Envenimations, morsures, griffures et piqûres animales

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Introduction :

« Il faut promptement et sans delai remedier à la morsure et picquemeure des bestes enragees et venimeuses par tous moyens, qui consument le venin, à fin qu’il n’entre dedans le corps et ne corrompe les parties nobles, desquelles tout venin de son naturel ne demande que la mort et destruction. Et si par nonchalance ou ignorance, les remedes propres sont delaisses (….) au commencement, certainement en vain seront appliques en autre temps, principalement si la matiere venimeuse a dejà saisi les parties nobles. » (Ambroise Paré, Le Vingtvniesme livre traitant des Venins & morsure des chiens enragez & autres morsures & piqueures de bestes veneneuses, OEuvres, Paris, 1585.)

Envenimations, morsures, griffures et piqûres animalesLes morsures et griffures d’animaux domestiques, les envenimations par les reptiles et les arthropodes et les piqûres d’insectes sont fréquentes et volontiers sévères, a fortiori dans les pays tropicaux où elles constituent un important facteur de mortalité.

Un panorama se limitant aux principales envenimations d’origine animale ainsi qu’un rappel des mesures préventives et des conduites à tenir en urgence sont proposés.

En effet, les diverses agressions ne peuvent évidemment pas toutes être abordées même si on peut désormais les observer dans nos pays à la campagne comme en ville, à proximité de zoo ou de collectionneurs, notamment lorsque ces animaux (arachnides, serpents, alligators, félins, singes, rapaces…) s’échappent mais aussi en raison de la commercialisation parfois illégale des « nouveaux animaux de compagnie » exotiques.

Les envenimations par les animaux marins sont étudiées à la fin de l’exposé et seules les blessures les plus graves ou les plus fréquentes sont détaillées.

Épidémiologie :

L’épidémiologie des morsures, griffures, piqûres et des envenimations diffère bien entendu selon le pays concerné et les animaux que les hommes peuvent côtoyer soit à proximité de leur domicile, soit dans la nature.

Désormais, l’importation et la domestication d’animaux sauvages ou la fréquence des voyages exotiques imposent la connaissance de tous les risques.

Le nombre d’animaux dits de compagnie ou domestiques est en constante augmentation dans nos pays ; on estime ainsi en France à respectivement 9 et 8 millions les chiens et les chats.

Dans nos contrées, les blessures conséquentes sont occasionnées par ordre de prévalence par les chiens, les chats, les hyménoptères, les rongeurs, le bétail (chevaux, bovins, porcins…), les vipères.

Les enfants sont les premiers concernés. Sous les tropiques, la gravité des morsures de serpents, des autres reptiles et mammifères sauvages ainsi que des piqûres parfois mortelles de multiples arthropodes et araignées, minore le risque bien réel des animaux domestiques.

De plus, la plupart des animaux, quelle que soit leur espèce (du moustique au rat, de la chauve-souris au singe), constituent des vecteurs de maladies infectieuses parasitaires, virales, bactériennes ou fongiques, soit par leurs morsures, griffures et piqûres, soit par le biais de leurs déjections.…

En France, on estime l’incidence annuelle des enfants (de 0 à 15 ans) mordus par un chien et requérant des soins médicaux à 40/100 000 mais si l’on considère l’ensemble des morsures, y compris bénignes, l’incidence augmente à 8 %.

Deux tranches d’âge sont prioritairement touchées : celle de 1 à 4 ans et celle de 10 à 13 ans avec une nette prédominance masculine.

L’accident survient dans plus de la moitié des cas en l’absence de surveillance d’un adulte.

Le siège des lésions varie en fonction de l’âge de la victime, le visage étant plus touché chez le tout-petit.

Il y a en moyenne moins de deux décès par an en France, près de 15 aux États-Unis (avec dans ce pays une proportion importante de décès attribués aux chiens pit-bull).

Les statistiques des services d’urgence américains évaluent à 1 % la proportion de consultations en rapport avec une morsure animale.

Si les morsures de serpents constituent des événements rares dans les pays tempérés (30 morts par an en Europe), en zone tropicale elles sont très fréquentes et malheureusement souvent mortelles.

Ainsi, on estime respectivement à 4 millions, 1 million et 350 000 le nombre de morsures en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud avec un taux de létalité oscillant entre 1,5 et 2,5 % des cas.

À la Martinique, Bothrops lanceolatus est responsable d’une vingtaine de morsures par an.

À Djibouti, Echis carinatus, vipère répandue du Sénégal jusqu’en Inde, est responsable de la majorité des décès par envenimation.

En France, les serpents venimeux autochtones sont Vipera aspis (vipère aspic) au sud de la Loire dans les biotopes secs, Vipera berus (vipère péliade) dans le Nord et une partie du Massif central, plutôt en altitude, et plus rarement Vipera ursinii dans les Basses-Alpes, Vipera seoanei au Pays basque, Vipera ammodytes à la frontière italienne. On estime à 2 000 le nombre de morsures par an (concernant des enfants pour près de la moitié) avec moins de dix décès ; en effet, plus du tiers des morsures ne comportent pas d’injection de venin.

Au Mexique, on déplore plus de 500 décès par an après piqûre de scorpion.

Au Maghreb, et notamment en Tunisie, on dénombre plusieurs milliers de victimes, les décès ne concernant que les enfants.

En France, seul le scorpion jaune (Buthus occitanus) qui vit loin des hommes dans la garrigue (du Roussillon jusqu’au Var), peut être dangereux mais sans risque létal ; les scorpions noirs (Euscorpius flavicaudis, E. carpathicus, E. italicus, Belisarius xambeui), plus petits, vivent jusque dans les habitations provençales (ou les grottes des Pyrénées-Orientales pour le dernier) mais sont inoffensifs.

De 1973 à 1994 inclus, 601 envenimations par Euscorpius, 36 par Buthus et 339 par un scorpion non identifié, ont été notifiées au centre antipoisons de Marseille ; aucun cas mortel n’a été déploré.

La sous-espèce d’abeille domestique Apis mellifica scutellata, introduite en Amérique du Sud accidentellement en 1957, a supplanté ses congénères et a essaimé aux États-Unis où, très agressive, elle fait des centaines de victimes (40 décès recensés par an).

En Afrique, elle est responsable d’attaques massives très redoutées.

En France, la plupart des accidents mortels (dix décès par an) résultent de réactions allergiques aux piqûres de guêpes et d’abeilles plutôt chez les adultes (en raison de la nécessité d’une sensibilisation suffisante) ou bien de piqûres multiples plutôt chez les enfants.

La rage humaine, éradiquée de notre pays (les cas décrits résultent de contamination à l’étranger), demeure fréquente dans les pays tropicaux, notamment l’Asie du Sud-Est, le sous-continent indien, l’Afrique et l’Amérique du Sud, puisqu’on lui impute plus de 35 000 décès dans le monde.

En France, si la rage vulpine a quasiment disparu grâce aux campagnes de vaccination orale des renards, la rage des chiroptères se développe avec des souches de virus européen (cinq cas dispersés sur le territoire national en 10 ans) ou de virus africain, véhiculées par des chauves-souris exotiques importées.

De même, la rage canine est désormais une maladie d’importation.

Clinique :

L’examen clinique est évidemment guidé par l’inspection de la zone de morsure, de griffure ou de piqûre qui oriente vers le type d’animal lorsqu’il n’a pas été capturé ou aperçu.

Généralement, il existe localement une inflammation, un érythème, un oedème.

Une zone de nécrose peut apparaître, soit par envenimation lors d’attaque reptilienne ou par arthropodes, soit par infection de la blessure animale.

Son extension est un critère de gravité au même titre que les signes généraux toxiniques ou septiques.

C’est pourquoi l’examen clinique d’un sujet envenimé doit être complet, soigneux et répété.

Il faut dessiner les limites de l’érythème, de l’éventuel purpura ou de la nécrose.

Tout symptôme évoquant un trouble de l’hémostase impose l’hospitalisation en urgence.

Il faut rechercher des signes d’anaphylaxie (chute tensionnelle, bronchospasme…), des anomalies neuropsychiques.

Même lorsque l’examen est strictement normal initialement, il est fondamental, lorsque l’anamnèse est sans ambiguïté (morsure de serpent, blessure pénétrante par un animal au comportement spontanément agressif en zone d’endémie rabique…) ou lorsqu’il s’agit d’un enfant, d’hospitaliser le blessé.

Car les signes d’envenimation peuvent apparaître plusieurs heures après la morsure, notamment de serpent, et tout délai apporté à la réalisation de la sérothérapie grève le pronostic…

Morsures de chiens :

Les morsures de chiens entraînent généralement d’importants délabrements à fort risque esthétique, fonctionnel (fig 4) ou même vital, d’autant plus qu’elles concernent souvent la face, notamment chez l’enfant.

De nombreux germes ont pu être isolés après morsure de chien : Staphylococcus, Streptococcus, Pasteurella, Neisseria, Corynebacterium, Enterococcus, Actinomyces, Pseudomonas, Klebsiella, Citrobacter, Proteus, Enterobacter, Capnocytophaga, Bacteroides, Fusobacterium, Porphyromonas, Prevotella, Propionibacterium, Peptostreptococcus…

La fréquence des infections dermohypodermiques est très variable, le risque étant proportionnel à la profondeur et à la taille de la morsure, au délai de prise en charge et aux modalités de celle-ci.

Tous les degrés d’infection sont observés : plaie purulente, érysipèle avec ou sans lymphangite, cellulite ou fasciite nécrosante, cellulite ou myosite abcédée, gangrène gazeuse…

Il est indispensable de bien connaître les critères diagnostiques cliniques (terrain, diabète, cirrhose éthylique, corticothérapie, âges extrêmes, prise d’anti-inflammatoires, douleur intense, oedème compressif, signes d’ischémie, nécrose, crépitation gazeuse, signes de choc), biologiques (important syndrome inflammatoire, enzymes musculaires élevées…) et radiologiques (imagerie par résonance magnétique visualisant les abcès profonds, l’atteinte des fascias) des infections sévères des tissus mous car la simple inspection ne suffit pas à présumer de la gravité du sepsis.

Toute morsure doit donc être lavée, savonnée puis désinfectée immédiatement ; les sutures doivent être évitées, les zones de nécrose sont excisées et les abcès drainés sans délai.

L’antibiothérapie en cas d’infection est adaptée aux germes identifiés ou présumés.

En cas d’oedème majeur, on discute les incisions de décharge pour éviter un syndrome des loges.

L’antibiothérapie prophylactique est controversée : son spectre d’action doit être suffisamment étendu pour lutter contre les principaux germes aérobies et/ou anaérobies de la flore oropharyngée de l’animal.

L’association d’amoxicilline et d’acide clavulanique semble être le choix de première intention à adapter selon l’évolution, la gravité de l’atteinte ou l’importance du terrain.

La prévention du tétanos est bien entendu indispensable (rappel du vaccin antitétanique ou vaccination complète avec sérothérapie) mais c’est surtout le risque de rage qui domine, notamment en Afrique.

Griffures ou morsures de chat :

Les morsures du chat sont plus limitées que celles du chien mais volontiers profondes.

Elles sont souvent sous-estimées comme les griffures traitées habituellement par automédication.

Or, les germes potentiellement transmis sont les mêmes que pour le chien avec une prévalence plus élevée pour Pasteurella.

L’incubation est brève, inférieure à 12 heures.

Le point d’inoculation devient très inflammatoire avec un écoulement sérosanglant et purulent.

La douleur est intense alors que se développe une cellulite avec parfois lymphangite et adénopathie satellite. Une oligoarthrite plus tardive peut compliquer le tableau.

L’état général est habituellement conservé et la fièvre peu intense, sauf chez l’immunodéprimé où des formes septicémiques sont décrites.

L’antibiothérapie par amoxicilline, doxycycline ou macrolide raccourcit la durée d’évolution et évite les complications ; certains préconisent une antibioprophylaxie avec les mêmes molécules après morsures ou griffures de chat.

La maladie des griffes du chat appelée également lymphoréticulose bénigne d’inoculation est plus spécifique, bien que des rongeurs et même des chiens pourraient également transmettre Rochalimaea henselae (la responsabilité d’Afipia felis pour cette affection est désormais écartée).

Elle se traduit, après 2 à 3 semaines d’incubation, par le développement d’une ou plusieurs adénopathies volumineuses, fermes, sensibles dans l’aire de drainage de la blessure ; l’évolution peut se faire vers la guérison spontanée, la fistulisation ou la survenue d’une éruption (érythème noueux, érythème polymorphe, exanthème maculopapuleux).

Le diagnostic se fait surtout par la sérologie ou l’amplification génique à partir de tissu cutané ou ganglionnaire ; la visualisation du germe au microscope après coloration par imprégnation argentique de Warthin-Starry est en effet plus aléatoire.

L’abstention thérapeutique est habituelle, y compris dans la forme oculoglandulaire (syndrome de Parinaud, par inoculation conjonctivale) sauf dans les formes multiviscérales où une antibiothérapie reposant sur la rifampicine ou la ciprofloxacine semble préférable durant 15 jours.

Morsures de rongeurs :

Après une incubation de 1 à 14 jours, la tularémie peut résulter d’un simple contact avec l’animal réservoir, généralement le lièvre (habituellement lors du dépeçage) (en réalité la contamination peut se faire par l’intermédiaire de très nombreux mammifères, le plus souvent rongeurs ainsi que des arthropodes et notamment des tiques) ; elle se traduit par une ulcération douloureuse avec suppuration chronique au point de morsure et par une adénopathie satellite sans lymphangite associée à un syndrome pseudogrippal (avec parfois des atteintes pleuropulmonaires ou neuro-oculaires).

Le sodoku, dû à Spirillum morsus muris, se traduit aussi, après 3 à 4 semaines d’incubation, par un chancre d’inoculation avec adénopathie et des arthromyalgies récurrentes associées à une éruption à type d’érythème polymorphe. Les bactériémies à Haverhillia multiformis et Streptobacillus moniliformis sont secondaires à des morsures de rats sauvages.

Les leptospiroses, notamment à Leptospira icterohaemorrhagiae, peuvent se contracter soit par morsure de rongeurs, en premier lieu le rat d’égout, ou par léchage d’animaux domestiques (chien, porc…), soit surtout par contamination hydrique à travers la peau, les muqueuses ou encore par voie digestive avec des eaux souillées par les urines des animaux vecteurs. L’incidence est trente fois plus élevée dans les territoires d’Outre-Mer (Réunion, Nouvelle-Calédonie…) qu’en métropole.

Outre la dératisation et l’assainissement des eaux usées, la prévention repose sur la vaccination efficace et disponible pour les sujets exposés.

De plus, les rongeurs hébergent de nombreux arthropodes et notamment des puces qui constituent les vecteurs d’infections épidémiques sévères comme la peste, encore présente par foyers en Chine et à Madagascar.

Envenimations par les serpents :

Les complications locorégionales observées sur la zone de morsure résultent de la synergie de l’action enzymatique du venin, de l’oedème qui s’ensuit, de la surinfection liée à la charge bactérienne (surtout anaérobie), de la salive du serpent, mais aussi des pratiques traditionnelles (scarifications, emplâtres, aspiration), enfin des manoeuvres inopportunes favorisant l’anoxie tissulaire (garrot)…

Les manifestations générales sont surtout déclenchées par les toxines à tropisme neurologique, musculaire et/ou cardiaque.

Les vipéridés (vipères, crotales) possèdent de nombreuses enzymes dans leur venin, contrairement aux élapidés (cobras, mambas, serpents marins).

Les colubridés (couleuvres) peuvent aussi être venimeux : mais la petite taille de leurs crochets et leur localisation en arrière du maxillaire supérieur rendent difficile la morsure d’un être humain.

Néanmoins, la couleuvre verte et jaune (coluber viridiflavus) a été récemment responsable d’une envenimation grave en France ; la couleuvre de Montpellier (malpolon monspessulanus) possède un venin neurotoxique.

Le Boomslang d’Afrique du Sud (Dispholidus typus) et le serpent liane (Thelotornis kirtlandi) sont des couleuvres agressives et leur venin est très toxique.

Les phospholipases A2 permettent l’hydrolyse des phospholipides libres qui conduit à la formation d’une lysolécithine tensioactive provoquant une hémolyse et augmentant la perméabilité membranaire ; elles ont une importante myotoxicité.

Les estérases agissent essentiellement par la formation de kinines.

Les hyaluronidases favorisent la diffusion des substances toxiques parfois profondément dans les tissus musculaires et conjonctifs.

Les protéases provoquent la destruction tissulaire aboutissant à la nécrose.

Les métalloprotéinases des crotales nord-américains stimulent le tumor necrosis factor a (TNFa), qui lui-même provoque la formation de protéinases endogènes favorisant une réaction en cascade irréversible.

Le diagnostic de morsure de serpent n’est pas toujours aisé, d’une part parce que le serpent n’a pas systématiquement été aperçu, et lorsque c’est le cas il n’est pas toujours identifié ; d’autre part parce qu’une morsure ne signifie pas obligatoirement envenimation : or, tout délai de prise en charge d’une victime grève le pronostic vital.

Bien entendu, la localisation géographique, la période diurne ou nocturne, le type d’attaque orientent vers une espèce précise : ainsi les colubridés peuvent rester accrochés plusieurs minutes après la morsure, l’attaque des atractaspidés, gueule fermée, est caractéristique.

L’interrogatoire, les signes immédiats et l’évolution locorégionale (oedème, nécrose) ainsi que les signes systémiques (hémorragiques, neuromusculaires, cardiovasculaires…) permettent de présumer du type de syndrome d’envenimation (vipérin ou cobraïque) et de l’espèce de serpent.

La réalisation de tests immunoenzymatiques facilite le diagnostic d’espèce, mais leur coût et leur complexité les rendent peu accessibles dans les régions principalement concernées par les envenimations.

A – SYNDROME VIPÉRIN :

Dès la morsure, le venin activé par la température de la victime commence à détruire les tissus environnants et déclenche une thrombose extensive le long des axes vasculaires.

La douleur immédiate, vive, parfois syncopale à type d’écrasement, transfixiante, permanente, irradie vers la racine du membre.

L’oedème apparaît rapidement, est dur, tendu ; le volume du membre (parfois le double de la normale) se stabilise en quelques heures et constitue avec les hémorragies un critère de gravité, mais sa lenteur de régression en fait un mauvais indicateur d’amélioration clinique.

Les troubles cutanés sont favorisés par l’importance de l’oedème (syndrome des loges) et l’existence de troubles de l’hémostase : la peau est inflammatoire, érythémateuse, purpurique, se fissure puis s’ischémie.

La nécrose est progressive, débutant dans la zone d’injection du venin, expliquant qu’elle puisse être initialement profonde.

Elle résulte de l’action des enzymes protéolytiques, des thromboses vasculaires mais aussi des toxines sécrétées par les germes de surinfection ou des manoeuvres inappropriées de garrottage.

On peut observer une véritable « exodigestion » du membre mordu par Bitis (vipère pouvant mesurer jusqu’à 2 mètres de long) avec nécrose et phlyctènes s’étendant à distance de la morsure.

Le venin d’Echis carinatus (carpet viper : vipère d’une soixantaine de centimètres de long, de moeurs nocturnes et très irritable), entraîne un syndrome hémorragique majeur alors que la nécrose est rare.

Les enzymes thrombiniques d’Echis et Bitis attaquent directement le fibrinogène bien que leur structure moléculaire soit différente de la thrombine (ce qui explique l’inefficacité de l’héparine et de l’hirudine).

Echis carinatus possède de plus une glycoprotéine transformant la prothrombine en thrombine et des enzymes comme l’écarine capable d’initier l’agrégation plaquettaire, ou la carinatine et l’échistatine, qui, au contraire, l’inhibent.

Après une éventuelle phase d’hypercoagulabilité de quelques heures, une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) entraîne un saignement prolongé au niveau de la morsure, des hémorragies au point de ponction, un purpura, des épistaxis, une hématurie, une hémoptysie, une hématémèse ou des rectorragies, des métrorragies ou encore une hémorragie méningée généralement mortelle.

L’état de choc résulte plus d’une hypovolémie et d’une réaction vagale que d’une véritable cardiotoxicité du venin, sauf pour la sarafotoxine des vipères fouisseuses de la famille des atractaspidés, responsable de troubles conductifs cardiaques et d’ischémie myocardique. Des signes digestifs à type de diarrhée-vomissements, une fièvre à 39 °C, une dyspnée asthmatiforme avec oedème glottique d’origine immunoallergique ou un oedème pulmonaire de type lésionnel peuvent survenir.

Les morsures de vipéridés se compliquent fréquemment, en cas de survie, d’atteinte rénale soit par glomérulonéphrite extracapillaire (liée à la toxicité directe du venin), soit par tubulopathie (secondaire à la CIVD, la rhabdomyolyse, l’hémolyse ou l’état de choc).

Les crotalidés sont considérés comme une sous-famille des vipéridés et s’en distinguent par la présence d’organes thermorécepteurs et pour les serpents à sonnette, de bruiteur.

La réaction locale comporte un oedème majeur, extensif et compressif extrêmement douloureux mais d’évolution rarement nécrotique.

Le syndrome général est variable, soit proche du syndrome vipérin avec des hémorragies moins importantes, soit à type de CIVD et/ou de multiples troubles thrombotiques pour Bothrops lanceolatus, soit similaire au syndrome cobraïque par présence d’une neurotoxine (tel Crotalus durissus terrificus de Guyane) et d’une myotoxine provoquant des rhabdomyolyses, soit à type de choc par sécrétion d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine dans l’espèce crotalus.

B – SYNDROME COBRAÏQUE :

Les cobras possèdent dans leur venin des neurotoxines et, pour le cobra africain à cou noir, des cardiotoxines responsables de troubles du rythme ventriculaire.

Certains cobras dits cracheurs (naja nigricollis, mossambica, pallida, katiensis, haemachatus) sont capables en outre de projeter leur venin jusqu’à 3 m de distance en visant les yeux de leur proie, entraînant des douleurs oculaires intenses avec blépharospasme, mydriase, oedème palpébral, pouvant évoluer vers une kératite grave ; il n’y a pas de passage systémique du venin sans morsure.

La morsure des élapidés est peu douloureuse mais prolongée, entraînant l’administration d’une quantité importante de venin.

Les signes locaux sont généralement modérés, sans oedème en dehors des morsures par naja nigricollis et de certains élapidés d’Australie et de Nouvelle-Guinée qui possèdent non seulement une neurotoxicité puissante mais aussi des enzymes à l’origine de troubles sévères de la coagulation.

La nécrose n’est habituellement pas extensive.

Le syndrome cobraïque se traduit initialement par un ptôsis, une diplopie, une ophtalmoplégie, une dysphonie, des troubles de la déglutition ainsi qu’une disparition de la mimique par atteinte des nerfs crâniens.

Une sensation de soif, des nausées et des troubles sensoriels (acouphènes, phosphènes) s’associent à une angoisse.

Une hypotension pouvant évoluer vers un état de choc ainsi qu’une paralysie ascendante avec aréflexie et des troubles de la conscience précèdent le trismus et la paralysie respiratoire.

La mort peut survenir au bout de 2 à 10 heures d’évolution.

Les venins des serpents corail (calliophis, micruroides, micrurus) et des bongares (bungarus) possèdent une neurotoxicité majeure.

Les mambas sont des serpents arboricoles agressifs possédant aussi un venin pauvre en enzymes mais riche en neurotoxines, notamment en dendrotoxines (facilitant la libération d’acétylcholine) et en fasciculines (anticholinestérasiques) qui déclenchent un syndrome muscarinique plus précoce ne durant qu’une trentaine de minutes.

Ce dernier comporte une hypersécrétion bronchique, une bronchoconstriction, une hypersialorrhée, des vomissements, des clonies, des trémulations et un myosis.

Suite

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