Fractures des plateaux tibiaux : fractures récentes

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Rappels anatomiques et biomécanique :

L’extrémité supérieure du tibia est étalée transversalement et déjetée en arrière sagittalement.

Le grand axe longitudinal de l’extrémité supérieure du tibia est incliné vers l’arrière et fait avec l’axe diaphysaire un angle d’inclinaison diaépiphysaire de 10 à 25°.

Cette obliquité postérieure crée un porte-à-faux d’autant plus grand que l’angle est important.

De plus, le plateau tibial est incliné vers l’arrière et de haut en bas selon un angle d’inclinaison qui varie de 0 à 15°.

Plus l’angle d’inclinaison est grand, plus il majore le porte-àfaux postérieur.

Le plateau tibial correspond à la face supérieure des deux tubérosités articulaires du tibia.

On distingue une zone centrale avec insertion des ménisques et des ligaments croisés ; une zone d’appui (ou cavités glénoïdes) directement en contact avec les condyles fémoraux et une zone périphérique correspondant à la surface des cavités glénoïdes ne répondant aux condyles fémoraux que par l’intermédiaire des ménisques.

Les condyles fémoraux sont les « agresseurs » des plateaux tibiaux.

La diminution progressive d’avant en arrière de leur rayon de courbure leur confère une plus grande force de pénétration dans la surface tibiale au fur et à mesure que la flexion augmente.

Dans le plan frontal, il existe un valgus fémorotibial physiologique de 2 à 6° qui peut expliquer en partie la fréquence des lésions du plateau externe.

Sur le plan architectural, l’extrémité supérieure du tibia est constituée de plusieurs systèmes trabéculaires entremêlés pour pallier la fragilité d’un système en porte-à-faux.

Ce système lamellaire est constitué de trabécules verticaux partant des corticales interne et externe et s’épanouissant sous la tubérosité homo- et controlatérale.

La région épiphysaire tibiale proximale n’est constituée que de travées horizontales peu adaptées à s’opposer aux forces de pression verticales et obliques.

Cette région repose sur une ultrastructure constituée de faisceaux lamellaires verticaux, horizontaux et ogivaux.

Fractures des plateaux tibiaux : fractures récentes

La disposition de ces travées peut expliquer la direction des traits fracturaires pour la majorité des traumatismes.

La vascularisation de l’extrémité supérieure du tibia provient comme pour les autres zones métaphysoépiphysaires de deux types d’artères : les vaisseaux périostés et médullaires.

En cas de fracture, le réseau médullaire est interrompu et seul le réseau périosté assure la vascularisation.

Il est donc important en cas d’abord chirurgical d’essayer de préserver au maximum ce réseau périosté, particulièrement exposé dans les voies d’abord extensives.

L’étude anatomique de Hannouche et al décrit parfaitement cette vascularisation en s’intéressant au plateau latéral.

Dans une perspective thérapeutique, les caractéristiques tégumentaires et musculoligamentaires ne doivent pas être écartées :

– la face médiale métaphysoépiphysaire du tibia ne présente qu’un revêtement cutané peu propice à la bonne tolérance d’un matériel d’ostéosynthèse volumineux ;

– la stabilité de l’articulation est directement conditionnée par le respect de l’intégrité des haubans capsuloligamentaires ;

– la conservation des ménisques qui peuvent représenter une entrave à l’exposition articulaire doit être impérativement assurée pour préserver l’équilibre statique du membre et l’avenir « cartilagineux ».

Physiopathologie et mécanisme fracturaire :

Malgré des études plus récentes, trois types de mécanisme élémentaire bien décrits par Duparc et Ficat peuvent être toujours mis en cause afin d’expliquer les fractures de l’extrémité supérieure du tibia : la compression axiale, la compression en valgus ou varus forcé, les traumatismes sagittaux.

La compression verticale dite axiale est le fait le plus souvent d’une chute sur les pieds.

Elle entraîne une fracture-séparation des deux tubérosités.

En fait, la compression axiale pure reste rare (11 %), et est le plus souvent associée à un mécanisme en valgus ou varus.

Dans ce cas-là, la distribution des contraintes est inégale, prédomine sur une tubérosité et réalise une fracture spinoglénoïdienne.

La compression latérale isolée constitue le mécanisme le plus fréquent (55 %).

Il s’agit le plus souvent d’un choc latéral direct survenant sur un genou verrouillé, pieds bloqués au sol.

Ce traumatisme provoque une fracture unitubérositaire du plateau externe ; fracture ne pouvant survenir qu’en cas d’intégrité du système capsuloligamentaire controlatéral afin de maintenir la compression sur le plateau.

Les autres traumatismes, dont les traumatismes sagittaux, sont loin d’être négligeables.

Husson a bien différencié le traumatisme antéropostérieur (9 cas sur 10) du traumatisme postéroantérieur (1 cas sur 10).

L’hyperextension forcée associée à l’intégrité des coques en arrière engendre une compression axiale antérieure avec tassement correspondant des tubérosités.

Mais dans tous les cas, ces divers mécanismes sont souvent intriqués à des degrés variables, notamment dans les traumatismes à haute énergie (accidents de la voie publique) réalisant des lésions mixtes dont la classification peut être difficile.

Classification :

Gérard-Marchant, le premier, a isolé suivant la déformation les trois grands types de lésions : la séparation, l’enfoncement, la lésion mixte séparation/enfoncement.

Plusieurs classifications ont été proposées par la suite.

La classification de Duparc et Ficat reste à ce jour la plus utilisée en France.

Tout en permettant de compter un grand nombre de formes cliniques, elle est d’emploi relativement facile car se référant à la lésion initiale (enfoncement, séparation ou mixte) et à la localisation (médiale, latérale ou bilatérale).

Elle permet de différencier trois grands groupes de fractures.

A – FRACTURES UNITUBÉROSITAIRES (60 %) :

Elles prédominent très largement (90 %) sur le versant latéral.

Les fractures-séparation pures représentent 16 % des cas, les fracturestassement 18 % et les lésions mixtes 66 %.

Dans ce type de fracture, il existe une portion métaphysoépiphysaire en continuité sur laquelle peut s’effectuer la réduction et s’appuyer l’ostéosynthèse.

B – FRACTURES SPINOTUBÉROSITAIRES :

Elles sont assimilées à des fractures unitubérositaires dont le trait débute sur un plateau et se termine sur la métaphyse controlatérale, isolant ainsi un plateau et le massif des épines du reste de l’os.

Ces fractures sont rares (moins de 10 % des fractures des plateaux) et prédominent en interne.

La fracture spinotubérositaire médiale se caractérise par un trait du plateau tibial latéral vers la métaphyse tibiale médiale.

Le fragment interne comprend donc le plateau médial, le massif des épines ainsi que le pivot central et le ligament latéral interne (LLI) le plus souvent intact.

L’autre fragment comprend l’épiphyse latérale solidaire de la diaphyse.

Ce fragment a tendance à s’impacter plus ou moins dans le condyle fémoral (grade II et III) avec comminution du plateau et risque de rupture du système ligamentaire latéral.

La fracture spinotubérositaire externe est beaucoup plus rare et réalise des lésions symétriques.

C – FRACTURES BITUBÉROSITAIRES :

Elles représentent 30 à 35 % des fractures des plateaux tibiaux.

Trois types ont pu être différenciés :

– fractures bitubérositaires simples (grade I) qui présentent des traits-séparation du massif des épines vers les corticales métaphysaires médiale et latérale.

Ces fractures en T, Y ou V sont rares car souvent associées à une comminution importante de par la compression souvent prédominante ;

– fractures bitubérositaires complexes associant un trait métaphysaire transversal et un trait-séparation épiphysaire avec enfoncement de l’un des deux plateaux (le plus souvent latéral).

Il existe une perte de l’horizontalité des plateaux et l’axe diaphysaire n’est plus perpendiculaire à l’axe des plateaux ;

– fractures bitubérositaires comminutives : il existe une comminution et un enfoncement des deux plateaux associé à une fracture sous-tubérositaire complexe.

Parallèlement à la classification de Duparc, la classification en six types de Schatzker, d’apparition plus récente, est de plus en plus utilisée, notamment dans les pays anglo-saxons.

Elle regroupe les six lésions les plus rencontrées, d’utilisation aisée pour le classement des fractures les plus communes, certains lui reprochent de ne pas correspondre à l’ensemble des lésions rencontrées ; il est ainsi parfois difficile de rapprocher certaines fractures de tel ou tel type décrit.

La classification de l’AO est la plus exhaustive, mais très détaillée, elle rend la systématisation des indications thérapeutiques plus difficile.

Certes, ces trois classifications ne s’opposent pas et sont le plus souvent concordantes.

Toutefois, la classification de Duparc et Ficat, complète, facile à utiliser et permettant une orientation thérapeutique systématisée, garde notre préférence.

Diagnostic :

A – CLINIQUE :

Le diagnostic de fracture de l’extrémité supérieure du tibia est souvent porté dès l’examen clinique.

Il existe une impotence fonctionnelle du membre inférieur avec un genou augmenté de volume, en relation avec une hémarthrose.

Le contexte peut toutefois être très variable, du traumatisme violent chez le sujet jeune à la simple chute de sa hauteur chez le sujet âgé ostéoporotique.

Néanmoins, l’examen ne permet pas de préjuger du type de fracture et de l’importance des lésions articulaires.

Il importe avant tout de rechercher une lésion vasculonerveuse associée (atteinte du sciatique poplité externe [SPE], de l’artère poplitée), et de bien évaluer l’état cutané.

Si les fractures ouvertes sont rares (0,5 à 4 %) l’existence de contusions, voire de décollements cutanés, est beaucoup plus fréquente, pouvant faire différer le traitement chirurgical ou orthopédique, notamment chez le sujet âgé.

Il est pour cela capital de connaître le type de traumatisme car les traumatismes à haute énergie sont pourvoyeurs de nécrose cutanée secondaire et de décollements sous-cutanés exposant à des nécroses extensives en cas d’abord chirurgical.

Parfois, la fracture se limite à un enfoncement de l’un des plateaux sans perte de continuité corticale et l’examen clinique peut faussement orienter le diagnostic vers une entorse grave du genou.

B – EXAMENS RADIOLOGIQUES :

1- Radiographies standards :

Le bilan doit comporter des radiographies de face, de profil ainsi que des clichés de trois quart.

Ces incidences de trois quart sont souvent utiles pour bien visualiser la console postérolatérale.

Ces clichés de « débrouillage » permettent le plus souvent de préciser le type fracturaire et l’importance d’un éventuel enfoncement.

Néanmoins, il faut rester très prudent sur la conduite à tenir après de simples radiographies car l’on a souvent tendance à sous-estimer l’importance des lésions.

Dans les cas douteux, il faut savoir donner toute son importance à la présence des épanchements articulaires et lobulés graisseux, signe indirect de fracture.

2- Examen tomodensitométrique :

Supplantant les classiques tomographies, il est d’emploi de plus en plus étendu et très utile afin de préciser l’orientation thérapeutique (avec reconstruction en deux, voire de plus en plus en trois dimensions) ; il doit permettre :

– d’apprécier de façon indiscutable le type anatomique de la fracture ;

– de localiser et quantifier l’importance du ou des enfoncements et ainsi prévoir la nécessité ou non d’une greffe osseuse ou d’un substitut osseux de comblement ;

– d’évaluer l’importance de la comminution ;

– de confirmer ou non le respect des zones d’insertion des ligaments croisés.

Son utilisation nous paraît donc désormais fortement conseillée pour décider du choix thérapeutique et, même en cas de décision chirurgicale déjà prise au vu des simples radiographies, pour choisir au mieux la technique d’ostéosynthèse à employer.

En cas de doute sur une atteinte vasculaire associée, notamment en cas de fracture comminutive ou lors de traumatismes à haute énergie, le recours à un échodoppler et même un bilan artériographique est indispensable.

Traitement :

A – PRINCIPES :

Le choix du traitement doit prendre en compte plusieurs éléments que sont l’âge du patient, l’aspect et le pronostic cutanés, le type radiologique de la fracture et l’état articulaire antérieur.

Il repose sur quatre principes :

– précocité de la thérapeutique à cause du vieillissement rapide des fractures articulaires ;

– perfection de la réduction restituant au mieux le profil articulaire ;

– solidité et efficacité de la contention ;

– précocité de la rééducation.

B – MÉTHODES :

1- Traitement non chirurgical :

* Traitement fonctionnel :

Décrit par Sarmiento, il permet une mobilisation précoce du genou par la mise en place d’une orthèse ou d’un plâtre articulé.

Cette méthode doit être réservée aux fractures stables et non ou peu déplacées.

L’indication de cette technique est aujourd’hui réduite et elle est essentiellement utilisée en relais d’un traitement par traction/mobilisation ou même d’un traitement chirurgical afin de débuter la mobilisation tout en conservant une contention.

* Traitement par traction/mobilisation :

Cette technique a été proposée par De Mourgues.

Elle consiste à exercer une traction par l’intermédiaire d’une broche transcalcanéenne ou transtibiale basse.

Cette extension est maintenue plusieurs semaines et doit être associée à une mobilisation précoce de l’articulation.

La traction continue permet la réduction des fractures-séparation par le jeu des ligaments intacts.

La lésion d’enfoncement avec tassement trabéculaire ne peut être corrigée mais, grâce au rodage articulaire au cours de la mobilisation, les cavités peuvent être comblées par du tissu chondroïde.

Cela a été démontré expérimentalement par Hohl mais aussi par examens arthrographiques et arthroscopiques.

Il s’agit néanmoins d’une technique très astreignante avec une surveillance clinique et radiologique rapprochée.

La progression de la récupération doit alterner travail actif et passif et l’appui est retardé à la fin du troisième mois.

Si les risques infectieux sont limités aux orifices de la broche de traction, les risques thromboemboliques restent importants.

De plus, il n’est pas toujours possible d’obtenir une correction satisfaisante des axes globaux du membre inférieur et le comblement fibrocartilagineux des enfoncements ne permet pas d’assurer le maintien des axes anatomiques.

Les durées d’hospitalisation sont également un frein, difficilement compatibles avec les exigences familiales et socioéconomiques actuelles.

Actuellement, la mise en traction peut surtout être envisagée en attente d’un traitement chirurgical.

Il est souvent préférable de différer l’intervention de 8-10 jours afin de surveiller l’état cutané et de diminuer les risques de nécrose postopératoire, notamment en cas de chirurgie à foyer ouvert.

* Immobilisation plâtrée :

Le plâtre cruropédieux nécessite une surveillance très étroite pendant les 6 à 8 semaines et expose à une raideur importante.

Il n’est plus que très rarement employé dans des cas de fractures non déplacées et il est nécessaire de prendre le relais avec une orthèse articulée afin de mobiliser le genou en décharge.

2- Traitement chirurgical :

* Traitement à foyer ouvert :

Cette chirurgie est maintenant bien codifiée et comprend un bilan lésionnel initial complet devant apprécier les éventuelles lésions méniscoligamentaires associées.

La reconstruction des surfaces articulaires nécessite souvent un geste de relèvement des fragments et une greffe de soutien sous-jacente.

Ces fragments doivent être maintenus en bonne position par des broches et/ou des vis ; mais la tenue mécanique est le plus souvent insuffisante, et il est nécessaire de rigidifier le montage par une plaque prémoulée épiphysodiaphysaire rigide.

L’emploi de plaques malléables de neutralisation en complément nous paraît d’indication très limitée.

+ Installation :

L’intervention se fait sur table normale ; le patient est installé en décubitus dorsal strict.

Un garrot pneumatique est mis en place et il est prudent de ne le gonfler que par surélévation du membre pour limiter les risques emboliques.

Un coussin sous la fesse homolatérale permet de mieux s’exposer en cas d’abord antérolatéral.

La crête iliaque est toujours mise dans le champ opératoire pour faire face à la nécessité d’une greffe.

+ Voies d’abord :

L’incision antérolatérale est la plus souvent utilisée compte tenu de la fréquence des lésions du plateau latéral.

Le fascia lata est incisé dans le sens des fibres jusqu’au tubercule de Gerdy.

L’incision se prolonge sur l’aponévrose jambière le long de la crête tibiale.

La libération de la face externe du tibia doit être prudente ; la décortication se fait le long de la marge du tibia en ruginant au minimum les insertions supérieures du muscle tibial antérieur.

L’arthrotomie sous-méniscale permet d’obtenir un bon jour sur la surface articulaire.

Le relèvement en bloc de l’insertion de la corne antérieure du ménisque ne pose pas de problème de réinsertion, ni de séquelle ultérieure.

En cas de lésion méniscale, il faut être le plus économe possible sur la résection, et ne plus effectuer comme cela a pu être le cas une méniscectomie externe systématique, même si Simon a montré à long terme qu’il n’y avait pas de différence entre les patients ayant eu ou non une méniscectomie externe.

Cependant, dans l’analyse des résultats à long terme, un élément déterminant est la parfaite réaxation du membre inférieur.

La voie d’abord interne, en cas d’atteinte isolée du plateau médial, suit le même schéma que la voie externe.

Il faut être néanmoins très soigneux concernant la fermeture car le matériel se trouve en sous-cutané.

Les fractures postérieures peuvent être abordées par voies postéromédiane ou postérolatérale.

Certains auteurs préconisent en cas d’atteinte postérieure du plateau latéral de réaliser une voie transfibulaire.

+ Réduction et ostéosynthèse :

Les méthodes de réduction et d’ostéosynthèse diffèrent selon le type de fracture.

– Fractures unitubérositaires.

+ Fractures-séparation : la réduction est facile par manoeuvres orthopédiques ou à l’aide d’un davier de Muller.

Ces fractures ne nécessitent pas pour nous de faire à titre systématique un contrôle articulaire à ciel ouvert, mais une radiographie peropératoire est toujours réalisée.

L’ostéosynthèse peut se limiter à une (ou deux vis) mise(s) sur rondelle pour éviter l’enfoncement de la vis dans la métaphyse.

Parfois, en présence d’un os très fragile, il est préférable d’utiliser une plaque afin de disposer de prises corticales.

+ Fractures-séparation/enfoncement : le fragment cortical médial ou latéral est abordé au niveau du trait de fracture antérieur et est écarté.

Le fragment articulaire enfoncé est alors relevé au niveau de la surface cartilagineuse à l’aide d’une spatule ou d’un chasse-greffon.

Le fragment de corticale est alors remis en place et la fixation est assurée par une plaque vissée maintenant la corticale et le fragment articulaire remonté.

Avant de repositionner le capot cortical, il est nécessaire d’effectuer un comblement du vide laissé en dessous du fragment relevé par une greffe corticospongieuse, par substituts osseux, voire par du ciment, afin d’éviter son affaissement secondaire.

Lorsqu’il s’agit d’une fracture comminutive dite en mosaïque, les manoeuvres de réduction doivent être très prudentes en cherchant à relever en masse les fragments pour éviter de les isoler les uns des autres.

– Fractures bitubérositaires.

Il faut débuter par la réduction épiphysaire.

On réduit le ou les éventuel(s) enfoncement(s) puis il faut stabiliser le foyer intertubérositaire.

Il est souvent nécessaire d’effectuer cette synthèse par une ou deux vis qui devront être positionnées de façon à ne pas (ou peu) gêner la mise en place de la plaque épiphysodiaphysaire.

La présence de lésions interne et externe peut nécessiter un abord controlatéral (l’abord principal étant réalisé là où la comminution est la plus importante).

On peut parfois préférer à un double abord un relèvement de la tubérosité tibiale antérieure donnant un bon jour sur les deux plateaux.

La réduction épiphysométaphysaire s’effectue genou en légère flexion.

En cas de fracture métaphysaire simple, la plaque d’ostéosynthèse est positionnée après réduction.

Dans le cadre de fracture métaphysaire comminutive, il est préférable de fixer la plaque au niveau épiphysaire puis de réduire l’ensemble épiphysematériel d’ostéosynthèse sur la diaphyse.

Si la comminution est très importante, il est souvent souhaitable de greffer d’emblée la zone métaphysaire par un greffon iliaque ou des substituts osseux.

Mais dans tous les cas, trois à quatre vis corticales au niveau diaphysaire sont nécessaires pour obtenir une ostéosynthèse mécaniquement satisfaisante.

De plus, il faut toujours contrôler les axes du membre inférieur au mieux par un contrôle radiographique peropératoire sur grande cassette ou à défaut par un contrôle à l’amplificateur de brillance.

+ Fermeture :

Il faut particulièrement soigner ce temps opératoire, étant donné les risques de nécrose cutanée et donc d’exposition secondaire du matériel d’ostéosynthèse.

* Traitement percutané :

Certains auteurs préconisent une chirurgie percutanée uniquement par contrôle fluoroscopique.

Cette technique intéressante dans les fractures-séparation pures ne permet pas un contrôle articulaire de l’alignement chondral, ni de pouvoir identifier d’éventuelles lésions méniscales.

Le développement de l’arthroscopie permet d’envisager le traitement de fractures-séparation ou de fractures-enfoncement simples par voie percutanée ou par mini-abord avec contrôle arthroscopique de la réduction articulaire.

Cette technique est devenue fiable grâce à l’emploi d’un matériel spécifique de visée et de réduction.

Cette technique limite les risques (cicatrisation et infection) par rapport à un abord plus extensif à foyer ouvert, notamment chez le sujet âgé à l’état cutané parfois précaire ; mais elle ne permet pas de s’affranchir totalement de la fluoroscopie.

Un amplificateur de brillance est donc positionné pour permettre des contrôles de face et de profil.

L’apparition d’un syndrome de loges en postopératoire, favorisé par l’utilisation de l’arthroscopie n’a jamais été démontrée.

On peut néanmoins limiter ce risque en évitant l’emploi d’une arthropompe.

Dans le cas de fractures-séparation, la synthèse est effectuée par une ou deux vis perforées (diamètre 4,5 ou 6,5) sur rondelle.

Le premier temps est donc le positionnement du ou des broches sous contrôle de l’amplificateur.

Puis, durant le vissage, la vision arthroscopique permet de bien contrôler la compression et la bonne réduction articulaire.

Une étude biomécanique récente a montré que dans ce type de fracture mais aussi dans les fractures-enfoncement il n’existait pas de différence significative sur la solidité entre un montage par plaque ou par simple double vissage à condition que l’intégrité de la sangle latérale soit respectée.

La rééducation du patient ne pâtit donc pas d’une synthèse par simples vis.

Dans le cas de fractures-enfoncement, le premier temps consiste en un relèvement du fragment.

Pour cela, sous contrôle de l’amplificateur, une corticotomie antérieure est réalisée au foret, environ 4 cm sous le plateau tibial fracturé.

Un réducteur biseauté est alors introduit ; la forme biseautée permettant un appui parallèle à la surface articulaire.

Le fragment est alors repositionné sous contrôle scopique et arthroscopique.

L’ostéosynthèse est réalisée comme précédemment, la vis pouvant fixer le fragment en cas de volume suffisant ou, comme cela est le plus souvent le cas, en servant d’étai. il est classiquement recommandé de combler la perte osseuse par une autogreffe ou par substitut osseux.

Toutefois, une étude multicentrique de la Société française d’arthroscopie (SFA) n’a pas permis de dégager d’arguments significatifs en faveur d’un geste de complément, en association à la synthèse sous contrôle arthroscopique.

L’absence d’abord complémentaire pour réaliser ce comblement, respectant ainsi au mieux les structures corticospongieuses et périostées, hypothéquerait moins les possibilités de régénération osseuse.

* Fixation externe :

Le fixateur fémorotibial pontant l’articulation, et donc facteur d’ankylose, tout en n’assurant pas toujours une stabilité suffisante, n’a plus que très peu d’indications.

Elles se limitent aux fractures très comminutives où il existe fréquemment une atteinte d’un ou des deux ligaments croisés associée à un gros délabrement fasciocutané.

Depuis quelques années, le développement de fixateurs externes hybrides (anneau type Illizarov rattaché par un corps à des fiches diaphysaires) en autorisant une synthèse purement tibiale grâce à l’utilisation de broches fixes, a permis de réactualiser ce système de fixation dans certaines fractures des plateaux.

Il s’agit le plus souvent de fractures des plateaux associées à une fracture métaphysoépiphysaire sous-jacente.

Dans ces cas de fractures à haute énergie, l’état cutané est souvent un facteur limitant à l’abord de par les risques de non-cicatrisation et d’infection.

Ces fixateurs externes représentent une alternative de plus en plus utilisée avec des résultats (consolidation et résultats fonctionnels) comparables voire supérieurs à ceux obtenus après ostéosynthèse à foyer ouvert.

Cependant, ont également été décrites des infections ostéoarticulaires avec ce type de matériels ; ceux-ci nécessitent donc des soins de fiches très minutieux.

3- Rééducation :

Il s’agit d’une étape fondamentale en vue de la récupération de bonnes amplitudes articulaires.

La généralisation des arthromoteurs et des attelles articulées permet une mobilisation continue, et ce dès le postopératoire si possible (selon le choix thérapeutique et la rigidité de l’ostéosynthèse et les risques de déplacement secondaire).

Cette mobilisation est devenue beaucoup moins douloureuse de par la réalisation de blocs nerveux périphériques peropératoires et la mise en place, en relais, de cathéters permettant une analgésie postopératoire prolongée. Pour notre part, en postopératoire nous préconisons :

– dans les cas de fractures bien stabilisées, une mobilisation immédiate sur arthromoteur dans les 60 premiers degrés de flexion, relayée à partir du cinquième jour par le port d’une orthèse articulée autorisant le même degré d’amplitude sans permission d’appui pour une durée de 45 à 60 jours ;

– dans les autres cas, les amplitudes de mobilité sont modulées en fonction de la qualité de la synthèse en tenant compte du glissement postérieur de l’appui fémoral en flexion. Une immobilisation complète sera imposée dans les cas les plus instables.

C – INDICATIONS :

Les indications varient selon le type de fracture, l’état cutané en regard, le terrain mais aussi (voire surtout), selon les écoles et l’expérience de chacun.

Néanmoins, selon le type de fracture on peut essayer de dégager quelques grands axes thérapeutiques.

1- Plâtre cruropédieux :

Les indications sont très restreintes étant donné les risques de raideur et les difficultés de surveillance de l’état cutané. Nous réservons le plâtre aux fractures sans aucun déplacement.

2- Traction/mobilisation :

Elle trouve encore des indications dans les fractures comminutives unitubérositaires (type I de Duparc ou type III de Schatzker) ou bitubérositaires (types II et III de Duparc ou type IV et V de Schatzker) ; notamment chez les patients âgés (mais pouvant supporter un décubitus prolongé) chez qui l’état cutané est souvent précaire et où l’on peut douter de la qualité et de la stabilité de l’ostéosynhèse.

3- Ostéosynthèse percutanée ou par mini-abord (contrôle arthroscopique) :

Elle permet d’être de plus en plus interventionniste sur des fractures peu ou pas déplacées afin de favoriser une rééducation précoce.

Nous préconisons ce type de synthèse dans les fractures-séparation et ou -enfoncement (fractures unitubérositaires types II et III de Duparc et types I, II et III de Schatzker).

4- Ostéosynthèse à foyer ouvert :

En cas de fractures bitubérositaires déplacées et/ou comminutives (type III de Duparc ou types IV et V de Schatzker), il faut favoriser la réduction la plus anatomique possible, et ce d’autant qu’il s’agit d’un patient jeune.

Dans ces types de fractures, seul un abord étendu avec contrôle articulaire permet cette réduction.

En cas de fractures associant une atteinte tubérositaire et métaphysaire (fractures bitubérositaires type II de Duparc et type VI de Schatzker), la synthèse à foyer ouvert par plaque vissée permet de ponter le foyer métaphysaire.

Complications :

A – PRÉCOCES :

1- Problèmes de cicatrisation :

Il est indispensable de bien poser l’indication d’un abord à foyer ouvert (surtout interne), car la nécrose cutanée est un des risques majeurs faisant craindre une exposition du matériel d’ostéosynthèse.

Pour cela, il est souvent préférable de différer l’intervention de 8-10 jours en attente d’une amélioration de l’état cutané.

En cas de perte de substance, les lambeaux fasciocutanés à pédicule proximal type saphène interne ou sural permettent une couverture sans sacrifice musculaire ; mais ils sont à prélever avec beaucoup de précaution dans les traumatismes à haute énergie du fait des risques de nécrose secondaire.

Les lambeaux musculaires type gastrocnémien médial ou latéral sont à privilégier en cas de perte de substance cutanée étendue.

Ils ne doivent pas être réalisés en urgence, mais après un délai suffisant de quelques jours à 1 semaine, permettant de mieux circonscrire la zone de nécrose à combler et de mieux apprécier la vitalité du transplant.

2- Infection précoce (ostéite voire ostéoarthrite) :

Complication redoutable, le plus souvent secondaire à un problème de cicatrisation ; elle met gravement en jeu l’avenir fonctionnel du genou.

Elle impose en cas d’arthrite un lavage articulaire précoce associé à une synovectomie ainsi que la mise en route d’une antibiothérapie par voie injectable dès les prélèvements peropératoires réalisés.

L’antibiothérapie est par la suite adaptée en fonction de l’antibiogramme.

3- Complications thromboemboliques :

Les fractures des plateaux tibiaux sont les fractures du membre inférieur se compliquant le plus fréquemment de thromboses veineuses.

Il est donc indispensable de mettre en route un traitement préventif anticoagulant et, au moindre doute, de réaliser un doppler veineux du membre.

B – TARDIVES :

1- Raideur articulaire :

Elle est favorisée par les traitements orthopédiques (immobilisation plâtrée) et par les fixateurs externes biarticulaires.

Sa prévention en est assurée par la réalisation d’ostéosynthèses rigides permettant une mobilisation passive précoce sur arthromoteur.

2- Cal vicieux :

Encore trop fréquents, ils peuvent être le fait d’une réduction insuffisante, d’un déplacement secondaire favorisé par une ostéosynthèse peu rigide ou effectuée sur un os très porotique, d’un défaut de comblement épiphysaire, voire d’une reprise d’appui trop précoce.

3- Arthrose :

Elle est fréquente dans les cas de mauvaise réduction articulaire ou en cas de désaxation.

Elle peut aussi être la conséquence du simple traumatisme chondral et se développer même après une réduction de qualité.

Les lésions cartilagineuses à l’impact sont néanmoins difficiles à évaluer et ce n’est souvent que l’évolution qui permet d’objectiver ces lésions chondrales.

Conclusion :

Approche diagnostique souvent complexe, choix thérapeutique difficile, réalisation opératoire toujours délicate, devenir fonctionnel fréquemment incertain expliquent l’intérêt constant porté à ces fractures toujours redoutées malgré les progrès de l’imagerie et l’amélioration des techniques chirurgicales.

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