Méthodes non traumatiques d’évaluation de la densité minérale et de la structure

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Introduction :

La masse osseuse rend compte de 70 à 80 % de la résistance mécanique osseuse.

Celle-ci est habituellement mesurée de façon satisfaisante par l’absorptiométrie biphotonique à rayons X (dual X-ray absorptiometry [DXA]).

Cet examen a une reproductibilité suffisante pour autoriser son utilisation en pratique clinique et il a fait la preuve de son intérêt dans le cadre de l’évaluation du risque fracturaire.

Ainsi, une diminution d’une déviation standard de la densité minérale osseuse (DMO) conduit à un doublement du risque fracturaire.

Méthodes non traumatiques d'évaluation de la densité minérale et de la structureL’intérêt de l’examen est tel qu’un groupe d’experts sous l’égide de l’OMS a proposé une définition de l’ostéoporose fondée sur les résultats de la densitométrie osseuse.

À l’inverse, la DXA ne fournit pas de renseignements sur la microarchitecture osseuse, laquelle fait pourtant partie intégrante de la définition de l’ostéoporose.

L’étude de cette dernière nécessite la réalisation d’une ponction-biopsie osseuse (PBO) permettant la mesure de paramètres architecturaux, de connexité ou d’attributs plus récents tels que le star volume ou le trabecular bone pattern factor.

Le caractère traumatique de la PBO rend néanmoins son utilisation difficile en pratique clinique. Ainsi, plusieurs auteurs ont proposé de caractériser l’architecture osseuse de façon non traumatique.

Divers arguments d’ordre théorique laissent penser que les mesures ultrasonores osseuses pourraient fournir des renseignements sur la structure osseuse.

Plusieurs appareils ont été évalués dans ce cadre, et les résultats des études prospectives font état d’un intérêt des ultrasons au calcanéus comparables à la DXA pour apprécier le risque fracturaire.

Cependant, les données actuelles suggèrent qu’avec les appareils fonctionnant sur un mode en transmission les paramètres mesurés reflètent majoritairement la quantité de tissu osseux plutôt que sa qualité.

Depuis quelques années, nous assistons également au développement de techniques dites d’analyse de texture osseuse à partir de supports variés : radiographies standards, coupes TDM ou d’IRM nucléaire.

Les premiers résultats sont encourageants, tout particulièrement en ce qui concerne le scanner et l’IRM, mais méritent cependant confirmation dans le cadre d’études à grande échelle.

Cette mise au point a pour objectif de préciser l’intérêt et les limites des différentes méthodes non traumatiques potentiellement utiles pour mesurer la masse et la structure osseuse.

Principales techniques de mesure de la densité minérale osseuse :

Si la DXA constitue actuellement l’examen de choix, d’autres méthodes non sanglantes sont importantes à connaître, notamment car elles ont permis d’établir le rapport entre baisse de masse osseuse et augmentation du risque fracturaire.

A – Absorptiométrie biphotonique à rayons X :

1- Rappels techniques :

Le principe de la DXA repose sur la mesure de l’atténuation de faisceaux de rayons X, c’est-à-dire sur la diminution du flux de photons lorsqu’il traverse différents constituants du corps humain.

La densité étant variable selon les tissus traversés, on assimile le corps à un modèle de deux constituants : os et tissus mous.

On utilise un faisceau à double énergie et on peut, dès lors, en résolvant deux équations à deux inconnues, calculer la DMO qui est exprimée en g/cm2.

Il est également nécessaire de corriger les valeurs de la ligne de base (tissus mous) en déduisant, de la densité osseuse calculée, celle mesurée dans une région voisine non minéralisée.

Cette technique permet ainsi, à la différence de l’absorptiométrie monophotonique, de mesurer la DMO en différents sites, même profonds comme le rachis et le fémur.

2- Exactitude et reproductibilité de la méthode :

L’exactitude exprime la capacité de l’examen à fournir un résultat vrai.

Sa détermination nécessite de mesurer la DMO de fantômes d’hydroxyapatite dont la densité est connue.

Les variations entre la valeur mesurée et la densité réelle du fantôme sont de 3 à 4 %et la corrélation entre ces deux mesures est très satisfaisante (r = 0,96).

L’exactitude est moins importante que la reproductibilité.

Cette dernière se définit comme la capacité de l’examen à fournir des valeurs identiques lors d’examens itératifs.

Elle est exprimée par la mesure du coefficient de variation (CV) qui est le rapport entre la moyenne et l’écart-type des résultats obtenus durant la période considérée.

La reproductibilité in vivo est variable en fonction de la population étudiée et du site considéré.

Elle est de 1 %pour le rachis lombaire en incidence antéropostérieure chez des sujets sains, mais de l’ordre de 3 % chez des patients ostéoporotiques.

Elle est enfin de 1,5 à 2 %pour l’extrémité supérieure du fémur.

3- Réalisation pratique d’une densitométrie osseuse :

Deux sites sont habituellement étudiés.

D’une part le rachis lombaire (mesure en L2, L3, L4).

La mesure standard en incidence antéropostérieure peut comporter la vertèbre L1, s’il n’y a pas d’interférence avec la projection des dernières côtes.

Elle nécessite que le patient ait les jambes surélevées, afin de réduire la lordose lombaire, mais aussi de standardiser la méthode de mesure pour améliorer la reproductibilité.

Le résultat obtenu associe laDMO trabéculaire (corps vertébral) et corticale (arc postérieur).

Afin de pouvoir étudier séparément les deux composants de la vertèbre, des appareils à bras rotatifs, permettant une mesure en incidence latérale, ont été developpés.

L’exactitude et la reproductibilité sont cependant moins bonnes qu’en incidence antéropostérieure.

Cette technique ne semble pas plus performante que la DXA classique pour apprécier le risque fracturaire.

L’autre site est représenté par l’extrémité supérieure du fémur où on a décrit quatre régions : col fémoral, région trochantérienne, triangle de Ward et ensemble de l’extrémité supérieure du fémur.

Le col fémoral est la plus intéressante en termes d’exactitude et de reproductibilité.

Le triangle deWard est constitué uniquement d’os trabéculaire et est défini de façon variable en fonction des appareils utilisés ; sa signification réelle est en outre incertaine.

4- Expression des résultats :

Les résultats densitométriques d’un individu donné doivent être comparés à la moyenne des mesures obtenues dans une population témoin.

On définit ainsi le T score qui est exprimé en nombre d’écart-type en prenant, comme valeur de référence, le pic de masse osseuse.

Le T score est égal à 0 entre 20 et 30 ans et se négative ensuite.

On calcule également le Z score : nombre d’écart-type séparant la valeur individuelle de la moyenne d’une population de même âge et de même sexe.

5- Limites de la densitométrie osseuse rachidienne :

Des artefacts, tels qu’un lavement baryté récent, peuvent fausser les mesures.

De même une arthrose lombaire, notamment interapophysaire postérieure, une scoliose, la présence d’un ou plusieurs tassements vertébraux et l’existence de calcifications aortiques ou d’autres condensations, peuvent augmenter artificiellement le résultat.

La mesure peut aussi être faussement abaissée en cas de surcharge pondérale importante.

Enfin, les valeurs sont sous-estimées chez les patientes dont le volume osseux est inférieur à celui de la population de référence. À l’inverse, les résultats sont surestimés chez les femmes de grande taille (> 1,80 m).

B – Autres méthodes :

1- Radiographie standard :

Elle est utile pour diagnostiquer une fracture, notamment vertébrale.

Elle n’est cependant que d’un faible secours pour dépister une ostéopénie, dans la mesure où les taux d’erreur sont de 30 à 50 %.

Par ailleurs, on admet qu’une déminéralisation osseuse ne peut être visible radiographiquement que lorsque la perte osseuse est supérieure à 20 %.

Les radiographies de mains peuvent cependant permettre de mesurer l’épaisseur métacarpienne dont la mesure automatisée à partir d’une image numérisée est corrélée à la DMO.

En revanche, aucune des méthodes visant à mesurer la densité osseuse à partir de clichés radiographiques, même numérisées et réalisées à différentes tensions, n’a de valeur démontrée.

2- Tomodensitométrie quantitative :

La densité osseuse est habituellement mesurée à partir d’une coupe fine de vertèbre lombaire passant par le corps vertébral.

Elle est déterminée par comparaison à celle de fantômes d’hydroxyapatite de densité connue et situés dans un matelas sous le patient.

Cette technique offre plusieurs avantages. D’une part, elle permet une mesure séparée de l’os trabéculaire (corps vertébral) et cortical (arc postérieur).

D’autre part, les résultats sont exprimés en g/cm3, ce qui correspond à une densité volumique et non surfacique comme pour la DXA. Cette technique a cependant plusieurs inconvénients : irradiation importante (15 à 30 mSv par vertèbre mesurée), reproductibilité médiocre (3 à 5 %) et coût élevé.

Enfin, les scanners sont actuellement peu disponibles pour une telle indication.

Depuis quelques années, nous assistons au développement d’appareils de TDM quantitative périphérique.

Le site habituellement mesuré est l’extrémité inférieure du radius.

La reproductibilité in vivo varie entre 1 et 2 % en fonction des auteurs.

Les appareils les plus récents permettent de réaliser de nombreuses coupes et d’acquérir ainsi un volume d’intérêt important au prix d’une irradiation faible (0,03 mSv).

L’intérêt réel de ce type d’appareil, en termes d’appréciation de la perte osseuse postménopausique et du risque fracturaire, est cependant débattu.

3- Absorptiométrie monophotonique :

D’un point de vue historique, c’est la première méthode qui a été développée et c’est grâce à elle qu’ont pu être obtenus les principaux résultats des études épidémiologiques.

Elle nécessite l’utilisation du faisceau monoénergétique d’une source radioactive (iode 125). Les sites de mesure sont l’avant-bras et le calcanéus, lesquels doivent être immergés afin, notamment, d’uniformiser l’épaisseur des tissus mous.

Cette technique est peu irradiante et sa reproductibilité est d’environ 3 %.

Au radius, elle permet une mesure en sites trabéculaire (radius distal) et cortical (radius proximal).

Les valeurs obtenues sont corrélées de façon variable avec celles mesurées en lombaire et au col fémoral.

Cette technique n’est cependant pas performante pour différencier les sujets ostéoporotiques ayant au moins une fracture de sujets sains appariés pour l’âge.

En outre, la nécessité d’une source radioactive rend son emploi limité en pratique clinique.

Une technique équivalente utilisant les rayons X est actuellement proposée.

Les résultats préliminaires font apparaître, chez les sujets sains, une bonne corrélation avec les valeurs obtenues enDXAau rachis lombaire et au col fémoral, mais restent cependant à valider.

4- Absorptiométrie biphotonique à rayons gamma :

Son principe est identique à la DXA.

Outre la nécessité d’une source radioactive (gadolinium 153 le plus souvent), cette technique est à l’origine d’une irradiation plus importante que la DXA et d’une moins bonne reproductibilité, de telle sorte qu’elle n’est plus utilisée actuellement.

C – Intérêt de la densitométrie osseuse dans l’évaluation du risque fracturaire :

Plusieurs études prospectives, dont certaines portent sur près de 10 000 femmes, font état d’une relation entre la diminution de la DMO et l’augmentation du risque fracturaire.

En moyenne, chaque diminution de la masse osseuse d’un écart-type (environ 10 %) multiplie le risque de fracture ostéoporotique par deux.

Ces résultats valent quels que soient le siège de la fracture et le site densitométrique considéré.

Cependant, ceux obtenus à la hanche sont meilleurs qu’en un autre lieu pour apprécier le risque de fracture de l’extrémité supérieure du fémur (risque relatif [RR] : 2,6) et, d’une façon plus générale, l’appréciation du risque fracturaire est meilleure au site concerné par la fracture ostéoporotique.

En comparaison, leRRainsi ajusté pour l’âge est supérieur à celui rapporté entre hypercholestérolémie et pathologie coronarienne (RR : 1,3) et est comparable à celui retrouvé entre hypertension artérielle et accident vasculaire cérébral (RR : 2,1).

Le rapport étroit entre baisse de la DMO et augmentation du risque fracturaire a conduit un groupe d’experts, réunis sous l’égide de l’OMS, à définir l’ostéoporose en termes purement densitométriques.

On considère ainsi qu’une femme est normale lorsque sa DMO est comprise entre 0 et -1 T score.

Elle est ostéopénique lorsque son T score est compris entre -1 et -2,5.

Elle est ostéoporotique lorsque son T score est inférieur à 2,5. On parle d’ostéoporose confirmée lorsqu’il existe, en outre, un antécédent de fracture ostéoporotique.

Cette définition se trouve parfaitement justifiée sur le plan épidémiologique puisqu’elle aboutit à considérer comme ostéoporotiques 30 % des femmes après la ménopause, ce qui correspond grossièrement au nombre de femmes ayant un antécédent de fracture ostéoporotique (quel que soit son siège) dans cette tranche d’âge.

Cette définition nécessite d’établir de façon rigoureuse la valeur moyenne et la variance de la densité des adultes jeunes.

L’existence d’une ostéoporose densitométrique doit, par ailleurs, être appréciée en fonction des données cliniques et ne nécessite pas obligatoirement une prise en charge thérapeutique.

En effet, il a été démontré que 70 %de la population féminine de plus de 80 ans répondait à cette définition, ce qui revient à assimiler le principal facteur de risque de fracture (diminution de la DMO) et la maladie (ostéoporose).

Enfin, la DMO n’est pas le seul facteur intervenant dans l’apparition d’une ostéoporose et on connaît également l’importance de l’âge et de l’existence d’une fracture ostéoporotique préalable.

De même, des facteurs anatomiques interviennent aussi dans la survenue d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur (longueur de l’axe du col notamment).

Néanmoins, il est remarquable de voir proposer la définition d’une maladie par le résultat d’une mesure qui n’est pas reconnue en France par l’assurance maladie.

D – Principales indications de la densitométrie osseuse :

Il est maintenant communément admis que la densitométrie osseuse est indiquée dans cinq situations principales :

– devant une déformation vertébrale ou une ostéopénie radiologique ;

– en cas d’hypogonadisme, tout particulièrement chez la femme à la ménopause, lorsque la connaissance du risque d’ostéoporose constitue la motivation principale à un traitement hormonal substitutif ;

– dans les situations d’hypercorticisme, tout particulièrement chez les patients amenés à recevoir une corticothérapie générale pendant plus de 6 mois afin d’envisager, en fonction de son résultat, des mesures préventives ou curatives et éventuellement une adaptation de la dose de corticoïdes ;

– en cas d’hyperparathyroïdie primitive où il est maintenant reconnu qu’un Z score inférieur à – 2 représente une indication de parathyroïdectomie ;

– devant une hyperthyroïdie ou chez les patients traités par hormones thyroïdiennes, dans la mesure où, dans ce dernier cas, une perte osseuse peut survenir en l’absence de signe patent de surdosage.

E – Autres indications de la densitométrie osseuse :

La parfaite innocuité de la DXA rend possible son utilisation dans le cadre d’un suivi thérapeutique.

La fréquence à laquelle les examens doivent être répétés nécessite la prise en compte de la valeur du CV de la méthode et le gain potentiel de masse osseuse obtenu avec le traitement considéré. Une variation entre deux examens n’est significative que si elle est au moins égale à 2,8 fois le CV.

En pratique, si un suivi densitométrique est jugé nécessaire, un délai de 2 ans entre deux examens doit être respecté.

La répétition des mesures durant la période postménopausique pourrait, en outre, permettre de dépister les femmes à perte osseuse rapide (> 3 %/an).

Une telle attitude ne paraît cependant pas devoir être systématique dans la mesure où il n’est pas certain que le taux de perte osseuse soit constant pendant plusieurs années, ni qu’il influence le risque fracturaire.

La densitométrie osseuse pourrait également être utile au cours de l’ostéomalacie, du myélome (appréciation de la sévérité de la maladie) et après transplantation d’organes.

Mesures ultrasonores osseuses :

L’utilisation des ultrasons dans le contrôle non destructif des matériaux est une technique connue et utilisée de longue date dans l’industrie.

L’application de cette technique à l’os humain a été proposée au début des années 1980.

De nombreux appareils sont actuellement disponibles.

Petits, peu coûteux, simples à utiliser, ils ont un potentiel important de développement dans le dépistage de l’ostéoporose.

Tous les appareils, en dehors de la recherche, utilisent une technique en transmission, positionnant un émetteur et un récepteur de part et d’autre d’un segment osseux sous-cutané (calcanéus, phalanges, tibia).

L’imagerie ultrasonore est un progrès technologique récent.

La technologie varie d’un appareil à l’autre et les résultats obtenus avec l’un ne peuvent être appliqués à un autre. Les paramètres mesurés sont la vitesse et l’atténuation.

D’autres paramètres sont en outre fournis par certains appareils, Quantitative Ultrasound Index et Stiffness.

Il s’agit de combinaisons mathématiques des deux premiers dont l’intérêt réel reste à préciser.

La vitesse longitudinale d’un faisceau ultrasonore dépend de l’élasticité et de la densité du milieu traversé.

Cette relation simple ne s’applique en théorie que dans les milieux isotropes.

Trois types de résultats sont habituellement fournis : la vitesse par calcul du temps de vol (SOS, m/s), la vitesse osseuse (Vb, m/s) ; la vitesse amplitude dépendante (Ad-SOS) est la vitesse mesurée aux phalanges.

L’atténuation de l’onde ultrasonore est une réduction de son amplitude et se traduit par une perte d’énergie acoustique.

Elle résulte de deux phénomènes : la diffusion et l’absorption.

Les mécanismes d’absorption sont mal connus mais sans doute liés, en grande partie, aux frottements survenant aux interfaces moelle/os.

La diffusion est une redistribution de l’énergie à chaque obstacle, c’est-à-dire en théorie sur les travées osseuses.

L’atténuation dépend de la fréquence selon une relation complexe, qui peut être correctement estimée par une droite dans une bande de fréquence comprise entre 0,2 et 0,6 Mhz (bande fréquentielle utilisée en clinique).

La pente de cette droite est appelée BUA (broadband ultrasound attenuation) et s’exprime en dB/MHz.

La nature du paramètre osseux mesuré par les ultrasons n’est pas connue avec précision. In vitro, il existe une bonne corrélation entre l’estimation de l’élasticité obtenue par tests mécaniques et par mesures ultrasonores.

De la même façon, des relations fortes ont été observées entre la densité physique d’échantillons osseux et l’atténuation ultrasonore.

L’atténuation est dépendante de l’orientation du tissu ; de même, les modifications des composants organiques de la matrice osseuse induisent des variations de l’élasticité et de la vitesse ultrasonore.

Il est important de souligner que ces résultats sont obtenus lors de mesures ultrasonores réalisées dans des directions multiples sur des échantillons osseux.

Ils ne peuvent être utilisés directement pour l’interprétation du résultat d’une mesure ultrasonore réalisée in vivo dans une direction unique.

Ceci est d’ailleurs confirmé par les études histomorphométriques ou biomécaniques ; elles montrent qu’il existe une relation entre les paramètres ultrasonores et les paramètres microarchitecturaux, ou la résistance mécanique des échantillons osseux ; mais ces corrélations ne subsistent pas après ajustement à la densité minérale locale.

In vivo, les coefficients de corrélation entre la densité osseuse du calcanéus et les paramètres ultrasonores sont très élevés, et d’autant plus grands que l’on mesure la même zone osseuse.

Par conséquent, au calcanéus, les mesures ultrasonores réalisées par les appareils commercialisés aujourd’hui dépendent essentiellement de la densité osseuse locale.

Les techniques ultrasonores ont un potentiel de développement très important.

Il est possible que d’autres mesures, en particulier la vitesse aux phalanges, puissent approcher des paramètres non quantitatifs osseux.

Les déterminants des paramètres ultrasonores sont, comme pour la densité osseuse, l’âge, le nombre d’années écoulées depuis la ménopause, le poids…

Les sujets ostéoporotiques ont des valeurs ultrasonores plus basses que les sujets normaux de même âge.

La valeur diagnostique des ultrasons au calcanéum ainsi déterminée (par calcul des aires sous les courbes ROC [Receiver operating characteristic], par T scores), est comparable à celle des mesures densitométriques habituelles.

La validation clinique des mesures ultrasonores a été possible grâce à la réalisation d’études prospectives qui, portant sur plusieurs milliers de patientes, ont pu montrer qu’il existait une relation entre diminution de l’atténuation et/ou de la vélocité ultrasonore au calcanéus et survenue de fracture du col fémoral.

Le risque relatif ainsi calculé dans des populations de femmes âgées de 70 à 80 ans est de l’ordre de 2.

Celui-ci est comparable à celui estimé par les mesures densitométriques du col fémoral lui-même.

Les femmes âgées ayant deux facteurs de risque

– diminution de la densité du col fémoral et diminution des paramètres ultrasonores au calcanéum

– sont à très haut risque de fracture du col.

La reproductibilité de la méthode est satisfaisante, bien qu’il existe de nombreuses causes d’erreur qui doivent être soigneusement prises en compte lors de la réalisation des examens : temps d’immersion, température de l’eau, température cutanée, présence d’oedèmes.

La reproductibilité des mesures est insuffisante pour juger, à l’échelle individuelle, de la variation dans le temps des paramètres, en particulier de l’atténuation.

Il est possible que la vitesse, dont la mesure est très reproductible, puisse être plus utile pour le suivi.

À ce jour, les mesures ultrasonores ne peuvent pas être recommandées dans le suivi des maladies ou de l’effet des traitements.

La place des mesures ultrasonores par rapport aux méthodes densitométriques classiques n’est pas connue.

Des études stratégiques sont prévues afin de savoir si le dépistage des patientes ostéoporotiques est possible par les ultrasons seuls, ou si cette nouvelle méthode peut servir de première étape pour la sélection de patientes devant bénéficier de mesures densitométriques complémentaires.

Analyse de texture osseuse :

Deux types d’images peuvent être utilisés afin de réaliser une analyse de texture osseuse : les images en projection issues de radiographies standards et les coupes TDM ou d’IRM.

Lorsque le support utilisé est une radiographie standard, la première étape consiste à transformer l’image analogique en une image numérique à l’aide d’une caméra charge coupled device (CCD) reliée à un système informatique.

Le document obtenu est constitué de niveaux de gris dont le nombre reflète la qualité de l’image.

Il existe de nombreuses méthodes d’analyse pour caractériser la projection de la structure osseuse.

Les principales techniques mises en oeuvre proviennent d’une analyse statistique visant à caractériser les distributions locales de la texture, d’une analyse structurelle ou d’une analyse fractale qui étudie la complexité de la structure osseuse à partir de l’invariance de la répartition de ces motifs à travers des niveaux différents d’agrandissements.

A – Radiographies standards :

Plusieurs études ont été menées à partir de radiographies standards dont les résultats sont en règle intéressants mais variables, vraisemblablement en raison de la multiplicité des sites de mesure et des méthodes employées.

Geraets et al ont ainsi employé, chez des femmes âgées de 46 à 55 ans, une analyse structurelle de segmentation des trabéculations sur des clichés du radius distal.

Certains paramètres (surface du réseau, nombre de régions sombres, longueur du squelette du réseau, nombre d’extrémités des mailles) étaient corrélés à la fois avec laDMOet avec l’âge.

Caliguri et al ont examiné, dans une population de sujets sains et ostéoporotiques, des clichés de vertèbres lombaires qu’ils ont digitalisés puis ils ont caractérisé la texture par une analyse statistique et fractale.

Bien qu’aucune corrélation avec la DMO n’ait été trouvée, ces deux méthodes étaient plus performantes que la masse osseuse pour différencier des patients avec ou sans fracture.

Buckland- Wright et al ont mesuré la dimension fractale sur des macroradiographies (´ 4) de vertèbres lombaires.

L’étude de 100 clichés de femmes ménopausées a montré des résultats différents suivant les deux directions d’analyse, ce qui témoigne d’une anisotropie des propriétés de la structure trabéculaire.

Benhamou et al ont travaillé sur des radiographies de calcanéums et ont mesuré la dimension fractale par une analyse multidirectionnelle (estimateur du maximum de vraisemblance).

La méthode a permis de séparer une population d’ostéoporotiques d’une population témoin, et ce même après appariement pour laDMOau col fémoral. Plus récemment, certains auteurs ont étudié l’influence de l’âge ainsi que de l’existence d’une ostéoporose sur divers attributs caractérisant la structure osseuse du troisième métacarpien de la main non dominante.

Soixante témoins et 20 patients ostéoporotiques ont été étudiés. Une analyse discriminante a permis de différencier, de façon satisfaisante, les sujets âgés (59 ± 10 ans) des sujets très âgés (83 ± 12 ans).

En revanche, une telle discrimination n’a pas été possible entre les malades ostéoporotiques et les témoins.

Enfin, Geraets et al ont comparé la texture de l’extrémité supérieure du fémur (analyse structurelle) de patients venant de présenter une fracture de l’extrémité supérieure du fémur et de sujets témoins : 9 des 10 paramètres mesurés étaient significativement différents dans les deux groupes.

En outre, ce type d’analyse a permis de classer correctement 58 % des sujets quant à leur sexe, leur statut fracturaire et la valeur de l’index de Singh.

Le seul fait du hasard aurait permis de ne bien classer que seulement 8 % des patients.

B – Scanner :

La résolution du scanner (200-400 ím) permet d’obtenir une image approchée de la structure réelle du réseau trabéculaire.

Toutefois, la résolution des appareils conventionnels ne permet pas de repérer avec exactitude la totalité des trabéculations dont la taille varie de 10 à 300 ím.

La nature de l’information obtenue se rapporte à la caractérisation du réseau trabéculaire (proportions, surface, circonférence, nombre de trabéculations et de croisements, largeur des trabéculations) ou à une qualification globale du réseau trabéculaire (dimension fractale).

C’est en partant d’une analyse de type structurel que sont déduites les informations architecturales.

L’objet de cette analyse est d’individualiser le réseau trabéculaire du reste de l’image, puis de le caractériser.

La première étape, qui segmente le réseau trabéculaire des tissus mous, est commune à toutes les études réalisées.

L’information contenue dans l’image est alors réduite par binarisation : le seuillage permet d’uniformiser l’ensemble des travées d’une part et des tissus mous d’autre part. Les techniques de seuillage sont alors déterminantes dans l’exactitude de la caractérisation à venir.

Laval-Jeantet et al ont décrit l’organisation du réseau trabéculaire lombaire à partir d’une image binaire qui a secondairement été squelettisée afin de déterminer la longueur du squelette obtenu, le nombre de discontinuités et l’indice de fragmentation trabéculaire : nombre de discontinuités/longueur du squelette.

Cent soixante-cinq femmes saines et ostéoporotiques de 50 à 69 ans ont été étudiées.

L’indice de fragmentation trabéculaire augmentait en cas d’ostéoporose établie et a permis de séparer les patientes normales des femmes malades, mais avec un chevauchement des valeurs dans les deux populations.

Il était cependant peu corrélé avec la DMO vertébrale, notamment lorsque l’âge augmentait.

Ito et al ont étudié de façon comparative, chez 209 femmes âgées de 18 à 86 ans, la DMO de L3 (TDM quantitative) et deux paramètres structuraux mesurés par la méthode des longueurs de plage.

Ceux-ci étaient corrélés à l’âge (de façon moindre que la DMO) mais pas à la masse osseuse, laissant supposer que ces deux types de paramètres n’apportent pas des informations de même nature.

Enfin, un de ceux-ci était augmenté chez les femmes souffrant d’au moins un tassement vertébral et la différence était toujours statistiquement significative après appariement pour laDMO.

Müller et al ont réalisé une mesure comparative de divers paramètres architecturaux de l’extrémité inférieure du radius obtenus à partir de coupes provenant d’un scanner périphérique haute résolution et d’une coupe histologique sur un poignet de cadavre.

Les résultats concernant le volume trabéculaire osseux étaient identiques pour les deux méthodes (rapport entre 0,9 et 1,1).

En revanche, la surface osseuse était systématiquement sous-estimée par le scanner, en raison de l’agrandissement différent entre les deux techniques et de la moins bonne résolution de laTDM.

Les mêmes auteurs ont développé un algorithme permettant, à partir d’un scanner tridimensionnel haute résolution de l’extrémité inférieure du radius, d’effectuer l’équivalent d’une biopsie osseuse avec une reproductibilité très satisfaisante tant à court qu’à moyen terme.

Gordon et al ont mesuré deux paramètres structuraux (un indice de connexité et un autre de porosité) sur des images obtenues, avec un appareil de TDM quantitative périphérique, dans une petite population de femmes saines et ostéoporotiques.

Une corrélation avec l’âge a été retrouvée et les deux paramètres mesurés étaient différents chez des sujets sains et chez des patients ayant un antécédent de fracture du poignet.

Cependant, la mesure de la densité oseuse au même site avait une meilleure capacité à différencier les deux populations.

Récemment, Laib et al ont défini un nouveau paramètre structurel (la densité des crêtes) déterminé en procédant par squelettisation en niveaux de gris et non pas à partir d’une image binaire obtenue par segmentation.

Enfin, Cortet et al ont caractérisé la texture de l’extrémité inférieure du radius de femmes saines et ostéoporotiques.

De fortes corrélations ont été retrouvées entre l’âge et certains des paramètres mesurés, tout particulièrement en frontal et pour ce qui concerne l’analyse structurelle.

De même, ces attributs étaient statistiquement différents chez les femmes saines ménopausées (67 ± 9 ans) et non ménopausées (33 ± 9 ans).

Les corrélations entre la DMO et les paramètres de texture étaient peu nombreuses et faibles, suggérant que les attributs mesurés pourraient refléter la structure plus que la masse osseuse.

Enfin, 15 attributs parmi les 32 mesurés étaient significativement différents sur les coupes frontales chez les patientes ostéoporotiques et chez les femmes saines appariées en âge.

Les plus discriminants, dans cette dernière situation, étaient : la partition du réseau, le nombre de segments terminus-terminus, le nombre d’Euler, et le trabecular bone pattern factor.

La DMO n’était significativement plus basse chez les ostéoporotiques, comparativement aux témoins, qu’au rachis lombaire.

C – Imagerie par résonance magnétique :

Depuis le début des années 1990, l’IRM est présentée comme une méthode d’exploration à part entière de l’architecture osseuse.

Les recherches dans ce domaine ont porté, d’une part sur la relaxation transversale apparente des protons de la moelle osseuse ou T2*; d’autre part sur l’analyse de texture osseuse à partir de coupes d’IRM acquises en haute résolution.

1- Relaxation transversale apparente des protons de la moelle osseuse (T2*) :

La mesure du T2* est fondée sur la différence de susceptibilité magnétique entre l’os trabéculaire et la moelle osseuse.

Celle-ci engendre à leur interface une distorsion des lignes de champ responsable d’hétérogénéités locales du champ magnétique principal.

Il en résulte une décroissance de l’aimantation transversale par déphasage accru des protons.

Les premières études in vitro ont mis en évidence une relation significative entre le taux de relaxation transversale apparent (1/T2*) de la moelle osseuse et la densité osseuse trabéculaire : 1/T2* est d’autant plus court que la densité osseuse trabéculaire est élevée.

Ces données expérimentales ont été vérifiées in vivo chez des volontaires sains à l’extrémité inférieure du fémur.

Ford etWehrli ont pu différencier des sujets témoins de patientes ostéoporotiques grâce à cette méthode, mais les deux groupes n’étaient pas appariés en âge.

À l’extrémité inférieure du radius, Grampp et al ont mis en évidence une relation significative entre 1/T2* et la densité osseuse trabéculaire évaluée par TDM quantitative et DXA.

La mesure du taux de relaxation transversale apparent de la moelle osseuse était le meilleur paramètre discriminant entre, d’une part les témoins, ménopausées ou non, et d’autre part les patientes ostéoporotiques.

À l’inverse, contrairement à la TDM quantitative et à la DXA, 1/T2* ne permettait pas la distinction entre femmes saines ménopausées et patientes ostéoporotiques. Il faut néanmoins souligner la faiblesse des effectifs étudiés.

En outre, la reproductibilité des mesures est variable : de 3,8 à 9,5 % à l’extrémité inférieure du radius.

D’autres études menées in vitro ont montré que 1/T2* était également un reflet de la microarchitecture osseuse.

Leurs auteurs ont mis en évidence une corrélation positive et significative entre 1/T2* et le module d’élasticité ou module de Young qui reflète les propriétés biomécaniques de la structure osseuse.

2- IRM haute résolution (IRM-HR) :

La généralisation des appareils de haut champ (1,5 T), le développement des techniques d’imagerie rapide lié aux progrès informatiques, la puissance accrue des gradients de champ, ainsi que la technologie des antennes de surface, ont bouleversé l’IRM et permis d’augmenter son pouvoir de résolution.

L’IRM est ainsi devenue un outil potentiel d’évaluation de l’architecture osseuse trabéculaire.

Typiquement, l’os trabéculaire apparaît sous forme d’un réseau en asignal au sein de la moelle osseuse graisseuse, en hypersignal relatif.

Le réseau est dense chez le sujet sain, raréfié chez l’ostéoporotique.

Les images obtenues font ensuite l’objet d’une analyse de texture osseuse, de la même manière qu’un cliché radiographique digitalisé ou une coupe TDM.

In vitro, grâce à des champs magnétiques très élevés, plusieurs études font état d’une corrélation satisfaisante entre les paramètres osseux mesurés en IRM-HR et ceux dérivés de l’histomorphométrie.

Jusqu’alors, aucune étude n’avait confronté les paramètres osseux mesurés à la résistance mécanique osseuse.

Link et al ont étudié, en IRM-HR, des cubes d’os provenant de fémurs et de rachis.

Ces auteurs ont confronté les paramètres trabéculaires issus de l’analyse de texture à la résistance mécanique osseuse et ont mis en évidence une corrélation satisfaisante, en particulier au rachis, entre les paramètres structuraux, la dimension fractale et le module d’élasticité.

En raison des limitations inhérentes au rapport signal/bruit et surtout des contraintes imposées par les temps d’acquisition, les résolutions obtenues in vivo sont moindres.

Celles-ci, dans des conditions optimales (utilisation d’antennes de surface dédiées), sont respectivement de 78 X 78 X 300 ím3 ; 156 X 156 X 700 ím3 et 200 X 234 X 1 000 ím3 aux phalanges, au radius et au calcanéus.

De telles résolutions sont obtenues avec des imageurs de 1,5 T et le temps de réalisation de l’examen est de l’ordre de 20 minutes.

Gordon et al ont étudié, en IRM-HR, l’extrémité inférieure du radius chez des volontaires sains et ont démontré qu’il existait des modifications de l’architecture osseuse trabéculaire liées à l’âge.

Majumdar et al ont également étudié, en IRM-HR, l’extrémité inférieure du radius chez des témoins (groupe I), des femmes saines ménopausées (groupe II) et des patientes ostéoporotiques (groupe III).

L’analyse de texture osseuse à partir des coupes d’IRM consistait en une analyse structurelle et une analyse fractale.

Bien que l’effectif de chacun des groupes étudiés soit faible, il existait des différences significatives entre les groupes II et III.

Bien que les premières études effectuées in vivo soient encourageantes, des limites inhérentes à la résolution spatiale subsistent.

La détermination de paramètres microarchitecturaux analogues à ceux dérivant de l’histomorphométrie implique que cette résolution soit la plus élevée possible.

D’autres types d’analyse de texture, moins dépendants de la résolution spatiale, pourraient être intéressants dans l’évaluation de l’architecture osseuse.

Une étude préliminaire, effectuée dans notre service, a porté sur l’extrémité inférieure du radius chez des femmes saines ménopausées et des patientes ostéoporotiques appariées en âge.

L’analyse statistique a permis de mettre en évidence des attributs osseux significativement différents entre les deux groupes au même titre que l’analyse structurelle.

Tout récemment, Wehrli et al ont eu recours à un procédé original de segmentation de l’image afin de s’affranchir des contraintes liées à la résolution spatiale.

Ils ont ainsi défini de nouveaux attributs osseux qui pourraient être prédictifs de la survenue d’un tassement vertébral.

À côté de la densitométrie osseuse, examen peu irradiant et bien reproductible, dont l’intérêt dans le cadre de l’évaluation du risque fracturaire a été clairement démontré, d’autres techniques sont en cours d’évaluation.

Les mesures ultrasonores osseuses au calcanéus offrent l’avantage d’être non irradiantes et d’avoir une capacité à prédire le risque de fracture ostéoporotique superposable à la densitométrie osseuse.

Les appareils dont nous disposons actuellement ne permettent cependant pas d’étudier la microarchitecture osseuse.

Le scanner et l’IRM sont susceptibles de fournir des renseignements sur la structure osseuse. Les premiers résultats obtenus in vivo sont encourageants.

Des études longitudinales sont cependant nécessaires pour préciser l’intérêt de ces deux techniques comparativement à la densitométrie osseuse au cours de l’ostéoporose.

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