Cancer du pancréas exocrine

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Les tumeurs malignes sont, en règle, des adénocarcinomes typiques ou atypiques. Sur le plan clinique, il faut insister sur les difficultés du diagnostic. Dans certains cas, c’est une douleur abdominale profonde qui apparaît isolée et précède l’amaigrissement et l’ictère. Classiquement, c’est l’apparition d’un ictère par rétention qui permet d’évoquer le diagnostic.

ÉPIDÉMIOLOGIE :

Cancer du pancréas exocrineL’adénocarcinome pancréatique est la plus fréquente des tumeurs primitives du pancréas.

– L’âge moyen de survenue est de 55 ans.

–  Les facteurs de risque reconnus sont :

– le tabagisme.

– et la préexistence d’une pancréatite chronique.

– Le sexe masculin et la race noire sont associés à une incidence plus élevée.

– Les pancréatites tropicales et les pancréatites héréditaires sont des groupes à haut risque d’adénocarcinome pancréatique.

– La localisation tumorale est céphalique dans 80 % des cas, et corporéo-caudale dans 20 % des cas.

Diagnostic positif :

DIAGNOSTIC CLINIQUE :

Les signes cliniques sont d’installation insidieuse et progressive et la découverte d’une tumeur inférieure à 2 cm de diamètre est exceptionnelle (voir tableaux 1 et 2).

La symptomatologie est dominée par l’ictère, la douleur et l’altération de l’état général associant un amaigrissement, une asthénie et une anorexie.

L’ictère :

Ictère précoce :

D’apparition précoce dans les cancers de la tête du pancréas, lié à la compression de la voie biliaire principale, l’ictère est précédé et/ou associé à un prurit d’évolution progressive sans rémission.

– Les selles sont décolorées et les urines foncées.

– A l’examen clinique, la palpation d’une grosse vésicule tendue est quasiment spécifique du diagnostic. On palpe souvent aussi une hépatomégalie mousse de cholestase.

Ictère tardif :

L’ictère est tardif dans les localisations tumorales corporéo-caudales, il est le plus souvent secondaire :

– à la compression de la voie biliaire principale par des adénopathies métastatiques ;

– ou à l’existence de métastases hépatiques.

La douleur :

La douleur est le signe d’appel le plus fréquent dans les localisations corporéo-caudales, mais elle peut être présente dans toutes les localisations.

– Typiquement, c’est une douleur épigastrique ou sous-costale gauche, parfois sous-costale droite :

– elle est transfixiante.

–  ses manifestations sont intenses et prolongées, provoquant une restriction alimentaire volontaire.

– Les douleurs sont généralement liées à l’envahissement des nerfs de la région cœliaque par la tumeur (douleurs solaires) et témoignent donc souvent de son inextirpabilité.

Syndrome tumoral :

Le syndrome tumoral est généralement découvert à l’occasion d’autres symptômes sous forme d’une masse mal limitée, profonde, occupant l’épigastre et/ou l’hypochondre gauche.

A l’auscultation, on peut percevoir un souffle systolique.

Autres manifestations plus rares :

Diarrhée avec stéatorrhée

Diarrhée avec stéatorrhée :

– secondaire à une obstruction du canal de Wirsung par la tumeur ;

– ou secondaire à la malabsorption induite par la cholestase chronique.

Diabète

Diabète d’apparition ou d’aggravation récente.

Découverte de métastases hépatiques

Ascite

Ascite en rapport avec une carcinose péritonéale. L’ascite est riche en protides, la cytologie peut mettre en évidence des cellules tumorales.

BIOLOGIE :

Bilan hépatique

Cholestase ictérique avec élévation de la bilirubine conjuguée, de la gamma-glutamyltranspeptidase et des phosphatases alcalines.

Taux de transaminases normal ou peu élevé.

Marqueurs tumoraux

–  Le CA19-9 est élevé chez 80 % des patients mais sa valeur prédictive positive est faible. Son taux est ininterprétable lorsqu’il existe une cholestase (faux positif).

– L’ACE a une sensibilité plus faible de 30 à 40 %.

Autres anomalies

Les autres anomalies (anémie le plus souvent inflammatoire, syndrome inflammatoire, baisse du taux de prothrombine due à la cholestase) sont fréquentes et non spécifiques.

EXAMENS MORPHOLOGIQUES :

Buts :

Les examens morphologiques permettent de faire le diagnostic positif de la tumeur en précisant :

– la localisation tumorale exacte ;

– l’extension tumorale locorégionale pour évaluation préopératoire des possibilités de résection ;

– le type histologique de la tumeur par une biopsie sous échographie ou scanner lorsque la tumeur est inextirpable.

Le bilan d’extension préopératoire doit être précis afin de sélectionner correctement le petit nombre de patients qui pourront bénéficier d’une résection tumorale à titre curatif et de permettre le traitement palliatif le mieux adapté pour les autres.

Echographie abdominale :

L’échographie abdominale est l’examen de première intention lorsque l’on suspecte le diagnostic.

– L’échographie met en évidence une tumeur solide, hypoéchogène par rapport au reste du parenchyme, déformant plus ou moins les contours du pancréas.

– L’examen précise :

– le siège.

– le volume.

– l’extension locorégionale de la tumeur par la recherche d’adénopathies satellites, de métastases hépatiques ou d’une compression de la voie biliaire principale.

– L’échographie est peu sensible pour le diagnostic des tumeurs de moins de 2 cm de diamètre, seuls des signes indirects sont alors présents :

– dilatation du canal de Wirsung en amont de la lésion.

– dilatation de la voie biliaire principale et des voies biliaires intrahépatiques lorsque la lésion est centrée sur la tête du pancréas.

Tomodensitométrie abdominale :

La tomodensitométrie abdominale est l’examen de référence, fondamental pour le diagnostic et le bilan d’extension de l’adénocarcinome pancréatique.

– Elle montre une augmentation de volume du pancréas, localisée, correspondant à la tumeur. Après opacification vasculaire, la tumeur est plutôt hypovascularisée.

– La tomodensitométrie permet de rechercher :

– l’infiltration tumorale péripancréatique.

– la présence de métastases ganglionnaires ou hépatiques, d’une ascite.

– Elle permet l’analyse des vaisseaux pour juger de l’extension vasculaire. Les signes formels d’envahissement vasculaire sont :

– l’occlusion d’un vaisseau avec absence d’opacification du segment atteint.

– l’engainement ou l’englobement du vaisseau par la tumeur.

– la présence d’une paroi artérielle à bords flous.

– la présence de voies de dérivations périgastriques ou péripancréatiques qui sont le signe d’une hypertension portale segmentaire et doivent faire rechercher une thrombose de la veine splénique ou de la veine mésentérique supérieure.

Ponction :

Lorsque la tumeur est inextirpable, la ponction de celle-ci doit être systématique sous échographie et/ou tomodensitométrie abdominale pour le diagnostic histologique.

– Le but est d’affirmer la présence d’un adénocarcinome et de ne pas méconnaître une étiologie plus rare, accessible à un traitement (tumeur endocrine, lymphome).

– Lorsque la tumeur est extirpable, la biopsie n’est pas réalisée et le diagnostic histologique repose sur l’examen de la pièce opératoire.

Echo-endoscopie :

La place de l’écho-endoscopie n’est pas encore clairement établie dans la hiérarchie des examens d’imagerie.

C’est l’examen d’imagerie le plus sensible pour le diagnostic et le bilan d’extension de l’adénocarcinome, en particulier pour les tumeurs de moins de 3 cm de diamètre.

Artériographie digestive :

La plupart des auteurs s’accordent pour reconnaître que l’artériographie n’a plus de place dans un but diagnostique ; en effet sa sensibilité est inférieure à celle de la tomodensitométrie pour le diagnostic d’extension vasculaire.

Cholangio-pancréatographie rétrograde par voie endoscopique :

Indications

Les indications actuelles de la cholangio-pancréatographie rétrograde par voie endoscopique dans l’adénocarcinome du pancréas sont :

– la mise en place d’une prothèse endobiliaire dans le cadre du traitement palliatif de l’ictère ;

– l’existence d’un doute clinique important, sans argument formel sur les différents examens d’imagerie non invasifs.

Résultats

– La pancréatographie peut montrer un rétrécissement irrégulier ou un arrêt total de la progression du produit de contraste dans le canal de Wirsung. En amont, le canal de Wirsung peut être dilaté.

– En cas de tumeur céphalique, la cholangiographie peut montrer la sténose cholédocienne irrégulière, courte et souvent excentrée.

Traitement :

Seulement 15 % des tumeurs pancréatiques peuvent faire l’objet d’une résection chirurgicale au moment du diagnostic.

En effet, il existe déjà très fréquemment à l’occasion du diagnostic des métastases hépatiques, une ascite néoplasique ou un envahissement vasculaire. Dans ce cas, le traitement devient palliatif.

Traitement chirurgical à visée curative :

L’indication d’un traitement curatif sous-entend l’absence de métastases hépatiques, d’extension vasculaire de la tumeur ou d’une carcinose péritonéale.

Duodéno-pancréatectomie céphalique

Dans les localisations tumorales de la tête du pancréas :

– exérèse de la tête du pancréas, de la totalité du cadre duodénal et de la première anse jéjunale ;

– anastomose cholédoco-jéjunale et wirsungo-jéjunale sur anse en Y.

– curage ganglionnaire aussi complet que possible.

– mortalité postopératoire : 5 à 10 %.

Spléno-pancréatectomie gauche

Spléno-pancréatectomie gauche pour les localisations corporéo-caudales.

Pancréatectomie totale

Pancréatectomie totale (très rarement effectuée) :

– la mortalité postopératoire est de 15 % ;

– les résultats pour la survie des malades ne sont pas meilleurs que dans les pancréatectomies partielles.

Traitement chirurgical palliatif :

Indications

Le traitement chirurgical palliatif est réservé aux patients :

– dont la tumeur n’est pas extirpable par la chirurgie ;

– ne présentant pas de contre-indication opératoire :

– physiologiquement très âgés ;

– atteints de carcinose péritonéale ou autre diffusion métastatique laissant présager d’une espérance de vie inférieure à 3 mois ;

– chez lesquels on retrouve la coexistence de tares viscérales majeures : infarctus du myocarde récent…

Méthodes

–  Dérivation bilio-digestive dans les localisations céphaliques compliquées d’un ictère (anastomose cholédoco-duodénale ou hépatico-jéjunale) :

– elle est souvent associée à une dérivation gastro-jéjunale lorsque la tumeur envahit ou menace d’envahir le duodénum.

– on pourra aussi effectuer, au cours de l’intervention, une infiltration des nerfs splanchniques et des ganglions cœliaques à visée antalgique.

Traitement palliatif non chirurgical :

Méthodes :

– Dans les localisations tumorales céphaliques compliquées d’un ictère on met en place une prothèse endobiliaire par voie endoscopique, après avoir effectué une cholangiographie rétrograde.

– Les complications sont une migration de la prothèse, une obstruction de la prothèse et des épisodes d’angiocholite.

– En cas d’échec de la pose de prothèse par voie endoscopique, on peut effectuer un drainage biliaire par voie transcutanée.

– De très nombreux protocoles de chimiothérapie ont été évalués et sont encore en cours d’évaluation, sans efficacité significative démontrée. Le 5 fluoro-uracile est la molécule la plus utilisée.

– Seule, la radiothérapie est surtout utilisée dans un but antalgique avec une efficacité sur la douleur dans 60 à 70 % des cas. Les doses utilisées sont de 20 grays.

–  L’association radio-chimiothérapie n’a pas fait la preuve de son efficacité.

Traitements de la douleur :

–  Médicaments : association paracétamol-dextropropoxyphène ou utilisation de morphiniques en fonction de l’intensité des douleurs.

–  Alcoolisation splanchnique en cas d’efficacité partielle ou d’une mauvaise tolérance des morphiniques. L’alcoolisation correspond à une neurolyse chimique du plexus cœliaque et se fait sous scanner ; son efficacité est variable.

–  Ponctions d’ascite itératives en cas de présence d’une carcinose.

Évolution et pronostic :

Pronostic global :

Le pronostic global des adénocarcinomes du pancréas est très mauvais, il ne s’est pas ou peu modifié au cours des dernières décennies car la plupart des tumeurs (85 %) sont symptomatiques lors du diagnostic et donc inextirpables.

Après duodéno-pancréatectomie céphalique :

Après duodéno-pancréatectomie céphalique, les taux de survie à 5 ans sont de l’ordre de 5 %. Ils atteignent 35 % dans les séries regroupant l’ablation de tumeurs de moins de 2 cm de diamètre.

Après intervention palliative :

Après intervention palliative, les durées moyennes de survie dépendent de l’extension locorégionale :

– en présence de métastases hépatiques, la durée de survie est de l’ordre de 3 mois.

– en présence de métastases ganglionnaires, elle est de l’ordre de 6 mois.

Extension métastatique à distance :

L’extension métastatique à distance se fait en priorité au foie, au péritoine (ascite), aux ganglions sus-claviculaires ; on constate aussi des disséminations osseuses, pulmonaires et cutanées.

Conclusion :

L’adénocarcinome pancréatique a un pronostic dramatique en raison du diagnostic tardif fréquent, à un stade d’extension rendant toute chirurgie d’exérèse impossible.

Les examens morphologiques les plus utiles au diagnostic sont l’échographie et la tomodensitométrie abdominale.

Ils permettent d’effectuer une biopsie de la tumeur lorsque celle-ci est inextirpable afin de confirmer son type histologique.

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