Érythème polymorphe (erythema multiforme)

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Nosologie :

Le concept même d’érythème polymorphe (EP) demeure controversé.

S’agit-il d’une maladie ou d’un spectre comportant plusieurs syndromes ?

Von Hebra le premier décrivit en 1870 une maladie aiguë relativement bénigne, caractérisée par une éruption cutanée débutant de manière symétrique sur les extrémités et ayant tendance à récidiver.

Les lésions élémentaires étaient des papules évoluant vers une modification concentrique de la couleur, avec parfois une bulle centrale.

Dans cette description, il n’était pas fait mention de lésions muqueuses.

Érythème polymorphe (erythema multiforme)Rendu, en 1916, puis Fiessinger et Rendu en 1917 rapportèrent une maladie aiguë fébrile (ultérieurement appelée ectodermose pluriorificielle) caractérisée par une inflammation de toutes les muqueuses, associée à une éruption vésiculeuse puis purpurique des quatre membres.

En 1922, Stevens et Johnson publiaient deux observations d’éruption fébrile, qu’ils considéraient comme distincte de l’EP et dont la description rappelle celle de Fiessinger et Rendu.

En 1950, Thomas proposa de réserver le terme « d’EP mineur » à la forme cutanée bénigne, décrite par Hebra et le terme « d’EP majeur » aux formes cutanéomuqueuses plus sévères.

Ultérieurement, le terme d’EP fut aussi attribué à des maladies caractérisées par une inflammation muqueuse aiguë sans lésion cutanée ; il existe des formes purement muqueuses, désignées en Allemagne par le nom de syndrome de Fuchs.

Le concept de spectre de l’EP, encore admis par certains auteurs, considère que le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et le syndrome de Lyell (nécrolyse épidermique toxique [NET]) en constituent les formes ultimes, avec une atteinte cutanéomuqueuse beaucoup plus sévère. Mais, depuis quelques années, ce concept est remis en cause.

Il a été proposé de revenir à la classification originelle en distinguant, d’une part, l’EP mineur et majeur avec ses cocardes typiques à distribution acrale et, d’autre part, le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrolyse épidermique toxique avec des macules et vésicules disséminées ou à prédominance centrale.

L’EP, majeur ou mineur, a surtout été associé aux infections à Herpès simplex virus (HSV), alors que le syndrome de Stevens-Johnson est principalement dû à des réactions médicamenteuses.

Épidémiologie :

Maladie ubiquitaire, l’érythème polymorphe est rapporté dans le monde entier sans prédilection ethnique.

Il survient à tout âge mais plus fréquemment chez l’adulte jeune ; l’âge moyen est de 25 à 30 ans et un pic d’incidence dans la troisième décennie a été constaté dans la plupart des séries. Une prédominance masculine plus ou moins marquée est habituelle.

L’incidence des EP n’est pas connue.

Les seules évaluations existantes concernent l’incidence des EP nécessitant une hospitalisation.

Les chiffres étaient de 7 à 40 cas/million/an aux États et de 5 à 10 cas/million/an en Suède.

Les définitions incluaient manifestement le syndrome de Stevens-Johnson.

Ces études hospitalières sous-estiment certainement l’incidence des érythèmes polymorphes mineurs.

Aspect clinique :

A – LÉSIONS CUTANÉES :

Le diagnostic d’érythème polymorphe repose exclusivement sur la sémiologie de ces lésions cutanées.

Les lésions débutent classiquement sur la face dorsale des mains.

L’étendue des éléments est variable mais leur distribution est caractéristique avec une atteinte symétrique des paumes, des faces dorsales des mains et des pieds, des faces d’extension des membres.

Le tronc est le plus souvent épargné. Le visage, les oreilles sont parfois atteints.

Cette distribution « acrale » est un élément essentiel du diagnostic d’érythème polymorphe.

Les lésions élémentaires ont un aspect caractéristique en « cible » ou « cocarde ».

Ces cocardes typiques ont 1 à 3 cmde diamètre, sont de forme régulière et ronde bien limitée et comprennent au moins trois zones concentriques différentes : un disque central érythémateux parfois cyanotique ou bulleux entouré d’au moins deux anneaux.

L’anneau intermédiaire est volontiers plus pâle que le centre, en relief, palpable et l’anneau externe est érythémateux.

Les cocardes typiques sont parfois associées à des lésions moins caractéristiques : papules oedémateuses, arrondies, sans nécrose ni aspect en « cocarde » ou « cocardes atypiques » avec seulement deux zones et/ou une bordure mal définie.

B – ATTEINTE MUQUEUSE :

Des lésions muqueuses, le plus souvent buccales, ont été constatées dans 50 à 65 % des cas d’EP hospitalisés.

Elles sont sans doute plus rares dans les cas qui ne conduisent pas à une hospitalisation.

Les lésions buccales sont les plus fréquentes, suivies des lésions oculaires puis des lésions génitales.

Ces lésions muqueuses sont initialement érythémato-oedémateuses, rappelant parfois sur les lèvres l’aspect des « cocardes » cutanées.

Des érosions douloureuses, éventuellement recouvertes de croûtes, leur succèdent rapidement.

Les gencives sont le plus souvent épargnées.

La langue, la face interne des joues, la vulve et le gland peuvent être le siège de vastes érosions polycycliques recouvertes d’un enduit jaunâtre. Des érosions conjonctivopalpébrales peuvent être observées et sont source de complications potentielles.

Les lésions muqueuses surviennent le plus souvent en même temps que l’atteinte cutanée, mais peuvent la précéder ou la suivre de plusieurs jours.

C – MANIFESTATIONS SYSTÉMIQUES :

Un syndrome pseudogrippal est parfois constaté dans les jours précédant la poussée d’EP.

La fièvre est présente dans environ 30 % des formes mineures, 60 % des formes majeures ; elle est habituellement bien tolérée.

Il n’y a généralement aucune atteinte viscérale. Une bronchite ou une bronchopneumopathie doivent faire suspecter une infection causale à Mycoplasma pneumoniae.

Anatomie pathologique :

Les lésions histologiques de l’érythème polymorphe ne sont pas spécifiques.

On les intègre souvent dans la catégorie des « dermatites de l’interface ».

Les modifications les plus précoces sont un infiltrat lymphohistiocytaire autour des capillaires du derme superficiel.

Il n’y a pas d’anomalie de la paroi des vaisseaux. Quelques cellules mononucléées peuvent migrer dans l’épiderme où l’on peut noter la nécrose de quelques kératinocytes.

Au sein d’une même lésion en « cocarde », l’aspect histologique peut varier selon le siège du prélèvement : la zone centrale est fréquemment le siège d’une séparation sous-épidermique avec une nécrose kératinocytaire plus marquée que dans les régions périphériques ; dans les zones périphériques, l’infiltrat de cellules est plus important, expliquant l’aspect de papule.

La différence classique entre les variantes dermique et épidermique de l’EP n’a pas été validée par des études plus récentes.

Des études en immunofluorescence anciennes avaient montré des dépôts d’immunoglobuline (Ig) M, de fibrine ou de C3 autour des vaisseaux dermiques.

Ces constatations étaient en fait peu spécifiques et l’immunofluorescence directe de l’EP est actuellement considérée comme négative.

Biologie :

Il n’ y a pas d’examen biologique utile au diagnostic positif d’EP.

Il est en revanche logique de documenter ou d’écarter des causes qui pourraient justifier un traitement spécifique : infection herpétique ou par Mycoplasma pneumoniae de façon systématique, éventuellement autre infection selon le contexte clinique.

Une sérologie d’herpès peut avoir pour seul intérêt, si elle est négative, d’écarter l’hypothèse d’un érythème polymorphe postherpétique.

L’Herpès simplex virus (HSV) peut être obtenu en culture sur les lésions initiales d’herpès, mais les cultures de lésions d’EP sont pratiquement toujours négatives.

Une infection récente par Mycoplasma pneumoniae est suggérée par la présence d’agglutinines froides et établie par une sérologie positive en IgM et/ou une séroconversion.

Évolution :

L’EP mineur est une maladie bénigne.

Les lésions cutanées guérissent en 1 à 3 semaines.

L’EP majeur peut avoir une évolution plus sévère et prolongée.

L’atteinte orale peut être source de difficultés à l’alimentation, nécessitant une hospitalisation pour éviter la déshydratation ou la dénutrition.

L’évolution se fait par poussées successives pendant une période de quelques jours à 1 mois.

Le problème majeur est le risque de récurrence.

Des récurrences sont en effet assez fréquentes (un tiers des cas), surtout pour l’EP secondaire à une infection par l’HSV.

Si elles sont fréquentes, elles peuvent retentir de façon marquée sur l’état général et la qualité de vie.

Exceptionnellement, les nouvelles poussées surviennent avant même que les lésions précédentes soient guéries, réalisant une forme chronique subintrante ; ce tableau, appelé par certains « EP continu », est rarement secondaire à une infection herpétique et apparaît le plus souvent idiopathique.

Heureusement, seule une très faible partie des personnes qui souffrent d’un herpès récidivant (15 à 20 % des adultes en France) ont un EP, pour des raisons que l’on ne comprend pas.

L’EP n’est pas contagieux, ni transmissible.

L’herpès est en revanche contagieux et peut être dangereux pour des enfants atopiques ou pour des adultes immunodéprimés.

Il est donc légitime de limiter les contacts avec ces personnes à risque au cours d’un EP postherpétique ou de cause inconnue.

Étiologie :

A – INFECTION À HERPÈS SIMPLEX VIRUS :

Les récurrences d’herpès (le plus souvent HSV 1, mais parfois HSV 2) sont la cause la plus fréquente d’EP, en particulier dans les formes récidivantes.

Les poussées d’EP suivent de quelques jours (en moyenne 7 à 10) les récurrences herpétiques.

Toute récidive cliniquement patente d’herpès n’est pas obligatoirement suivie d’une poussée d’EP.

Certaines poussées d’EP peuvent être déclenchées par des récidives herpétiques asymptomatiques, dont on connaît la fréquence.

Le lien de causalité herpès/EP n’est donc pas toujours cliniquement évident.

Dans les EP postherpétiques, des protéines virales et des fragments d’acide désoxyribonucléique (ADN) viral sont présents dans les lésions d’EP, mais sans particule virale infectante.

L’HSV n’a été qu’exceptionnellement isolé à partir de culture de biopsies cutanées de lésions d’EP.

Des techniques d’hybridation in situ ont permis de localiser les acides nucléiques viraux à l’épiderme.

La présence du fragment d’ADN correspondant à la polymérase d’HSV peut être démontrée par polymerase chain reaction (PCR) sur biopsie de lésion d’EP dans 40 à 60 % des cas (les techniques de PCR peuvent parfois détecter du génome d’HSV 1 dans des cas semblant cliniquement idiopathiques). L’origine herpétique de l’EP est donc vraisemblablement un peu plus fréquente que les 30 à 50 % suspectés cliniquement, elle n’explique cependant pas tous les EP.

B – INFECTION À « MYCOPLASMA PNEUMONIAE » :

Les infections à Mycoplasma pneumoniae sont généralement responsables d’EP majeurs chez les enfants ou les adultes jeunes.

Elles se manifestent par une toux associée à une fièvre, des myalgies et une pneumopathie atypique radiologique.

Des titres élevés d’agglutinine froide et une ascension du taux d’anticorps spécifiques IgM permettent de confirmer le diagnostic.

Cette infection a été objectivée dans environ 5 % des formes majeures d’EP.

C – AUTRES FACTEURS :

Plusieurs observations ont été documentées de façon plus ou moins convaincante : hépatites B et C, Orf, yersiniose, rickettsiose, tularémie, légionellose, infection à Chlamydia, tuberculose, histoplasmose, parvovirus B 19, cytomégalovirus (CMV), Borrelia burdorferi, vaccins comme celui de l’hépatite B, le DTP et le BCG.

On rapporte de nombreux cas d’EP d’origine médicamenteuse. Notre opinion est que des EP authentiques sont rarement induits par des médicaments et que la plupart des cas notifiés correspondent à des problèmes de définition.

Il s’agit souvent d’éruptions maculopapuleuses diffuses dont la sémiologie fait utiliser le terme de polymorphe.

Ailleurs, ce sont des cas de syndrome de Stevens-Johnson qui sont rapportés comme EP majeurs.

Dans une étude multinationale prospective (données non publiées), environ 50 % des cas d’EP majeurs hospitalisés étaient liés à une infection herpétique, tandis que moins de 20 % étaient liés à une cause médicamenteuse (contre 65 à 70 % des cas pour le syndrome de Stevens-Johnson).

Diagnostic différentiel :

– Dans le syndrome de Stevens-Johnson, essentiellement dû à des réactions médicamenteuses, l’atteinte cutanée est plus diffuse.

Elle est faite de macules purpuriques ou ardoisées, causées par une nécrose de l’épiderme. Les lésions peuvent confluer en donnant des bulles ou des décollements étendus.

– Des lésions ressemblant plus ou moins à celles d’EP sont parfois observées dans des toxidermies médicamenteuses « banales ».

– Le syndrome de Rowell représente une forme de lupus érythémateux où apparaissent des lésions « à type d’EP », associées à un tableau immunologique « caractéristique » (anticorps antinucléaires mouchetés, anticorps antiantigènes solubles SSA et SSB).

Les photos des cas publiés en tant que syndrome de Rowell évoquent plus des lésions annulaires, comme on en rencontre dans le lupus cutané subaigu, que des lésions caractéristiques d’EP.

– D’autres dermatoses bulleuses auto-immunes peuvent parfois donner des tableaux cliniques proches d’un EP, mais les examens complémentaires (histologie, immunofluorescence directe, recherche d’anticorps sériques) redressent le diagnostic :

– dermatose à IgA linéaire : à l’immunofluorescence directe, il existe des dépôts linéaires exclusifs ou prédominants d’IgA ;

– pemphigoïde bulleuse : elle touche essentiellement les patients âgés ; les bulles sont tendues et de grande taille, le plus souvent prurigineuses ; dans le sérum, on retrouve des anticorps antimembrane basale ; l’immunofluorescence directe montre des dépôts d’IgG et/ou de C3 le long de la membrane basale de l’épiderme ;

– pemphigus, en particulier paranéoplasique : des anticorps antisubstance intercellulaire sont présents dans le sérum des malades ; l’immunofluorescence directe met en évidence de l’IgG et/ou du C3 au niveau des membranes cytoplasmiques des kératinocytes, avec l’aspect de « mailles d’un filet ».

Génétique :

Une association significative avec un antigène d’histocompatibilité HLA-B15 a été retrouvée dans l’EP postherpétique.

Une étude comparative a montré une liaison hautement significative de l’EP avec l’antigène HLA-DQw3 ; cette association était encore plus forte pour l’EP postherpétique avec un risque relatif de 9,4.

Deux autres études ont précisé par des méthodes de PCR que l’association était surtout forte avec l’allèle DQB1 (0301 ou 0302) et, là encore, le lien était plus fort pour l’EP postherpétique.

Physiopathologie :

Le rôle majeur d’HSV est suspecté de longue date ; l’injection intradermique d’HSV inactivé par le formaldéhyde avait en effet permis de reproduire des lésions d’EP bulleux chez un patient ayant un EP postherpétique.

Des travaux déjà anciens plaidaient en faveur d’une réaction à médiation humorale.

En effet, des complexes immuns, des cryoglobulines et une baisse des fractions du complément avaient été observés dans le sérum des patients en phase aiguë, ainsi que des dépôts d’immunoglobuline et de fractions du complément dans la paroi des vaisseaux et à la jonction dermoépidermique.

Des travaux récents ont mis en évidence, dans une forme particulière d’EP récidivant non lié à l’HSV, des anticorps antidesmoplakine I et II.

Ces antigènes sont des constituants des desmosomes normaux.

Les anticorps contribuent à l’induction d’une acantholyse et expliquent la positivisation d’une immunofluorescence directe de type pemphigus.

Il semble donc plus logique de considérer ces observations comme des formes atypiques de pemphigus, plutôt que comme des EP.

Au cours de l’EP, la présence de tels anticorps antidesmoplakine est très rare.

Ils ne contribuent donc pas à la physiopathologie de l’EP « habituel ».

Le mécanisme précis reste mal connu.

Actuellement, on considère plutôt l’EP comme une réaction cellulaire à des antigènes viraux présents dans l’épiderme.

L’expression de molécules d’adhésion par les kératinocytes, l’infiltration de l’épiderme par des lymphocytes activés de spécificité restreinte, la mise en évidence in situ de perforine sont en faveur de cette hypothèse.

De nombreux travaux concernant l’EP post-HSV tentent à confirmer ces hypothèses.

Ils ont montré en particulier :

– la plupart des cellules dans les lésions d’EP sont des lymphocytes T de phénotype CD4 dans le derme et CD8 dans l’épiderme ;

– la présence de fragment de génome d’HSV aux sites des lésions d’EP (polymérase du virus, mise en évidence par des techniques de PCR) ;

– la production in situ de la protéine de la polymérase en phase « active » des lésions cliniques (par des techniques d’immunofluorescence) ;

– la présence dans le derme de lymphocytes activés, de diversité restreinte, évoquant une réponse immunitaire spécifique ;

– la présence d’HSV dans les cellules mononucléées du sang d’une minorité de patients ayant des récurrences d’herpès labial ;

– les lymphocytes du sang infecté par HSV induisent sur les cellules endothéliales dermiques l’expression de molécules d’adhésion favorisant l’accumulation de ces lymphocytes dans la peau ;

– ces lymphocytes spécifiques activés déclenchent la production locale de cytokines (en particulier l’interféron c dans les lésions d’EP associées à l’HSV, à la différence de tumor necrosis factor (TNF)-a retrouvé dans les lésions induites par des médicaments).

L’ensemble de ces données suggère que l’EP postherpétique est probablement déclenché par une réaction immunitaire locale à des protéines d’HSV apportées in situ par des cellules mononucléées sanguines qui ont partiellement dégradé le virus.

Traitements :

L’EP mineur ne nécessite le plus souvent pas de traitement.

Les formes graves cutanéomuqueuses peuvent imposer un transfert en milieu spécialisé, où des mesures symptomatiques de rééquilibration hydroélectrolytique et de nutrition sont entreprises si nécessaires.

Les érosions buccales, génitales ou cutanées requièrent un traitement antiseptique.

Les lésions oculaires nécessitent le recours à un spécialiste ; la prescription de larmes artificielles et de collyre antibactérien sans corticoïde est souhaitable en attendant cet avis spécialisé.

Peut-on proposer un traitement spécifique ?

Le seul dont l’efficacité soit démontrée par un essai contrôlé est l’aciclovir pour la prévention des formes récurrentes postherpétiques.

A – CORTICOTHÉRAPIE GÉNÉRALE :

L’intérêt éventuel des corticoïdes dans le traitement des poussées d’EP est controversé.

Son utilisation est justifiée par certains du fait de l’hypothèse d’une réaction immunologique.

Cependant, il n’y a jamais eu d’essai contrôlé de bonne qualité ; plusieurs études rétrospectives ont montré un bénéfice immédiat de la corticothérapie sur le bien-être des patients, contrebalancé par un taux un peu plus élevé de complications. Il en est de même pour les formes récidivantes.

L’administration très précoce de corticoïdes lors d’une récidive d’herpès pourrait prévenir une récurrence d’EP, mais cet effet préventif n’est ni prouvé, ni constant.

En ce qui concerne l’atteinte ophtalmologique, aucune efficacité n’a été notée sous corticothérapie générale.

B – THALIDOMIDE :

Des cas anecdotiques ont apporté un effet bénéfique du thalidomide sur une poussée installée.

L’analyse rétrospective d’une série de cas traités par diverses équipes a surtout suggéré un effet spectaculaire dans le contrôle des formes à poussées subintrantes.

Une dose de 100 mg/j est en règle efficace initialement et l’effet se maintient avec une dose d’entretien plus faible.

Cependant, compte tenu de son risque tératogène majeur, ce produit ne peut être utilisé chez les femmes en âge de procréer que dans des conditions de surveillance extrêmement strictes (test de grossesse négatif, contraception obligatoire avant l’initiation du traitement et pendant toute sa durée).

C – ACICLOVIR :

De nombreuses publications, le plus souvent anecdotiques, ont évalué l’effet de l’aciclovir (Zoviraxt) dans l’EP lié à l’HSV.

De nombreux auteurs ont essayé de supprimer les poussées d’EP en prévenant l’herpès précessif par de l’aciclovir.

L’efficacité préventive de l’aciclovir topique appliqué sur le site de récurrence habituel de l’herpès demeure controversée.

Quant à l’aciclovir per os, quand il est commencé après le début de l’EP son effet semble nul ; quand il est commencé dès les premiers signes de récurrence d’herpès, la prévention de l’EP est possible mais très inconstante.

Par ailleurs, le fait que l’EP ne suit pas obligatoirement chaque poussée d’herpès rend impossible l’interprétation d’études ouvertes.

En revanche, un essai contrôlé a montré qu’un traitement continu à la dose de 400 mg deux fois par jour pendant 6 mois permettait de supprimer 60 à 80 % des récurrences d’herpès et d’EP.

De plus, dans quelques cas, ce traitement a induit une rémission prolongée de la maladie.

Cet essai avait inclus des malades présentant plus de quatre récidives par an.

D – AUTRES ANTIVIRAUX :

Des antiviraux plus récents (valaciclovir [Zélitrext], famciclovir [Oravirt]) n’ont pas été réellement évalués dans cette indication.

Des cas isolés suggèrent, comme il est logique de le penser, que leur efficacité préventive puisse être identique, voire supérieure à celle de l’aciclovir, avec une administration plus simple.

E – PROTECTION SOLAIRE :

Il a été démontré que la protection solaire pouvait prévenir les poussées d’herpès labial et, ainsi, les poussées d’EP à la suite d’un herpès photo-induit.

F – AUTRES TRAITEMENTS :

De très nombreux médicaments ont été utilisés pour traiter des formes récidivantes invalidantes : lévamisole, dapsone, iodure de potassium, cimétidine, azathioprine, ciclosporine.

Il s’agit en général d’anecdotes.

L’opinion des auteurs qui ont rapporté la plus importante série est que la Disulonet et l’azathioprine sont efficaces.

Dans des formes d’autre cause que HSV, un traitement étiologique doit toujours être envisagé.

Une pneumopathie par mycoplasme doit être traitée par macrolide au moment où débute l’EP, même si son intérêt curatif n’est pas prouvé (l’infection virale responsable étant le plus souvent guérie).

G – EN PRATIQUE :

On ne dispose actuellement d’aucun traitement d’efficacité affirmée sur une poussée d’EP.

En cas de signes généraux importants, une brève corticothérapie générale peut se discuter.

Des signes muqueux graves peuvent justifier une hospitalisation, en particulier pour permettre une alimentation semi-liquide ou même une nutrition entérale continue.

L’existence d’une pneumopathie atypique indique une antibiothérapie active sur Mycoplasma pneumoniae ; il n’est pas établi que cela modifie l’évolution des lésions d’EP.

D’une manière générale, un traitement curatif par aciclovir n’est pas indiqué.

Dans les formes récidivantes, à poussées rapprochées et invalidantes (plus de quatre poussées par an), un traitement préventif au long cours par aciclovir ou valaciclovir est justifié, même sans avoir la certitude du rôle déclenchant de l’HSV ; la durée optimale de ce traitement n’est pas établie : il semble logique de traiter d’abord pendant 6 mois, puis d’envisager d’autres cures éventuellement plus longues si les poussées reprennent avec la même fréquence après l’arrêt du traitement.

Certains cas où l’herpès a un facteur déclenchant bien établi (sports d’hiver, herpès cataménial, etc) peuvent être prévenus par aciclovir débuté au moment de l’exposition à ce facteur de risque.

Dans les formes à récurrences subintrantes, heureusement rares, l’emploi du thalidomide a un effet suppresseur spectaculaire lorsque l’aciclovir est inefficace.

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