Fractures, entorses et luxations de la main et des doigts

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Introduction :

Beaucoup de choses ont été écrites à propos des fractures, des entorses et des luxations de la main et des doigts ; pourtant l’expérience quotidienne montre que la méconnaissance de ces traumatismes conduit à proposer des traitements inadaptés qui sont pourvoyeurs de séquelles fonctionnelles avec un lourd retentissement socioéconomique.

Une prise en charge responsable de ces accidents en apparence « bénins » de la main, vus la plupart du temps par les plus jeunes d’entre nous, et un suivi radioclinique très régulier, sont les garants d’une consolidation sans séquelles graves, compatible surtout avec un retour à l’emploi antérieur.

Les fractures, entorses et luxations de la main et des doigts relèvent de traumatismes aux circonstances extrêmement variées et au polymorphisme clinique vaste.

Fractures, entorses et luxations de la main et des doigtsDe manière générale, toute déformation de la main est l’aboutissement d’un traumatisme tissulaire, impliquant séparément ou de manière associée les structures osseuses et/ou articulaires, les structures capsuloligamentaires, et les structures musculaires ou tendineuses ; elle témoigne de la rupture d’un équilibre où les forces constamment en action dans la main et les doigts ne se neutralisent plus, chaque structure lésée étant alors soumise à l’action parfois divergente de structures encore saines, avec pour conséquence des déformations pouvant se fixer au fil du temps (griffe digitale, col de cygne).

Mais de nombreux traumatismes de la main entraînent des lésions minimes, sans traduction clinique notable. L’interrogatoire puis l’examen peuvent évoquer le diagnostic par l’inspection, à la recherche d’un oedème, d’une ecchymose ; la palpation, à la recherche d’une douleur localisée, d’une laxité ; le bilan radiographique peut montrer des images discrètes, voire être normal.

Dès le diagnostic posé, le traitement de toute lésion osseuse ou articulaire a pour but de toujours préserver ou restaurer l’anatomie et de schématiquement privilégier la stabilité pour la colonne du pouce, la mobilité pour les doigts longs.

Au plan pronostique, il est possible d’opposer les fractures des métacarpiens, moins graves pour la fonction globale de la main que celle des phalanges.

De même, on peut opposer les lésions des articulations métacarpophalangiennes (MP), plus graves que celles des articulations interphalangiennes proximales (IPP) et distales (IPD).

En effet, lors d’une atteinte distale, la fonction globale du doigt n’est pas compromise ; de plus l’anatomie des chaînes digitales à leurs extrémités, en particulier tendineuse, se « simplifie », laissant espérer une meilleure récupération.

Généralités :

A – ANATOMIE DE LA CHARPENTE OSTÉOARTICULAIRE DE LA MAIN :

La main, organe pendactyle dont l’architecture et l’anatomie sont extrêmement complexes, est conçue pour s’adapter et saisir toutes formes d’objets.

Trois nerfs sensitivomoteurs, 19 os, 23 articulations, 19 muscles intrinsèques et 18 tendons permettent une exceptionnelle mobilité.

La main est schématiquement constituée au plan ostéoarticulaire d’une arche métacarpienne dont les éléments fixes sont les 2e et 3e métacarpiens, prolongés par cinq rayons mobiles, les doigts.

Les possibilités de mouvements dans les plans frontal et sagittal grâce aux MP, et dans le plan sagittal pour les interphalangiennes (IP) autorisent une gamme de gestes presque infinie.

Les articulations du poignet, du coude et de l’épaule déterminent la position de la main dans l’espace en fonction de l’action désirée, qu’elle soit volontaire ou inconsciente.

La chaîne digitale, appendue au métacarpe, est constituée de trois pièces osseuses (de proximal en distal, les phalanges proximale, moyenne et distale) et de trois articulations pour chaque doigt long : tout d’abord la MP, articulation de type énarthrose (rotule), triaxiale autorisant des mouvements dans tous les plans de l’espace ou circumduction ; les IPP et IPD, articulations trochléennes, uniaxiales en « selle », ne permettant que des mouvements dans un seul plan, celui de la flexion-extension.

Le pouce est constitué de deux pièces osseuses (phalanges proximale et distale) et de deux articulations (la MP, triaxiale, l’IP, trochléenne).

Le fonctionnement de toutes ces pièces osseuses est autorisé grâce à des éléments passifs stabilisateurs (articulaires et extra-articulaires), et au jeu de muscles qui ont la particularité d’être pour la plupart polyarticulaires.

B – SPÉCIFICITÉS DES ARTICULATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS :

1- Articulations carpométacarpiennes (CM) :

* Doigts longs :

Les bases métacarpiennes sont solidarisées d’une part au carpe par des ligaments dorsaux et palmaires ; d’autre part entre elles par des ligaments interosseux très résistants.

Néanmoins, tous les métacarpiens n’ont pas la même configuration : les 2e et 3e CM sont fixes en raison de l’encastrement osseux et de la brièveté ligamentaire ; la 4e CM dispose en revanche de 5 à 10° de mobilité antéropostérieure, et surtout la 5e CM présente une mobilité de l’ordre de 20 à 30° dans le même plan, qui contribuent au creusement de l’arche palmaire.

Du fait de leur fixité habituelle, l’ankylose des deux premières CM est sans conséquence fonctionnelle, mais la mobilité des deux dernières doit être absolument préservée.

L’absence ou le faible secteur de mobilité physiologique des CM explique que l’on rencontre le plus souvent des fractures-luxations comportant, d’une part, une dislocation CM, et d’autre part, une fracture parcellaire de la base des métacarpiens ou d’un os du carpe.

* Pouce :

La trapézométacarpienne, articulation de type cardan, présente une très importante mobilité essentiellement vouée au mouvement d’opposition.

Mais sa fonction normale, en dehors d’une parfaite surface articulaire, requiert la stabilité, qui repose sur quatre ligaments dont surtout sur le ligament oblique postéro-interne (ou dorsal-oblique) qui relie le bec palmaire du 1er métacarpien au ligament carpien transverse.

En fait, il n’existe pas de consensus réel sur l’importance du rôle stabilisateur de chaque ligament.

Un traumatisme de la trapézométacarpienne peut laisser une instabilité ou une raideur douloureuse lors des mouvements de prise pollicidigitale, avec à long terme le risque de rhizarthrose.

2- Articulations métacarpophalangiennes :

* Doigts longs :

La tête métacarpienne convexe, aplatie transversalement, qui va en s’élargissant d’arrière en avant, s’articule avec la cavité glénoïde de la base de la phalange proximale, allongée transversalement et faiblement concave.

La mobilité MP est d’autant plus importante que l’on se rapproche des doigts ulnaires (index : 0/90, auriculaire : 0/100).

En avant, la présence d’un épais fibrocartilage glénoïdien ou plaque palmaire, dont l’insertion proximale, fragile, s’oppose à la solidité de l’insertion phalangienne, limite l’hyperextension de l’articulation ; latéralement, se trouvent les ligaments collatéraux, comprenant deux faisceaux : le faisceau principal ou condylophalangien qui s’étend de la face latérale de la tête métacarpienne au bord latéral de la base phalangienne, et en avant de lui le faisceau accessoire ou condyloglénoïdien qui s’étend de la tête métacarpienne au bord latéral du fibrocartilage glénoïdien ; la capsule dorsale sur laquelle repose l’appareil extenseur constitue la formation la moins résistante.

Sur les bords latéraux de la plaque palmaire s’insèrent les ligaments intermétacarpiens qui solidarisent les têtes métacarpiennes entre elles.

Compte tenu de la morphologie de la tête métacarpienne et des insertions ligamentaires, les ligaments collatéraux principaux sont détendus en extension, tendus en flexion.

Ainsi, le mouvement d’abduction-adduction n’est possible que si les MP sont en extension ou en flexion légère, les doigts pouvant s’écarter les uns des autres et tourner légèrement sur euxmêmes, ce qui permet d’adapter la forme de la main pour saisir un objet sphérique plus ou moins volumineux.

En position de flexion en revanche, les MP sont stabilisées, « verrouillées » dans le plan frontal.

Cette stabilité automatique des doigts dans la position du poing fermé facilite le serrage en force.

Il en résulte donc une possibilité de mouvements normaux de latéralité seulement en extension, en raison de la détente des ligaments collatéraux.

Par ailleurs, les MP sont stabilisées par un système actif dans le plan frontal, assuré par la musculature intrinsèque.

Applications cliniques :

– la rupture d’un ligament collatéral de la MP se caractérise par la disparition du verrouillage en flexion ; elle se traduit par une laxité clinique au testing en flexion de la MP ;

– de même, une immobilisation des MP en extension, sur une attelle par exemple, en position de détente des ligaments collatéraux, peut entraîner une rétraction.

Toute immobilisation des MP se fait donc en flexion MP d’au moins 60°.

* Pouce :

Contrairement aux MP des doigts longs, celle du pouce présente quelques particularités :

– la plaque palmaire inclut des sésamoïdes, qui se déplacent avec elle, près de son insertion phalangienne ; son insertion proximale, fragile, s’oppose à la solidité de son insertion phalangienne ;

– les ligaments collatéraux comprennent aussi deux faisceaux.

Le principal, condylophalangien, comme pour les doigts longs, est tendu en flexion, détendu en extension.

Ainsi, ce faisceau est responsable de la stabilité latérale de la MP en flexion.

Le faisceau accessoire, divisé lui-même en condylosésamoïdien et sésamoïdophalangien, est au contraire tendu en extension et relâché en flexion.

Il est responsable de la stabilité latérale de la MP en extension ;

– la stabilité active est assurée du côté ulnaire par le puissant muscle adducteur du pouce qui s’insère sur le sésamoïde médial et sur la base de la phalange proximale ; du côté radial, le court abducteur du pouce s’insère sur la base de la phalange proximale, et le faisceau profond du court fléchisseur s’insère sur la plaque palmaire et le sésamoïde latéral.

Ces muscles sont de puissants stabilisateurs latéraux et, par leurs expansions dorsales, ils forment une dossière qui stabilise l’appareil extenseur ;

– la mobilité physiologique de la MP du pouce se fait principalement dans la flexion-extension, qui peut considérablement varier d’un individu à l’autre ; parfois ce secteur est très faible, ce qui contraste avec la mobilité des MP des doigts longs.

Ainsi, la perte de mobilité ou la limitation suite à une raideur a des conséquences fonctionnelles souvent limitées, à condition que l’enraidissement soit proche de l’extension, position de « fonction » du pouce.

3- Articulations interphalangiennes proximales :

L’IPP présente, outre les structures articulaires communes aux autres articulations des doigts, certaines particularités.

Le caractère bicondylien de la tête de la phalange proximale, articulée avec le plateau biconcave séparé par une crête médiane de la base de la phalange moyenne, fait de cette configuration une articulation assez contrainte à un seul degré de liberté, la flexion-extension.

Les ligaments collatéraux possèdent aussi deux faisceaux, l’un condylophalangien, tendu en extension et très légèrement détendu en flexion, l’autre, accessoire, condyloglénoïdien, très légèrement détendu en extension et tendu en flexion ; l’articulation conserve donc sa stabilité frontale dans pratiquement toutes ses positions.

La plaque palmaire présente une insertion proximale particulièrement résistante, qui s’oppose à l’hyperextension ; l’arrachement de la plaque palmaire se produit donc presque toujours à son insertion distale, contrairement à ce qui se passe aux MP.

La capsule dorsale est renforcée par la bandelette médiane de l’extenseur qui s’insère sur la berge postérieure de la base de P2.

Application clinique :

– quelle que soit la position d’immobilisation de l’IPP, certaines fibres ligamentaires sont légèrement détendues.

La bonne position d’immobilisation d’une IPP est proche de l’extension, car c’est la position où l’enraidissement est le moins difficile à corriger.

4- Articulations interphalangiennes distales :

L’anatomie de l’IPD est similaire au plan articulaire à celle de l’IPP, en ce qui concerne la morphologie de l’articulation, des ligaments collatéraux, de la plaque palmaire.

Elle est renforcée par des éléments actifs : en avant le fléchisseur profond, dont l’insertion distale se fait au-delà du fibrocartilage ; en arrière, la capsule et la terminaison de l’appareil extenseur qui sont solidaires.

Cette articulation n’a pas un rôle fonctionnel considérable en dehors de celle des deux derniers rayons, dans les prises cylindriques par exemple.

Application clinique :

– les conséquences de l’enraidissement de l’IPD dans la préhension sont limitées sous réserve qu’il se fasse dans une position d’extension.

Celle-ci doit donc être sa position élective d’immobilisation.

C – PHYSIOLOGIE DE LA PRÉHENSION :

La préhension, qui requiert trois phases que sont l’approche, la prise et le lâcher, met en jeu des structures, en particulier ostéoarticulaires, qui permettent une exceptionnelle mobilité ne pouvant s’exprimer cependant pleinement sans éléments de stabilité.

1- Stabilité :

Le carpe et notamment sa deuxième rangée, stabilisé par le rétinaculum des fléchisseurs, forme une solide arche transversale servant de fondation aux bases métacarpiennes.

L’implantation « en éventail » des métacarpiens longs sur le carpe engendre deux arches, l’une transversale ou spatulaire, l’autre longitudinale ou columnaire renforçant la stabilité. De par leur position centrale et leur fixité, les 2e et 3e CM représentent la clef de voûte du système.

2- Mobilité des doigts longs :

* Longitudinale, c’est la flexion-extension des doigts :

En flexion et en contact pulpopalmaire, les doigts convergent vers un même point, classiquement le tubercule du scaphoïde.

C’est la morphologie de la tête métacarpienne qui provoque une rotation automatique des chaînes digitales en flexion.

En fait ceci semble vérifié seulement lorsque l’on considère la flexion indépendante des doigts longs.

En revanche, lors de la flexion globale de tous les doigts, ils convergent vers l’éminence thénar.

Pour le pouce de même, la flexion de la MP s’accompagne d’une rotation automatique qui le fait converger vers les autres doigts.

Cette rotation automatique en pronation complète celle qui s’effectue dans la trapézométacarpienne pendant l’opposition.

Le trajet parcouru par la pulpe digitale des doigts longs suit une courbe dont le rayon diminue progressivement et dessine une spirale équiangulaire ; l’articulation MP étant responsable des trois quarts du trajet, cela démontre son importance fonctionnelle.

En extension, la divergence est automatique.

Ainsi, les quatre axes digitaux se rejoignent à la base de la paume, à l’aplomb du 3e rayon et les extrémités digitales s’inscrivent dans un cercle dont le centre est la tête du 3e métacarpien.

Notons que l’extension active des MP, qui dépend des tendons extenseurs extrinsèques, se fait habituellement avec une amplitude moyenne de 20 à 40°, ce qui confère aux doigts une authentique « réserve d’extension ».

Applications cliniques :

– lors de la flexion, les doigts convergent normalement vers le tubercule du scaphoïde.

La présence d’un chevauchement lors de la manoeuvre de flexion implique un trouble de rotation ou une angulation excessive du doigt traumatisé ;

– l’arthrodèse MP d’un doigt long supprime un très important secteur de mobilité et doit être toujours évitée ;

– un cal vicieux du col du 5e métacarpien en flexion sans trouble de rotation est relativement bien toléré, car la MP a une grande réserve d’extension.

* Transversale, c’est le creusement de la paume :

L’articulation en « selle modifiée » du complexe hamatométacarpien permet d’accroître la concavité de l’arche transversale métacarpienne car elle autorise leur mobilité aux 4e et 5e CM.

Cette dernière, par son orientation plus oblique et la possibilité de quelques degrés en rotation, entraîne un mouvement d’opposition à l’origine de la convergence du 5e rayon vers le tubercule du scaphoïde.

Le creusement de la paume fait également intervenir la mobilité trapézométacarpienne.

Application clinique :

– la mobilité des 4e et 5e CM implique, en cas de luxation ou de fracture-luxation, une réduction la plus exacte possible pour conserver ces degrés de mobilité, importants dans la prise de force des deux derniers rayons.

* Latérale, c’est l’écartement et le rapprochement des doigts :

Chaque articulation MP permet, selon des amplitudes différentes, une abduction sous l’action des muscles interosseux dorsaux et une adduction grâce aux interosseux palmaires.

Si en pratique, écartement et rapprochement sont réalisés de part et d’autre de l’axe du 3e rayon, il faut noter que l’inclinaison et la propension à la déviation ulnaire des doigts sont naturelles et anatomiques.

3- Mobilité du pouce :

La grande mobilité du pouce s’explique par une implantation externe et déjetée en avant sur le carpe libérant un vaste espace de déplacement, une articulation trapézométacarpienne autorisant des mouvements selon trois axes et de nombreux et puissants muscles thénariens.

Ainsi, toute la première colonne peut se déplacer en antéposition, rétroposition, abduction ou adduction.

L’opposition, amenant face à face la pulpe du pouce avec celles des doigts longs, est spécifique de la main humaine et résulte d’une combinaison complexe d’antéposition, adduction et rotation longitudinale avec pronation automatique.

Des quatre arches obliques d’opposition décrites par Kapandji, il faut surtout retenir celle du duo pouce-index, utilisée pour les prises fines, et celle du duo pouce-auriculaire, assurant le verrouillage des prises de force à pleine paume et mettant en jeu les deux muscles opposants ou « arche de Littler ».

L’existence des arches obliques (Kapandji) montre l’importance du pouce, de sa mobilité et de sa stabilité.

Principes diagnostiques et thérapeutiques :

A – DIAGNOSTIC CLINIQUE :

Le tableau clinique d’une fracture, entorse ou luxation de la main ou des doigts peut revêtir divers aspects.

En cas de fracture non déplacée, il n’y a pas de déformation évidente de la main ou des doigts ; c’est alors une douleur suite à un traumatisme qui motive un bilan radiographique systématique mettant en évidence une lésion osseuse ou ostéoarticulaire.

Cet aspect souvent trompeur montre l’intérêt d’un bilan radiographique systématique, dès lors qu’un patient consulte pour un traumatisme de la main.

Ailleurs, et selon l’étiologie, la déformation peut être globale (« grosse main ») ou seulement localisée à un doigt (« grosse IPP »).

Une main traumatisée très sévèrement devient vite globalement oedématiée, que le patient ait eu une fracture des métacarpiens, une compression…

Cet oedème s’accumule dans les espaces libres du dos de la main, créant une déformation avec un poignet en flexion, des MP en extension, des IPP en flexion et un pouce en adduction.

Cette « grosse main en griffe » risque de se fixer, en l’absence d’une prise en charge adaptée et rapide, les ligaments collatéraux des MP se rétractant et fixant ces articulations en extension, les structures palmaires des IPP se rétractant également, fixant ces articulations en flexion.

Une évolution dans cette position est source de séquelles fonctionnelles majeures, même si le traitement de la lésion sous-jacente est parfaitement adapté.

Enfin il peut s’agir d’une « grosse main ouverte » avec plaies multiples, échappant à toute description, et dont la prise en charge est rendue complexe en raison des lésions associées souvent importantes.

Quel que soit le diagnostic, il faut insister sur l’importance d’un examen clinique initial systématique et comparatif.

B – DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE :

Il est absolument nécessaire de disposer de clichés interprétables, dont la difficulté d’obtention dans le cadre de l’urgence peut aboutir à de graves séquelles fonctionnelles par méconnaissance diagnostique ; et pourtant, le bilan est simple, habituel en traumatologie : un cliché de face et un bon profil strict centré sur la région traumatisée, des trois quarts certaines fois, permettent de faire l’ensemble des diagnostics de fractures, luxations et subluxations.

Des clichés spécifiques sont prescrits à la demande.

Un scanner est rarement nécessaire en urgence.

Il est néanmoins utile en préopératoire dans certains types de fracture (CM…), ou lorsque la lecture du bilan radiographique est difficile, en particulier devant une fracture complexe d’un métacarpien étendue au carpe.

Échographie, arthrographie plus ou moins couplée au scanner, imagerie par résonance magnétique (IRM) ont une place très restreinte en traumatologie courante de la main, mais sont utiles dans des indications ponctuelles.

C – TRAITEMENT :

Les techniques sont nombreuses, les choix affaire d’école et d’expérience.

Certains principes thérapeutiques sont primordiaux à rappeler.

En dehors des fractures instables, relevant d’emblée d’un traitement chirurgical, mieux vaut proposer un traitement orthopédique qu’un traitement chirurgical inadapté (résultat opératoire imparfait, immobilisation stricte postopératoire devant un montage précaire, source de raideur) : c’est le cas par exemple des fractures de la phalange proximale, des fractures de la marge postérieure de la phalange distale, des fractures diaphysaires à long biseau…

Néanmoins la mise en oeuvre d’un traitement orthopédique n’est pas moins exigeante que celle d’un traitement chirurgical ; en particulier, il impose un suivi régulier avec une surveillance radiographique et surtout une rééducation la plus précoce possible en fonction du protocole d’immobilisation et longtemps poursuivie.

Dans le cadre d’un traitement orthopédique, une réduction millimétrique n’est pas un impératif absolu ; seules les fractures articulaires ont des exigences de réduction plus strictes.

Quand un traitement chirurgical est proposé, il se déroule en trois étapes dont aucune ne doit être négligée : réduction, contention, rééducation.

Le choix de la technique d’ostéosynthèse se fait pour nous entre vissage, plaque vissée ou broches.

Le fixateur externe n’a que des indications exceptionnelles à la main, en raison de l’adhérence des plans qu’il provoque, du risque infectieux et de raideur, de son encombrement et de son manque de stabilité.

Dans le cadre des fractures et quel que soit le traitement, un suivi sérieux pendant le temps de consolidation (3 à 4 semaines), clinique et radiographique, et ensuite jusqu’à stabilisation fonctionnelle, fait partie du « contrat thérapeutique ».

Il ne sert à rien de multiplier dans le temps les clichés radiographiques, jusqu’à disparition du trait de fracture ; souvent en effet, celui-ci est visible bien après la consolidation. Passé 45 jours à 2 mois, il ne faut proposer qu’un suivi clinique.

La position de contention de la main obéit à des règles communes à la quasi-totalité des fractures digitales et adopte pour les doigts longs la position en flexion des MP de 70 à 90° et pour les IPP une flexion de 0 à 20° maximum, pour des arguments que nous avons déjà développés et que nous rappelons simplement : c’est la position de tension des ligaments collatéraux, notamment pour les MP ; c’est aussi la position supprimant le facteur déplacement dans le plan sagittal provoqué par les muscles intrinsèques dans les fractures de la phalange proximale.

La lutte contre l’oedème fait partie intégrante du traitement, car il s’oppose à une mobilisation des segments digitaux.

À plus long terme, l’oedème qui infiltre tous les tissus, y compris les structures capsuloligamentaires, fait le lit de la sclérose et des adhérences périarticulaires et tendineuses.

Le traitement repose sur la surélévation et la mobilisation précoce.

Le patient doit être instruit à tenir sa main sur l’épaule du côté opposé, à l’aide d’une écharpe lorsqu’il est debout et, toujours au-dessus du niveau du coeur, en s’aidant de coussins, lorsqu’il est couché.

Chaque heure, il exécute des mouvements de flexion-extension des doigts.

La rééducation est indissociable de tout traitement en pathologie traumatique de la main ; mais elle fait souvent défaut et nombre de raideurs sont uniquement liées à un manque, voire une absence totale de rééducation.

Fractures extra-articulaires des métacarpiens et des phalanges :

A – FRACTURES DES MÉTACARPIENS :

Intéressant le plus souvent un seul métacarpien, faisant suite à un choc direct, elles sont moins graves que les fractures phalangiennes, d’une part en raison d’un environnement local plus favorable (essentiellement musculaire avec les interosseux, les muscles thénariens et hypothénariens, mais aussi tendineux avec les extenseurs dont l’anatomie est « simple »), ce qui diminue fortement le risque d’adhérences ; d’autre part, en raison du faible déplacement habituel de ces fractures, la solidarisation entre les métacarpiens, de par leur encastrement à leur base et la présence des ligaments intermétacarpiens, empêchant, à l’exception du premier rayon, une déformation majeure du métacarpien fracturé.

1- Fractures de la base des métacarpiens :

Le plus important dans ce type de fracture est de ne pas laisser passer une luxation associée CM, dont le déplacement doit relever d’une stabilisation chirurgicale par broches après une réduction anatomique.

OEdème, hématome, voire déformation évidente dans les formes déplacées, sont les signes à rechercher.

Le bilan radiographique de face et de profil strict prend ici toute son importance, dépistant le déplacement ou la luxation associée.

Pour le 2e et le 5e métacarpien, les clichés de profil permettant de mieux apprécier le déplacement fracturaire sont réalisés respectivement à 30° de pronation et 30° de supination.

Mais ces fractures sont la plupart du temps peu ou pas déplacées, faisant suite à un traumatisme par impaction ; elles sont traitées, soit par immobilisation simple antalgique, soit avec un gantelet plâtré pour 3 à 4 semaines, poignet en légère flexion dorsale.

Deux sièges méritent d’être individualisés :

– les fractures de la base du pouce, dont le déplacement dans le plan sagittal, fermant la 1ère commissure en raison de l’action puissante des muscles intrinsèques, doit être dépisté et corrigé.

Le risque en est le défaut d’ouverture de la 1ère commissure avec son retentissement néfaste sur la préhension, soit en raison d’un cal vicieux, soit plus rarement d’une contusion des muscles de la 1ère commissure lors du traumatisme, susceptible d’entraîner une rétraction.

Le corollaire est que la réduction associée à une ostéosynthèse visant à maintenir l’ouverture commissurale pendant la consolidation sont indispensables.

Le bilan radiographique de face peut être faussement rassurant ; aussi, un cliché de profil strict, montrant parfaitement le déplacement, doit être systématique.

Le trait de fracture est transversal ou légèrement oblique, siégeant à la jonction de la diaphyse et de l’épiphyse.

Chez l’enfant, elles correspondent généralement à des décollements épiphysaires de type Salter II.

La manoeuvre de réduction combine une traction dans l’axe du pouce associée à une abduction, alors qu’avec la même main, l’opérateur exerce une pression directe sur la base du métacarpien pour réduire la déformation.

L’ostéosynthèse fait appel aux plaques vissées à foyer ouvert, ou plus volontiers aux techniques d’embrochage dont deux sont utiles en pratique : l’embrochage transversal intermétacarpien selon Iselin, ou surtout le brochage centromédullaire selon Kapandji.

Quelle que soit la technique employée, une immobilisation protectrice par gantelet plâtré, en position d’ouverture de la première commissure pendant 4 semaines, y est associée ;

– les fractures de la base du 5e métacarpien, dont le déplacement à sommet dorsal est lié à la traction sur le fragment proximal de l’extenseur ulnaire du carpe.

Si le déplacement, bien mis en évidence sur le cliché de profil strict, le justifie, une réduction est tentée et maintenue, soit par une broche entre le 5e métacarpien et l’os hamatum, soit simplement par un gantelet plâtré en légère flexion dorsale du poignet pour détendre l’extenseur ulnaire du carpe qui s’insère sur la base du 5e métacarpien, durant 3 à 4 semaines.

2- Fractures des diaphyses métacarpiennes :

* Aspects :

Qu’il soit diaphysaire pur, ou irradié à la métaphyse ou à l’épiphyse, le trait peut prendre tous les aspects anatomoradiographiques des fractures en général (transversal, oblique court ou long, spiroïde…).

Le déplacement de ces fractures, qui peut être important, comporte certaines composantes, plus ou moins associées, et retentissant à des degrés variables sur la fonction globale de la main : ce sont le raccourcissement, l’angulation et le décalage (= trouble de rotation).

Le raccourcissement, en règle modéré, s’exprime par le recul de la tête métacarpienne qui peut être calculé sur une radiographie de face comparative en mesurant la longueur du métacarpien concerné par rapport au côté opposé ; dans le plan sagittal, le déplacement du foyer fracturaire se fait vers l’aggravation de la courbure physiologique, surtout pour les fractures transversales, beaucoup moins pour les fractures spiroïdes ou obliques longues.

L’angulation métacarpienne, ouverte en avant, est accentuée par la puissante action des fléchisseurs et des interosseux qui entraînent une flexion palmaire du fragment osseux distal, alors même que le fragment proximal, maintenu par sa fixation carpienne, reste fixe.

L’angulation est bien mise en évidence par les radiographies à condition que l’on dispose de profil strict ou d’un cliché de trois quarts.

Le trouble de rotation du métacarpien est important à dépister, car il s’agit du déplacement laissant le plus de séquelles fonctionnelles.

Il est produit par l’action des interosseux, qui induisent une rotation axiale du fragment distal.

Les 2e et 3e métacarpiens ont tendance à tourner en pronation alors que les 4e et 5e tournent en supination. Il peut concerner tous les types anatomiques de fractures mais en particulier les fractures spiroïdes.

Ces déformations, n’ayant aucune traduction radiographique, peuvent passer totalement inaperçues, doigts en extension ; elles se recherchent en fait, doigts en flexion : en cas de trouble rotationnel, le doigt concerné chevauche un doigt voisin, perdant ainsi son parallélisme physiologique en flexion.

À l’opposé, un défaut de rotation ne peut pas être apprécié sur une MP enraidie en extension.

Ce trouble de rotation, bien qu’inconstant, est primordial à dépister en raison de son incidence thérapeutique : sa constatation est une indication formelle de traitement chirurgical.

* Traitement :

Les fractures métacarpiennes, peu ou non déplacées, relèvent du traitement orthopédique ; l’immobilisation est assurée : soit par un « bracelet » métacarpien moulé en résine, laissant libre le poignet et les MP (fractures sans déplacement) ; soit plutôt par une orthèse ou une résine moulée, maintenant le poignet en position de fonction (25 à 35° d’extension), pour une durée de 3 semaines à 4 semaines, jusqu’à ce que le foyer fracturaire apparaisse cliniquement stable et indolore ; l’articulation MP du rayon concerné est placée en franche flexion, position permettant de détendre les interosseux et qui met en revanche les ligaments collatéraux en tension, ce qui prévient leur rétraction ; les articulations IP sont soit immobilisées en extension sur une attelle moulée dans la résine, soit plutôt laissées libres dès le départ, ou par prudence après l’engluement du foyer, car la mobilisation immédiate évite la raideur et les adhérences tendineuses.

Il est prudent de solidariser le rayon concerné par syndactylisation à un doigt voisin, afin de prévenir le risque de trouble rotationnel lors de la mobilisation des doigts.

Le traitement en général ne laisse pas de séquelles, la présence d’un raccourcissement et/ou d’une angulation mineurs après certaines fractures obliques courtes ou spiroïdes étant sans conséquences fonctionnelles.

Seul le trouble rotationnel peut être fonctionnellement gênant. Les fractures métacarpiennes déplacées imposent en revanche une réduction, et nous pensons qu’une ostéosynthèse doit toujours la compléter.

On peut en rapprocher, pour leur instabilité potentielle, les fractures multimétacarpiennes, ou les fractures des 2e et 5e métacarpiens, plus exposés que les rayons centraux aux déplacements et à une instabilité après réduction.

La réduction associe, lorsque la déformation est complète : une traction axiale pour corriger le raccourcissement et l’angulation ; une pression directe sur le sommet du foyer de fracture pour corriger l’angulation ; une flexion MP, d’une part pour détendre les muscles intrinsèques, ce qui est nécessaire pour obtenir la stabilité de la réduction, d’autre part pour s’assurer ou bien restaurer la convergence normale des doigts vers le tubercule scaphoïdien dans ce mouvement de flexion.

L’ostéosynthèse peut faire appel : au vissage à ciel ouvert pour les fractures obliques longues ; au brochage centromédullaire dans les fractures transversales ; aux miniplaques vissées dès lors qu’il s’agit de fractures ne pouvant plus seulement être vissées (obliques courtes ou spiroïdes avec 3e fragment, fractures multifragmentaires), qui autorisent stabilité et mobilisation immédiate ; à l’embrochage transversal percutané, de part et d’autre du foyer, prenant appui sur le métacarpien voisin sain, essentiellement dans les fractures transversales, obliques courtes et comminutives car il maintient la longueur du métacarpien fracturé.

Dans les fractures comminutives fermées multimétacarpiennes, volontiers secondaires à un traumatisme violent, par écrasement en particulier, la stabilité anatomique qui limite le déplacement des fractures unimétacarpiennes n’existe plus. Le recours nécessaire à l’ostéosynthèse permet de restaurer la morphologie et l’architecture des arches métacarpiennes.

Les séquelles de ces fractures ne sont pas rares : une angulation persistante a pour conséquence d’entraîner une saillie palmaire de la tête métacarpienne qui peut être gênante, et de créer un déséquilibre musculaire qui aboutit à une tendance à l’hyperextension MP et un flessum IPP par défaut d’extension.

De même un trouble de rotation est mal toléré et peut imposer une correction chirurgicale propre.

3- Fractures du col des métacarpiens :

* Description :

Le plus souvent secondaires à un traumatisme direct sur la tête du 5e métacarpien, poing fermé, ces fractures, extrêmement fréquentes, intéressant essentiellement le 5e rayon, se déplacent constamment en flexion palmaire du fragment céphalique, la déformation à sinus antérieur créant une saillie de l’articulation MP au niveau du pli palmaire distal.

La déformation est souvent localisée. Dans les grands déplacements, ces fractures s’accompagnent d’un déficit d’extension de la MP, d’une raideur douloureuse du doigt.

Le bilan radiographique fait le diagnostic, mais l’importance de la bascule est au mieux évaluée sur des clichés de trois quarts, dégageant bien le métacarpien concerné.

Plusieurs types anatomoradiologiques peuvent être décrits : les fractures cervicales vraies, engrenées ou non, à trait transversal ou oblique, simples ou comminutives ; les fractures cervicocéphaliques, les fractures cervicodiaphysaires et enfin les décollements épiphysaires.

Le risque de ces fractures est de laisser un déficit d’extension de la MP, au-delà de 30° à 40° de flessum dans le foyer, ou un trouble de rotation, comme nous venons de le voir pour les fractures diaphysaires.

Concernant le flessum, le secteur physiologique important d’hyperextension (30 à 40°) de l’articulation MP, notamment des 4e et 5e doigts, permet de compenser un certain degré de bascule résiduelle.

* Traitement :

L’immobilisation des fractures peu ou pas déplacées (bascule inférieure à 30°-40°) se fait, comme pour les diaphyses, en maintenant la MP en forte flexion, en laissant sur attelle en extension, ou mieux, libres les IP.

La syndactylisation provisoire entre les 4e et 5e rayons prévient le trouble de rotation. Un traitement fonctionnel peut être utilisé, associant une syndactylie entre 4e et 5e doigts avec mobilisation immédiate en flexion et en extension pendant 6 semaines, permettant d’éviter un déplacement en rotation.

Quand la fracture est instable, ou l’angulation importante (supérieure à 30°- 40°), ou lorsqu’il se produit un déplacement secondaire, le traitement associe réduction et ostéosynthèse.

La réduction de l’angulation est obtenue par la classique manoeuvre de Jahss : l’articulation MP et l’IPP sont maintenues en flexion ; une pression exercée sur et dans l’axe de la phalange proximale associée à un contre-appui sur la face dorsale du métacarpien concerné, permettent de réduire la déformation.

La stabilisation est obtenue par divers procédés de brochage : l’embrochage centromédullaire, proposé par Foucher, réalisé à foyer fermé, après réduction orthopédique, à partir d’une trépanation proximale à la base du 5e métacarpien ; le brochage transversal à l’aide de deux broches dans la tête selon Lamb ; le brochage perpendiculaire, associant stabilisation axiale par une broche centromédullaire et transversale par une broche céphalique, mais plutôt décrit dans la correction des cals vicieux.

Le vissage ou la plaque vissée n’a quasiment aucune place dans ce type de fracture.

La mobilisation active de la chaîne digitale est autorisée dans les suites, sous couvert d’une syndactylie ; les broches sont enlevées à 6 semaines.

En pratique, ne pas oublier dans le traitement de ces fractures d’évaluer le trouble de rotation, qui semble augmenter avec le degré de bascule en flexion.

En dehors du trouble rotationnel, qui est une indication formelle au traitement chirurgical, le traitement orthopédique peut être poussé assez loin dans tous les autres cas, même pour certains avec des bascules de 40 à 45°, surtout chez des patients « récidivistes », adeptes du coup de poing !

* Cas du 2e métacarpien :

Les fractures du col du 2e métacarpien représentent la deuxième localisation par la fréquence, mais sont plus rares.

Les mêmes principes thérapeutiques s’appliquent à ces fractures, en sachant qu’il faut avoir l’ostéosynthèse plus facile, car en l’absence de mobilité compensatrice de la 2e CM, une bascule résiduelle est moins bien tolérée qu’au 5e métacarpien.

Le risque essentiel de ces fractures est le cal vicieux en rotation ou en flexion, qui peut imposer une correction chirurgicale avec ostéotomie et contention par broches.

B – FRACTURES DES DEUX PREMIÈRES PHALANGES :

1- Fractures diaphysaires :

* Description :

Ces fractures, provoquant oedème et déformation localisés, ont un déplacement caractéristique selon le niveau.

La fracture est soit transversale, oblique courte ou à long biseau, spiroïde, voire comminutive après un mécanisme d’écrasement.

Leur déplacement est l’illustration de la « rupture d’un équilibre » que nous évoquions en introduction.

Trois déformations élémentaires, plus ou moins associées selon l’importance du déplacement, du type et du siège de la fracture, peuvent être observées : le raccourcissement, constant dès qu’il y a une angulation, l’angulation frontale et surtout sagittale, le trouble rotationnel.

Si les deux premières déformations sont parfaitement visualisables au bilan radiographique, le trouble rotationnel est plus sournois et ne se dépiste que cliniquement, nous l’avons vu avec les fractures métacarpiennes.

Le déplacement dans le plan sagittal des fractures diaphysaires de P1 est stéréotypé : sous l’action des muscles interosseux, s’insérant sur la base de la phalange proximale, le fragment proximal est entraîné en flexion, alors que le fragment distal se place en extension sous l’action des bandelettes latérales de l’appareil extenseur, réalisant ainsi une déformation en recurvatum à sinus dorsal.

Le diagnostic est posé sur le cliché radiographique de profil, le cliché de face pouvant par ailleurs révéler une angulation dans le plan frontal.

L’interprétation du bilan radiographique peut s’avérer difficile du fait de la superposition de toutes les pièces osseuses de profil, surtout pour les fractures très proximales de P1, particulièrement chez l’enfant.

Laisser un tel déplacement provoque essentiellement un flessum de l’IPP, pouvant selon son importance retentir gravement sur la fonction du doigt.

Quant au déplacement sagittal des fractures de P2, il varie selon la hauteur du trait.

Lorsque celui-ci siège proximal par rapport à l’insertion du tendon fléchisseur superficiel, le fragment proximal est attiré en extension par la bandelette médiane de l’extenseur, et le fragment distal est fléchi par ce tendon.

Ainsi se crée une déformation en flessum à sinus palmaire.

À l’inverse, une fracture en aval de l’insertion du fléchisseur superficiel crée un recurvatum au foyer de fracture, le fragment proximal étant attiré en flexion par ce tendon et le fragment distal en extension par l’extenseur.

Concernant les autres composantes de la déformation, dans le plan frontal, l’angulation dépend du type de fracture, et dans le plan axial, le trouble de rotation ne peut être jugé que par la flexion des doigts.

* Traitement :

+ Fractures non déplacées :

Elles relèvent la plupart du temps du traitement orthopédique, par attelle de Thomine, qui reste pour nous parfaitement d’actualité, mais qui nécessite de la rigueur dans la réalisation et le suivi.

Cet appareillage fonctionnel combine : une forte flexion des MP assurant et pérennisant la réduction du déplacement sagittal ; une syndactylisation du rayon fracturé avec un rayon voisin, assurant à la fois la contention frontale et la contention axiale ; le positionnement du poignet en extension, ce qui évite aux MP de s’échapper en extension, en sachant néanmoins que si la partie métacarpienne est bien moulée et que les MP sont en franche flexion, il est possible de laisser libre le poignet.

La syndactylisation autorise la mobilisation précoce des IPP par la force musculaire des doigts sains.

En pratique, l’appareil comporte une pièce palmaire et une pièce dorsale, en résine ou en matériau thermomalléable ; la pièce palmaire est mise en place, prenant l’avant-bras et le poignet, mais s’arrêtant impérativement au pli palmaire moyen pour ne pas gêner la flexion maximale des MP, l’arche métacarpienne est modelée ; la pièce dorsale s’étend jusqu’à la face dorsale des cols de P1, voire au-delà si elle ne limite pas l’extension complète des chaînes digitales, elle moule aussi l’arche métacarpienne.

La syndactylisation est assurée par un collier de plastique thermoformable ou des bandes collantes, prenant la 2e, voire la 3e phalange, donnant, par leur stabilité, un effet d’entraînement par les doigts sains.

Le procédé de syndactylisation, quel qu’il soit, ne doit pas venir en butée sur la pièce palmaire.

La mobilisation est immédiate, l’attelle maintenue 4, voire 5 semaines, pour les fractures diaphysaires de P1 qui représentent la meilleure indication.

Certaines fractures non déplacées sont potentiellement instables en raison du type de trait.

Elles nécessitent un traitement orthopédique particulièrement surveillé, voire d’emblée une ostéosynthèse.

Ce sont : les fractures obliques à biseau long ou les spiroïdes, le risque étant le glissement, entraînant secondairement raccourcissement et trouble de rotation avec toujours le déséquilibre de la balance tendineuse qui pérennise la déformation ; les fractures comminutives, en sachant peser les inconvénients d’un traitement chirurgical en cas d’échec du traitement orthopédique, et en particulier la grande difficulté à obtenir une ostéosynthèse stable.

+ Fractures déplacées :

Elles nécessitent une ostéosynthèse stable après réduction, suivie de mobilisation précoce.

Celle-ci est obtenue par manipulation directe sur le foyer de fracture, et le rétablissement des repères normaux que sont : un doigt aligné, sans angulation ; un ongle dans le plan des autres ongles en extension ; l’absence de chevauchement des doigts en flexion.

La correction du trouble rotationnel est jugée après mise en flexion des doigts, par la convergence des doigts vers l’éminence thénar et l’absence de chevauchement.

Pour les fractures de la phalange proximale, la réduction nécessite, pour rétablir le déséquilibre musculotendineux en cause, la détente du système intrinsèque qui fléchit le fragment proximal, c’est-à-dire le positionnement de la main en position « intrinsèque plus », soit en forte flexion MP et en extension IP.

La contention de la fracture fait appel, selon le type, le siège et les habitudes, essentiellement au vissage, à la plaque vissée ou enfin au brochage, percutané ou à foyer ouvert.

Les fractures obliques longues ou spiroïdes répondent bien à l’ostéosynthèse transversale par embrochage percutané après réduction orthopédique, soit plutôt au vissage en compression à ciel ouvert.

Les fractures comminutives, survenant le plus souvent après un écrasement, sont très difficiles à traiter et leur risque de raideur digitale majeur.

Le recours au brochage percutané est possible mais la transfixion de l’extenseur, surtout au dos de la phalange proximale, risque de majorer la raideur.

Le brochage à ciel ouvert, le vissage ou la plaque vissée, suivis d’une protection par attelle et surtout d’un programme de rééducation poussé, sont alors les seuls garants d’un bon résultat fonctionnel.

+ Autres fractures :

Dans les fractures fermées diaphysaires multidigitales, les indications chirurgicales doivent être plus faciles, devant l’instabilité habituelle de ces formes, surtout lorsqu’elles intéressent la phalange proximale.

Il faut noter chez l’enfant la fréquence élevée des fractures de la base de la phalange proximale ou des décollements épiphysaires.

Le diagnostic radiographique est difficile devant la superposition sur le profil de toutes les premières phalanges.

Un cliché légèrement de trois quarts et surtout une lecture attentive sont essentiels pour faire le diagnostic de ces fractures et en quantifier le déplacement.

Le traitement fait appel aux mêmes principes, en évitant de léser le cartilage de croissance par des techniques agressives.

La correction des déformations est aussi importante que chez l’adulte, car le trouble de rotation ne se corrige pas avec la croissance, ni même la clinodactylie (= déviation frontale) ; seules les déformations à sinus dorsal sont susceptibles d’une amélioration spontanée, si elles ne sont pas majeures.

Négligées ou incorrectement traitées, les fractures des deux premières phalanges évoluent vers un syndrome adhérenciel entre les plans osseux et tendineux, ou une consolidation en cal vicieux, avec, lors de l’enroulement des doigts, un chevauchement permanent du doigt en cas d’angulation ou de trouble rotationnel persistant.

La persistance d’une grande déformation dans le plan sagittal retentit sur la fonction de l’articulation, en aval de la fracture notamment, avec une perturbation de la flexion et de l’extension du doigt atteint, en raison de la déformation osseuse et de la détente de l’appareil extenseur qui s’ensuit. Le retentissement de ces cals vicieux est toujours plus grave pour les fractures de la phalange proximale qui peuvent compromettre les fonctions de l’IPP et de l’IPD, alors que pour les fractures de la phalange moyenne, seule la fonction de l’IPD peut être concernée.

2- Fractures du col des deux premières phalanges :

Il s’agit de fractures instables en général, à trait transversal le plus souvent, qui doivent être bien reconnues par un bilan radiographique de face et de profil strict.

Le déplacement de ces fractures se fait en recurvatum du fragment distal.

Lorsqu’elles sont déplacées, la réduction est rarement stable, obligeant à réaliser une ostéosynthèse souvent difficile, par de fines broches de Kirschner, suivie, lorsque le montage est parfaitement stable, par une protection sur attelle et une mobilisation assistée, en syndactylisation.

Chez l’enfant, il faut bien connaître la possibilité, pour les fractures du col de P1, d’un retournement complet en recurvatum de 90° du fragment céphalique, de diagnostic radiographique difficile, et au traitement obligatoirement chirurgical, devant les risques de pseudarthrose, de clinodactylie.

3- Fractures de la phalange proximale du pouce :

Ces fractures n’ont pas de particularité.

L’immobilisation se fait en très légère flexion MP et en rectitude de l’IP.

Concernant la fracture du col de P1 chez l’enfant, on peut retrouver pour le pouce également un déplacement en bascule de 90°, qu’il faut traiter de la même manière.

C – FRACTURES DE LA PHALANGE DISTALE :

Ces fractures sont moins graves car elles ne compromettent pas la fonction globale du doigt, étant à l’extrémité de la chaîne digitale, le tendon fléchisseur commun profond et la bandelette terminale de l’extenseur ayant déjà fourni leur insertion à la base de la phalange, le premier à l’épiphyse et à la métaphyse, la seconde uniquement à l’épiphyse.

En revanche, elles peuvent laisser, étant le support palmaire de l’appareil unguéal et le support dorsal de la pulpe, de grandes séquelles esthétiques et douloureuses, même si elles sont d’apparence tout à fait bénigne.

Le plus souvent, elles surviennent au cours de traumatismes par écrasement ou arrachement, particulièrement dans le cadre d’accidents du travail ou domestiques ; d’autres lésions y sont fréquemment associées (ongle, matrice, pulpe).

1- Fractures de l’épiphyse :

Chez l’enfant, il peut s’agir d’authentiques décollements ou de fractures-décollements épiphysaires (Salter II), mais Seymour fut le premier à insister sur un autre type de fracture : il s’agit d’une fracture transverse, extra-articulaire, de la base de la phalange distale, siégeant la plupart du temps légèrement en deçà du cartilage conjugal.

Les lésions épiphysaires fermées peuvent habituellement être réduites orthopédiquement, puis immobilisées sur attelle dorsale pendant 3 semaines ; elles sont stables en extension dans les lésions en flexion et inversement.

L’instabilité fracturaire peut nécessiter un traitement chirurgical par une broche fine centromédullaire, en évitant de transfixier le cartilage de conjugaison.

La fracture épiphysaire (Seymour) peut aussi se produire chez l’adolescent et l’adulte, juste en dessous de l’insertion de l’extenseur.

Le traitement fait appel, soit à une attelle dorsale 3 semaines, soit au brochage (une broche simple centromédullaire ou deux broches parallèles).

2- Fractures diaphysaires :

Le plus souvent il s’agit de fractures par mécanisme de flexion, que l’on rencontre particulièrement chez l’enfant (doigt coincé dans une porte…).

L’aspect est caractéristique, car bien que la pulpe soit presque toujours intacte, il existe une luxation de l’ongle hors du repli unguéal et une déchirure du lit unguéal.

Le traitement est chirurgical : l’ongle doit être soigneusement conservé, d’une part parce qu’il protège le lit unguéal sous-jacent, d’autre part parce que sa remise en place et sa fixation peuvent suffire à stabiliser les fractures les plus distales.

Dans les fractures plus proximales, la stabilisation nécessite une ostéosynthèse par broche axiale, ou, comme nous le préconisons, deux broches parallèles.

3- Fractures de la houppe :

Ces fractures par écrasement s’accompagnent fréquemment d’une comminution de la houppe.

Les fractures fermées sont stables et ne nécessitent qu’une immobilisation antalgique sur attelle dorsale prenant l’IPD mais laissant libre l’IPP, après avoir perforé l’ongle de manière systématique ou en présence d’un hématome sous-unguéal, pendant 3 semaines.

En cas de fracture ouverte, une suture de la pulpe, une suture unguéale, voire une synthèse unguéale, ainsi qu’une antibiothérapie, sont proposées.

Les complications infectieuses ne sont pas rares.

Le patient est prévenu des suites parfois longues, en raison de la lenteur de la consolidation et des douleurs séquellaires.

Le port d’une attelle protectrice doit donc être prolongé.

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