Examens biologiques en pathologie articulaire

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Introduction :

L’inflammation biologique est le fruit d’un mécanisme complexe qui dépend de différents paramètres :

– la nature de l’agent initiateur ;

– la reconnaissance de celui-ci ;

– le type de médiateurs produits en réponse ;

– les cellules impliquées dans le processus ;

– et enfin le délai d’action des différents médiateurs.

En pratique, les paramètres biologiques utilisés pour quantifier l’inflammation au cours des affections rhumatismales sont relativement aspécifiques et reflètent plus les conséquences de l’inflammation en aval du mécanisme initial que son mécanisme lui-même.

Outils :

A – MESURE DE L’INFLAMMATION SYSTÉMIQUE :

1- Exploration globale :

Examens biologiques en pathologie articulaire

La méthode la plus globale pour apprécier l’inflammation est la mesure de la vitesse de sédimentation globulaire (VSG).

Le principe repose sur le fait que les hématies du sang rendues incoagulables et versées dans un tube immobile, forment plus ou moins rapidement des agrégats qui ont une densité supérieure à celle du plasma, ce qui permet leur sédimentation.

Cette dernière ne dépend cependant pas uniquement du volume, de la morphologie et de la teneur en hémoglobine des globules rouges, mais aussi des protéines du plasma.

La vitesse de sédimentation reflète donc à la fois des composants globulaires et plasmatiques.

Il est donc facile de comprendre que les anomalies morphologiques ou une modification du nombre de globules d’une part, et les modifications plasmatiques d’autre part, modifient les résultats de cette VSG.

L’inflammation est un facteur particulièrement important d’augmentation de la VSG dans la mesure où elle entraîne une anémie et une augmentation des protéines inflammatoires sanguines.

Néanmoins, il est impératif de tenir compte des autres facteurs qui peuvent modifier la VSG puisqu’ils peuvent faire surévaluer ou sous-évaluer cette dernière quand ils sont présents.

La technique de mesure communément utilisée est la méthode de Westergren en suivant les recommandations de l’International Comittee for Standardisation in Hematology : 1,6 mL de sang est versé avec 0,4 mL de citrate de sodium dans un tube de verre de 2,5 mm de diamètre intérieur et de 30 cm de hauteur.

Le tube est laissé à la verticale.

C’est la mesure à 1 heure de la hauteur de plasma libéré par la sédimentation des globules rouges qui correspond au résultat.

La limite supérieure de la VSG normale, exprimée en millimètre à la première heure, est classiquement de l’ordre de la moitié de l’âge (en années) pour les hommes et de la moitié de l’âge plus 10 pour les femmes, mais très souvent elle reste inférieure à 10 mm, même au-delà de 75-80 ans.

La VSG dépendant d’une part des paramètres globulaires et d’autre part des paramètres plasmatiques, une appréciation grossière des deux volets peut être obtenue par des techniques de mesure appréciant les paramètres hématologiques et plasmatiques :

– l’hémogramme peut être utilisé pour expliquer la participation globulaire dans l’élévation de la VSG sans pour autant préciser s’il s’agit d’un mécanisme inflammatoire ou non.

Il permet de rechercher une anémie, une hyperleucocytose, et une hyperplaquettose ;

– l’électrophorèse des protéines est utile pour rechercher une gammapathie monoclonale, dans le cadre de la recherche d’une explication d’une VSG élevée, mais elle permet aussi de rechercher une hyper-alpha-2-globulinémie qui suggère l’existence d’une inflammation.

2- Dosages spécifiques :

* Protéines de l’inflammation :

De nombreuses protéines augmentent à la phase aiguë de l’inflammation, ce qui leur vaut la dénomination de protéines de l’inflammation.

Parmi ces différentes protéines, c’est la protéine C réactive (CRP) qui est de loin la plus utile pour le clinicien.

Synthétisée par les hépatocytes, elle a une demi-vie sérique très courte, de l’ordre de 6 heures, ce qui permet de la détecter presque immédiatement après le début d’une inflammation et de surveiller la diminution de l’inflammation qui évolue parallèlement avec la diminution du taux de la CRP.

Le dosage peut être réalisé en immunodiffusion radiale, par néphélométrie, par immunodiffusion, par radio-immunologie et en test Elisa (enzyme linked immunosorbent assay).

Les autres protéines de l’inflammation, sauf peut-être le fibrinogène, ne sont pour ainsi dire pas utilisées en pratique pour évaluer l’inflammation.

Le concept de profil protéique, avec dosage de plusieurs de ces protéines de l’inflammation pour aider au diagnostic ou à l’évaluation de l’importance de l’inflammation est abandonné du fait de son manque d’utilité pour un coût élevé.

* Cytokines :

De nombreux kits de dosage de cytokines de l’inflammation ont été développés au cours des dernières années, avec un espoir de leur utilisation comme outils de surveillance de l’inflammation.

En théorie, le dosage de ces cytokines aurait l’avantage de pouvoir refléter l’activité des différentes cellules à l’origine de l’inflammation :

– les monocytes (avec notamment la production d’interleukine 1 et 6, et de tumor necrosis factor [TNF] alpha) ;

– les lymphocytes de type TH1 (essentiellement caractérisés par une production d’interféron gamma et d’interleukine 2) ;

– et les lymphocytes de type TH2 (surtout caractérisés par une production d’interleukines 4, 5, 10 et 13).

Mais la production n’est pas réellement spécifique d’une cellule, si bien qu’il paraît plus logique de se servir de ces marqueurs de façon pragmatique en les séparant en cytokines pro- (TNF alpha, interleukines 1, 2, 6, 8 essentiellement) et anti-inflammatoires (interleukines 4, 10, 11 essentiellement) pour apprécier le mécanisme de l’inflammation.

Ce dosage paraît logique dans la mesure où la sécrétion de la CRP, et de manière plus générale des protéines de l’inflammation avec pour corollaire une élévation de la VSG, en dépend.

Le profil cytokinique variant selon les maladies pourrait donc permettre une surveillance particulièrement adaptée au profil du patient.

En réalité, les différentes études réalisées dans des groupes de patients souffrant de rhumatisme inflammatoire n’ont pas permis de démontrer un intérêt notable de ces dosages, notamment dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) au cours de laquelle les études portant sur les cytokines ont été les plus nombreuses.

Si les traitements biologiques agissant sur les cytokines constituent une avancée dans la prise en charge de cette affection, il ne semble pas que l’on puisse résumer l’inflammation au mécanisme dépendant directement de l’une ou l’autre de ces cytokines, et le dosage de la CRP reste aujourd’hui plus pertinent que celui d’une de ces cytokines ou de leur combinaison.

* Autres protéines de l’inflammation :

Parmi les autres protéines ayant un taux modifié par l’inflammation, on retrouve la bêta-2-microglobuline, le complément, le composant amyloïde B et la procalcitonine.

L’augmentation de chacun de ces marqueurs, et en particulier de la bêta-2-microglobuline, est observée au cours de l’inflammation, du syndrome sec, du myélome et des lymphomes, mais leur utilisation pratique n’a jamais été démontrée.

Parmi ces dernières, la procalcitonine est peut-être la protéine la plus intéressante dans la mesure où elle pourrait être plus un marqueur d’infection que d’inflammation, ce qui pourrait être utile lorsque l’on suspecte une infection au cours d’une maladie inflammatoire non infectieuse.

* Ferritine :

À côté des protéines de l’inflammation classique, la ferritine occupe une place particulière pour trois raisons :

– tout d’abord, elle augmente de façon générale dans les inflammations, ce qui peut faire d’elle une protéine de l’inflammation ; elle n’est pas utilisée habituellement dans cet objectif ;

– elle est surtout nécessaire pour apprécier le mécanisme d’une anémie associée à une élévation de la VSG : un taux bas permet de retenir la responsabilité d’une carence en fer dans le mécanisme de l’anémie alors qu’un taux élevé fait conclure à un rôle direct de l’inflammation dans le mécanisme de l’anémie ;

– enfin, si elle augmente au cours de toute inflammation, elle atteint des taux particulièrement élevés dans la maladie de Still, ce qui peut en faire un outil d’orientation diagnostique.

Il existe parallèlement une diminution de la sialylation de la ferritine qui pourrait aider à distinguer une maladie de Still de l’adulte des autres maladies systémiques.

B – MESURE DE L’INFLAMMATION LOCALE :

L’inflammation articulaire peut être évaluée biologiquement par l’étude du liquide synovial.

D’un point de vue biochimique, il existe une élévation du taux de protéines (donc supérieure à 40 g/L) en cas d’inflammation, avec parallèlement une augmentation du nombre de cellules (qui dépasse 1000 éléments/mm3 avec une majorité de polynucléaires neutrophiles ; rarement de lymphocytes).

Il n’y a pas actuellement d’intérêt à doser des protéines dans le liquide synovial pour préciser leur nature.

Place des paramètres biologiques de l’inflammation en pathologie rhumatismale :

A – INTÉRÊT DIAGNOSTIQUE DE MESURE DE L’INFLAMMATION :

1- Ponction articulaire :

L’étude du taux des protéines mais surtout du nombre des cellules est l’examen le plus utile pour affirmer l’existence d’une arthrite, puisqu’un taux de globules blancs intra-articulaires supérieur à 2000 éléments/mm3 est pathognomonique d’une arthrite.

Cet examen a l’avantage de laisser une trace a posteriori, très utile lorsque le diagnostic d’arthrite évoqué cliniquement est remis en cause.

Il est donc conseillé de faire chaque fois que possible une ponction articulaire pour authentifier le diagnostic d’arthrite lors d’un premier épanchement articulaire.

Cette ponction a en outre l’intérêt d’aider au diagnostic étiologique, notamment par la recherche de microcristaux.

2- Appréciation du syndrome inflammatoire biologique sanguin :

La mise en évidence d’un syndrome inflammatoire sanguin peut être utile pour faire la différence entre une pathologie articulaire inflammatoire et mécanique.

En effet, lorsqu’une ponction n’est pas possible, parce que les articulations atteintes sont trop petites ou non ponctionnables du fait du faible volume de liquide, on peut parfois s’aider de la recherche du syndrome inflammatoire dans le sang pour donner un argument supplémentaire au diagnostic clinique d’arthrite ou d’arthralgies inflammatoires.

Le syndrome inflammatoire biologique est affirmé par l’existence d’une élévation de la VSG associée à une élévation de la CRP.

Lorsque les deux sont élevées de façon concomitante, au cours d’une polyarthrite clinique ou de polyarthralgie inflammatoire, on peut évoquer l’existence d’un rhumatisme inflammatoire.

En revanche, l’importance de l’inflammation ne permet pas particulièrement de s’orienter vers un rhumatisme inflammatoire ou un autre.

Lorsque l’élévation de la VSG et celle de la CRP sont discordantes, il faut en rechercher l’explication.

Si c’est la VSG seule qui est élevée, on parle de syndrome sédimentaire et non de syndrome inflammatoire, ce qui signifie qu’il y a une élévation de la VSG qui n’est pas expliquée par une inflammation, et doit donc faire rechercher les différentes causes possibles d’élévation de la VSG indépendante de l’inflammation.

Si seule la CRP est augmentée, on peut évoquer soit le caractère récent ou peu important de l’inflammation, soit l’existence d’un cofacteur ayant une influence sur la VSG dans le sens de la diminution qui contrebalance l’effet de l’inflammation.

Il faut enfin toujours garder à l’esprit que l’inflammation biologique peut ne jamais être observée au cours de certains rhumatismes inflammatoires, plus particulièrement dans les spondylarthropathies, et que l’absence de syndrome inflammatoire ne doit pas faire exclure la possibilité d’un rhumatisme inflammatoire.

B – UTILITÉ DU SYNDROME INFLAMMATOIRE POUR LE SUIVI DES PATHOLOGIES RHUMATISMALES :

Le suivi de l’inflammation peut être fait sur la VSG, une des protéines de l’inflammation, et l’hémogramme lorsqu’il s’agit d’une pathologie rhumatismale chronique.

La VSG et une des protéines de l’inflammation permettent de suivre l’inflammation dans le temps, la VSG témoignant plutôt du passé et la CRP du jour J.

L’hémogramme est surtout utile pour juger de l’importance des conséquences de l’inflammation sur l’hémoglobine.

Dans le cadre des maladies rhumatismales, il est classique que le lupus augmente beaucoup plus la VSG que la CRP, ce qui peut en faire un outil indirect de diagnostic.

Certains considèrent que la CRP augmentée dans le lupus est un marqueur d’infection, ce qui n’est cependant pas pathognomonique.

C – UTILITÉ DES PARAMÈTRES BIOLOGIQUES DE L’INFLAMMATION POUR ÉVALUER LE PRONOSTIC DU RHUMATISME INFLAMMATOIRE :

L’importance de l’inflammation déterminée par le dosage de la CRP et de la VSG apparaît comme un des marqueurs prédictifs de l’évolution des polyarthrites rhumatoïdes, ce qui a été objectivé par plusieurs équipes.

D – UTILISATION DES PARAMÈTRES DE L’INFLAMMATION POUR LES CRITÈRES DE CLASSIFICATION ET D’ÉVOLUTIVITÉ DE LA MALADIE :

1- Paramètres biologiques de l’inflammation et critères de classification :

L’élévation des paramètres biologiques de l’inflammation ne fait pas partie des critères habituels de classification des maladies inflammatoires rhumatoïdes à deux exceptions près :

– l’hyperleucocytose à prédominance de polynucléaires est un des critères majeurs de la classification de Yamaguchi pour la maladie de Still de l’adulte ;

– la VSG supérieure à 50 est un critère de la classification proposée par l’ACR en 1990 pour la maladie de Horton et fait aussi partie des critères de Jones pour la classification de la pseudopolyarthrite rhizomélique.

Le syndrome inflammatoire ne doit cependant pas être utilisé comme un outil diagnostique en pratique compte tenu de son manque de spécificité, puisqu’il est beaucoup plus lié à la présentation clinique de l’affection qu’à l’étiologie elle-même en pratique quotidienne.

À l’inverse de l’hyperleucocytose, une cytopénie (leucopénie, lymphopénie) peut orienter vers une connectivite (lupus, Sjögren).

La thrombopénie est également en faveur du lupus.

2- Paramètres biologiques de l’inflammation et suivi d’un rhumatisme inflammatoire :

Le syndrome inflammatoire est particulièrement utilisé :

– pour le suivi de la PR, et on retrouve au moins la VSG (et la CRP) parmi tous les critères d’évaluation de l’activité ;

– pour le suivi des lupus érythémateux systémiques : la VSG est utilisée dans certains critères d’activité du lupus et notamment le SLAM (systemic lupus activity measure) et l’ECLAM (european consensus lupus activity measurement).

Le syndrome inflammatoire est aussi utile dans tous les autres rhumatismes inflammatoires au cours desquels l’inflammation a pu être démontrée lors de la prise en charge initiale, et ce de façon quasi indépendante du diagnostic étiologique.

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