Explorations pulmonaires par radio-isotopes

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Introduction :

L’originalité des explorations radio-isotopiques est liée au caractère fonctionnel des renseignements fournis, la fixation des différents traceurs utilisés pour les scintigraphies dépendant des caractéristiques fonctionnelles des tissus étudiés.

Ces explorations sont donc dans certaines pathologies un complément indispensable aux techniques d’imagerie conventionnelle à qui elles apportent des renseignements plutôt d’ordre anatomique.

La possibilité d’explorer par un même examen l’ensemble de l’organisme, le caractère non invasif et peu irradiant des explorations radio-isotopiques, sont autant d’avantages.

Explorations pulmonaires par radio-isotopesLe développement de nouveaux traceurs a permis d’élargir le champ d’application des explorations pulmonaires radio-isotopiques, en particulier dans le domaine de la cancérologie.

L’apparition de la tomographie par émission de positons (TEP) au 18Ffluorodésoxyglucose (FDG) constitue un progrès majeur dans la détection des pathologies tumorales.

Cette nouvelle technique et ses applications sont donc largement détaillées dans cet article.

Le développement de la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine, utilisée dans les tumeurs neuroendocrines, constitue également une avancée importante.

D’autres techniques, telles que la scintigraphie au 99mTc-MIBI, l’immunoscintigraphie et la radio-immunothérapie font l’objet de recherches et sont rapidement évoquées.

Imagerie par tomographie d’émission de positons au 18F-fluorodésoxyglucose :

A – BASES PHYSIOLOGIQUES ET PHYSIQUES :

L’imagerie TEP repose sur la détection des tissus tumoraux présentant une hyperconsommation du glucose.

Warburb a montré qu’une hyperconsommation de glucose était l’une des principales caractéristiques métaboliques des cellules cancéreuses.

Ce phénomène est lié à une augmentation de la glycolyse aérobie, ainsi qu’à une augmentation de l’expression des transporteurs membranaires du glucose.

Le FDG est un analogue du glucose marqué au fluor 18 qui rentre dans les cellules par le même transporteur. Étant également un substrat de l’hexokinase, il est phosphorilé en 6.

En revanche, le FDG-6-phosphate n’étant pas ou peu métabolisé par les cellules tumorales s’y trouve piégé et s’y accumule.

La fixation du FDG dans les tumeurs est donc un marqueur de la viabilité cellulaire, de l’activité métabolique et de la prolifération tumorale.

Cependant, d’autres facteurs peuvent jouer un rôle sur la fixation du FDG.

En effet, il a été montré que le FDG pouvait également se fixer au niveau du tissu de granulation et des macrophages avoisinants et infiltrant la tumeur.

La glycémie influence également la fixation du FDG, l’hyperglycémie l’abaissant.

Ces différents éléments sont à prendre en compte pour la compréhension et l’interprétation des images fournies par la TEP.

La détection externe du FDG repose sur la détection des rayonnements gamma de 511 keV produits lors de l’annihilation avec la matière des positons émis par le fluor 18.

B – RÉALISATION :

Cet examen est contre-indiqué chez les femmes enceintes.

Les patients doivent être à jeun depuis au moins 4 à 6 heures pour que la fixation du FDG soit optimale (pour les diabétiques, il suffit que la glycémie soit équilibrée).

C – INDICATIONS :

1- Évaluation des nodules pulmonaires isolés :

L’évaluation des nodules pulmonaires isolés de nature indéterminée, nécessitant habituellement l’utilisation de techniques invasives, est une des principales indications de la TEP.

Suivant les études , la sensibilité et la spécificité de cette technique dans le diagnostic de malignité varient respectivement entre 90 et 100 % et entre 77 et 89 %.

Les erreurs diagnostiques de la TEP peuvent s’expliquer pour les faux négatifs par la petite taille des lésions et par des tumeurs peu actives, en particulier les tumeurs carcinoïdes et les cancers bronchioloalvéolaires.

Les faux positifs de la TEP se rencontrent le plus souvent dans certains types d’infections et d’inflammations granulomateuses, le FDG pouvant se fixer au niveau des macrophages.

La valeur prédictive négative de cette technique est cependant vraisemblablement suffisamment élevée pour pouvoir surseoir aux techniques d’explorations invasives (thoracotomie en particulier) devant un examen TEP négatif et instaurer une surveillance radiologique.

2- Bilan d’opérabilité des cancers bronchiques non à petites cellules :

* Bilan d’extension médiastinale :

La recherche d’adénopathies médiastinales constitue l’une des étapes clés du bilan d’opérabilité des cancers bronchiques non à petites cellules.

Les techniques d’imagerie conventionnelle, TDM et imagerie par résonance magnétique (IRM), sont insuffisantes et impliquent souvent l’utilisation de techniques invasives telles que la médiastinoscopie dont les résultats ne sont pas toujours optimaux.

Les résultats de la TEP dans cette indication sont particulièrement spectaculaires puisque sa sensibilité et sa spécificité varient respectivement de 83 à 100 % et de 87 à 100 % en fonction des différentes études, alors que la sensibilité et la spécificité de la TDM dans les mêmes études varient respectivement de 57 à 81 % et de 56 à 94 %.

Il est intéressant de noter qu’avec la TEP, les gains en sensibilité et en spécificité sont respectivement d’environ 20 à 25 % et 15 à 20 % par rapport à la TDM et que les résultats excellents obtenus dans les premières études avec la TEP sont confirmés par les études publiées récemment.

En utilisant la TEP, le staging ganglionnaire est modifié avec exactitude chez plus de 30 % des patients, d’une part en retrouvant des métastases ganglionnaires infraradiologiques mais présentant un hypermétabolisme, et d’autre part en prédisant l’absence d’envahissement tumoral au niveau d’adénopathies hypertrophiées .

Les causes d’erreurs diagnostiques avec la TEP sont bien répertoriées.

Les faux négatifs peuvent là encore se rencontrer en cas de tumeurs peu actives ou d’envahissement microscopique, et parfois en cas de proximité entre la tumeur et les hiles où il peut être impossible d’individualiser une hyperfixation liée à une adénopathie de celle liée à la tumeur.

Des erreurs de localisation des adénopathies (différenciation entre N1 et N2) peuvent également se rencontrer avec la TEP du fait d’une moins bonne résolution spatiale que la TDM, d’où la nécessité de confronter les renseignements fonctionnels fournis par la TEP aux renseignements anatomiques fournis par la TDM.

En raison de la sensibilité élevée de la TEP, un patient présentant une exploration médiastinale négative devrait pouvoir être opéré sans médiastinoscopie.

En revanche, la médiastinoscopie reste utile pour les patients présentant une exploration positive, compte tenu de la spécificité un peu moins bonne de cette technique.

* Bilan d’extension à distance :

De par la réalisation d’un examen corps entier, la TEP peut jouer un rôle important dans le bilan d’extension extrathoracique des cancers non à petites cellules.

Les différentes études réalisées montrent que la TEP a modifié avec exactitude le staging métastatique chez 10 à 25 % des patients.

La TEP est particulièrement performante pour la recherche des métastases surrénaliennes où elle possède une sensibilité et surtout une spécificité supérieures à la TDM.

Bury a même retrouvé une exactitude diagnostique de 100 % pour la TEP chez 17 patients suspects d’avoir des métastases surrénaliennes, alors que celle de la TDM était de 65 %.

Elle permet également de détecter les métastases hépatiques avec une précision diagnostique supérieure à la TDM et les métastases osseuses avec une précision diagnostique supérieure à la scintigraphie osseuse.

En revanche, en raison d’une fixation physiologique cérébrale intense du FDG, la TEP ne possède pas une bonne sensibilité pour la recherche des métastases cérébrales.

3- Recherche de récidives des cancers bronchiques non à petites cellules :

Différents travaux ont montré la supériorité de la TEP par rapport à la TDM, soit dans la recherche de récidives précoces, soit dans la différenciation entre fibrose et masse tumorale résiduelle active après traitement. Dans cette dernière indication, la sensibilité de la TEP est comprise entre 97 et 100 % et la spécificité entre 61 et 100 %.

4- Autres indications possibles :

Ces indications sont en cours d’étude.

Il s’agit tout d’abord de l’évaluation des lésions pleurales. Dans la différenciation entre pathologies bénigne et maligne, la sensibilité de la TEP est comprise entre 91 et 100 % et la spécificité entre 78 et 100 %.

Dans une étude portant sur 25 patients, la TEP a classé avec exactitude 23 des 25 lésions (deux faux positifs dans des pathologies infectieuses), et notamment, elle a été négative dans sept lésions bénignes considérées comme potentiellement malignes par la TDM.

La TEP semble donc pouvoir être intéressante, en particulier en permettant de réduire le nombre de thoracoscopies ou éventuellement en cas de thoracoscopie non contributive.

En cas de mésothéliome, en plus d’apporter une aide sur le diagnostic de malignité, la TEP permet d’évaluer avec fiabilité la localisation ainsi que l’étendue des lésions et possède de plus une précision diagnostique meilleure que la TDM dans le bilan d’extension ganglionnaire.

Par ailleurs, la TEP peut être utile dans l’évaluation de la réponse à la chimiothérapie.

Cette étude portant sur 15 cancers bronchiques non à petites cellules classés N2 a mis en évidence qu’après chimiothérapie d’induction, la TEP a classé avec 100 % d’exactitude les neuf patients qui ont eu une vérification histologique de leurs adénopathies contre 64 % d’exactitude pour la TDM.

Enfin, certains travaux montrent que la TEP pourrait apporter une aide dans la détermination des champs d’irradiation, en particulier chez les patients ayant des atélectasies associées à leur tumeur.

Scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (octréoscan) :

A – PRINCIPE :

La présence de récepteurs de la somatostatine au niveau de certains types de tumeurs, et en particulier au niveau des tumeurs d’origine neuroendocrine, a été montrée ces dernières années.

Ces récepteurs peuvent être visualisés de façon non invasive in vivo par l’intermédiaire d’un analogue de la somatostatine, l’octréotide, marqué à l’indium 111 (111In-DTPA-D-Phe1-octréotide, communément appelé 111In-pentétréotide).

B – INDICATIONS :

1- Tumeurs carcinoïdes :

Ce traceur a été évalué dans de nombreuses tumeurs et en particulier dans le bilan des tumeurs carcinoïdes.

Dans cette indication, la sensibilité de détection de la lésion primitive est comprise entre 77 et 96 %.

Pour le bilan d’extension à distance, la présence de récepteurs de la somatostatine au niveau des métastases étant variable, même pour un patient donné, l’octréoscan ne permet pas de faire un bilan exhaustif des lésions.

Cependant cet examen permet souvent de mettre en évidence des lésions secondaires non visualisées par les techniques d’imagerie conventionnelle et permet donc dans certains cas de récuser une intervention chirurgicale alors que l’on pensait être en présence de lésions localisées.

L’octréoscan peut aussi être utile dans la recherche de récidives après traitement.

Par ailleurs, si cet examen est réalisé dans les 24 heures précédant une intervention, une détection peropératoire des tumeurs pouvant aider à localiser les lésions et à vérifier que l’exérèse a été complète peut être réalisée.

Enfin, il a été montré que l’octréoscan était utile pour sélectionner les patients pouvant bénéficier d’un traitement par octréotide, sa positivité étant un facteur prédictif de réponse.

2- Cancers bronchiques à petites cellules :

Dans le bilan d’extension des cancers bronchiques à petites cellules, les résultats de l’octréoscan sont décevants car la sensibilité de détection des métastases à distance est moins bonne qu’avec les techniques d’imagerie conventionnelle.

Recherche clinique :

A – ÉVALUATION D’AUTRES TRACEURS TUMORAUX :

Des travaux sont en cours sur l’utilisation de la scintigraphie au 99mTc-MIBI dans la prédiction de la chimiosensibilité des cancers bronchiques à petites cellules.

En effet, la scintigraphie au 99mTc- MIBI est reconnue comme une technique non invasive de la recherche de chimiorésistance liée au gène mdr.

Les premiers résultats montrent que cet examen possède une exactitude de 84 à 87 % dans la prédiction de la chimiosensibilité des cancers pulmonaires à petites cellules.

B – IMMUNOSCINTIGRAPHIE ET RADIO-IMMUNOTHÉRAPIE :

Les principes de l’immunoscintigraphie et de l’immunoradiothérapie reposent sur le ciblage des tumeurs bronchopulmonaires par des anticorps monoclonaux (AcM) radiomarqués afin de les détecter ou de les traiter.

Malheureusement, la conjonction de multiples facteurs est responsable d’une fixation intratumorale faible et hétérogène, ainsi que d’un rapport de fixation entre tumeur et tissus sains peu important.

Si les techniques d’immunoscintigraphie, à l’aide d’AcM radiomarqués, permettent dans la majeure partie des cas de localiser des tumeurs primitives ou leurs métastases, elles ne permettent pas, dans le cas du cancer bronchique et en particulier du carcinome non à petites cellules, de résoudre le problème essentiel de l’envahissement ganglionnaire médiastinal.

En effet, les tumeurs d’un diamètre inférieur à 1 à 2 cm ne peuvent être visualisées clairement ou distinguées des structures vasculaires.

L’immunoradiothérapie souffre encore plus des conditions défavorables de biodistribution et elle n’a pas, à l’heure actuelle, fait la preuve d’une réelle efficacité dans la prise en charge thérapeutique des tumeurs bronchopulmonaires.

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