Fractures du rocher (Suite)

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Première partie

* Examen clinique :

+ Otoscopie :

Elle retrouvera un rétrécissement du CAE par fracture du rocher, voire une fracture associée de l’os tympanal, une perforation tympanique, et pourra quelquefois mettre en évidence des lésions ossiculaires : luxation malléaire, fixation du marteau décelable au spéculum pneumatique de Siegle.

+ Examen de la face :

Fractures du rocher (Suite)Il recherchera une cicatrice, des troubles de l’articulé dentaire, des troubles de la mobilité oculaire et surtout une paralysie faciale.

Celle-ci peut être complète (signe de Bell) ou partielle (signe des cils de Souques).

La classification de House-Brackmann est très pratique pour en évaluer l’importance.

+ Examen vestibulaire clinique :

Il doit toujours être réalisé.

– Il permet de rechercher un nystagmus spontané ou induit par des manoeuvres.

Le nystagmus spontané se recherche tout d’abord sans lunettes de Frenzel, puis avec lunettes, ou mieux sous vidéonystagmoscopie, dans le regard médian et les regards excentrés ; cet examen peut être sensibilisé par la manoeuvre du head-shaking : l’examinateur prend la tête du sujet entre ses mains et lui imprime des rotations rapides, alternativement dans un sens, puis dans l’autre, à fréquence d’environ une par seconde, dans le plan horizontal, voire vertical.

À l’arrêt peut apparaître un nystagmus révélé par ce « secouage de la tête ».

– Observation du mouvement oculaire lors de la poursuite lente de l’index : une poursuite saccadée est évocatrice d’une atteinte du tronc cérébral.

Une paralysie oculomotrice peut être découverte par cet examen, évocatrice soit d’une hypertension intracrânienne (VI) ou d’une fracture associée de l’orbite, voire d’une atteinte du sinus caverneux.

– Recherche du signe de Halmagyi qui permet de découvrir une aréflexie vestibulaire unilatérale : ce test consiste à imprimer à la tête du sujet, maintenue par les mains de l’examinateur, des mouvements de rotation horizontale, passifs, rapides, alternativement horaires et antihoraires, en lui demandant de ne pas quitter des yeux une cible fixe, située derrière l’examinateur.

Si la rotation se fait du côté d’un vestibule sain, l’oeil effectue un mouvement inverse de celui de la tête et reste accroché à la cible.

En revanche, en cas d’aréflexie vestibulaire unilatérale, l’oeil reste fixe dans l’orbite : il effectue une ou plusieurs saccades de rattrapage pour effectuer la consigne, regarder la cible fixe.

– Manoeuvre de Dix et Hallpike : elle permet de mettre en évidence un nystagmus paroxystique de position, témoin d’un vertige paroxystique positionnel bénin (VPPB).

Le sujet est assis sur une banquette face à l’examinateur, tête tournée de 45°.

L’examinateur, prenant entre ses mains la tête du sujet, le bascule latéralement dans le sens opposé à la rotation de la tête.

Celle-ci est placée hors de la banquette à 30° d’extension.

Dans cette position, le canal postérieur ipsilatéral est dans un plan vertical, sa cupule étant alors horizontale.

On affirmera le diagnostic de VPPB si dans cette position apparaît, après quelques secondes, un violent vertige contemporain d’un nystagmus verticorotatoire, géotropique s’épuisant en une vingtaine de secondes.

Lorsqu’on relève le patient, apparaît un nystagmus inverse fugace.

– L’étude des déviations segmentaires et axiales par l’épreuve des index et la manoeuvre de Romberg, le test de piétinement complètent cet examen clinique.

+ Acoumétrie :

Elle permet de différencier une surdité de transmission d’une surdité de perception.

+ Examen neurologique :

– Recherche des signes cérébelleux.

– Recherche de l’atteinte des autres paires crâniennes (paralysies oculomotrices, paralysie faciale et hypoesthésie du V surtout).

+ Examen vasculaire :

– Auscultation de la région temporale : un souffle peut être le témoin d’une fistule carotidocaverneuse.

* Bilan fonctionnel :

+ Audiométrie subjective :

L’audiométrie tonale liminaire est réalisée à la recherche des seuils en conduction osseuse et aérienne.

L’audiométrie supraliminaire est réalisée pour découvrir un recrutement.

L’audiométrie vocale donne le seuil vocal et la courbe d’intelligibilité ; elle permet facilement, en cas de surdité de perception, de caractériser un recrutement ou un phénomène de distorsion, mais elle permet également de tester la sincérité du sujet.

+ Audiométrie objective :

L’impédancemétrie apporte des éléments sur l’intégrité et la mobilité du système tympano-ossiculaire.

L’étude du seuil des réflexes stapédiens est un élément intéressant également pour apprécier l’intégrité du système tympano-ossiculaire ou de la fonction du nerf facial.

L’enregistrement des potentiels évoqués auditifs, examen objectif, peut être d’un grand secours dans l’appréciation des séquelles auditives après traumatisme crânien.

Il s’agit d’un examen objectif qui s’affranchit de la sincérité du patient.

Toutefois, les seuils obtenus ne sont parallèles aux seuils en audiométrie tonale qu’à 2 et 4 kHz.

L’enregistrement des otoémissions avec étude des produits de distorsion peut également être utile dans ces circonstances pour les fréquences plus graves.

Examen vestibulaire sous électro- ou vidéonystagmographie

Il permet d’apprécier les séquelles du labyrinthe postérieur chez des patients ayant subi un traumatisme crânien avec ou sans fracture du rocher.

Il est d’un intérêt capital pour l’évaluation médicolégale des séquelles.

Il reprend tous les tests qui sont habituellement réalisés lors de cet examen, c’est-à-dire la recherche du nystagmus spontané, la réalisation d’une épreuve rotatoire pendulaire ou mieux multifréquentielle, la recherche du nystagmus de position, la recherche du nystagmus d’origine cervicale et les épreuves caloriques qui ont l’avantage de ne stimuler qu’un seul labyrinthe et permettent donc de définir le côté de la lésion.

La recherche du signe de la fistule est réalisée de façon systématique : l’air du CAE est comprimé ou décomprimé à l’aide d’une poire en caoutchouc.

Le nystagmus consécutif à cette stimulation peut être enregistré sous électro- ou vidéonystagmographie et traduit la présence d’une fistule du canal semi-circulaire latéral.

Les épreuves optocinétiques sont systématiquement réalisées pour rechercher une atteinte centrale associée, de même que l’étude de la poursuite oculaire et des saccades.

+ Examens électriques :

Ils ont un double intérêt : pronostique et étiologique.

– La neuronographie (détection cutanée monoélectrode) recueille les potentiels myogéniques globaux obtenus après une stimulation percutanée du nerf facial en regard du trou stylomastoïdien.

Le recueil de ces potentiels myogéniques se fait par des électrodes de surface placées symétriquement de part et d’autre de la face.

Par exemple, lors de la stimulation du côté gauche, l’électrode gauche est l’électrode active et la droite est la masse et inversement.

On compare l’amplitude, la durée et la surface du pic à ceux du côté opposé (sain).

– L’axonotmesis est estimée en pourcentage de diminution de l’amplitude par rapport au côté sain.

C’est ce pourcentage au septième jour de la paralysie faciale qui a une valeur pronostique.

Si du côté paralysé, l’amplitude est supérieure à 30 %de celle du côté sain, le pronostic est bon en moins de 2 mois et la récupération sera bonne ; si elle est comprise entre 10 % et 20 %, la récupération sera très bonne en 2 à 6 mois ; si elle est inférieure à 10 %, la récupération sera incomplète en 6 à 12 mois ou nulle.

– Laneurapraxie (atteinte myélinique) se traduit par la dissociation entre une paralysie faciale complète et une neurographie normale. Le pronostic est très bon.

Il existe toutefois une grande variabilité de la différence d’amplitude entre le côté paralysé et le côté sain, car il est difficile d’être dans les mêmes conditions techniques de stimulation d’électrode à droite et à gauche.

– La stimulation magnétique permet la stimulation transcrânienne de toute la voie motrice conduisant aux muscles de la face.

Elle peut préciser la localisation de l’atteinte (centrale ou périphérique).

L’enregistrement est réalisé de la même manière que précédemment.

La stimulation magnétique transcrânienne du nerf facial est réalisée en plaçant une bobine d’induction sur la région pariétale et mastoïdienne.

Le courant est de sens horaire pour stimuler le nerf facial droit et antihoraire pour le gauche.

Pour la stimulation de l’aire motrice, la bobine est placée sur la région frontale latérale.

– L’électromyographie (détection aiguille-électrode) permet l’étude des potentiels myogéniques obtenus lors de la contraction volontaire ou après stimulation.

Lors de la récupération de la fonction faciale, on voit apparaître des potentiels de régénération puis une resynchronisation des potentiels, ce qui est très favorable ou au contraire une absence de synchronisation qui a, pour conséquence, une évolution vers un spasme de l’hémiface.

* Imagerie :

+ Méthodes :

Parmi les clichés standards, seule l’incidence de profil strict garde son intérêt pour apprécier l’étendue d’une fracture de la voûte étendue à l’écaille temporale.

La TDM à haute définition est l’examen radiologique de choix pour l’exploration d’un traumatisme du rocher.

Des coupes horizontales sont effectuées tous les millimètres avec chevauchement de 0,5 mm sur les osselets.

L’IRM permet de compléter l’imagerie TDM.

Dans les jours qui suivent l’accident, elle permet de mettre en évidence l’hémorragie labyrinthique. Un rehaussement du signal est observé sur le trajet du VII en cas de commotion du VII.

Au cours de l’évolution, on peut observer une fibrose des cavités labyrinthiques.

+ Circonstance de réalisation de l’imagerie :

À la demande du service d’urgence, à l’admission du blessé, ce bilan est demandé à la recherche de lésions cérébrales chez un patient comateux : contusion, hématome extradural, sous-dural ou intracérébral.

Dans cette situation, c’est l’IRM qui est l’examen de choix mais, en pratique, c’est la TDM qui est le plus souvent demandée pour visualiser ces lésions (mais de manière moins fine) associées aux signes de fracture du rocher, car actuellement elle est obtenue (en France) plus rapidement.

En l’absence de troubles neurologiques centraux, ou lorsque le sujet est sorti du coma, la TDM est demandée pour réaliser le bilan d’une paralysie faciale immédiate ou retardée, d’une otorragie, d’une surdité de perception ou de transmission, d’un vertige, à la recherche de traits de fracture du rocher.

À distance du traumatisme, le bilan tomodensitométrique est demandé, dans le cadre d’une consultation pour vertige, ou d’une surdité de perception ou de transmission, d’une méningite.

+ Résultats :

La TDM permet très précisément d’analyser le trajet du trait de fracture longitudinale, transversale, complexe, partielle.

La compréhension de la symptomatologie découle de l’analyse des zones de fractures :

– translabyrinthiques : vertiges et surdité de perception ;

– longitudinales : otorragie, surdités de transmission, mais aussi surdités de perception et vertiges ;

– partielles : surdités fluctuantes et vertiges ;

– si le trait atteint le canal facial : paralysie faciale.

Le trait de fracture est fonction du type de traumatisme.

Il est classique de distinguer les fractures longitudinales dont l’axe est parallèle à celui du rocher des fractures transversales qui sont perpendiculaires à l’axe principal du rocher.

– Fractures longitudinales.

Ces fractures sont secondaires à des chocs latéraux, pariétaux ou pariétooccipitaux.

Elles représentent 70 à 90 % des fractures du rocher.

Elles se produisent le long de l’axe longitudinal du rocher.

La fracture débute au niveau de l’écaille temporale et se prolonge dans la mastoïde jusqu’à la paroi postérieure et supérieure du CAE.

Elle irradie vers le tegmen et l’attique, passe en avant du labyrinthe et se termine dans la fosse crânienne moyenne.

Elle peut se prolonger en dehors de la paroi antérieure du CAE osseux et atteindre l’articulation temporomandibulaire.

L’extension du trait de fracture vers l’intérieur peut ébranler la chaîne ossiculaire ou intéresser le canal de Fallope au niveau du genou et léser le nerf facial à proximité du ganglion géniculé.

La carotide interne peut être lésée. Ces fractures produisent surtout des symptômes de l’oreille moyenne, une atteinte du nerf facial et une otoliquorrhée.

– Fractures transversales.

Ces fractures sont généralement secondaires à un choc frontal ou occipital et le trait de fracture est perpendiculaire à l’axe du rocher.

Elles représentent 10 à 30 % des fractures du rocher.

Elles débutent au trou occipital et se développent de la fosse cérébrale postérieure à la fosse cérébrale moyenne en passant par le rocher.

Les fractures transversales antérieures, plus internes, concernent la cochlée et le fond du CAI.

Les fractures transversales postérieures concernent le vestibule, les canaux semi-circulaires externe et postérieur, et parfois la deuxième portion du nerf facial.

Ces fractures peuvent s’accompagner d’un pneumolabyrinthe.

Ce type de fracture est donc à l’origine de lésions de l’oreille interne responsables d’une surdité de perception, d’acouphènes et de vertiges.

La paralysie faciale est fréquente.

– Lésions ossiculaires.

La TDM permet de déceler la plupart des anomalies ossiculaires.

Luxation incudostapédienne : espace entre étrier et branche descendante de l’enclume anormalement grand ;

Luxation incudomalléaire : espace entre la branche descendante de l’enclume et le marteau trop important ;

Luxation stapédovestibulaire : enfoncement de la platine dans le vestibule, avec présence fréquente d’une bulle d’air (si l’examen est fait dans les premières 48 heures).

– Fractures.

Fracture de l’apophyse lenticulaire : l’interruption de l’extrémité inférieure de la branche descendante de l’enclume.

Fracture des branches de l’étrier : mauvaise visualisation de l’étrier.

Fracture de la platine de l’étrier : platine ayant un aspect angulé (en V).

* Syndromes :

+ Déficit cochléovestibulaire total unilatéral :

La symptomatologie est dominée par les vertiges rotatoires avec leur cortège de signes neurovégétatifs (nausées et vomissements) qui disparaissent en quelques jours et s’accompagnent d’une cophose unilatérale.

Le bilan cochléovestibulaire confirme la cophose et l’aréflexie vestibulaire ipsilatérale, compensée de façon variable à l’épreuve rotatoire, en fonction de l’ancienneté du traumatisme.

L’examen scanographique objective habituellement une fracture transversale du rocher.

Si cet examen met en évidence un pneumolabyrinthe, l’intervention chirurgicale s’impose pour fermer la brèche labyrinthique qui ne cicatrise pas spontanément.

Une paralysie faciale périphérique peut accompagner ce déficit cochléovestibulaire (dans 50 % des fractures transversales).

+ Déficit cochléovestibulaire partiel :

– Fistule périlymphatique.

Elle est due à une rupture de la fenêtre ronde ou ovale (fracture platinaire ou rupture du ligament annulaire).

Elle entraîne une surdité de perception fluctuante, avec souvent aggravation progressive, et peut s’accompagner de troubles de l’équilibre fugaces ou de vertiges déclenchés par le mouchage ou la position latérale.

L’audiogramme est caractérisé par une surdité de perception sur les fréquences graves, avec recrutement, associée quelquefois à un petit facteur transmissionnel.

L’examen vestibulaire met en évidence une hypovalence vestibulaire à l’épreuve calorique, associée à une prépondérance directionnelle.

Le signe de la fistule est exceptionnellement retrouvé.

Il n’y a pas d’élément formel permettant de poser ce diagnostic.

C’est l’interrogatoire sur les circonstances du traumatisme qui fait suspecter le diagnostic le plus souvent.

+ Commotion labyrinthique :

Elle associe une surdité de perception en plateau non fluctuante à des troubles de l’équilibre non systématisés ; elle peut être présente même en l’absence de fracture.

Cette symptomatologie postcommotionnelle doit régresser en 2 mois.

+ Vertige positionnel paroxystique bénin :

Le VPPB post-traumatique qui serait dû au dépôt d’otoconies dans le canal semi-circulaire postérieur, arrachées des macules otolithiques lors du traumatisme, est identique au VPPB classique.

+ Syndrome postcommotionnel :

Il est très fréquent, rencontré dans plus de la moitié des traumatismes crâniens.

Il a été décrit sous le terme de « syndrome subjectif commun des traumatisés du crâne » par Pierre Marie.

Il associe une impression de déséquilibre de brève durée, avec une sensation de chute imminente aux mouvements rapides de la tête.

Il s’accompagne de signes neurovégétatifs, d’acouphènes, de céphalées postérieures résistant aux antalgiques habituels.

S’y ajoutent asthénies physique et psychique, baisse de la libido, troubles du caractère.

Le syndrome postcommotionnel est une étape normale dans l’évolution du traumatisme crânien, mais dure moins de 2 mois.

S’il persiste au-delà, il évolue vers la névrose post-traumatique.

+ Surdité de transmission :

Elle est très fréquente au décours des fractures du rocher. Initialement, l’hémotympan est souvent à l’origine de la surdité de transmission.

À la troisième semaine post-traumatique, la persistance de la surdité de transmission doit faire évoquer la possibilité d’une perforation tympanique, d’une luxation ou d’une fracture ossiculaire.

* Formes cliniques :

+ Fractures du rocher chez l’enfant :

Elles présentent deux pics de fréquence, l’un vers l’âge de 2 à 3 ans avec les accidents de la voie publique, et l’autre vers 13 à 16 ans avec les chutes et également les accidents de la voie publique.

Sur une série de 25 fractures du rocher,Williams retrouve dans 88 % des cas une fracture mixte.

Les fractures transversales et longitudinales sont moins fréquemment rencontrées que chez l’adulte.

Les paralysies faciales périphériques sont plus rares que chez l’adulte.

Au stade des séquelles, chez l’enfant, la fracture du rocher laisse plus volontiers une surdité de transmission plutôt qu’une surdité de perception.

+ Fractures du rocher bilatérales :

Elles résultent le plus souvent d’un violent choc temporal latéral qui entraîne une fracture longitudinale d’un rocher, puis irradie vers le rocher controlatéral en passant par le sphénoïde.

Ce type de fracture se complique de lésions de la carotide interne dans 10 % des cas.

+ Fractures de la pointe du rocher :

Ces fractures associent une paralysie oculomotrice et une atteinte trigéminale.

+ Fractures ouvertes du rocher :

Secondaires le plus souvent à des plaies par balle avec perte de substances cutanée et osseuse, elles exposent le patient à des risques infectieux majeurs et au problème de la fermeture de la perte de substance.

+ Paralysies de la VIe paire crânienne :

La paralysie de la VIe paire crânienne est retrouvée dans 6 %des fractures du rocher et peut parfois être bilatérale.

Elle régresse le plus souvent spontanément.

Si elle persiste, elle pourra être corrigée chirurgicalement par les ophtalmologistes.

+ Thromboses aseptiques du sinus sigmoïde :

Retrouvée dans 1 à 2 % des fractures du rocher, cette complication est rare mais potentiellement dangereuse.

Cette thrombose reste le plus souvent asymptomatique grâce aux collatérales du sinus sigmoïde ; cependant, un thrombus peut s’étendre vers le sinus longitudinal supérieur ou vers le sinus caverneux en passant par le sinus pétreux.

Elle est évoquée devant l’apparition d’un syndrome d’hypertension intracrânienne.

B – Phase séquellaire :

Elle fait suite à la phase primaire et a été décrite.

Elle est marquée par des périodes d’hospitalisation pour interventions : tympanoplastie, plastie méningée… où le sujet se plaint encore de vertiges, céphalées…

La date de consolidation met fin à cette période.

À partir de cette date, on considère que les troubles ne présentent plus d’évolution : la symptomatologie est considérée comme séquellaire.

L’ensemble des séquelles est évalué pour donner le taux d’incapacité partielle permanente.

À ce stade, outre les séquelles organiques qui seront détaillées, il faudra tenir compte d’éléments psychiques surajoutés, conséquence du stress posttraumatique dont témoigne souvent l’ecmnésie : rêve éveillé du patient se souvenant des circonstances de l’accident.

Cela conduit souvent le patient à une recherche du bénéfice secondaire qui permet de « supporter l’insupportable ».

1- Méningites :

Une brèche ostéoméningée secondaire à une fracture du rocher peut se révéler par une méningite, le plus souvent à pneumocoque, pouvant apparaître dans les suites du traumatisme, avec un intervalle très variable (de quelques jours à plusieurs années).

Cette brèche communiquant avec l’oreille moyenne, il est impératif de la rechercher par uneTDMet de la colmater pour éviter toute récidive.

2- Paralysies faciales :

Elles peuvent persister plusieurs mois après le traumatisme et bénéficient des mêmes bilans et traitements qu’à la phase primaire.

Si elles persistent au-delà de 1 an, il faut envisager des techniques de réhabilitation (transpositions et anastomoses nerveuses : XI-VII, XII-VII).

3- Surdités :

– Les patients présentant une surdité de transmission pourront encore bénéficier d’une exploration chirurgicale de l’oreille moyenne après bilan scanographique, en vue d’une tympanoplastie, quelle que soit la durée de la période écoulée après le traumatisme.

– Les surdités de perception, acquises au cours du traumatisme, constituent des séquelles puisqu’elles peuvent être considérées comme stables et irréversibles.

Certaines surdités de perception peuvent apparaître secondairement (plusieurs mois à quelques années) et être considérées comme la conséquence directe du traumatisme.

Les mécanismes évoqués sont la fibrose cochléaire ou celle du suc endolymphatique.

Un appareillage auditif est évidemment envisageable en fonction du type et de l’importance de l’hypoacousie de transmission ou de perception.

4- Acouphènes :

Ils peuvent persister de nombreuses années après le traumatisme.

Ils font souvent partie du syndrome postcommotionnel.

5- Vertiges :

* Vertiges rotatoires :

Outre les classiques vertiges décrits précédemment, celui de la destruction cochléovestibulaire aiguë ou celui du VPPB, d’autres vertiges ou troubles de l’équilibre sont observés :

– vertiges positionnels apparaissant dès la prise de position et de durée plus longue que celle du VPPB (plusieurs minutes).

Ils sont d’origine otolithique probable et peuvent bénéficier d’une rééducation vestibulaire (méthode de Norré) ;

– vertiges de positionnement ou cinétiques : la rotation brutale de la tête entraîne une sensation de déséquilibre fugace, sans signe neurovégétatif ni cochléaire.

Ces vertiges sont souvent la conséquence d’une destruction vestibulaire unilatérale ancienne, et traduisent une compensation imparfaite ;

– rarement, il peut s’agir de vertiges paroxystiques rotatoires durant plusieurs minutes accompagnés de signes cochléaires fugaces.

* Sensations de déséquilibre :

Rares et brèves, elles se manifestent surtout à la marche : il s’agit de sensations d’ébriété, d’une sensation de marche sur un sol inégal.

Mais les faux vertiges doivent être détectés : brouillard visuel, éblouissement, sensation de tête « vide » peuvent s’accompagner d’agoraphobie ou d’acrophobie.

Ils témoignent d’une angoisse vestibulaire révélée par le traumatisme crânien.

* Névrose post-traumatique :

Elle fait suite au syndrome postcommotionnel, après 2 mois d’évolution.

Elle apparaît chez un quart des sujets.

On observe une aggravation des céphalées devenant intolérables, résistant aux traitements antalgiques, des troubles du sommeil, de la mémoire et du caractère : il s’agit d’un trouble somatoforme avec recherche de bénéfice secondaire.

Le patient a une sensation d’injustice envers la société qui ne reconnaît pas le traumatisme céphalique qu’il a subi.

La reconnaissance du traumatisme, se traduisant par une indemnisation même minime, fait office de traitement.

Elle est le plus souvent la conséquence de la non-reprise du travail dans un délai inférieur à 2 mois.

6- Fistules artérioveineuses entre la carotide interne et le sinus caverneux :

Elles peuvent être découvertes de nombreuses années après le traumatisme.

Elles bénéficient des techniques thérapeutiques de la radiologie interventionnelle.

7- Sténoses du conduit auditif externe :

L’os tympanal est en contact direct avec le condyle mandibulaire.

Il est très fragile dans sa partie antérieure.

C’est le recul de la mandibule, souvent par choc direct sur le menton, qui entraîne la fracture du tympanal.

La réduction précoce de cette fracture évitera ultérieurement la sténose du CAE.

La fracture du CAE est le plus souvent rencontrée dans les fractures longitudinales du rocher avec un trait de fracture qui passe à la partie supérieure du conduit.

8- Cholestéatomes post-traumatiques :

Ils sont rares et découverts des années après le traumatisme parfois oublié.

La migration épithéliale s’est faite par la perforation tympanique ou par la déhiscence du CAE.

La perforation cicatrise souvent rapidement après le traumatisme et enferme les débris épithéliaux dans l’oreille moyenne.

Ces cholestéatomes sont des complications tardives et apparaissent au milieu d’une cavité normalement pneumatisée.

9- Dysfonctionnements de la trompe d’Eustache :

La partie osseuse de la trompe auditive est un canal mesurant 12 mm de long creusé dans l’os temporal.

Une fracture de cette portion pourra entraîner des dysfonctionnements tubaires par obstruction partielle ou complète de la trompe auditive.

10- Méningocèles :

Une méningite ou une surdité de transmission d’apparition secondaire doit y faire penser.

L’IRM est l’examen complémentaire de choix pour la mettre en évidence.

11- Otalgie :

Elle peut être la conséquence d’une arthrose temporomandibulaire posttraumatique, voire d’une névralgie du nerf d’Arnold.

12- Céphalées :

Elles sont très fréquentes et sont localisées du côté de la lésion, continues, majorées par les efforts de toux et la pression locale.

Il peut s’agir également d’algie cervicocrânienne dont l’apogée est située au niveau cervical et qui irradie vers l’os occipital ou en « casque ».

Il existe des céphalées moins typiques qui évoquent des céphalées de tension.

Traitements :

A – Paralysie faciale :

Elle fait partie des symptômes majeurs de la fracture du rocher : 20 % des fractures longitudinales et 50 % des fractures transversales se compliquent d’une paralysie faciale.

Les paralysies faciales immédiates sont supposées être la conséquence d’une section du nerf facial, et nécessitent rapidement l’exploration avec suture ou greffe nerveuse.

Tant que la paralysie demeure incomplète, la récupération totale et spontanée est assurée.

Pour les paralysies complètes, des explorations nerveuses électrophysiologiques sont nécessaires afin d’apprécier le niveau de dénervation et d’en évaluer l’étendue.

On utilise le test de stimulation maximale et l’électroneuronographie.

Une exploration chirurgicale est indiquée si elles ne montrent aucune réponse à une stimulation de 10 mA, ou si on observe à l’électroneuronographie une dégénérescence d’au moins 90 % des fibres nerveuses (constatée dans les 7 jours qui suivent la paralysie faciale).

L’exploration chirurgicale n’est pas indiquée pour les patients présentant une paralysie incomplète.

Lorsque la paralysie est découverte plusieurs semaines après le traumatisme initial sans signe d’excitabilité, l’exploration devient aléatoire mais doit être tentée vers le quatrième ou même le sixième mois.

L’électromyographie aide à apprécier la régénérescence nerveuse.

En l’absence de régénérescence ou de guérison au sixième mois, une exploration chirurgicale est indiquée.

Après section nerveuse complète, il est évident qu’un bon résultat (au moins sur le tonus de repos) n’est obtenu qu’après réparation nerveuse par une greffe ou une anastomose spinofaciale ou hypoglossofaciale.

B – Surdités de transmission :

Leur traitement ne s’envisage pas dans la période initiale car elle est souvent due à un hémotympan.

Les conséquences de celui-ci ont habituellement disparu après 3 semaines d’évolution.

Le traitement chirurgical d’une surdité de transmission ne se pose donc qu’après quelques mois de délai.

Cette surdité de transmission peut être due soit à une perforation tympanique, soit à une lésion ossiculaire, soit aux deux lésions réunies.

1- Perforation traumatique :

Il faut rappeler qu’il ne faut jamais proposer de traitement local : jamais de gouttes auriculaires en cas de perforation tympanique.

Celle-ci se ferme habituellement spontanément dans les 6 mois.

Au-delà de cette période, une myringoplastie peut être proposée et doit toujours s’accompagner d’une exploration caténaire.

2- Lésions ossiculaires :

En l’absence de perforation, la persistance d’une surdité de transmission doit faire envisager l’existence d’une lésion de la chaîne ossiculaire.

Le bilan audiométrique et scanographique permet le plus souvent de prévoir le type de lésion.

Il peut s’agir soit d’une luxation incudostapédienne, soit d’une luxation incudomalléaire, soit d’une luxation du bloc incudomalléaire.

Il peut s’agir également de fractures de la branche descendante de l’enclume ou des branches de l’étrier.

Une exploration d’oreille est proposée pour réaliser une ossiculoplastie.

C – Surdités de perception :

Leur traitement est souvent décevant.

On peut proposer, comme pour les autres types de surdité de perception acquise, un traitement par vasodilatateurs et corticoïdes, traitement qui n’a pas prouvé son efficacité.

Lorsque le diagnostic de fistule périlymphatique est évoqué, une exploration de l’oreille moyenne par voie du conduit est proposée.

Elle permet le plus souvent de découvrir la fuite de périlymphe.

Le traitement consiste à colmater la brèche à l’aide de graisse prélevée au lobule de l’oreille et de colle biologique.

En cas de fistule périlymphatique patente, ce type de traitement chirurgical est très efficace.

Si la cophose est bilatérale, on pourra proposer, après un bilan soigneux, et notamment une stimulation électrique de promontoire, la mise en place d’un implant cochléaire.

Les progrès récents sont très encourageants et permettent d’obtenir une réhabilitation satisfaisante chez un patient motivé.

D – Surdités mixtes :

Elles sont habituellement le fait d’une atteinte de l’étrier : luxation stapédovestibulaire ou fracture de la platine. Une stapédectomie avec interposition veineuse est le traitement le plus souvent proposé.

E – Otoliquorrhées :

Si elles sont dues à une fracture du tegmen, elles se tarissent généralement spontanément par impaction du lobe temporal dans la brèche méningée.

En revanche, si elles sont dues soit à une fracture translabyrinthique passant dans le fond du CAI, soit à une fracture de la paroi postérieure du rocher avec brèche de la méninge de la fosse postérieure, une intervention s’impose.

Dans le premier cas, il faudra colmater la brèche à l’aide de fragments de graisse et de colle biologique, après avoir réalisé une labyrinthectomie (il s’agit d’une fracture translabyrinthique donc d’une destruction cochléovestibulaire).

Dans la deuxième hypothèse, la brèche doit être recherchée après mastoïdectomie et la fermeture est également réalisée avec de la graisse abdominale collée à la colle biologique.

F – Vertiges :

1- Grand vertige aigu :

Il est dû à une destruction cochléovestibulaire et guérit spontanément par compensation centrale.

Dans de rares cas, il conviendra de proposer une rééducation vestibulaire.

Celle-ci devra être systématiquement envisagée en cas d’atteinte bilatérale.

Elle fait appel à la réhabilitation en substituant à la fonction vestibulaire les autres fonctions régissant l’équilibre : vision et proprioception.

Ces patients restent néanmoins toujours gênés dans l’obscurité.

2- Vertige positionnel :

– Le VPPB post-traumatique se traite par une manoeuvre kinésithérapique comme le VPPB classique.

– Le vertige positionnel.

Ces vertiges sont traités par la méthode d’habituation en utilisant le test battery de Norré.

Quant aux vertiges de positionnement, ils sont également traités par rééducation vestibulaire.

La rééducation vestibulaire cherche à favoriser la compensation, puisque ces vertiges sont habituellement dus à une asymétrie de fonctionnement des deux vestibules.

3- Commotion labyrinthique :

On propose le même traitement que celui de la maladie de Ménière : le traitement de l’hydrops labyrinthique par la bétahistine agissant sur les sphincters précapillaires, par la corticothérapie et par l’administration de diurétiques.

4- Syndrome postcommotionnel :

Il guérit spontanément sans traitement, en moins de 2 mois.

S’il persiste audelà, le patient évolue vers un syndrome somatoforme nécessitant une prise en charge psychiatrique.

L’aspect médicolégal et la réparation juridique n’ont volontairement pas été étudiés puisqu’ils figurent déjà dans cet ouvrage.

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