Plaies de l’abdomen

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Les plaies de l’abdomen ne se résument pas aux seules plaies de la paroi abdominale antérieure. Certaines plaies plus périphériques : plaies thoraciques antérieures au-dessous du mamelon, plaies dorsales, plaies des flancs, plaies périnéales et fessières doivent être explorées et traitées comme des plaies de l’abdomen. – La confirmation du caractère pénétrant de la plaie abdominale peut être fournie par l’examen clinique, par la recherche systématique d’un saignement digestif ou urinaire, ou par les examens d’imagerie, mais elle repose avant tout, dans les plaies par arme blanche, sur une exploration chirurgicale de la plaie, effectuée sous anesthésie locale au bloc opératoire.

ÉTIOLOGIE :

Plaies de l'abdomenOn distingue habituellement les plaies de la pratique civile des plaies de la pratique militaire.

Il faut pourtant savoir que, dans certaines circonstances, les plaies “ civiles ” se rapprochent des plaies “ militaires ” soit par le caractère des armes utilisées (terrorisme, banditisme) soit par l’afflux massif des blessés (terrorisme, attentat).

Pratique militaire :

– Il s’agit de plaies par balles :

– classiques (7.62, 12.7).

– à haute vitesse : projectiles supersoniques de petit calibre (5.56) responsables d’une onde de choc et de phénomènes de cavitation pouvant créer des lésions viscérales à distance du trajet de la balle.

– Sont aussi rencontrées des plaies par éclats (grenades, obus).

Pratique civile :

– En pratique civile sont rencontrées avant tout des :

–  plaies par arme blanche.

–  plaies par arme à feu : petit calibre (22LR) : autodéfense en milieu urbain, tentative d’autolyse ; gros calibre : carabine de chasse, armes de poing, fusil de chasse avec criblage par projectiles multiples.

– Il convient d’attribuer une mention spéciale au polycriblage par explosion :

– plaies accidentelles (obus des conflits du passé, “ bombes artisanales ” , etc.).

– plaies criminelles (terrorisme).

Les autres causes rencontrées sont : empalement, accident du travail ou de la circulation.

Examen initial :

L’examen initial est contemporain de la “ mise en condition du blessé ” :

– déshabillage.

– immobilisation éventuelle des fractures.

– mise en place d’un cathéter veineux central.

– prélèvements sanguins (groupe, formule sanguine, hématocrite et bilan de coagulation).

Le sondage vésical doit être proscrit.

L’examen initial doit être complet et consigné sur une feuille d’observation afin de pouvoir suivre l’évolution du blessé.

Signes généraux :

Les signes généraux permettent de définir l’orientation immédiate du blessé (“ triage ”) en déterminant la gravité de la contusion.

On recherchera en particulier des signes de choc :

– chute de la tension artérielle.

– accélération du pouls.

– pâleur.

– sensation de soif.

– sueurs.

Examen clinique :

Inspection :

– L’inspection recherche les impacts (orifice d’entrée et de sortie [valeur médico-légale]).

– Elle étudie la mobilité abdominale lors de la respiration.

Palpation abdominale :

La palpation abdominale doit être douce, car l’ensemble de l’abdomen est douloureux dans les suites du traumatisme.

Elle recherchera deux types de signes :

– la défense est une réaction localisée de la paroi abdominale sous la main qui l’examine. Elle traduit une irritation péritonéale sous-jacente.

– la contracture est permanente, généralisée, douloureuse et invincible (ventre de bois). Elle traduit la présence d’un épanchement intrapéritonéal.

– cet examen abdominal doit être complété par la recherche d’une lésion associée.

Percussion abdominale :

La percussion de l’abdomen recherche des matités anormales :

–  au niveau des flancs, une matité déclive traduit un épanchement liquidien intrapéritonéal.

–  au niveau des hypocondres, surtout à gauche, une matité traduit un épanchement sanguin autour de la rate.

–  au niveau de l’hypogastre, une matité peut se rencontrer dans les infiltrations urinaires de l’espace de Retzius, soulignant une rupture vésicale.

– la percussion recherche également des sonorités anormales : la disparition de l’aire de matité préhépatique traduit la présence d’un pneumopéritoine et signe la perforation d’un organe creux.

Interrogatoire :

L’interrogatoire du blessé lorsque c’est possible, ou de son entourage (famille, ambulanciers, gendarmes, etc.) précisera :

– les circonstances de survenue de la blessure.

– l’horaire, en particulier en fonction des repas (la réplétion d’un viscère tel que l’estomac favorise sa rupture en cas de contusion).

– l’agent vulnérant (arme blanche, arme à feu).

Il permettra enfin d’obtenir des renseignements sur le blessé lui-même :

– signes fonctionnels : douleurs (localisation, type, intensité), troubles respiratoires, etc.

– antécédents personnels, âge, affections préexistantes, etc.

– traitement en cours éventuel (par exemple des anticoagulants).

A l’issue de cet examen clinique initial :

Indication opératoire d’emblée :

Une indication opératoire peut se dégager d’emblée :

– signes abdominaux évidents (écoulement de liquide digestif, extériorisation de viscères).

– état de choc résistant à la réanimation initiale.

– une radiographie du thorax, et souvent un ASP (permettant de repérer la balle), sont pratiqués avant le transfert au bloc opératoire.

Absence de contre-indication immédiate :

En l’absence d’indication opératoire immédiate, le blessé est placé en observation :

– on suivra l’évolution de demi-heure en demi-heure.

– en notant :

– le pouls.

– la tension artérielle.

– la température.

– la diurèse.

– les signes cliniques.

– et le rythme des perfusions.

– de l’évolution immédiate dépendra l’indication opératoire.

Évolution immédiate :

PREMIÈRE ÉVENTUALITÉ : APPARITION DE SIGNES FRANCS :

Des signes francs apparaissent, imposant l’intervention.

Tableau d’hémorragie interne :

Un tableau d’hémorragie interne se rencontre en cas :

– de plaie d’un organe plein (rate, foie, pancréas).

– ou d’une blessure vasculaire (mésentère, pédicule hépatique).

Signes généraux :

Les signes généraux sont les signes d’anémie aiguë :

– accélération du pouls.

– chute de la tension artérielle avec pincement de la différentielle.

– signe de choc avec pâleur et refroidissement des extrémités, sueurs.

– respiration superficielle.

– sensation de soif.

Signes physiques :

– L’abdomen peut rester souple, mais il est souvent tendu, il peut y avoir une défense localisée.

– Matité des flancs.

– Douleurs du cul-de-sac de Douglas.

Il y a risque vital de mort par hémorragie interne.

Tableau de perforation de viscères creux :

Tableau de péritonite

C’est un tableau plus progressif, avec des signes de péritonite :

– les signes généraux sont identiques à ceux de l’hémorragie interne. Ils sont plus tardifs ; il ne faut pas les attendre.

– les signes fonctionnels associent :

– douleurs abdominales, fixes, profondes.

– vomissements.

– arrêt des matières et des gaz inconstant et tardif.

–  Signes physiques :

– inspection : immobilité respiratoire.

– palpation : défense abdominale, évoluant vers la contracture.

– percussion : disparition de la matité préhépatique.

– A la radiographie, une image de croissant clair interhépato-diaphragmatique signe l’existence du pneumopéritoine. Ce signe est important lorsqu’il existe, mais il peut manquer.

Il y a risque vital de mort par péritonite.

Tableau de péritonite et d’hémorragie interne :

Ce tableau associe les deux tableaux précédents.

SECONDE ÉVENTUALITÉ : TABLEAU CLINIQUE RASSURANT :

Devant un tableau clinique rassurant, l’essentiel sera d’affirmer la pénétration abdominale. Le diagnostic de pénétration reposera sur les données cliniques et paracliniques.

Diagnostic clinique de pénétration abdominale :

Données d’examen et d’interrogatoire

Les données d’examen et d’interrogatoire sont :

– la nature de l’agent vulnérant.

– l’examen de la plaie :

– siège (se méfier des orifices situés à distance de l’abdomen : lombes, fesse, périnée, thorax).

– aspect de la plaie : l’issue de l’épiploon, d’un viscère ou la présence d’un écoulement intestinal ou bilieux par la plaie signent la pénétration abdominale.

– la reconstitution du trajet.

Diagnostic de pénétration

– Le diagnostic de pénétration sera facile s’il y a un orifice d’entrée et un orifice de sortie ou si l’on palpe le projectile sous la peau.

– Il sera plus difficile s’il n’y a qu’un seul orifice d’entrée. L’examen radiologique sera alors capital : l’orifice d’entrée étant repéré par une marque opaque, le trajet sera reconstruit entre cette marque et la projection du projectile.

Diagnostic paraclinique de pénétration :

Le diagnostic de pénétration pourra reposer sur des examens complémentaires :

–  radiographie sans préparation d’abdomen et de thorax :

– retrouvant l’image du projectile.

– mettant en évidence : un pneumopéritoine ou un épanchement liquidien abdominal.

–  l’opacification du trajet par un produit de contraste radio-opaque peut prouver la pénétration abdominale.

–  la ponction lavage du péritoine apporte les mêmes renseignements que dans les contusions de l’abdomen.

– l’exploration cœlioscopique a pu également être proposée, pour vérifier le caractère pénétrant ou non de la blessure.

– enfin, l’exploration chirurgicale du trajet (et non pas l’exploration à la sonde cannelée, strictement prohibée) permettra d’affirmer l’existence ou l’absence d’une pénétration péritonéale.

Selon les organes intéressés :

Des problèmes particuliers peuvent se poser en fonction des organes intéressés. Ce chapitre comporte une énumération de lésions viscérales isolées, mais il faut savoir que les associations sont fréquentes.

Plaies vasculaires :

– Les plaies de l’aorte et de la veine cave sont caractérisées par leur gravité :

– un tiers des blessés décèdent avant l’hospitalisation.

– la mortalité opératoire est de 30 %.

– Les plaies du pédicule hépatique sont également très graves.

Plaies des viscères :

Plaies des viscères pleins

Foie, rate, rein, pancréas.

Ici les problèmes sont identiques à ceux des contusions abdominales.

Plaies des viscères creux

– Estomac : la symptomatologie est différente selon que la blessure survient sur un estomac plein ou vide.

– Voies biliaires.

– Duodénum : la perforation peut être intraduodénale ou sous-péritonéale ; elle nécessite une exploration peropératoire soigneuse.

– Intestin grêle : fréquence des orifices multiples.

– Côlon et rectum : gravité des plaies en zones accolées qui risquent d’être méconnues.

Associations lésionnelles :

–  Associations lésionnelles :

– délabrements pariétaux (arme de chasse à bout touchant).

– plaies thoraco-abdominales.

– plaies abdomino-pelviennes.

– plaies abdomino-fessières.

– Les associations lésionnelles concernant le crâne, le thorax, le rachis sont le fait des plaies par armes automatiques tirant par rafales.

Conduite à tenir :

Plaies non pénétrantes :

Les plaies non pénétrantes imposent exploration et parage de la plaie.

Plaies pénétrantes :

Traitement chirurgical :

Le traitement des plaies pénétrantes est chirurgical et associe :

–  laparotomie médiane exploratrice de principe.

–  exploration abdominale soigneuse :

– viscères pleins.

– viscères creux en ne négligeant pas les zones accolées.

–  traitement des lésions en fonction de leur nature et de leur situation.

– large toilette péritonéale complétée par un drainage adapté aux lésions traitées.

– parage de la porte d’entrée.

Prévention antitétanique :

Ne pas oublier la prévention antitétanique ; l’antibiothérapie est adaptée aux lésions découvertes au cours de la laparotomie.

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