Exanthèmes viraux

0
3228

Introduction :

Les exanthèmes constituent, du fait de leur fréquence, un problème quotidien pour les dermatologues.

Les causes de ces éruptions aiguës généralisées sont multiples.

La difficulté de leur prise en charge est liée, d’une part, au grand nombre de causes possibles et, d’autre part, à l’exposition fréquente d’un même patient à plusieurs facteurs potentiellement étiologiques.

De plus, ces exanthèmes n’ayant pas de spécificité clinique et histologique, il est souvent difficile de trouver une étiologie précise.

Exanthèmes virauxLes principales causes d’éruptions aiguës généralisées sont les infections virales, les causes médicamenteuses, et les éruptions toxiniques (éruptions secondaires à la production de toxines par certaines bactéries).

Les virus sont des causes extrêmement fréquentes d’exanthèmes, en particulier chez l’enfant.

Beaucoup de virus peuvent être à l’origine de ce type d’éruption, les plus fréquents étant les entérovirus chez l’enfant.

Les exanthèmes viraux sont habituellement de type morbilliforme (macules érythémateuses punctiformes, non confluantes) ou roséoliforme (macules rose pâle à la limite de la visibilité, non confluantes), plus rarement de type scarlatiniforme (nappes érythémateuses confluantes, évoluant fréquemment vers la desquamation en larges lambeaux).

Principaux virus responsables d’exanthème :

A – ENTÉROVIRUS :

Un exanthème survient dans 5 à 35%des infections par entérovirus.

Il s’agit d’une famille de petits virus à acide ribonucléique (ARN) regroupant les poliovirus, les virus coxsackies A et B, les échovirus, le virus de l’hépatite A et les entérovirus 68 à 71.

Seuls les virus coxsackies, les échovirus et le virus de l’hépatite A se manifestent par des éruptions aiguës généralisées.

Ils sont responsables de 65 % des éruptions d’allure virale chez l’enfant, essentiellement sous forme de petites épidémies estivales (juillet-septembre).

Ces virus sont strictement humains, il n’existe pas de réservoir animal.

La transmission est soit directe par voie aérienne, soit indirecte par voie orofécale par l’intermédiaire de mains sales, d’eaux souillées, d’objets ou d’aliments contaminés.

La primo-infection a lieu d’autant plus tôt au cours de la vie que le niveau socio-économique est bas.

Les entérovirus se manifestent par des exanthèmes maculopapuleux habituellement fébriles, associés ou non à des symptômes respiratoires, digestifs ou méningés.

La muqueuse buccale peut être érythémateuse et des adénopathies sont relativement rares.

Ces exanthèmes, le plus souvent morbilliformes ou rubéoliformes, ont peu de spécificité clinique sauf dans le cas du syndrome pieds-mains-bouche.

1- Syndrome pieds-mains-bouche :

Il est dû habituellement au coxsackievirus A16, mais d’autres virus ont été isolés, des coxsackies de types différents et des échovirus.

Très contagieux, le syndrome pieds-mains-bouche touche surtout les enfants par épidémies le plus souvent estivales.

Une phase prodromique inconstante peut apparaître 3 à 5 jours avant l’éruption, avec douleurs abdominales, diarrhées et fièvre modérée.

L’énanthème apparaît en premier, réalisant une stomatite douloureuse gênant l’alimentation.

Il débute par des macules rouge vif localisées sur la langue, les sillons gingivolabiaux, la face interne des joues et le palais, évoluant vers de petites vésicules de 1 à 3mm de diamètre, vite rompues, laissant rapidement place à des érosions grisâtres qui peuvent confluer pour donner des ulcérations de grandes tailles.

Puis l’exanthème apparaît sous la forme de vésicules ovalaires, à toit blanc ou grisâtre, entourées d’une aréole érythémateuse, typiquement linéaires ou en « croissant », parallèles aux dermatoglyphes.

Ces vésicules sont principalement localisées sur les faces d’extension des mains et des pieds mais l’éruption peut parfois s’étendre davantage et toucher les fesses, les faces antérieures des jambes, les genoux et les coudes.

L’éruption disparaît en général en 1 semaine.

L’histologie n’est que rarement pratiquée car le diagnostic est clinique ; elle montre des cellules épidermiques ballonisées évocatrices d’infection virale mais sans aucune spécificité.

2- Exanthème de Boston :

L’agent responsable est l’échovirus 16.

Celui-ci se manifeste par une éruption rubéoliforme associée de façon inconstante à un énanthème aphtoïde du palais ou des piliers amygdaliens.

3- Éruptions à échovirus 9 :

Elles sont particulières par l’aspect purpurique et l’association à un syndrome méningé.

La pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) (cf « Diagnostic différentiel ») est considérée dans la grande majorité des cas comme une toxidermie.

Cependant, des entérovirus ont été incriminés dans de rares cas, en dehors de toute prise médicamenteuse, en particulier le coxsackie A9 et les échovirus 11 et 30.

Le diagnostic de certitude d’infection à entérovirus repose sur l’isolement viral, principalement dans les selles mais parfois dans les sécrétions respiratoires ou pharyngées, le liquide céphalorachidien, le sang ou mieux, dans les vésicules cutanées en cas de syndrome pieds-mains-bouche.

Mais le plus souvent, ce diagnostic de certitude n’est pas nécessaire.

Il n’existe pas de réaction sérologique simple permettant de détecter une infection par entérovirus, c’est pourquoi les sérologies restent d’utilisation limitée aux sérotypes fréquents tels échovirus 9 ou coxsackie B5.

B – INFECTIONS À HERPÈSVIRUS :

1- Herpèsvirus « hominis » 6 (HHV6) :

Un exanthème survient dans 36 % des infections à HHV6.

La transmission se fait habituellement par voie salivaire et aérienne.

Ce virus est responsable de l’exanthème subit (ou roséole infantile ou sixième maladie).

Il s’agit chez l’enfant de la primo-infection à HHV6.

L’exanthème subit se manifeste par une fièvre éruptive, immunisante, à caractère presque obligatoire qui atteint l’enfant entre 6 mois et 3 ans.

Après une incubation silencieuse de 5 à 15 jours, la fièvre, élevée à 39-40 °C, apparaît brutalement, bien supportée, isolée pendant 2 à 3 jours, puis disparaît brusquement.

Une éruption maculopapuleuse prédominant sur la nuque et le tronc apparaît alors.

Très fugace, elle ne persiste que 12 à 24 heures. Celle-ci est typiquement roséoliforme, c’est-à-dire que les lésions sont de petites macules rose pâle de 2 à 3mm de diamètre.

Une leuconeutropénie est fréquente.

Le diagnostic peut se faire par sérodiagnostic (immunofluorescence ou enzyme-linked immunosorbent assay [Elisa]), mais en pratique, l’évolution clinique est habituellement suffisante pour évoquer le diagnostic.

Des cas de réactivation à HHV6 ont été signalés au cours des syndromes d’hypersensibilité médicamenteux.

De même, il existe des cas de réactivation à HHV6 chez l’adulte immunodéprimé, en particulier après transplantation avec des tableaux cliniques parfois graves (encéphalites, pneumopathies) pouvant s’accompagner d’éruptions disséminées fébriles.

2- Cytomégalovirus :

La transmission se fait essentiellement par voie aérienne.

L’éruption n’a aucune spécificité clinique et est le plus souvent d’allure morbilliforme, maculeuse ou maculopapuleuse avec parfois une composante purpurique.

Elle est habituellement associée à une mononucléose sanguine.

Des adénopathies et une splénomégalie sont possibles. Un exanthème survient dans 10 à 40 % des mononucléoses à cytomégalovirus (CMV).

En cas de traitement par aminopénicilline, cette éruption est beaucoup plus fréquente.

Le diagnostic repose sur la virémie ou la présence d’immunoglobulines M (IgM) spécifiques pour le CMV.

3- Virus d’Epstein-Barr :

La transmission se fait essentiellement par voie aérienne.

La primoinfection à Epstein-Barr virus (EBV) s’intègre habituellement dans un tableau de « mononucléose infectieuse » chez des 18-25 ans.

Le signe cardinal est l’angine érythématopultacée ou plus rarement pseudomembraneuse.

L’éruption survient dans 3 à 19%des cas.

Elle n’a aucune spécificité clinique et est le plus souvent d’allure morbilliforme.

Elle touche plus volontiers le tronc et les membres supérieurs.

Elle est habituellement associée à un syndrome fébrile, à une splénomégalie, à des adénopathies cervicales et à une mononucléose sanguine.

Une atteinte muqueuse et l’élévation des transaminases sont possibles.

En cas de traitement par aminopénicilline, la fréquence de l’éruption atteint 90 à 100 % des cas.

De là vient la classique contre-indication des aminopénicillines devant une angine, de peur que celle-ci ne soit due au virus EBV et qu’un exanthème ne se développe.

Ainsi, en cas d’éruption survenant au cours d’une mononucléose infectieuse, le patient n’est pas réellement « allergique à l’aminopénicilline » qui peut donc être utilisée sans risque ultérieurement.

Le diagnostic repose sur le MNI-test et la sérologie EBV.

La primo-infection à EBV peut aussi se manifester chez l’enfant par un syndrome de Gianotti et Crosti (ou acrodermatite papuleuse de Gianotti et Crosti).

Il s’agit d’une éruption papuleuse ou papulovésiculeuse, rouge rosé, non prurigineuse atteignant les fesses, le visage et les faces d’extension des membres.

Le tronc est habituellement épargné.

Un fébricule, un énanthème et des adénopathies superficielles peuvent être associés.

Il peut exister une lymphocytose, mais le diagnostic est essentiellement clinique.

D’autres virus peuvent être responsables d’un syndrome de Gianotti et Crosti (CMV, coxsackie B…), en particulier le virus de l’hépatite B.

Dans ce cas, l’éruption fait partie de la phase prémonitoire et l’hépatite cytolytique apparaît environ 2 semaines après le début de l’éruption.

C – PARVOVIRUS B19 :

Il est responsable du mégalérythème épidémique (ou cinquième maladie) qui évolue par épidémies familiales ou scolaires chez l’enfant de 5 à 10 ans (près de 65 % des adultes sont en contact avec le parvovirus B 19 [PVB 19] habituellement avant 10 ans).

Le mégalérythème épidémique correspond chez l’enfant à la primo-infection à PVB19.

La transmission est directe par voie aérienne.

Après une incubation de 7 à 10 jours, l’éruption débute au visage qui prend un aspect érythémato-oedémateux « souffleté ».

Puis apparaissent des maculopapules qui s’étendent aux fesses et aux membres, prédominant au niveau des racines et prenant un aspect réticulé à contours circinés en « guirlandes ».

Il n’y a pas de syndrome fébrile, ni d’altération de l’état général. L’évolution se fait vers la régression en une dizaine de jours, mais il existe une possibilité de résurgence au soleil, à la chaleur ou aux efforts pendant plusieurs semaines.

Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’IgM spécifiques du PVB19 qui est un examen sensible et spécifique et qui suffit au diagnostic de certitude.

Le PVB19 est aussi responsable de crises érythroblastopéniques survenant chez des patients atteints d’hémoglobinopathies. Il peut aussi induire un purpura vasculaire et des polyarthrites.

La primo-infection à PVB19 est moins fréquente chez l’adulte mais la symptomatologie générale est plus marquée avec fièvre, polyarthralgies et adénopathies.

L’éruption cutanée est plus rare que chez l’enfant, maculopapuleuse, d’aspect réticulé, prédominant sur les membres.

L’aspect souffleté du visage est ici beaucoup plus rare.

Enfin, il faut signaler chez l’adulte la possibilité de purpura en « gants et chaussettes » qui peuvent être dus au PVB19.

D – ROUGEOLE :

Le virus de la rougeole est un paramyxovirus.

Même si la rougeole est une affection de plus en plus rare depuis la généralisation de la vaccination, et habituellement bénigne en Europe, elle reste encore fréquente et grave dans les pays en voie de développement.

L’homme est le seul réservoir et la transmission est exclusivement directe, par voie aérienne.

L’immunité est durable toute la vie. La maladie est apparente dans 90 % des cas.

La période d’invasion, d’une durée de 4 jours, est marquée par un catarrhe oculorespiratoire (conjonctivite, larmoiement, rhinite, toux) associé à un syndrome fébrile atteignant progressivement 39-40 °C chez un enfant bouffi, grognon et fatigué.

Le signe de Koplik peut être retrouvé sur la muqueuse jugale : il s’agit d’un semis de minuscules points blancs bleutés sur un fond érythémateux.

L’éruption apparaît au 14e jour, et débute habituellement sur le visage et derrière les oreilles avec une évolution descendante touchant le tronc le deuxième jour puis les membres le troisième jour.

L’exanthème est maculopapuleux, érythémateux, légèrement en relief, non prurigineux.

Ces maculopapules ont une taille de un à plusieurs millimètres, de contours irréguliers ; elles sont parfois confluantes mais respectant toujours des intervalles de peau saine.

L’enfant est contagieux bien avant le début de l’éruption, à partir du 6e jour après le contage.

Il reste contagieux jusqu’à 2 jours après le début de l’éruption soit une dizaine de jours au total.

Le diagnostic de certitude peut être obtenu par l’isolement viral des sécrétions respiratoires et/ou par la sérologie.

De nombreuses complications peuvent émailler le cours d’une rougeole (oto-rhinolaryngologique [ORL], respiratoire, neurologique…).

L’échec de la vaccination est actuellement de 3 à 6% des cas.

E – RUBÉOLE :

Il s’agit d’une maladie virale éruptive, contagieuse, immunisante, bénigne, apparaissant lors de la deuxième enfance mais redoutable pendant la grossesse en raison d’un risque tératogène élevé.

Depuis les campagnes de vaccination, la rubéole est devenue une maladie bien moins fréquente.

La transmission de ce rubivirus est directe, par voie aérienne et par voie transplacentaire (rubéole congénitale).

Le tableau clinique classique apparaît après une incubation silencieuse de 2 à 3 semaines.

Il s’agit d’une éruption maculopapuleuse rosée débutant au visage et qui s’étend en 24 heures au tronc et aux membres supérieurs.

Elle est associée à des adénopathies le plus souvent occipitales et cervicales postérieures, à une fièvre modérée et parfois à des arthralgies.

L’éruption disparaît habituellement le troisième jour sans séquelles.

Le diagnostic de certitude est apporté par les examens sérologiques et repose sur la mise en évidence d’une séroconversion ou plus souvent d’IgM spécifiques antirubéole.

Une sérologie de rubéole doit être exigée lors de toute éruption aiguë chez une femme enceinte ou chez quelqu’un de son entourage.

L’échec de la vaccination est actuellement inférieur à 5 % des cas.

F – PRIMO-INFECTION À VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE :

Pour des raisons évidentes de prise en charge et de santé publique, il est fondamental de reconnaître une primo-infection à virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui est symptomatique dans plus de 55 % des cas.

Elle survient 15 jours à 3 mois après la contamination et elle se manifeste le plus souvent par un syndrome fébrile avec adénopathies, myalgies, arthralgies, pharyngite et éruption cutanée de type morbilliforme.

Cet exanthème s’observe dans environ 40 % des primo-infections VIH.

L’éruption est érythémateuse, maculeuse ou maculopapuleuse, non prurigineuse, prédominant sur la face antérieure du thorax, aux paumes et aux plantes, ce qui peut simuler une syphilis secondaire.

Elle peut aussi s’étendre et atteindre le visage. Elle est très fréquemment associée à des ulcérations buccales et plus rarement génitales, douloureuses.

Des signes méningés, digestifs ou respiratoires peuvent se voir.

Biologiquement, on observe un syndrome mononucléosique et une élévation des transaminases dans 50 % des cas.

Le diagnostic repose sur la présence d’une antigénémie VIH p24, positive suivie 4 à 6 semaines plus tard de l’apparition d’anticorps anti-VIH.

Le problème est de savoir pour quelle éruption exiger ces recherches, d’autant plus que l’antigénémie est un examen coûteux et que sa pratique peut générer une anxiété dans l’attente des résultats.

En pratique, nous pensons qu’il est raisonnable de le proposer chez tout adulte jeune se présentant avec un exanthème et des ulcérations muqueuses et/ou une atteinte palmoplantaire et/ou des adénopathies et/ou des signes viscéraux.

En tout cas, il semble indispensable de le prescrire chez un sujet ayant un comportement à risque présentant ce tableau clinique.

Les autres indications seront à poser au cas par cas.

G – ADÉNOVIRUS :

Les adénovirus peuvent donner des exanthèmes morbilliformes, rubéoliformes ou pétéchiaux particuliers par leur localisation au visage et au tronc.

Ces virus sont responsables d’épidémies de pharyngoconjonctivites chez l’enfant et l’adulte jeune.

La fréquence de survenue du rash au cours de l’épidémie d’adénovirus est alors très variable, de 10 à 40 % des cas, et il s’agit habituellement du sérotypes 7.

H – ARBOVIRUS :

Les arbovirus regroupent de très nombreux virus à ARN appartenant à plusieurs familles distinctes : Flaviviridae, Togaviridae, Bunyaviridae, Rhabdoviridae, Reoviridae.

Ils ont en commun d’être transmis par des arthropodes hématophages (moustiques, tiques, phlébotomes) mais dans certains cas, la transmission interhumaine est possible, entraînant des épidémies importantes.

Les arboviroses se trouvent principalement dans les régions tropicales (fièvre jaune et dengue).

La dengue, qui est la plus répandue des arboviroses, est présente en Asie, en Océanie, en Amérique latine et plus rarement en Afrique.

La forme hémorragique de la dengue est une cause importante de mortalité en Asie du Sud-Est.

Après une incubation de 3 à 18 jours, les arboviroses se manifestent par un syndrome algoéruptif brutal débutant par de la fièvre, des frissons, des céphalées, des douleurs rétro-orbitaires, des lombalgies et des arthralgies parfois très intenses selon le virus.

La fièvre et les douleurs s’estompent vers le troisième-quatrième jour, puis réapparaissent vers le cinquième-sixième jour, accompagnées cette fois d’un exanthème maculopapuleux parfois purpurique au niveau des jambes et des pieds.

Dans certains cas, un syndrome hémorragique peut survenir avec purpura pétéchial et ecchymotique, épistaxis, hématurie, gingivorragie, hémorragie digestive avec parfois état de choc et décès.

Les formes hémorragiques les plus graves sont dues à la fièvre jaune, la dengue hémorragique, la maladie de la forêt de Kyasanur, la fièvre de la vallée du Rift et la fièvre hémorragique de Crimée-Congo.

Le diagnostic d’arbovirose peut se faire par la sérologie mais celle-ci est peu spécifique.

Le diagnostic de certitude est apporté par l’isolement du virus dans le sang et/ou dans les organes cibles, technique difficile nécessitant un laboratoire spécialisé.

Le traitement est purement symptomatique, au mieux en unité de soins intensifs en cas de formes hémorragiques.

I – AUTRES VIRUS :

Beaucoup d’autres virus peuvent être responsables d’éruptions aiguës généralisées comme les virus des hépatites virales ou le virus respiratoire syncytial (VRS).

Syndrome de Kawasaki :

Il s’agit d’une vascularite dont l’étiologie virale est suspectée.

Elle touche le plus souvent les enfants de moins de 5 ans. Elle se manifeste par une éruption particulière par l’intensité de l’érythème et de l’oedème palmoplantaire avec desquamation secondaire en « doigts de gants » au niveau des extrémités.

L’exanthème survient habituellement entre le troisième et le cinquième jour et se manifeste par des macules érythémateuses de 5 à 30mm de diamètre.

Il débute par un érythème des paumes et des plantes et gagne le tronc les deux jours suivants, puis les lésions augmentent rapidement de taille et deviennent coalescentes.

L’exanthème est le plus souvent urticarien, non prurigineux, réalisant parfois des lésions à type de pseudococardes.

Plus rarement, l’exanthème est morbilliforme ou encore scarlatiniforme. Des vésicules, des pustules ou un purpura ont parfois été décrits.

L’atteinte du siège est évocatrice du diagnostic.

C’est une éruption bien limitée, maculeuse ou en « plaques », confluante, parfois douloureuse, atteignant tout ou partie de la région périnéale (érythème en « culotte ») et rapidement suivie d’une desquamation.

L’exanthème est associé a un syndrome fébrile avec chéilite, langue framboisée, conjonctivite bilatérale et polyadénopathies prédominant en région cervicale.

La gravité de cette maladie tient à la possibilité d’atteinte cardiaque (anévrisme coronaire).

Il s’agit donc d’une urgence vitale imposant une hospitalisation immédiate pour traitement.

Celui-ci repose sur les immunoglobulines intraveineuses associées à l’aspirine.

L’étiologie du syndrome de Kawasaki est inconnue.

L’aspect clinique spontanément résolutif, l’évolution par épidémies, suggèrent l’existence d’un agent infectieux causal qui n’a toujours pas été identifié.

Certaines études virologiques ont incriminé l’EBV mais, à l’heure actuelle, l’origine virale du syndrome de Kawasaki n’est absolument pas prouvée.

Diagnostics différentiels :

Les deux grands diagnostics différentiels des exanthèmes viraux sont les toxidermies et les éruptions toxiniques.

A – TOXIDERMIES :

Les éruptions médicamenteuses peuvent prendre de multiples aspects mais les exanthèmes disséminés constituent la forme clinique la plus fréquente.

Ils peuvent être accompagnés d’une atteinte muqueuse, de fièvre et parfois d’un prurit.

L’éruption débute le plus souvent aux coudes, aux genoux et au tronc et s’étend progressivement à tout le corps en quelques jours.

Il peut exister une hyperéosinophilie sanguine modérée.

Il faut systématiquement rechercher des signes de gravité de la toxidermie : surtout érosions muqueuses, décollement cutané et/ou signe de Nikolsky (décollement cutané à la pression digitale) faisant craindre une évolution vers une nécrolyse épidermique toxique (anciennement appelée syndrome de Lyell) et, à un degré moindre, sévérité du prurit, brûlures cutanées et oedème du visage.

Les exanthèmes maculopapuleux surviennent en règle 7 à 21 jours après l’introduction du médicament inducteur (avec un pic à j9), mais des délais plus courts sont possibles chez les patients ayant déjà fait une toxidermie.

Ils disparaissent habituellement sans séquelle en 2 à 10 jours.

Devant un exanthème maculopapuleux, la démarche d’imputer cette éruption à un médicament est de type probabiliste.

Elle est tout d’abord fondée sur des arguments de nature chronologique (intrinsèques), c’est-à-dire que l’éruption survient dans un laps de temps compatible avec une toxidermie et qu’en outre, elle régresse à l’arrêt du médicament.

Cependant, le début de l’éruption est possible après l’arrêt du médicament inducteur (l’intervalle libre dépend de la demi-vie plasmatique d’élimination du produit) et, par ailleurs, il existe des rémissions possibles malgré la poursuite du traitement (toxidermie au cotrimoxazole dans le syndrome de l’immunodéficience acquise [sida]).

Elle est ensuite fondée sur des arguments de notoriété (extrinsèques).

Il existe en effet des médicaments à risque élevé de toxidermie et d’autres à risque faible.

La difficulté du diagnostic réside donc dans le fait qu’il n’existe pas de réelle spécificité clinique, histologique ou biologique.

La situation qui en résulte est que le seul vrai test de certitude est le test de réintroduction.

Néanmoins, vu les risques qu’il fait encourir, cette épreuve est très rarement faite.

Le diagnostic de toxidermie repose donc sur la mise en évidence d’une éruption d’allure comparable, apparue dans un délai compatible et résolue après l’interruption du médicament suspecté.

La pustulose exanthématique aiguë généralisée est une forme particulière de toxidermie.

Elle se manifeste par une éruption disséminée oedémateuse, rapidement recouverte de nombreuses petites pustules non folliculaires superficielles prédominant sur le tronc et dans les grands plis.

La pustulose peut parfois être associée à un purpura et à des cocardes atypiques.

Une fièvre élevée et une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles sont quasi constantes.

L’éruption est spontanément résolutive en une dizaine de jours, et suivie d’une desquamation.

Le délai d’apparition des symptômes par rapport à l’introduction du médicament est le plus souvent inférieur à 2 jours, voire quelques heures correspondant vraisemblablement à une sensibilisation préalable.

Mais ce délai peut être plus long (2 à 3 semaines) en cas de première exposition.

Dans de rares cas, des entérovirus ont été responsables de PEAG.

B – ÉRUPTIONS TOXINIQUES :

Il s’agit d’éruptions secondaires à la production de toxines par certaines bactéries.

Ces toxines sont libérées dans la circulation systémique et entraînent des exanthèmes essentiellement scarlatiniformes.

1- Scarlatine :

Due à la toxine érythrogène des streptocoques du groupe A, cette maladie est actuellement extrêmement rare.

Elle évolue par petites épidémies dans les collectivités et touche surtout les enfants pendant les périodes froides.

La transmission est le plus souvent directe par voie aérienne. Après une incubation de 2 à 5 jours, le début est brutal avec une angine fébrile (à 39-40 °C), des douleurs abdominales et des vomissements.

En moins de 48 heures apparaît un exanthème débutant sur le thorax et à la racine des membres qui s’étend sur tout le corps en respectant paumes et plantes ainsi que la région péribuccale.

L’éruption prédomine au niveau des grands plis.

Elle est typiquement scarlatiniforme (c’est-à-dire sans intervalle de peau saine) avec de grandes nappes chaudes cuisantes et rouges.

Elle est associée constamment à un énanthème qui réalise une atteinte linguale avec les deux tiers antérieurs érythémateux et dépapillés (langue framboisée).

L’évolution se fait vers la régression des signes généraux et vers l’effacement de l’exanthème avec une desquamation qui prend un aspect en « doigts de gants » aux extrémités et en lambeaux sur le reste du corps.

En l’absence de traitement antibiotique, des complications poststreptococciques (rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrite aiguë) sont possibles.

Le diagnostic est essentiellement clinique et peut être conforté par la mise en évidence de streptocoques B hémolytiques dans les prélèvements de gorge et/ou l’élévation retardée des anticorps antistreptolysines (ASLO).

2- Angines à corynébactéries :

Les angines à Corynebacterium haemolyticum peuvent être responsables d’une éruption scarlatiniforme due à une toxine.

Il s’agit le plus souvent d’adolescents ou d’adultes jeunes.

Le prélèvement de gorge permet l’isolement du germe et le traitement repose sur l’antibiothérapie par macrolides.

3- Scarlatine staphylococcique :

Rare et liée à une exotoxine exfoliante produite par certaines souches de staphylocoques (groupe phagique II), elle réalise une éruption scarlatiniforme proche de celle d’une scarlatine classique.

Le foyer initial est souvent amygdalien.

4- Syndrome de choc toxinique staphylococcique :

Lié à la production de la TSST1 (Toxic Shock Syndrome Toxin 1) par un staphylocoque, ce syndrome associe un syndrome fébrile à 39 °C, une hypotension et un exanthème scarlatiniforme généralisé, suivis 1 à 2 semaines plus tard d’une desquamation à prédominance palmoplantaire.

Les atteintes viscérales sont très fréquentes et trois sont nécessaires pour porter le diagnostic de TSS.

C – AUTRES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS :

1- Toxoplamose :

La contamination s’effectue dans l’enfance.

En France, à partir de l’âge de 20 ans, 80 % des sujets sont immuns.

La primo-infection par Toxoplasma gondii est rarement symptomatique.

Les formes apparentes se manifestent habituellement par un exanthème morbilliforme accompagné d’adénopathies cervicales et parfois d’un syndrome fébrile.

L’évolution est bénigne mais le diagnostic est fondamental chez la femme enceinte du fait du risque de malformation congénitale.

Le diagnostic de certitude repose sur la sérologie qui est spécifique et qui montre une élévation des IgM et des IgG anti-Toxoplasma gondii.

2- Syphilis secondaire :

Il faut toujours y penser devant un exanthème maculopapuleux.

L’éruption apparaît 6 à 8 semaines après un chancre. Il s’agit habituellement d’un exanthème roséoliforme fait de macules pâles, discrètes, essentiellement localisé au tronc.

Il peut être accompagné secondairement d’ulcérations linguales (plaques fauchées), de papules ou syphilides papuleuses, d’alopécie et d’adénopathies cervicales postérieures.

Le diagnostic est confirmé par la sérologie de la syphilis en demandant la réalisation des tests fluorescent treponema antibody absorption (FTA), Treponema pallidum haemagglutination assay (TPHA), Veneral Desease Research Laboratory (VDRL).

3- Méningite à méningocoque :

Une éruption aiguë généralisée habituellement maculopapuleuse peut accompagner une méningite à méningocoque, notamment chez l’enfant.

4- Fièvre boutonneuse méditerranéenne :

Il s’agit d’une rickettiose due à Rickettsia conorii transmise par piqûre de tique en général dans le pourtour méditerranéen.

La fièvre boutonneuse méditérranéenne (FBM) sévit sur le mode endémique avec poussées épidémiques estivales.

Elle se manifeste par une fièvre à 39 °C, avec céphalées et arthralgies, suivie d’un exanthème maculopapuleux généralisé atteignant paumes et plantes, fait de lésions éparses, lenticulaires, rosées.

Il faut systématiquement rechercher la morsure de tique qui réalise une « tache noire » escarrotique. Le diagnostic, essentiellement clinique, est confirmé par la sérologie.

Le traitement repose sur les macrolides chez l’enfant et sur les cyclines chez l’adulte.

5- Maladie de Still de l’adulte :

Elle se manifeste par une fièvre vespérale à 39-40 °C associée à des arthralgies et à une éruption érythémateuse faite de macules rosées à centre plus clair.

Fugace, rarement prurigineuse, les lésions siègent préférentiellement sur la racine des membres et le tronc.

L’hémogramme montre une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles à 15 000-20 000/mm3.

6- Réaction aiguë du greffon contre l’hôte :

Elle survient après une greffe de moelle allogénique et se manifeste par une éruption maculopapuleuse généralisée, morbilliforme ou scarlatiniforme, prédominant au niveau des paumes et plantes et des oreilles avec une atteinte élective périfolliculaire.

Orientation diagnostique devant un exanthème disséminé :

Devant un exanthème disséminé, il est souvent extrêmement difficile de distinguer une étiologie virale d’une éruption médicamenteuse ou d’une éruption toxinique, d’autant plus que plusieurs étiologies peuvent être intriquées.

Par exemple, une prise d’antibiotique pour les prodromes ORL d’une éruption virale peut faire croire à une toxidermie.

Les principaux éléments qui doivent être pris en compte sont les suivants.

A – INTERROGATOIRE :

Certains éléments peuvent orienter le diagnostic vers une infection virale, tels que la notion de contage et/ou la présence de symptômes d’accompagnement, en particulier des symptômes respiratoires et ORL (toux, pharyngite, rhinite, bronchite, laryngite), digestifs (diarrhée), méningés ou des arthralgies, des myalgies ou des adénopathies.

Mais quels que soient les symptômes d’accompagnement, il faut en priorité rechercher une prise médicamenteuse par un interrogatoire draconien du patient et/ou de sa famille car une toxidermie peut ressembler en tous points à une éruption virale.

Enfin, l’interrogatoire analyse le contexte avec recherche de voyages récents, d’antécédents de greffe, de notion de piqûre…

B – ASPECT CLINIQUE DE L’ÉRUPTION :

Les caractères sémiologiques de l’éruption permettent de distinguer un exanthème morbilliforme d’un exanthème scarlatiniforme ou roséoliforme.

Mais, malheureusement, l’aspect clinique de ces éruptions oriente rarement vers une étiologie précise, excepté dans la rougeole, le mégalérythème épidémique et la FBM.

C – EXAMEN CLINIQUE EXTRACUTANÉ :

Il faut systématiquement rechercher des atteintes muqueuses et des signes généraux, en particulier un syndrome fébrile.

Il faut aussi rechercher une angine, une pneumopathie, une méningite, des signes digestifs, des adénopathies, une hépatomégalie ou une splénomégalie.

La présence d’un de ces signes peut apporter des éléments d’orientation ce qui peut déboucher sur des examens paracliniques.

D – BIOPSIE CUTANÉE :

Elle est inutile dans la majorité des cas car elle est non spécifique.

Elle retrouve un infiltrat inflammatoire dermique de cellules mononucléées, associé à des signes épidermiques d’intensité variable allant de la simple ballonnisation des kératinocytes jusqu’à la nécrose cellulaire.

Ces résultats sont quasi similaires dans les éruptions d’origine virale ou médicamenteuse.

E – AUTRES ÉLÉMENTS D’ORIENTATION :

Âge : chez l’enfant, les causes virales sont plus fréquentes, alors que chez l’adulte, on recherche en priorité une prise médicamenteuse.

Prurit : il serait un peu plus fréquent dans les toxidermies.

Hémogramme : une lymphopénie et un syndrome mononucléosique sont plus en faveur d’une origine virale, alors que l’hyperéosinophilie oriente davantage vers une étiologie médicamenteuse.

Bilan hépatique, et en particulier l’élévation des transaminases : ils ne permettent pas d’orienter vers une étiologie virale ou médicamenteuse.

Sérologies virales : en raison du grand nombre de virus potentiellement responsables d’exanthème, il est impossible de faire une recherche virologique exhaustive.

Conclusion :

Avant de diagnostiquer l’origine virale d’un exanthème, il faut systématiquement rechercher une autre cause, en particulier médicamenteuse ou toxinique.

La difficulté provient notamment de l’association fréquente d’un contexte infectieux qui a abouti à la prise de médicaments, créant ainsi un facteur de confusion difficile à gérer.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.