeux par quadri-antibiothérapie habituelle pendant 2 mois puis bi-antibiothérapie pendant 4 mois.

– Geste chirurgical dans les formes compliquées : hémorragie sévère, perforation, occlusion sur sténose. Le traitement antituberculeux reste nécessaire.

COLITES VIRALES :

Le Cytomégalovirus peut être responsable de diarrhée prolongée en cas de syndrome immunodéficitaire, ou plus rarement de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

Manifestations cliniques

– Diarrhée chronique habituellement révélatrice, presque constante, fécale ou hydrique, associée à des douleurs abdominales, dans un contexte d’altération de l’état général avec fièvre et amaigrissement.

– Complications possibles : hémorragie, colectasie, perforation.

Coloscopie

– Topographie : non élective, souvent diffuse.

– Description : lésions non spécifiques à type d’ulcérations aphtoïdes sur fond de muqueuse érythémateuse, parfois confluantes et plus profondes dans les formes graves.

Diagnostic

– Diagnostic direct :

– recherche de virus dans les selles rarement positive.

– virémie ou virurie insuffisantes pour affirmer le diagnostic.

– histologie : cellules à inclusion intranucléaire centrale basophile (biopsies sur muqueuse pathologique ou sur muqueuse d’aspect normal), immunomarquage anticorps anti-CMV.

– Diagnostic indirect : sérologie rarement contributive en raison de l’immunodépression.

Traitement

Ganciclovir (Cymévan*) ou foscarnet (Foscavir*).

COLITES PARASITAIRES :

Amibiase :

L’amibiase est l’état dans lequel l’être humain héberge Entamoeba histolytica, avec ou sans manifestations cliniques.

Il s’agit d’une protozoose intestinale cosmopolite largement répandue dans les régions tropicales, habituellement responsable d’un syndrome dysentérique aigu, plus rarement de diarrhée chronique dont on peut distinguer trois aspects.

Amibiase colique chronique

– Amibiase maladie :

– caractérisée par la présence du parasite dans sa forme végétative hématophage.

– clinique : douleur abdominale en cadre à prédominance bipolaire, troubles du transit (épisodes dysentériques, diarrhée glairosanglante, diarrhée banale parfois), avec altération de l’état général sans fièvre.

– coloscopie : muqueuse érythémateuse congestive, fragile, parsemée d’un piqueté hémorragique et/ou d’ulcérations superficielles en “ coup d’ongle ” ou confluantes en carte de géographie, de topographie souvent diffuse.

– mise en évidence du parasite à l’examen parasitologique des selles, par écouvillonnage rectal ou par examen des biopsies à l’état frais ou après inclusion.

– traitement : métronidazole (Flagyl*) 1,5 g/j pendant 10 jours.

– Amibiase infection :

– caractérisée par la présence de kystes sans formes végétatives.

– clinique identique à celle des troubles fonctionnels intestinaux, la parasitose n’étant pas en cause ici.

– traitement antiparasitaire afin d’éviter la dissémination de la maladie, symptomatique des troubles fonctionnels.

Amoebome

L’amoebome est une pseudo-tumeur inflammatoire du côlon, rare, intéressant préférentiellement le côlon droit et le recto-sigmoïde.

– Le tableau clinique est celui d’un syndrome tumoral colique parfois responsable de diarrhée.

– Coloscopie : aspect de tumeur, parfois ulcérée.

– Histologie : pseudo-tumeur inflammatoire, parasites rarement présents.

– Sérodiagnostic : intérêt capital (plus de 1/100).

– Traitement : antiparasitaire habituellement efficace confirmant le diagnostic, chirurgical réservé aux complications ou au doute diagnostique.

Colopathie postamibienne

– Il s’agit en fait de troubles fonctionnels intestinaux séquellaires d’une amibiase, en rapport possible avec une atteinte des plexus d’Auerbach et de Meissner.

– L’examen parasitologique des selles est négatif.

– La coloscopie est normale.

Bilharziose :

La bilharziose est une parasitose répandue dans les régions tropicales, due à cinq espèces de schistosomes, dont Schistosoma mansoni et Schistosoma intercalatum qui ont un tropisme colique préférentiel.

Les lésions coliques sont dues au pouvoir pathogène des oeufs qui induisent la formation d’un granulome inflammatoire puis une fibrose.

Diagnostic

– Les manifestations coliques apparaissent dès que la ponte, par les vers adultes vivant dans le système porte et veineux mésentérique, a débuté :

– il s’agit typiquement d’une diarrhée glairosanglante, dont l’évolution peut être prolongée, souvent intermittente par poussées entrecoupées de rémissions prolongées.

– le diagnostic est orienté par la notion de séjour dans une région tropicale (bains en eau douce).

– Biologie :

– hyperéosinophilie modérée et inconstante à ce stade.

– sérodiagnostic (ELISA) faiblement positif sauf en cas de bilharziose hépatique associée.

– Endoscopie colique :

– anormale dans 50 % des cas, les lésions prédominant sur le recto-sigmoïde ;

– lésions évocatrices : granulations blanch‰tres saupoudrant la muqueuse (30 %), images en, polypes (5 %) jaun‰tres, à base large.

– lésions non spécifiques fréquentes : érythème, hyperhémie, suffusions hémorragiques, ulcérations.

– Parasitologie :

– examen parasitologique des selles avec technique d’enrichissement (Kato) : faible sensibilité.

– examen parasitologique des biopsies rectales (sensibilité de 95 % pour trois prélèvements).

– étude histologique après inclusion : recherche des granulomes centrés par les oeufs.

Traitement

– Praziquantel (Biltricide*) en une cure (40 à 60 mg/kg en une à deux prises), renouvelée en cas d’échec 3 mois plus tard.

– Surveillance endoscopique souhaitable en cas d’évolution antérieure prolongée, en raison d’un risque de dégénérescence.

Balantidiose :

Parasitose cosmopolite due à Balantidium coli, le plus gros des protozoaires humains, hôte habituel du porc :

– manifestations cliniques : souvent absentes, tableau de colite chronique pseudo-amibienne rare ;

– diagnostic : examen parasitologique des selles (présence de trophozoïtes ou de kystes).

– traitement : par doxycycline 100 mg/j pendant 10 jours, habituellement efficace.

Maladies chroniques inflammatoires intestinales :

Sous le terme de maladies chroniques inflammatoires intestinales, on regroupe des affections digestives inflammatoires d’évolution prolongée et d’étiologie inconnue, dominées par la recto-colite hémorragique et la maladie de Crohn.

Une troisième entité, dénommée colite indéterminée ou inclassable par l’absence d’éléments permettant de poser un diagnostic de certitude en faveur d’une recto-colite hémorragique ou d’une maladie de Crohn, représente un cadre d’attente observé dans 10 % des cas. Elle est caractérisée par un début souvent aigu et une évolution parfois grave posant un difficile problème thérapeutique en cas de décision chirurgicale.

RECTO-COLITE HEMORRAGIQUE :

“ Maladie au long cours atteignant le côlon en partie ou en totalité, prédominant à sa surface et à sa terminaison, évoluant par poussées successives entrecoupées de rémission et caractérisée au moment des poussées par un syndrome muco-hémorragique ” (Bensaude et Rachet, 1935).

De physiopathologie inconnue et probablement multifactorielle, la recto-colite hémorragique prédomine en Europe du Nord et en Amérique du Nord.

– Son taux d’incidence annuelle est de 5 pour 100 000, son taux de prévalence de 80 à 160 pour 100 000.

– Il n’y a pas de prédominance sexuelle, l’age moyen au début de la maladie est de 40 ans, avec deux pics de fréquence vers 25 ans et après 60 ans.

– Il existe une prédisposition familiale (dans 6 à 30 % des cas).

– Le risque de recto-colite hémorragique est plus important chez le non-fumeur et l’ancien fumeur.

Anatomie pathologique :

Distribution des lésions

– Atteinte rectale constante.

– Diffusion sans intervalle de muqueuse saine.

– Progression de proche en proche de manière ascendante sans atteinte de l’iléon.

– Lésions muqueuses, voire sous-muqueuses, épargnant musculeuse et séreuse.

Aspect des lésions

– Macroscopie :

– muqueuse hémorragique, débris nécrotiques, caillots sanguins.

– ulcérations de taille et de profondeur variable.

– Microscopie :

– muqueuse : lésions épithéliales constantes (vacuolisation, décollement, abrasion), trouble de la mucosécrétion (évocateur à distance d’une ulcération), abcès cryptiques (polynucléaires altérés et débris nécrotiques), chorion congestif, oedémateux, avec infiltrat inflammatoire polymorphe ;

– sous-muqueuse : inflammatoire, parfois micro-abcès.

– musculeuse : respectée sauf forme grave (infiltrats inflammatoires).

– séreuse : normale ou hypervascularisée.

– absence de fissure, de fistule, de granulome, d’hypertrophie ganglionnaire.

Circonstances de découverte :

La maladie débute de façon insidieuse ou brutale, révélée par des manifestations digestives et/ou extra-digestives.

Manifestations digestives

–  Signes d’appel :

– la rectorragie est le signe majeur : sang pur ou associé à l’émission de glaires ou de pus, de fréquence et d’abondance variables, parfois en dehors des selles.

– diarrhée inconstante, le plus souvent modérée (moins de 4 selles par jour) de type exsudatif. Le transit peut être normal (selles moulées) ou ralenti, la constipation étant fréquente dans les formes basses ;

– douleur abdominale inconstante, habituellement modérée, en cadre ou à type d’épreinte.

–  Syndromes révélateurs :

– syndrome rectal associant des émissions glairosanglantes, souvent afécales, à une constipation et à des faux besoins, sans douleur abdominale ni signes généraux.

– syndrome dysentérique associant émissions glairosanglantes, selles liquides, ténesme et épreintes.

– syndrome de colite aigue grave : signes digestifs sévères : émissions sanglantes et purulentes, douleur abdominale intense, ballonnement, arrêt du transit possible ; altération grave de l’état général : déshydratation, parfois collapsus, état septique, p‰leur intense, amaigrissement rapide.

Manifestations extra-digestives

Les manifestations extra-digestives sont rarement révélatrices de la maladie et évoluent parallèlement ou indépendamment des poussées évolutives de l’atteinte colique :

–  manifestations articulaires :

– périphériques : arthralgies simples ou oligoarthrites des grosses articulations (genoux, poignets, chevilles) d’évolution parallèle à l’atteinte digestive.

– axiales : sacro-iliite isolée souvent asymptomatique, sans prédominance sexuelle et non associée à l’antigène HLA B27, ou rhumatisme axial proche de la spondylarthrite ankylosante, prédominant chez l’homme, souvent associé à l’antigène HLA B27, d’évolution indépendante de l’atteinte digestive.

–  manifestations cutanées :

– érythème noueux, contemporain des poussées et guérissant sans séquelles ;

– Pyoderma gangrenosum pouvant persister même après colectomie ;

– aphtose buccale récidivante au moment des poussées ;

–  manifestations oculaires : iritis fréquente, à rechercher par examen à la lampe à fente en raison du risque de séquelles définitives.

Complications révélatrices

Complications le plus souvent associées au syndrome de colite aigue grave :

–  colectasie : dilatation colique aigue révélée par un ballonnement abdominal important et douloureux avec souvent ralentissement ou arrêt du transit et disparition des bruits hydro-aériques :

– la radiographie de l’abdomen sans préparation montre une augmentation du diamètre du côlon transverse (plus de 7 cm).

– le risque de perforation est majeur en cas de diamètre cæcal supérieur à 12 cm.

– les signes généraux sont intenses (fièvre, p‰leur, tachycardie).

– la survenue d’une colectasie pourrait être favorisée par une infection digestive, certains médicaments (ralentisseurs du transit), une hypokaliémie, un lavement baryté (contre-indiqué).

–  perforation colique : associée ou non à une colectasie, unique ou multiple, siégeant sur le sigmoïde ou le côlon transverse, elle est souvent et parfois sans pneumopéritoine ;

– hémorragie digestive grave, de survenue rare ;

syndrome subocclusif ou occlusion franche compliquant une maladie évoluée, négligée ou méconnue, et traduisant une sténose cicatricielle ou plus rarement un cancer colique ou rectal.

Eléments du diagnostic :

Diagnostic clinique

– Antécédents familiaux (5 à 15 % des cas).

– Poussées évolutives antérieures.

– Examen normal ou révélant une sensibilité colique en cadre ou prédominant à gauche, météorisme abdominal parfois.

– Absence de lésions ano-périnéales.

– Sang sur le doigtier au toucher rectal.

Examens biologiques

– Anomalies plasmatiques inconstantes reflétant la gravité de la poussée : anémie (inflammatoire ou ferriprive), syndrome inflammatoire, hypoalbuminémie, hypocholestérolémie.

– Examen des selles : absence de parasites, absence de germes spécifiques à la coproculture, présence d’hématies et de leucocytes.

Endoscopie

–  Examen capital et indispensable pour :

– le diagnostic positif.

– l’évaluation de l’extension et de la gravité des lésions.

– le diagnostic différentiel.

– la surveillance évolutive sous traitement.

– le dépistage des complications : dysplasie et cancer.

– Si la rectoscopie est toujours possible, la coloscopie doit être prudente et réalisée par un opérateur entraîné :

– le type de préparation (purges, lavements avec ou sans préparation) est fonction de la gravité de la poussée.

– elle est réalisée après la radiographie de l’abdomen sans préparation (recherche de colectasie, de pneumopéritoine…).

–  Caractères généraux des lésions :

– lésions distales constantes.

– extension vers l’amont pouvant concerner l’ensemble du cadre colique ;

– iléon normal ou congestif (sans ulcérations) en cas d’atteinte pancolique (iléite de reflux).

– lésions continues, circonférentielles, sans intervalle de muqueuse saine.

–  Lésions élémentaires :

– congestion et hémorragie : muqueuse rouge sombre, d’aspect granité ou framboisé, saignant en nappe spontanément ou au moindre contact, exsudat mucopurulent.

– ulcérations siègeant sur muqueuse pathologique, punctiformes, nombreuses et disséminées ou superficielles à contours géographiques ; parfois larges et creusantes, surtout sur le côlon (forme grave).

– pseudo-polypes correspondant à : des lots de muqueuse saine entre les ulcérations évolutives ou cicatrisées ; des bourgeons charnus (granulomes inflammatoires) ; des lambeaux de muqueuse décollée par des abcès profonds.

–  modifications des parois coliques : diminution ou disparition des haustrations (aspect tubulé) ; rétrécissement diffus du calibre et raccourcissement du côlon ; rétrécissement localisé possible (charnière rectosigmoïdienne surtout).

Histologie

Histologie (indispensable au diagnostic mais non spécifique) :

– caractères généraux : les lésions concernent principalement l’épithélium de surface et le chorion muqueux, la sous-muqueuse est en règle générale épargnée, il n’y a pas de granulome tuberculoïde.

– lésions actives :

– altérations de l’épithélium de surface : vacuolisation, décollement, abrasion ;

– altérations des glandes : dédifférenciation, troubles de la sécrétion (augmentée ou diminuée), abcès cryptiques multiples.

– lésions du chorion : congestion vasculaire intense, oedème, infiltrat inflammatoire polymorphe (lymphoplasmocytes, polynucléaires, parfois éosinophiles).

– sous-muqueuse normale ou congestive, oedème et infiltrat inflammatoire parfois.

– lésions quiescentes : atrophie des glandes, atrophie muqueuse, fibrose sous-muqueuse.

Radiologie

– Radiographie de l’abdomen sans préparation (indispensable surtout en urgence) recherchant :

– une dilatation colique.

– un pneumopéritoine.

– des lésions muqueuses (contraste gazeux) : paroi épaisse et nodulaire ;

– un double contour gazeux, ulcérations profondes ;

– des modifications morphologiques : disparition des haustrations, aspect tubulé et raccourcissement du côlon.

–  Lavement opaque (lavement baryté en double contraste pour étude de la muqueuse, lavement hydrosoluble en cas de poussée sévère) le plus souvent inutile :

– stade de début : hypotonie, diminution des haustrations et de la distensibilité, anomalies du relief muqueux (espace intermarginal granité ou réticulaire, bords spiculés).

– stade intermédiaire : ulcérations réalisant parfois une dissection intramurale avec image en double contour ; images en empreintes de pouce (oedème) ; pseudo-polypes ; aspect fusiforme du rectum, élargissement de l’espace présacré (supérieur à 1,5 cm).

– stade chronique : aspect rigide, tubulé, arrondissement des angles splénique et hépatique, diminution du calibre et de la longueur ; valvule iléo-cæcale béante avec reflux colo-grélique massif ; rétrécissement localisé et régulier (sténose en sablier).

Diagnostic de la recto-colite hémorragique

En l’absence de critères spécifiques, le diagnostic de la recto-colite hémorragique repose toujours sur un faisceau d’arguments et sur l’exclusion des autres causes de colite ulcérée. Il faut :

–  réunir les principaux arguments du diagnostic :

– anamnèse : contexte familial, évolution par poussées entrecoupées de rémission.

– clinique : rectorragies, absence de lésions ano-périnéales.

– topographie des lésions : constance et prédominance des lésions distales, continues et sans intervalle de muqueuse saine, exclusivement coliques (iléite de reflux possible).

– aspect des lésions : caractère hémorragique avec fragilité muqueuse au contact, atteinte histologique superficielle, avec abcès cryptiques (non spécifiques) et congestion vasculaire.

–  éliminer une colite ulcérée spécifique :

– infectieuse : examen parasitologique des selles, coprocultures, étude histologique. En cas de doute, un traitement anti-infectieux doit précéder la corticothérapie ;

– iatrogène : médicamenteuse ou radique, plus rarement toxique (lavements irritants) ;

– ischémique : lésions coliques segmentaires épargnant le rectum, début brutal, sujet agé et athéromateux.

–  distinguer la recto-colite hémorragique de la maladie de Crohn.

Diagnostic de gravité :

La gravité de la recto-colite hémorragique est fonction de l’extension et de l’activité des lésions.

Extension des lésions

– L’extension des lésions est évaluée par les examens morphologiques et les biopsies.

– L’intensité lésionnelle est maximale dans les territoires nouvellement atteints, les lésions recto-sigmoïdiennes pouvant être moins intenses.

– La première poussée intéresse :

– le rectum seul (proctite) : 30 %.

– le côlon jusqu’à l’angle gauche : 50 %.

– le côlon jusqu’à l’angle droit : 10 %.

– l’ensemble du cadre colique (pancolite) : 10 %.

Activité des lésions

– Critères d’évaluation clinique :

– nombre de selles sanglantes diurnes et nocturnes.

– douleurs abdominales en dehors des selles.

– météorisme important.

– signes généraux : fièvre, tachycardie, paleur.

– manifestations extra-intestinales aigues.

– Critères biologiques : baisse de l’hématocrite, hyperplaquettose, hypoalbuminémie, hyposidérémie.

– Radiographie de l’abdomen sans préparation : images en double contour, colectasie, anomalies pariétales coliques.

– Endoscopie :

– ulcérations creusantes, en puits.

– décollement ou abrasion de la muqueuse.

– extension des ulcérations.

– Evaluation de la gravité des poussées en trois classes, selon les critères de Truelove et Witts.

Évolution :

Modes évolutifs

– Évolution cyclique subaigue faisant alterner des poussées minimes ou modérées et des phases de rémission clinique (rémission anatomique complète rare). La fréquence des poussées évolutives est variable : une à plusieurs par an, ou intervalles libres de plusieurs années (70 à 80 %).

– Évolution subaigue chronique d’un seul tenant (dans 10 à 15 % des cas).

– Évolution aigue ou suraigue (10 à 15 %), inaugurale dans 20 % des cas. Les facteurs favorisant la survenue d’une poussée suraigue sont :

– l’extension des lésions lors de la première poussée.

– l’age (moins de 20 ans ou plus de 60 ans).

– et peut-être : infection digestive intercurrente, médicaments (lopéramide, codéine, anticholinergiques…), lavement baryté.

Pronostic

– Risque d’extension après 10 ans d’évolution :

– de la proctite : 32 % (vers le sigmoïde 15 %, vers le côlon gauche 12 %, pancolite 7 %).

– de la recto-colite gauche vers la pancolite : 30 %.

– Evolution après la première poussée :

– rémission clinique 80 %.

– évolution continue 10 %.

– chirurgie 3 à 5 %.

– mortalité 2 à 5 %.

– Complications à long terme : sténose (10 % des cas), cancer colo-rectal :

– le risque apparaît après 10 ans d’évolution, il est estimé à 15 % à 20 ans et à 30 % à 30 ans, en fonction de l’extension initiale de la maladie.

– adénocarcinome, parfois multifocal, de diagnostic souvent difficile (sténose, irrégularité muqueuse, rarement végétant) ;

– survenant sur dysplasie sévère qu’il faut dépister par coloscopie annuelle après 8 ans d’évolution d’une pancolite, après 10 à 15 ans d’évolution d’une recto-colite gauche.

Moyens thérapeutiques :

(Voir “ Moyens thérapeutiques dans les maladies inflammatoires de l’intestin ”.)

Traitement des poussées :

Rectite et recto-sigmoïdite

– La rectite et recto-sigmoïdite sont les indications électives des traitements locaux : lavements de 5 ASA (1 g/j) ou de corticoïdes non ou peu absorbables (Colofoam*, Proctocort*) pendant 4 à 6 semaines, puis diminution progressive.

– En cas de résistance : corticoïdes locaux résorbables (Betnesol*) ou corticothérapie orale.

Recto-colite en poussée légère à modérée

– Dérivés du 5 ASA par voie orale (mésalazine [Pentasa* ], 3 g/j ; olsalazine [Dipentum* ], 4 g/j).

– En cas de résistance : corticothérapie orale (prednisone, prednisolone), 0,75 à 1 mg/kg jusqu’à rémission clinique puis diminution progressive.

Poussée sévère

La colite aigue grave est une urgence médicochirurgicale qui nécessite une surveillance étroite dans une unité de soins intensifs :

– le traitement associe pendant 5 jours :

– nutrition parentérale totale.

– corticothérapie par voie parentérale (1 mg/j d’équivalent prednisone).

– antibiothérapie à large spectre couvrant les germes anaérobies, à discuter.

– conduite à tenir en fonction de l’évolution :

– aggravation durant cette période ou absence d’amélioration franche à l’issue des 5 jours : chirurgie (colectomie subtotale avec iléostomie et sigmoïdostomie).

– rémission clinique ou amélioration franche à l’issue des 5 jours : passage à la corticothérapie orale.

– l’indication opératoire peut être portée plus précocement en présence de critères endoscopiques de gravité.

Traitement d’entretien :

Le traitement d’entretien vise à prévenir les rechutes ou, plus rarement, à contrôler une maladie d’évolution chronique :

– maintien de la rémission indiquée en cas de recto-colite à poussées minimes ou modérées, discutable en cas de forme distale et bénigne si les poussées sont rares. Il fait appel aux dérivés du 5 ASA par voie orale (par exemple, mésalazine, 2 g/j) ou rectale (un lavement tous les 2 jours) en cas de forme basse.

– les formes chroniques continues relèvent avant tout de la chirurgie ou, à défaut, d’une corticothérapie prolongée (dose minimale possible), voire des immunosuppresseurs (par exemple : azathioprine, 6-mercaptopurine).

Indications chirurgicales :

En urgence

– Technique : colectomie presque totale avec iléostomie et sigmoïdostomie.

– indications :

– perforation.

– hémorragie non contrôlable.

– poussée sévère non améliorée après 5 jours de traitement.

– colectasie : chirurgie d’emblée ou après 48 à 72 heures de traitement médical intensif.

Chirurgie élective

– Techniques :

– colectomie avec anastomose iléo-rectale ou surtout iléo-anale.

– exceptionnellement proctocolectomie totale avec iléostomie (cancer rectal bas situé).

– Indications :

– formes chroniques non contrôlées par le traitement médical.

– intolérance ou mauvaise observance du traitement d’entretien.

– cancer ou dysplasie sévère.

MALADIE DE CROHN :

“ Maladie inflammatoire chronique d’étiologie inconnue pouvant atteindre n’importe quel segment du tube digestif mais préférentiellement l’iléon, le côlon et l’anus ” (Crohn, Ginzburg, Oppenheimer, 1932).

L’étiologie est inconnue mais l’intervention d’un facteur génétique est très probable (formes familiales, étude des jumeaux, fréquence plus importante chez les Juifs).

– La maladie de Crohn est plus fréquente en Europe septentrionale et en Amérique du Nord.

– le taux d’incidence annuelle varie de 3 à 6 pour 100 000, pour une prévalence se situant entre 30 et 100 pour 100 000.

– Le risque de maladie de Crohn est plus fort chez le fumeur, il existe une prédominance féminine (sex-ratio : 1,4), l’age moyen au début de la maladie varie entre 20 et 40 ans.

Anatomie pathologique :

Distribution des lésions

– Atteinte possible de tout le tube digestif de la bouche à l’anus.

– Lésions segmentaires et discontinues avec intervalles de zones saines.

– Lésions pariétales profondes, transmurales.

– Topographie :

– maladie de Crohn iléale, 30 à 40 %.

– maladie de Crohn iléo-colique, 30 à 50 %.

– maladie de Crohn colique pure, 15 à 25 %.

– localisations anales, 20 à 50 % (plus fréquentes dans les formes coliques).

– lésions duodéno-jéjunales, 4 %.

– lésions oesophagiennes et gastriques macroscopiques rares.

Aspect des lésions

– Macroscopie :

– érythème et œdème.

– ulcérations : aphtoïdes, en carte de géographie ou serpigineuses, longitudinales et transversales délimitant des lots de muqueuse saine (pavage).

– pseudo-polypes.

– épaississement pariétal, sclérolipomatose et adénopathies mésentériques inflammatoires.

– sténoses souvent courtes, plurifocales.

– fistules.

– Microscopie :

– ulcérations : aphtoïdes en regard d’un follicule lymphoïde, superficielles à fond inflammatoire, étroites et profondes pénétrant la musculeuse.

– infiltrat inflammatoire profond, polymorphe (lymphoplasmocytes, polynucléaires, parfois éosinophiles) réalisant des agrégats lymphoïdes et des granulomes épithéliogigantocellulaires (40 % des cas), mal organisés, jamais caséifiés.

– fibrose prédominant au niveau de la sous-muqueuse et au contact des fissures.

Manifestations digestives :

Les manifestations digestives sont nombreuses, parfois trompeuses, isolées ou associées entre elles et fonction de la topographie, de l’extension, de l’activité et du degré d’évolution des lésions.

Diarrhée

Fréquente, souvent révélatrice et presque constante au cours de l’évolution, la diarrhée est de caractère très variable et réalise différents tableaux :

– diarrhée fébrile d’évolution prolongée (plus de 10 jours), fécale, parfois sanglante, diurne et nocturne avec retentissement rapide sur l’état général.

– syndrome dysentérique ou rectal pur, caractérisé par des émissions glairosanglantes associées à des selles liquides, des épreintes, un ténesme et des faux besoins.

– diarrhée chronique hydroélectrolytique de caractère moteur, sécrétoire ou exsudatif.

– stéatorrhée, rare en l’absence de résection chirurgicale, traduisant habituellement une atteinte iléale longue ou parfois une colonisation bactérienne chronique du grêle.

Douleurs abdominales

Les douleurs abdominales sont également fréquentes et presque constantes au cours de l’évolution, de topographie, d’intensité et de type très variables réalisant différents syndromes :

– douleur subaigue ou chronique à type de colique abdominale en barre précédant et soulagée par l’émission de selles.

– douleur lancinante et fixe souvent localisée à la fosse iliaque droite (inflammation sévère, abcès).

– douleur intermittente post-prandiale péri-ombilicale ou hypogastrique associée à un ballonnement et des borborygmes, soulagée par l’émission de gaz et réalisant au maximum le syndrome de König (obstruction incomplète du grêle) ;

– syndrome appendiculaire atypique, d’évolution traînante et parfois associé à une diarrhée et à un syndrome de masse de la fosse iliaque droite ;

– douleur abdominale aigue révélatrice d’une complication chirurgicale.

Manifestations ano-périnéales

Les manifestations ano-périnéales sont fréquentes et révélatrices dans 25 % des cas.

Elles peuvent précéder les autres manifestations digestives de la maladie et constituent un argument diagnostique majeur.

On distingue :

– des lésions d’apparence banale (et trompeuse) mais peu douloureuses, d’évolution torpide et récidivante :

– fissures de topographie inhabituelle.

– fistules avec oedème important et induration.

– aspect condylomateux de la marge anale.

– des lésions graves plus évocatrices :

– suppuration anale.

– fistule complexe, à trajets multiples.

– ulcérations creusantes et délabrantes.

Complications

Les complications sont parfois révélatrices, mais rarement inaugurales car elles compliquent souvent une maladie de Crohn méconnue ou négligée évoluant depuis plusieurs mois ou années :

– syndrome occlusif par obstacle mécanique de nature inflammatoire ou fibreuse cicatricielle.

– syndrome de colite aigue grave avec météorisme important par colectasie aigue (voir recto-colite hémorragique).

– syndrome péritonéal :

– péritonite aigue généralisée par perforation en péritoine libre (rare).

– péritonite localisée traduisant un abcès profond parfois compliqué de fistules internes ou plus rarement externes (notamment après appendicectomie). Deux localisations sont fréquentes : l’abcès de la fosse iliaque droite et l’abcès du cul-de-sac de Douglas.

– hémorragie digestive grave, rare au cours de la maladie de Crohn.

– cancer iléal ou surtout colique exceptionnellement révélateur.

Autres circonstances de découverte :

Manifestations générales

Les manifestations générales sont fréquentes et d’intensité variable en fonction de la gravité des poussées et du degré d’évolution de la maladie.

Elles sont habituellement associées aux manifestations digestives et parfois au premier plan.

– L’altération de l’état général peut être en rapport avec :

– le syndrome inflammatoire satellite des poussées évolutives.

– le retentissement hydroélectrolytique de cette diarrhée.

– une complication évolutive aigue.

– un syndrome carentiel par malabsorption d’origine intestinale.

– Signes généraux :

– asthénie, anorexie, amaigrissement.

– fièvre modérée, plus rarement importante, parfois prolongée et isolée.

Manifestations extra-intestinales

Les manifestations extra-intestinales sont présentes dans environ 25 % des cas et plus fréquentes en cas d’atteinte colique (40 %).

Elles peuvent être inaugurales et évoluent parallèlement ou indépendamment de l’atteinte digestive.

– Les plus fréquentes sont articulaires (20 %), cutanées (5 %), oculaires (5 %), et de nature identique à celles décrites pour la recto-colite hémorragique.

– Elles sont parfois associées entre elles (6 %) : iritis et/ou érythème noueux présent chez 50 % des patients présentant un rhumatisme périphérique accompagnant une maladie de Crohn colique.

Eléments du diagnostic :

Diagnostic clinique

– Antécédent familial (atteinte d’un parent au premier degré dans 5 à 10 % des cas).

– Notion de manifestations digestives antérieures intermittentes.

– Sensibilité ou douleur abdominale localisée, masse abdominale.

– Lésions ano-périnéales (argument important).

Biologie

Anomalies fréquentes mais non spécifiques des résultats de la biologie :

– syndrome inflammatoire, orientant vers l’organicité.

– retentissement hydroélectrolytique : hémoconcentration, hypokaliémie.

– syndrome carentiel, invitant à rechercher un syndrome de malabsorption (tests au D-Xylose, de Schilling…).

– examen des selles (parasitologie, bactériologie) utile pour le diagnostic différentiel en sachant qu’une entérite infectieuse ou parasitaire peut révéler la maladie de Crohn. L’examen montre souvent la présence de leucocytes et d’hématies.

Endoscopie

– Coloscopie montrant des ulcérations :

– aphtoïdes de quelques millimètres de diamètre, à fond jaun‰tre et entourées d’un halo érythémateux sur fond de muqueuse saine ; elles sont parfois précédées de petites plaques érythémateuses à peine surélevées.

– superficielles ou plus profondes, entourées d’une réaction oedémateuse importante ;

– fissuraires, longitudinales ou transversales, réalisant un aspect de pavage évocateur (« cobble stone »).

– Muqueuse intercalaire d’aspect normal, parfois congestive, rarement fragile et hémorragique.

– Aspect atrophique, lisse et p‰le, avec zones déprimées (aspect cicatriciel).

– Relief pavimenteux, nodulaire, plus fréquent que les pseudo-polypes.

– Atteinte de la valvule iléo-cæcale, de l’iléon terminal, inconstante mais évocatrice.

Biopsies

– Biopsies coliques dirigées sur les lésions macroscopiques mais également sur muqueuse d’aspect normal, complétées par des biopsies gastriques et duodénales.

– Aucune lésion n’est spécifique, les plus évocatrices étant :

– l’infiltrat inflammatoire polymorphe, intense, et profond dépassant la lamina propria.

– la présence de granulomes épithéliogigantocellulaires (25 à 40 %) et d’agrégats lymphoïdes profonds et nombreux (18 %).

– l’existence de fissures profondes pénétrant la sous-muqueuse.

– les anomalies architecturales des cryptes glandulaires (48 %).

– la conservation de la mucosécrétion à distance des ulcérations.

Radiologie

–  Transit de l’intestin grêle (anomalies discontinues, étagées, asymétriques) :

– plis épaissis, rectilignes, parallèles entre eux et perpendiculaires à la lumière, traduisant l’oedème muqueux et sous-muqueux.

–  ulcérations : petites et spiculaires, pseudo-diverticulaires par atteinte asymétrique (bords mésentériques) et pavage.

–  sténoses réalisant au niveau de la dernière anse iléale la triade de Bodart qui associe un segment distal rétréci (ficelle iléale inextensible, étroite et rigide), un segment intermédiaire asymétrique (bord mésentérique rigide et curviligne, bord anti-mésentérique festonné) et un segment proximal dilaté.

– fistules, parfois difficiles à mettre en évidence.

–  Lavement baryté (moindre intérêt) : lacunes marginales (empreintes de pouce) et ulcères d’aspect variable (spiculés en timbre-poste, profonds en bouton de chemise, pavage).

–  TDM abdominale, utile pour l’étude d’une masse abdominale, pour montrer l’épaississement pariétal du grêle.

Diagnostic de la maladie de Crohn :

Arguments importants

– Anamnèse :

– contexte familial.

– notion d’évolution chronique intermittente.

– Clinique :

– lésions ano-périnéales.

– masse abdominale.

– Topographie :

– lésions segmentaires plurifocales, pouvant intéresser tous les segments du tube digestif.

– valeur importante de l’atteinte du grêle et de l’anus.

– Infiltrat inflammatoire polymorphe, profond, granulomes épithélio-giganto-cellulaires.

– Fistules.

Diagnostic différentiel

Diagnostic différentiel (à discuter en fonction de la topographie de l’atteinte) :

– l’atteinte colique fait discuter les autres causes de colite ulcérée.

– l’atteinte iléale doit faire discuter particulièrement :

– une yersiniose.

– une tuberculose.

– un lymphome.

– une maladie de Behçet.

– une atteinte ischémique (vascularites notamment).

– rarement une jéjuno-iléite sténosante multifocale non granulomateuse.

Distinction entre maladie de Crohn et recto-colite hémorragique.

Diagnostic de gravité :

Extension des lésions

– Coloscopie totale avec iléoscopie.

– Examen proctologique soigneux (parfois sous anesthésie).

– Endoscopie digestive haute (biopsies : microgranulomes gastriques dans 30 % des cas).

– Transit baryté de l’intestin grêle.

– Parfois, entéroscopie.

Retentissement métabolique et nutritionnel

– Désordres hydroélectrolytiques.

– Syndrome carentiel, de signification non univoque : carence d’apport, déperdition, malabsorption.

– Lithiase biliaire : diminution du pool des acides biliaires par malabsorption iléale.

– Lithiase rénale oxalique, par hyperabsorption de l’acide oxalique.

Etude du mécanisme de la diarrhée

Etude du mécanisme de la diarrhée, parfois nécessaire dans un but thérapeutique ; le dosage des graisses fécales permet schématiquement de distinguer :

– la diarrhée avec stéatorrhée qui fait discuter :

– une pullulation microbienne intestinale par syndrome de l’anse stagnante ou reflux colo-grélique.

– une atteinte pariétale, duodéno-jéjunale (test au D-Xylose, endoscopie), ou iléale longue (test de Schilling, 75 Se HCAT).

– une entéropathie exsudative rarement au premier plan mais aggravant l’hypoprotidémie.

– la diarrhée sans stéatorrhée, de mécanisme également complexe :

– diarrhée exsudative par lésions étendues et/ou profondes.

– diarrhée motrice et sécrétoire par atteinte iléale courte.

– diarrhée sécrétoire par sténose colique localisée.

Activité de la maladie

Les critères sont cliniques, biologiques, endoscopiques et histologiques.

Il faut connaître la possibilité de dissociations anatomocliniques, des lésions endoscopiques pouvant être constatées en l’absence de toute symptomatologie.

Des scores cliniques ou biologiques sont proposés :

– score de Best, score de référence (“ Crohn disease activity index ”[CDAI]).

– score de Harvey et Bradshaw, de réalisation simple.

En pratique et comme pour la recto-colite hémorragique, on distingue trois degrés d’activité (minime, modérée et sévère) ainsi qu’une phase quiescente. Différents degrés d’activité peuvent coexister en des sites différents.

Complications évolutives

Complications évolutives (autres que les complications aigues) :

– fistules : entéro-entérales, entéro-vésicales, entéro-génitales ;

– lésions périnéales, source d’un handicap parfois majeur ;

– sténose digestive d’expression parfois trompeuse ou discrète (diarrhée) ;

– complications urinaires et rénales : hydronéphrose par compression urétérale (droite), lithiase oxalique.

– amylose, complication rare et tardive.

– cancer : adénocarcinome, parfois sarcome, touchant le grêle, le côlon, le rectum. Complication rare de la maladie de Crohn, dont le risque est cependant supérieur à celui de la population générale.

Évolution et pronostic :

Histoire naturelle

Évolution chronique faisant alterner des phases d’activité et des phases d’amélioration, voire de rémission clinique complète.

Le profil évolutif, imprévisible au moment de la première poussée, est caractérisé par deux critères :

– la fréquence des poussées :

– poussées récurrentes avec alternance de poussées et de rémissions.

– évolution monophasique avec symptomatologie persistante plus ou moins intense.

–  l’agressivité des poussées :

– maladie de Crohn perforante : abcès, fistules, perforations.

– maladie de Crohn sténosante : occlusion.

On distingue globalement deux grands types de profils évolutifs :

–  profil A :

– maladie de Crohn d’évolution rapide à poussées fréquentes, nécessitant le recours précoce et répété à la chirurgie en raison des récidives postopératoires ;

– le pronostic est mauvais.

–  profil B :

– maladie de Crohn d’évolution lente, à poussées rares, aboutissant progressivement à la constitution de lésions sténosantes, récidivant peu après la chirurgie.

– le pronostic est meilleur.

Evolution après traitement chirurgical

– 90 % des patients sont opérés au moins une fois (40 % à 5 ans, 80 % à 20 ans).

– Le taux de récidive (ou de rechute) après exérèse est de 30 % à 5 ans, 50 % à 10 ans et de 60 % à 15 ans.

– Le risque de récidive est :

– plus important en cas de début précoce (avant 25 ans), de délai court entre le début des symptômes et la première intervention, de topographie iléo-colique ou grélique étendue, d’intervention pour perforation.

– moins important en cas : d’iléite terminale isolée (moins de 30 cm) où la récidive est rare ou de colite pure, traitée par proctocolectomie avec iléostomie (“ guérison ”possible).

Pronostic

– Pronostic difficile à fixer au cours de la première poussée :

– rémission spontanée possible des poussées minimes ou modérées (30 %).

– rémission sous traitement en 6 semaines (90 %).

– récidive à 1 an après mise en rémission (50 %).

– Après 3 ans d’évolution, le profil de la maladie (A ou B) peut être précisé, et doit être pris en compte dans les choix thérapeutiques notamment en ce qui concerne le risque de récidive postopératoire.

– Mortalité globale légèrement supérieure à celle de la population générale (5 à 10 %), par :

– complications postopératoires.

– sepsis.

– embolie pulmonaire.

– effets secondaires de la corticothérapie.

– autres : amylose…

– Morbidité importante et handicap sérieux dus notamment aux :

– poussées évolutives.

– hospitalisations nécessaires.

– interventions chirurgicales.

– complications iatrogènes.

– séquelles.

– L’importance de cette morbidité suffit à expliquer les troubles psychologiques que présentent certains patients. La maladie de Crohn n’est pas une maladie psychosomatique (R. Modigliani).

– La prise en charge de la maladie de Crohn ne saurait se concevoir sans une disponibilité totale et une compétence particulière de l’équipe soignante.

– Il faut également souligner l’action menée par l’Association François-Aupetit (hôpital Rothschild).

Moyens thérapeutiques :

(Voir “ Moyens thérapeutiques dans les maladies inflammatoires de l’intestin ”.)

Indications thérapeutiques :

Traitement initial des poussées non compliquées

– Poussée légère :

– traitement symptomatique de la douleur et de la diarrhée (Ultralevure*,…).

– compensation des désordres hydroélectrolytiques et des carences.

– maintien impératif d’un apport calorique suffisant.

– régime sans fibres, exclusion du lactose.

– 5 ASA (3 à 4 g/j) dans les formes iléales ou iléo-coliques droites.

– métronidazole ou ciprofloxacine (Oflocet*) dans les localisations ano-périnéales.

– Poussée modérée à sévère : prednisone 1 mg/kg/j jusqu’à rémission clinique (4 à 6 semaines).

– Poussée très sévère :

– le syndrome de colite aigue grave par maladie de Crohn est traité de la même façon qu’au cours de la recto-colite hémorragique (voir recto-colite hémorragique) ;

– la nutrition parentérale totale possède ici un intérêt particulier par son effet propre sur l’évolution de la maladie.

Traitement ultérieur en fonction de l’évolution

– Rémission clinique (92 % des cas) :

– diminution progressive de la corticothérapie en 2 mois, puis sevrage.

– 5 ASA prescrit au long cours à titre préventif des rechutes, à discuter en fonction de la fréquence, de la gravité, du risque de séquelles des poussées évolutives (et de leur traitement chirurgical éventuellement nécessaire).

– Corticorésistance (8 %) :

– absence d’amélioration après 4 semaines de corticothérapie à dose efficace ;

– possibilités thérapeutiques : augmentation de la corticothérapie à 1,5 mg/kg si la tolérance est correcte ; nutrition parentérale totale (efficace dans 80 % des cas) ou nutrition entérale en l’absence de lésions gréliques majeures ; chirurgie, si peu mutilante ; méthotrexate (efficacité à confirmer).

– Corticodépendance (17 %) :

– rechute pendant la phase de décroissance de la corticothérapie ou dans les 3 mois qui suivent son arrêt, correspondant souvent à une maladie de Crohn chronique active.

– moyens thérapeutiques : maintien de la corticothérapie, si efficace à dose inférieure à 15 mg/j ; chirurgie, si peu mutilante ; immunosuppresseurs : azathioprine (Imurel*) ou 6-mercaptopurine à maintenir pendant plusieurs années (effet suspensif).

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical a pour but de traiter les complications ou les échecs du traitement médical, en le “ réséquant ” moins possible.

– Méthodes :

– résection segmentaire de l’intestin grêle.

– iléo-colectomie droite.

– colectomie subtotale avec anastomose iléo-rectale.

– proctocolectomie totale avec iléostomie définitive.

– sticturoplasties en cas de sténoses, notamment multiples.

– chirurgie proctologique.

– Indications urgentes et impératives : perforations.

– Indications de nécessité :

– occlusion parfois après tentative de traitement médical (aspiration et traitement médical de la poussée) destiné à lever la composante inflammatoire potentiellement réversible.

– hémorragie non contrôlable.

– abcès et fistules internes.

– Indications électives :

– échec du traitement médical (corticodépendance à haut niveau, corticorésistance parfois).

– mauvaise tolérance ou non-observance du traitement médical.

Cas particuliers

– Lésions anales :

– chirurgie : abcès, fistules.

– traitement médical parfois : métronidazole, ciprofloxacine, azathioprine.

– Femmes enceintes : traitement identique sauf pour métronidazole, à proscrire ; azathioprine, prescription possible.

– Les manifestations extra-digestives nécessitent parfois un traitement spécifique (AINS utiles en cas de manifestations articulaires).

Cause colique avec coloscopie normale :

Trois entités définissent ce cadre original où l’absence de lésions macroscopiques à l’exploration endoscopique contraste avec la présence de lésions microscopiques, témoignant d’une atteinte organique, et justifie le recours systématique à des biopsies coliques étagées lors de l’exploration d’une diarrhée chronique.

Ce sont les colites collagène et lymphocytaire et l’entérocolite cryptique à éosinophiles.

Colite collagène et colite lymphocytaire :

La colite collagène et la colite lymphocytaire sont deux entités anatomocliniques d’étiologie inconnue et de diagnostic exclusivement histologique, qui représentent probablement deux aspect différents d’une même maladie (passage possible de la colite lymphocytaire à la colite collagène).

Elles prédominent chez la femme (sex-ratio : 4) autour de la cinquantaine et sont souvent associées à des affections dysimmunitaires :

– thyroïdites.

– polyarthrite rhumatoïde.

– diabète de type I (colite collagène surtout).

Aspect clinique

– Diarrhée chronique hydroélectrolytique d’abondance variable et de type sécrétoire (persistante à l’épreuve du jeûne) :

– faite en moyenne de cinq à six selles par jour ;

– diurnes et nocturnes, souvent impérieuses avec parfois incontinence.

– Absence habituelle d’altération de l’état général et de manifestations digestives associées.

Diagnostic

–  Coloscopie :

– en règle normale (ou montrant exceptionnellement un aspect congestif et fragile de la muqueuse), elle permet d’éliminer les autres causes coliques de diarrhée chronique ;

– les biopsies coliques étagées, indispensables dans un contexte de diarrhée chronique, permettent le diagnostic.

Histologie

–  Colite collagène :

– épaississement (plus de 10 µ) de la couche collagène située sous l’épithélium de surface, de topographie diffuse mais touchant préférentiellement le côlon proximal, le recto-sigmoïde pouvant être épargné dans 40 % des cas ;

– il n’y a pas de corrélations entre l’épaisseur de la couche collagène et la sévérité de la diarrhée ;

– cet épaississement s’associe à des lésions épithéliales minimes et surtout à un infiltrat inflammatoire du chorion (lymphocytes, plasmocytes, polynucléaires éosinophiles, mastocytes).

–  Colite lymphocytaire :

– absence d’épaississement de la bande collagène sous-épithéliale.

– infiltrat inflammatoire constant et polymorphe du chorion (lymphocytes, macrophages, polynucléaires neutrophiles), l’épithélium de surface pouvant être infiltré par des polynucléaires neutrophiles ;

– distribution homogène sur tout le cadre colique.

Traitement

– Salazosulfapyridine (4 g/j), ou dérivés du 5 ASA (2 à 4 g/j).

– Corticothérapie (5 à 40 mg/j d’équivalent prednisone).

– Métronidazole, cholestyramine (Questran*) plus rarement.

Évolution

– Évolution spontanément favorable parfois.

– Le traitement est proposé dans les formes persistantes, il n’est efficace que dans 50 % des cas mais parfois de façon spectaculaire avec disparition de la diarrhée chronique en quelques jours.

Entérocolite péricryptique à éosinophiles :

L’entérocolite péricryptique à éosinophiles est une affection rare et différente de la gastro-entérite à éosinophiles par l’absence de terrain atopique et la distribution des lésions histologiques.

Elle prédomine chez la femme autour de la cinquantaine, et est souvent associée à une connectivite (50 %).

Diagnostic

– Aspect clinique :

– diarrhée chronique de type sécrétoire avec des selles fréquentes (plus de 10/j) et abondantes (plus de 500 g/j), d’évolution continue ou intermittente ;

– parfois associée à des douleurs abdominales, l’état général étant habituellement conservé.

–  Biologie : hyperéosinophilie (600 à 3 500 polynucléaires neutrophiles par mm3).

–  Coloscopie : normale, intérêt des biopsies étagées systématiques :

– infiltrat inflammatoire de la lamina propria et de la musculaire muqueuse par des cellules mononuclées et des polynucléaires éosinophiles.

– sans anomalie de l’épithélium ou des cryptes.

Traitement

– Ralentisseurs du transit.

– Corticothérapie (0,5 à 1 mg/kg/j) en association avec l’aziathioprine (efficace dans 70 % des cas).

Causes tumorales :

POLYPOSES RECTO-COLIQUES :

Parmi les différentes polyposes recto-coliques, seuls la polypose adénomateuse familiale et le syndrome de Cronkhite-Canada s’accompagnent de façon habituelle d’une diarrhée chronique.

Polypose adénomateuse familiale :

La polypose adénomateuse familiale est une maladie héréditaire à transmission autosomique dominante dont le gène (“ adenomatous polyposis coli ”[APC]) est situé sur le bras long du chromosome 5 (5 q21).

Elle est due au développement d’adénomes multiples (plus de 100) apparaissant à la puberté et évoluant de façon inéluctable vers la dégénérescence maligne vers l’age de 40 ans.

Diagnostic

– Anamnèse.

– Manifestations cliniques longtemps absentes, leur apparition fait craindre une dégénérescence maligne :

– rectorragie 70 %.

– diarrhée 50 % (sécrétoire).

– douleur abdominale 30 %.

– Coloscopie : polypes multiples et disséminés :

– prédominant initialement sur le rectum et le côlon gauche.

– puis intéressant l’ensemble du cadre colique et réalisant au maximum l’aspect en.

– Histologie : polypes adénomateux, tubuleux (73 %), plus rarement tubulo-villeux ou villeux pur.

Lésions extra-coliques

Les lésions extra-coliques sont fréquentes :

–  polypes du tractus digestif supérieur (endoscopie impérative) :

– polypes gastriques (60 %) glandulo-kystiques sans potentiel malin du fundus (50%) ou adénomateux antraux (10 %) avec risque de dégénérescence (2 %).

– polypes duodénaux (86 %), de nature adénomateuse avec risque de dégénérescence élevé, pouvant intéresser particulièrement l’ampoule de Vater.

–  tumeurs desmoïdes fibreuses (12 %), plus fréquentes chez la femme, de localisation abdominale (paroi, mésentère, espace rétropéritonéal) et survenant préférentiellement après colectomie (70 %). Reconnues par la tomodensitométrie abdominale, elles évoluent de façon locorégionale, sans potentiel métastatique à distance.

–  autres lésions :

– kystes sébacés (53 %).

– ostéomes et anomalies dentaires (plus de 80 %).

– hypertrophie congénitale de l’épithélium pigmentaire rétinien (80 %) d’intérêt majeur pour le dépistage.

– néoplasie extra-digestive : cancer papillaire de la thyroïde, hépatoblastome, tumeurs du système nerveux central.

Traitement

– Coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale.

– Surveillance endoscopique régulière du tractus digestif supérieur.

Dépistage

– Examen de la rétine et radiographie de la mandibule (ostéome) chez l’enfant.

– Rectoscopie et coloscopie régulières après l’age de 15 ans.

– Détection directe de l’anomalie génétique par biologie moléculaire actuellement disponible.

Syndromes apparentés

Syndromes apparentés (par mutation du gène APC) : syndromes de Gardner et de Turcot.

Syndrome de Cronkhite-Canada :

Le syndrome de Cronkhite-Canada est une affection rare, non familiale, qui associe :

– une polypose gastro-intestinale diffuse (estomac, grêle, côlon) de type juvénile avec, en plus, un infiltrat inflammatoire et une dilatation kystique de la muqueuse intercalaire.

– des lésions cutanéo-phanériennes :

– hyperpigmentation cutanée.

– alopécie.

– onychodystrophie.

Clinique :

– diarrhée de mécanisme complexe : déficit en disaccharidases, colonisation bactérienne chronique du grêle, entéropathie exsudative.

– douleurs abdominales.

– altération de l’état général, amaigrissement.

Biologie : anémie, hypoprotidémie.

Diagnostic :

– coloscopie, endoscopie digestive haute et transit du grêle (ou entéroscopie) ;

– polypose diffuse de type juvénile à l’histologie, avec lésions de la muqueuse intercalaire (voir supra).

Evolution sévère :

– cancer dans 10 % des cas.

– hémorragie, invagination intestinale aigue

– dénutrition.

Traitement :

– absence de traitement spécifique.

– traitement symptomatique et assistance nutritionnelle.

TUMEURS VILLEUSES RECTO-COLIQUES :

Définition : prolifération de l’épithélium de surface du côlon et du tissu conjonctif sous-jacent, à potentialité maligne (20 à 40 %) ; les tumeurs villeuses représentent 2 à 5 % de l’ensemble des tumeurs recto-coliques. L’age moyen au moment du diagnostic est de 60 ans (55 à 80 ans) sans prédominance sexuelle.

Manifestations cliniques

– La symptomatologie fonctionnelle est riche dans plus de 80 % des cas : écoulement mucoglaireux fréquent et évocateur, parfois diarrhée hydrique (dilution).

– Le retentissement hydroélectrolytique est fonction de la taille de la lésion, les pertes liquidiennes pouvant atteindre 2 à 3 l/j sont parfois responsables d’une hypokaliémie parfois sévère, menaçant le pronostic vital.

Diagnostic

–  Toucher rectal souvent normal même en cas de localisation rectale (caractère mou et fuyant de la tumeur).

–  Endoscopie :

– parfois gênée par une abondante sécrétion, elle précise la taille, la localisation et la base d’implantation de la tumeur.

– aspect macroscopique souvent frangé, bigarré, rosé, parfois plus trompeur (polype banal, lésion ulcérée voire hémorragique).

–  Histologie :

– participation glandulaire constante, hypertrophie et disposition anarchique des villosités centrées par un axe conjonctif.

– cellules claires à mucus responsables de l’hypersécrétion.

– cellules dédifférenciées en nombre variable ; la malignité est parfois difficile à affirmer sur une biopsie ou sur une pièce d’exérèse incomplète (30 % de faux négatifs).

Traitement

– Le traitement doit réaliser l’exérèse totale de la lésion tout en étant le moins mutilant possible.

– Moyens thérapeutiques :

– exérèse chirurgicale complète, qui permet une étude histologique soigneuse ;

– destruction par radiothérapie locale, électrocoagulation, cryochirurgie ou laser.

– L’échoendoscopie, qui apprécie l’envahissement locorégional, permet d’orienter au mieux le choix thérapeutique.

– Coloscopie totale préalable indispensable.

– Le risque de récidive (10 à 30 %) justifie une surveillance endoscopique ultérieure régulière.

AUTRES TUMEURS :

Toutes les tumeurs (et pseudo-tumeurs) du côlon peuvent être responsables d’une diarrhée persistante, par un mécanisme exsudatif quand elles sont ulcérées, ou sécrétoire quand elles sont responsables d’une sténose.

La diarrhée est le plus souvent associée à d’autres manifestations cliniques (douleur abdominale, rectorragie…).

Maladies rares du côlon :

Pneumatose kystique intestinale :

La pneumatose kystique intestinale est une affection rare, caractérisée par l’existence de cavités remplies de gaz, mesurant de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre et situées sous la muqueuse ou sous la séreuse de l’intestin grêle et du côlon.

Elle intéresse plus rarement l’estomac, le mésentère ou l’épiploon.

Primitive et d’origine inconnue dans 20 % des cas, elle peut être associée à une autre affection digestive (maladies chroniques inflammatoires intestinales, sténose pylorique) ou pulmonaire (broncho-pneumopathie chronique obstructive), et pourrait être exceptionnellement provoquée par un geste endoscopique.

Diagnostic :

– manifestations cliniques inconstantes et non spécifiques : diarrhée, douleur abdominale, vomissement, météorisme, rectorragie (atteinte recto-sigmoïdienne).

– radiographie de l’abdomen sans préparation : clartés aériques arrondies, dispersées ou regroupées en grappes.

– endoscopies (coloscopie, gastroscopie) : aspect polypoïde plus ou moins diffus, surélévation en “ vessie de poisson ” dont la biopsie provoque un bruit d’éclatement caractéristique.

– lavement baryté : relief nodulaire, échancrures des bords.

Traitement :

– forme asymptomatique : abstention thérapeutique.

– forme symptomatique : oxygénothérapie hyperbare, métronidazole (efficacité inconstante), chirurgie dans certains cas.

Colitis cystica profunda :

La Colitis cystica profunda est une maladie rare, définie par la présence de kystes plus ou moins volumineux localisés dans la musculaire muqueuse, à parois propres et contenant un matériel gélatineux (mucus).

Elle est souvent associée et sans doute secondaire à d’autres maladies ulcéreuses du côlon et du rectum (recto-colite hémorragique, ulcère solitaire) dont la symptomatologie est au premier plan.

Le diagnostic histologique est fourni par les biopsies des ulcérations (et de leurs berges).

Le seul traitement est celui de l’affection causale.

Malakoplakie :

La malakoplakie est une maladie rare d’étiopathogénie inconnue et associée dans 80 % des cas à un cancer (notamment colo-rectal) ou à un déficit immunitaire congénital ou acquis.

Elle intéresse le côlon dans sa totalité et parfois les ganglions intra-abdominaux.

Diagnostic :

– clinique :

– souvent asymptomatique et de découverte fortuite, à l’occasion d’une endoscopie ou d’un lavement baryté.

– parfois responsable de diarrhée chronique ou de rectorragie ;

– coloscopie : plaques jaun‰tres de taille variable disséminées sur la paroi colique, molles avec ulcérations centrales.

– histologie (diagnostic difficile) : infiltration de la muqueuse, de la sous-muqueuse, des ganglions, par des macrophages contenant des inclusions intracytoplasmiques.

Evolution :

– sévère en cas de malakoplakie isolée avec décès dans 50 % des cas, en rapport avec des complications (abcès, fistule).

– guérison possible sous traitement.

Traitement :

– de l’affection associée quand il est possible : chirurgie colique d’exérèse ;

– malakoplakie isolée :

– acide ascorbique associé à une antibiothérapie (sulfaméthoxazole-thriméthoprime ou ciprofloxacine).

– chirurgie, en cas d’échec du traitement médical.

Diarrhée par sténose colique non tumorale :

La sténose colique incomplète et non tumorale réalise un “ syndrome anatomoclinique ”  qui, indépendamment de sa cause, présente une certaine unité :

–  physiopathologique : diarrhée de mécanisme sécrétoire prédominant.

–  clinique : douleur abdominale et troubles du transit (constipation/diarrhée).

–  évolutive : complication tardive, parfois révélatrice.

–  morphologique : sténose d’aspect souvent régulier.

–  histologique : contribution inconstante des biopsies muqueuses.

Sténose d’origine radique :

La colite radique, plus rare que l’entérite radique à laquelle elle est souvent associée, survient dans 5 % des cas à 5 ans pour une irradiation de 45 Gy et, dans 25 à 50 % des cas, à 5 ans pour une dose maximale de 65 Gy.

Diagnostic :

– clinique :

– douleur abdominale, rectorragie, syndrome occlusif.

– diarrhée chronique possible, de type exsudatif, ou sécrétoire en cas de sténose.

– coloscopie :

– aspect atrophique et p‰le de la muqueuse, avec télangiectasies disséminées, plus rarement hémorragiques.

– sténose cicatricielle à un stade évolué.

– histologie :

– biopsies prudentes (cicatrisation difficile).

– lésions vasculaires (endartérite, endophlébite oblitérante extensive), oedème, fibrose.

Traitement :

– chirurgie en cas de complications (hémorragie massive, occlusion sur sténose).

– médical :

– régime sans résidus.

– anti-inflammatoires par voie locale : lavements de corticoïdes ou de mésalazine.

Sténose d’origine ischémique :

La colite ischémique, dans sa forme non gangréneuse, peut être responsable d’une diarrhée chronique de type sécrétoire en cas d’évolution sténosante.

Diagnostic :

– anamnèse :

– contexte : sujet agé, athérosclérose, cardiopathies emboligènes…

– antécédents de colite ischémique aigue, documentée ou non (douleur abdominale, rectorragies…).

– coloscopie :

– sténose régulière, fusiforme ou tubulée avec induration pariétale et parfois ulcérations nécrotiques grisatres.

– topographie segmentaire répondant à un territoire vasculaire intéressant : le côlon gauche et le sigmoïde dans 75 % des cas, le côlon transverse dans 13 % des cas et le rectum dans 5 % des cas.

– histologie :

– les biopsies (prudentes) montrent des lésions d’age et d’intensité différentes.

– suffusions hémorragiques, microthromboses vasculaires, sidérophages.

Traitement :

– chirurgie vasculaire de reperméabilisation de l’artère mésentérique inférieure, si possible, et avant la survenue des complications ;

– colectomie segmentaire en cas de complications (hémorragies, perforations).

Sténoses d’origine inflammatoire :

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

– La maladie de Crohn et la recto-colite hémorragique peuvent se compliquer de sténoses coliques, de nature inflammatoire et/ou fibreuse.

– Leur topographie est variable, elle prédomine sur le côlon distal (charnière recto-sigmoïdienne) au cours de la recto-colite hémorragique.

– A un stade évolué l’ensemble du côlon peut être rétréci (microcolie).

Diverticulose colique

– La diverticulose colique peut être responsable d’une sténose sigmoïdienne dans la majorité des cas, en cas de poussées évolutives aigues répétées et/ou négligées.

– Le diagnostic repose sur l’anamnèse, la topographie lésionnelle, l’association à des diverticules multiples.

– Le lavement baryté (hydrosoluble en cas de doute sur une complication aigue) trouve ici l’une de ses meilleures indications.

– Le traitement est chirurgical.

Sténoses recto-coliques médicamenteuses :

Colite ulcérée iatrogène

Une sténose colique peut être la conséquence d’une colite ulcérée iatrogène, notamment provoquée par les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Il s’agit parfois de sténoses courtes en diaphragme, compliquant une ulcération isolée d’origine médicamenteuse, tout particulièrement au niveau du côlon droit.

Rectites médicamenteuses

L’usage inconsidéré et répété, le plus souvent en automédication (parfois non signalé, voire dissimulé) de certains suppositoires est responsable de rectites ulcérées, parfois nécrosantes pouvant évoluer vers la constitution de sténoses rectales (suppositoires de dextropropoxyphène et paracétamol).

Sténoses coliques de cause extrinsèque :

Compression extrinsèque d’origine extra-colique

Tous les processus expansifs intra-abdominaux quels qu’ils soient peuvent être responsables de sténoses coliques.

En fonction de leur nature et de leur évolution, parfois lente, ils peuvent être responsables d’une diarrhée chronique de type sécrétoire par sténose colique.

Compression extrinsèque d’origine pariétale colique sous-muqueuse

Tous les processus pathologiques intéressant la paroi colique à l’exclusion de la muqueuse peuvent être responsables d’une sténose colique dont le diagnostic peut être difficile car les lésions spécifiques ne sont pas (ou difficilement) accessibles à la biopsie.

–  L’échoendoscopie, actuellement réalisée en routine au niveau du rectum (et probablement plus tard du côlon), trouve ici un intérêt tout particulier, d’autant qu’elle permet des biopsies dirigées.

–  Chez une femme en période d’activité génitale (ou sous traitement substitutif de la ménopause), il convient d’évoquer une endométriose, définie par la présence ectopique de tissu endométrial fonctionnel ou non dans la paroi intestinale ; elle est souvent associée à une endométriose pelvi-génitale :

– ses localisations préférentielles sont le recto-sigmoïde (70 %), la cloison recto-vaginale (13 %), plus rarement l’iléon, le cæcum et l’appendice ;

– les principales manifestations cliniques sont les douleurs abdominales associées à des rectorragies en règle générale de faible abondance, survenant pendant 3 à 6 jours au moment des règles.

– l’endoscopie montre un aspect de sténose extrinsèque et parfois des tuméfactions sous-muqueuses bleutées dont les biopsies sont rarement contributives.

– la coelioscopie est souvent utile.

– le traitement est chirurgical en cas de complications (occlusion, rectorragies massives) sinon médical (progestérone ou antagonistes de la LHRH) pendant 6 à 12 mois.

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