Diarrhée aiguë de l’adulte

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L’infection du tractus intestinal par des germes est la cause majeure des diarrhées aiguës :
– les agents infectieux élaborent des toxines appelées entérotoxines, qui ont pour cible le tube digestif.
– ces toxines sont responsables de la fuite d’eau et d’électrolytes dans la lumière intestinale et s’accompagnent de lésions plus ou moins importantes de la muqueuse. Ce tableau aigu évolue par définition depuis moins de 3 semaines. Il peut correspondre :
– soit à une hypersécrétion (diarrhée hydroélectrolytique).
– soit à une diarrhée glaireuse et/ou sanglante avec une atteinte de la muqueuse.
– ou encore à la conjonction de ces deux mécanismes. La prise en charge de ces patients comportera le dépistage et le traitement symptomatique rapide des formes sévères et une enquête étiologique, afin d’instituer un traitement complémentaire au traitement symptomatique.

Démarche clinique :

INTERROGATOIRE :

Diarrhée aiguë de l'adulteCaractéristiques de la diarrhée

L’interrogatoire précise les caractéristiques de la diarrhée et recherche en faveur :

– d’une diarrhée hydroélectrolytique, des selles aqueuses, abondantes avec peu ou pas de douleurs abdominales ;

– d’une diarrhée invasive, des émissions glaireuses et/ou sanglantes, un syndrome dysentérique avec des faux besoins, un ténesme et un syndrome douloureux abdominal fébrile.

Il recherche d’autres troubles digestifs (nausées, vomissements).

Circonstances de survenue

L’interrogatoire précise les circonstances de survenue :

– un antécédent de séjour dans une région tropicale.

– la consommation d’un aliment particulier avant l’apparition de la diarrhée.

– un contexte de toxi-infection alimentaire avec plusieurs cas de diarrhée, dans une collectivité ;

– une prise médicamenteuse récente, notamment des antibiotiques.

Terrain

Il évalue le terrain en précisant :

– les tares viscérales éventuellement associées, en particulier une immunodépression acquise liée à la présence du VIH.

– les antécédents personnels ou familiaux de maladies de l’appareil digestif.

EXAMEN PHYSIQUE :

Terrain

L’examen physique apprécie le terrain :

– âge.

– pathologies chroniques et évolutives associées.

Signes de gravité

Recherche des signes de gravité imposant l’hospitalisation :

–  déshydratation :

– soif.

– perte de poids.

– pli cutané persistant.

– sécheresse des muqueuses.

– pouls mal frappé.

– hypotension artérielle.

–  syndrome septicémique et collapsus :

– hypothermie ou hyperthermie.

– hypotension.

– obnubilation.

– marbrure.

– oligurie.

Tableau digestif

L’examen physique précise le tableau digestif :

– recherche d’une défense ou d’une contracture, une hépato-splénomégalie.

– recherche de sang au toucher rectal.

– écarte une fausse diarrhée sur fécalome.

Signes extra-digestifs

Recherche des signes extra-digestifs qui peuvent orienter vers une étiologie particulière :

– éruption cutanée ;

– adénopathies ;

– autres foyers infectieux.

Examens paracliniques :

Les examens paracliniques précisent le diagnostic étiologique et évaluent le retentissement des pertes hydroélectrolytiques.

Diagnostic étiologique :

En première intention

Les examens réalisés en première intention sont :

– la coproculture :

– elle est réalisée sur des selles fraîchement émises, acheminées rapidement au laboratoire ou, à défaut, conservées au réfrigérateur (0 à 4 °C).

– elle comporte à l’état frais une coloration de Gram et une coloration au bleu de méthylène.

– la mise en culture est systématique sur des milieux enrichis choisis en fonction de l’orientation clinique.

– les résultats sont obtenus en 48 à 72 heures.

– la numération formule sanguine et les hémocultures.

En fonction du contexte

Les autres examens sont à réaliser en fonction du contexte :

–  examen parasitologique des selles qu’il faut répéter sur plusieurs jours, et qui est également orienté par la clinique.

–  sérodiagnostics de Widal et Félix, de la yersiniose, de la salmonellose, de l’amibiase, de la bilharziose…

– radiographie de l’abdomen sans préparation, pour dépister une colectasie en cas de signes inquiétants à l’examen clinique. En dehors de cette circonstance, l’ASP ne doit pas être fait ; la mise en évidence de niveaux hydroaériques y est banale s’il est quand même réalisé.

– une recto-sigmoïdoscopie prudente permettra d’objectiver les lésions muqueuses, de réaliser des prélèvements orientés et de reconnaître une colite inflammatoire débutante ou de visualiser des fausses membranes. Elle sera réalisée devant :

– une diarrhée glairo-sanglante.

– un syndrome dysentérique.

– ou une diarrhée aux antibiotiques persistante.

Évaluation du retentissement des pertes hydroélectrolytiques :

On pratique :

– un ionogramme sanguin, un dosage de l’urée, de la créatininémie, à la recherche d’une hypokaliémie et d’une insuffisance rénale ;

– une étude de l’équilibre acidobasique, à la recherche d’une acidose métabolique qui peut masquer une hypokaliémie.

Diagnostic étiologique :

Le tableau clinique est l’élément d’orientation initial et permet de distinguer les diarrhées hydroélectrolytiques des diarrhées invasives, associées ou non à un syndrome dysentérique.

DIARRHEES HYDROELECTROLYTIQUES :

Les diarrhées hydroélectrolytiques de cause infectieuse sont les plus fréquentes.

Leur évolution est souvent favorable.

Diarrhées d’origine bactérienne :

Escherichia coli entérotoxinogène

Escherichia coli entérotoxinogène est l’agent de la diarrhée du voyageur (“ turista”) :

– sa pathogénie est liée à un mécanisme toxinique (deux toxines, une thermolabile et une thermostable).

– il touche les voyageurs séjournant ou revenant des pays tropicaux.

– il résulte de l’ingestion d’eau ou d’aliments crus ou servis à température ambiante.

– l’incubation est de 24 à 48 heures.

– le tableau est variable ; on observe des manifestations bénignes comme des épisodes cholériformes.

– l’apyrexie est habituelle et le diagnostic est clinique.

Choléra

Le choléra est une toxi-infection intestinale strictement humaine :

– il sévit à l’état endémique sur le sous-continent indien ; la pandémie actuelle touche l’Amérique latine.

– la contamination est due à l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés.

– l’incubation est de 2 à 7 jours.

– le tableau clinique est celui d’une diarrhée abondante (jusqu’à 1 litre par heure), typiquement eau de riz associée à des vomissements incoercibles ;

– la déshydratation est rapide, massive et met très vite en jeu le pronostic vital en l’absence de traitement.

– la déclaration du choléra est obligatoire.

Diarrhée due au staphylocoque doré

La diarrhée due au staphylocoque doré est une toxi-infection alimentaire, secondaire à l’ingestion d’aliments souillés par un porteur de staphylocoques :

– le germe n’est à l’origine des manifestations que parce qu’il élabore une toxine thermostable.

– le tableau est stéréotypé et comporte, après une incubation courte de 1 à 4 heures, des signes digestifs débutant brutalement, associant des vomissements, des coliques abdominales vives et une diarrhée aqueuse profuse.

– l’apyrexie est la règle générale.

– l’évolution est rapidement favorable et la certitude diagnostique repose sur la mise en évidence de la contamination de l’aliment suspect.

– la déclaration est obligatoire.

Diarrhées liées aux salmonelles mineures

Les diarrhées liées aux salmonelles mineures :

– sont fréquentes.

– Salmonella enteritidis et Salmonella typhi murinum sont le plus souvent observés ;

– l’incubation est de 8 à 48 heures et fait suite à l’ingestion de viandes préparées, de laitages ou d’œufs mal cuits ou consommés crus.

– le tableau est intermédiaire entre les diarrhées hydroélectrolytiques et les syndromes dysentériques ;

– l’évolution est favorable en 3 à 5 jours mais un terrain fragilisé peut faire le lit de complications septicémiques majeures.

Diarrhée due à Clostridium perfringens

La diarrhée due à Clostridium perfringens est une toxi-infection alimentaire engendrée par l’ingestion de viandes en sauce ou d’aliments réchauffés contaminés :

– l’incubation est de 8 à 12 heures et le tableau clinique associe une diarrhée aqueuse à des vomissements.

– là encore, le diagnostic de certitude repose sur l’isolement du germe dans l’aliment incriminé.

Diarrhées d’origine virale :

Les diarrhées surviennent habituellement dans un contexte épidémique :

– la preuve de l’origine virale n’est pas nécessaire le plus souvent.

– les Rotavirus sont fréquemment en cause, les Entérovirus, le virus de Norwalk (en Amérique du Nord) et les Adénovirus sont moins souvent retrouvés.

Le tableau est celui d’une diarrhée hydroélectrolytique qui évolue dans un contexte de céphalées, myalgies et malaise général, qui oriente vers l’origine virale.

L’évolution est favorable le plus souvent.

Diarrhées d’origine parasitaire :

La diarrhée aiguë n’est pas la présentation habituelle des parasitoses digestives, responsables le plus souvent de diarrhées chroniques.

Toutefois, un mode de révélation aigu peut s’observer pour :

– la lambliase.

– l’ascaridiose.

– l’ankylostomiase.

– l’anguillulose.

– l’oxyurose.

– la trichinose.

– le téniasis.

– le paludisme.

Diagnostic

– Le diagnostic est évoqué devant une hyperéosinophilie (excepté pour la lambliase et l’accès palustre) et confirmé par l’examen parasitologique des selles.

– Une goutte épaisse est réalisée en cas de diarrhée fébrile au retour d’une zone d’endémie, pour écarter un paludisme.

Sujet séropositif pour le VIH

Dans le cas particulier du sujet séropositif pour le VIH ou ayant déjà présenté des infections opportunistes, on peut observer des diarrhées liées :

– aux coccidies (Cryptosporidium parvum et Isospora belli).

– ou à des microsporidies dont l’évolution se fait volontiers vers la chronicité.

Diarrhées d’origine médicamenteuse :

A côté des causes infectieuses les plus fréquentes, les diarrhées hydroélectrolytiques peuvent avoir une origine médicamenteuse.

Ces diarrhées peuvent s’observer à l’introduction du traitement ou survenir au cours de celui-ci et devront alors faire évoquer un surdosage possible :

–  diarrhée liée à un surdosage :

– sels d’or.

– théophylline.

– digitaline.

– colchicine.

–  diarrhée sans surdosage :

– anti-inflammatoires non stéroïdiens.

– quinidiniques.

– biguanides.

– ticlopidine.

– prostaglandines.

– laxatifs…

Autres causes de diarrhée hydroélectrolytique :

Parmi les autres causes de diarrhée hydroélectrolytique, il faut retenir :

– la diarrhée motrice émotionnelle ;

– l’intoxication par les champignons, où un délai d’apparition long des symptômes après l’ingestion, avec des signes hépatiques associés, évoque une prise d’amanite phalloïde.

DIARRHEES INVASIVES ASSOCIEES OU NON A UN SYNDROME DYSENTÉRIQUE :

Les diarrhées invasives associées ou non à un syndrome dysentérique ont un potentiel évolutif et exposent à des complications autres que celles induites par le retentissement hydroélectrolytique.

On peut observer :

– des chocs septiques.

– des hémorragies importantes.

– des tableaux péritonéaux par perforation, précédés ou non d’une colectasie.

La gravité potentielle de ces diarrhées impose le plus souvent l’hospitalisation.

Diarrhées d’origine bactérienne :

Salmonelloses

Les salmonelloses :

– les formes mineures (citées plus haut) peuvent être associées à un syndrome dysentérique.

– les salmonelles typhiques et paratyphiques sont responsables de la fièvre typhoïde.

– le tableau clinique est caractérisé par des signes extra-digestifs caractéristiques et la progressivité de l’installation du tableau (voir question spécifique).

– le diagnostic repose :

– sur l’isolement du germe sur les hémocultures ou les coprocultures la 1re semaine.

– et le sérodiagnostic durant le second septénaire.

– la déclaration est obligatoire.

Shigelloses

Les shigelloses :

– comportent quatre formes d’entérobactéries : Shigella dysenteriæ, Shigella flexneri, Shigella boydii et Shigella sonnei (le plus souvent incriminée en France).

– la transmission est orale, strictement interhumaine, et se fait par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés.

– le tableau clinique est caractérisé par un début brutal après une incubation de 48 à 72 heures.

– il existe un syndrome dysentérique fébrile sévère avec une diarrhée mucosanglante, qui peut s’associer à des manifestations extra-digestives : toux, méningisme, manifestations rhumatologiques dans le cadre d’un syndrome de Reiter.

– le diagnostic repose sur les coprocultures et la sérologie.

Yersinioses

Les yersinioses :

– Yersinia enterocolitica est un bacille à Gram négatif.

– la contamination est habituellement secondaire à l’ingestion de viande insuffisamment cuite (porc) et de produits laitiers.

– le syndrome dysentérique peut s’associer à des arthralgies, un érythème noueux :

– la douleur abdominale siège dans la fosse iliaque droite, mimant un syndrome appendiculaire.

– on peut objectiver une atteinte iléale terminale si la persistance des signes amène à pratiquer un transit du grêle ou une cœlioscopie, pour écarter une maladie de Crohn par exemple.

– la coproculture peut aider au diagnostic ainsi que la sérologie sur deux prélèvements à 3 semaines d’intervalle.

Diarrhées à Campylobacter jejuni et fetus

– Ces bacilles à Gram négatif sont transmis par le contact avec les animaux domestiques ou l’ingestion d’aliments souillés.

– Après une incubation de 2 à 5 jours, le tableau clinique associe volontiers une diarrhée fébrile à des émissions sanglantes.

– La coproculture permet le diagnostic.

Diarrhées dues à Escherichia coli

Diarrhées dues à Escherichia coli entéropathogène, entéro-invasif et entéro-hémorragique :

– la contamination est d’origine :

– soit alimentaire (produits laitiers frais, viandes insuffisamment cuites).

– soit interhumaine ;

– leur rôle, dans les diarrhées de l’adulte, est contesté.

Diarrhées d’origine virale :

Les agents viraux n’entraînent pas de diarrhée invasive chez le sujet immunocompétent.

– Chez un sujet porteur d’un SIDA avec moins de 100 CD4/mm3, le Cytomégalovirus peut être responsable de diarrhées plus ou moins profuses, avec des émissions sanglantes.

– Le diagnostic repose sur la coloscopie qui :

– met en évidence des lésions volontiers polymorphes, allant d’un simple érythème à une colite ulcérée étendue.

– et permet la réalisation de biopsies à la recherche d’inclusions virales caractéristiques.

– La diarrhée à Cytomégalovirus s’accompagne souvent d’une atteinte hépatique (voir schéma).

Diarrhées d’origine parasitaire :

Amibiase

Cette pathologie est liée à un protozoaire, Entamoeba histolytica :

– elle survient au retour des pays endémiques, mais peut aussi s’observer chez des sujets n’ayant jamais quitté la France métropolitaine ;

– le tableau est celui d’un syndrome dysentérique, avec épreintes et ténesmes sans fièvre associée.

– la rectoscopie peut mettre en évidence des lésions évocatrices dites “ en coup d’ongle ”, et le diagnostic est confirmé par l’examen parasitologique des selles.

– le prélèvement doit être fait sur des selles fraîches pour pouvoir identifier, dans de bonnes conditions, les amibes au microscope ;

– une hyperthermie devra faire évoquer la possibilité d’une complication hépatique ou d’une co-infection par un autre germe.

Bilharziose

– La bilharziose est liée à Schistosoma mansoni, intercalatum ou japonicum, elle peut s’associer à un syndrome dysentérique lors de la phase d’invasion.

– L’hyperéosinophilie est importante dans ce contexte, de même que les données de l’anamnèse, qui objective le bain en eau douce contaminant.

Autres parasitoses

Les autres parasitoses sont plus volontiers responsables d’une diarrhée hydroélectrolytique ou chronique.

Diarrhées postantibiothérapie :

Nous classerons les diarrhées consécutives à la prise d’antibiotiques arbitrairement dans ce chapitre, alors qu’elles peuvent revêtir tous les niveaux de gravité.

Le mécanisme de ces diarrhées peut être lié :

– soit à une modification des composants de la flore colique avec sélection de germes pathogènes ;

– soit par la modification et l’altération des métabolismes endoluminaux (accumulation de sucres non dégradés par exemple).

Colite pseudo-membraneuse

La colite pseudo-membraneuse résulte de la colonisation du côlon par le Clostridium difficile :

– une toxine produite par ce germe va déterminer des lésions muqueuses.

– le tableau clinique est variable et comporte une diarrhée associée à des douleurs abdominales survenant au cours ou à distance d’une antibiothérapie à large spectre.

– les formes sévères (30 à 40 %) s’associent à un météorisme abdominal, une hyperthermie et des signes de déshydratation.

– à l’extrême, une colectasie aiguë peut survenir.

– elle est suspectée devant l’arrêt brutal de la diarrhée.

– l’examen endoscopique confirme le diagnostic et met en évidence des plaques jaunâtres adhérentes caractéristiques, de diamètre variable.

– la recherche de toxine dans les selles est possible dans les centres spécialisés.

Colites hémorragiques liées à la prise d’ampicilline

Les colites hémorragiques liées à la prise d’ampicilline surviennent entre le 2e et 7e jour de traitement :

– le tableau est celui d’une diarrhée sanglante parfois fébrile.

– la coloscopie retrouve une atteinte essentiellement colique droite, caractérisée par une suffusion hémorragique ;

– l’agent responsable est la Klebsiella oxytoca, qui peut être mis en évidence par les coprocultures sur milieu adapté, et par l’examen bactériologique direct des biopsies coliques ;

– l’évolution est favorable en quelques jours après l’arrêt du traitement antibiotique.

Autres diarrhées postantibiothérapie

–  Les diarrhées liées à l’altération des fonctions métaboliques de la flore sont dues à l’effet osmotique des sucres non dégradés.

– Par ailleurs, certains antibiotiques ont un effet stimulant sur la motricité propulsive du grêle, comme l’inhibiteur des bêta-lactamases : l’acide clavulanique.

DIARRHEES GLAIRO-SANGLANTES NON INFECTIEUSES :

Mode de révélation de certaines affections

Une diarrhée aiguë glaireuse ou sanglante peut être un mode de révélation de certaines affections du tube digestif comme une tumeur recto-sigmoïdienne, une maladie de Crohn ou une recto-colite ulcérohémorragique.

Cette diarrhée peut s’accompagner de signes généraux : amaigrissement, altération de l’état général et douleurs abdominales.

Colite ischémique non gangreneuse

L’association d’un syndrome douloureux abdominal, suivi en moins de 48 heures d’une diarrhée fécale secondairement sanglante, évoque une colite ischémique non gangreneuse :

– ce tableau, fréquent, survient souvent chez un sujet âgé et/ou un patient atteint d’une affection vasculaire et traité par des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des diurétiques ou des digitaliques ;

– la relation entre ces traitements et la survenue d’une colite ischémique est d’individualisation récente.

– l’évolution est favorable le plus souvent.

Prise en charge thérapeutique en urgence :

TRAITEMENT CURATIF :

Règles fondamentales communes à tous les types de diarrhées aiguës :

Systématiquement

–  Repos.

–  Régime sans résidu.

–  Remplissage par macromolécules en cas de collapsus.

Réhydratation et correction des désordres ioniques

Réhydratation et correction des désordres ioniques induits par la diarrhée : selon la sévérité du tableau et l’association ou non à des vomissements, on aura recours ou non à la voie parentérale :

– en cas de voie orale disponible, on utilise un mélange type OMS d’eau, de chlorure de sodium (3 g/l), de chlorure de potassium (1,5 g/l), de bicarbonates (2,5 g/l) et de glucose (ou saccharose, à raison de 20 g/l).

– en cas de voie parentérale, on utilise :

– soit des solutés standardisés type Ringer Lactate*.

– soit du glucose, avec des électrolytes adaptés aux données biologiques.

– la surveillance de ce traitement sera clinique (poids, tension artérielle, fréquence cardiaque et diurèse) et biologique (ionogramme sanguin et fonction rénale).

Correction des symptômes associés

Correction des symptômes associés tels les vomissements et les douleurs abdominales par l’usage :

– d’antiémétiques (dompéridone, métoclopramide) ; l’effet prokinétique de ces traitements peut transitoirement majorer la diarrhée ;

– et d’antispasmodiques (type phloroglucinol ou trimébutine).

Diarrhée iatrogène

Arrêt du traitement en cause en cas de diarrhée iatrogène.

L’arrêt de la diarrhée est parfois décalé comme pour la ticlopidine.

Traitement symptomatique de la diarrhée :

Silicates

Les silicates : suspension argileuse dont l’effet est lié à l’adsorption d’eau. Ces traitements, type Smecta*, Actapulgite*, n’ont donc un effet que sur la consistance des selles.

Ralentisseurs du transit

Les ralentisseurs du transit, type lopéramide, Imodium*  (gélules à 2 mg, posologie habituelle de 6 à 8 /j) ou Arestal*  (comprimés à 1 mg, posologie initiale de 2 comprimés, puis 1 comprimé supplémentaire après chaque selle non moulée sans dépasser 8 cp/24 h) :

– cette classe thérapeutique est active par le blocage des récepteurs µ aux opiacés.

– cet effet expose à la survenue de colectasies, lors des colites invasives responsables de syndrome dysentérique, et pourrait ralentir l’élimination des agents infectieux.

Acétorphan

– L’acétorphan (Tiorfan*), en comprimés à 100 mg, est prescrit à la posologie usuelle de 300 mg/j, à réserver aux diarrhées abondantes sur un terrain fragile ou ayant résisté à l’Imodium*.

– Le mécanisme d’action est l’inhibition de l’enképhalinase et donc la protection des enképhalines endogènes possédant un effet antisécrétoire.

Il n’existe pas de contre-indication chez l’adulte, en dehors de la grossesse et de l’allaitement.

Modulateurs de la flore intestinale

Les modulateurs de la flore intestinale (Ultra-Levure*) peuvent avoir un intérêt dans le cadre des diarrhées où il existe une rupture de l’équilibre de la flore intestinale par leur action de compensation de ce déséquilibre, en particulier dans le cadre d’un traitement antibiotique.

Traitement des diarrhées bactériennes :

De manière systématique

Le traitement des diarrhées bactériennes non infectieuses comporte :

– l’isolement du malade, le respect des mesures de désinfection du linge et des sanitaires ;

– une déclaration obligatoire pour la fièvre typhoïde, le choléra et les toxi-infections alimentaires.

Place de l’antibiothérapie

– La place de l’antibiothérapie reste controversée :

– elle n’est pas systématique et sera réservée aux sujets fragilisés, où elle limite la diffusion du sepsis, et aux formes fébriles de syndromes dysentériques sévères.

– outre le vieillard, les indications de choix sont données pour les patients porteurs d’un déficit immunitaire, d’une drépanocytose ou de matériel prothétique cardiovasculaire ou ostéoarticulaire.

– Le choix de l’antibiothérapie initialement empirique sera adapté aux données de l’antibiogramme.

– En première intention, on peut utiliser des fluoroquinolones type ofloxacine, péfloxacine, ciprofloxacine ou le cotrimoxazole.

– La nifuroxazide (Ercéfuryl*), antibactérien intestinal dont l’activité est essentiellement de contact, intraluminale, est indiquée en l’absence de suspicion de phénomènes invasifs.

– La durée du traitement sera :

– de 5 à 7 jours dans les formes habituelles.

– et de 10 jours en cas de typhoïde.

– En dehors des formes sévères, l’antibiothérapie allonge la durée du portage.

Choléra

Le choléra est traité :

– par la correction des désordres hydroélectrolytiques.

– et par des cyclines.

Cas particulier de la colite pseudo-membraneuse

– La colite pseudo-membraneuse relève du métronidazole, 250 mg quatre fois par jour pendant 10 jours, ou de la vancomycine, mieux tolérée mais plus coûteuse, 125 mg quatre fois par jour administrés par voie orale.

– En cas de forme sévère, seul est utilisable par voie IV le métronidazole.

– Les rechutes (10 %) peuvent être traitées par le même antibiotique, car il n’existe pas de résistance.

– La prévention des rechutes peut comporter l’administration d’une levure, le Saccharomyces boulardii (Ultra-Levure*).

Traitement des diarrhées parasitaires :

–  Amibiase intestinale aiguë : métronidazole (Flagyl*), 1,5 g/j pendant 10 jours, suivi d’un amoebicide de contact type Bemarsal*.

– La lambliase : métronidazole pendant 5 jours associé à une seconde cure après quelques jours.

– Les diarrhées liées aux helminthes relèvent du flubendazole (Fluvermal*).

– Les diarrhées liées aux anguillules et aux trichines seront traitées par tiabendazole (Mintezol*).

Traitement des diarrhées virales :

En dehors des diarrhées à Cytomégalovirus, qui relèvent du ganciclovir en milieu spécialisé, les autres diarrhées virales ne doivent bénéficier que d’un traitement symptomatique.

TRAITEMENT PRÉVENTIF :

La prévention est un problème majeur dans les pays du tiers monde :

– elle doit s’appliquer comme pour la diarrhée des voyageurs. Même dans ce cas, un traitement suspensif par cotrimoxazole peut être proposé ;

– la prévention repose sur la lutte contre le péril fécal par l’application de mesures d’hygiène simples, comme le lavage des mains et l’éviction des aliments à risque.

La déclaration obligatoire des toxi-infections alimentaires doit permettre un meilleur contrôle de ces affections.

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