Emphysème pulmonaire Grands syndromes anatomocliniques (Suite)

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Première partie

2- Examens complémentaires :

* Radiographie du thorax :

Quatre éléments caractérisent l’emphysème panlobulaire :

– l’hypertransparence parenchymateuse par déficit artériel.

Les zones hypovasculaires apparaissent hypertransparentes, et sont distribuées de façon plus ou moins diffuse et homogène.

En périphérie, on observe la gracilité et la raréfaction des marques vasculaires.

Emphysème pulmonaire Grands syndromes anatomocliniques (Suite)En contraste, au niveau des hiles, les artères pulmonaires sont très bien visibles ;

– la distension avec, sur le cliché de face, un aplatissement des coupoles d’allure souvent festonnée car les faisceaux tendineux d’insertion costale deviennent visibles.

Le coeur est petit, verticalisé, souvent séparé du diaphragme par un espace clair.

Le profil confirme encore mieux la distension avec des coupoles aplaties, parfois concaves vers le haut.

L’espace rétrosternal est volumineux, avec un sternum antépulsé.

L’élargissement des sinus costodiaphragmatiques au-delà de 90° est de haute valeur.

L’ensemble du thorax de profil ressemble à un ballon de rugby dont tous les bords : rachis, diaphragme, sternum sont convexes, ordonnés autour d’un grand axe oblique formé par l’opacité cardiaque et soulignés par les hyperclartés rétrosternales et postérieures ;

– la diminution de la course diaphragmatique, qui devient inférieure à 3 cm (appréciée par comparaison des clichés en inspiration/expiration ou lors d’un examen sous amplification de brillance).

La comparaison des clichés en inspiration et expiration objective le piégeage aérien ;

– les bulles d’emphysème, lorsqu’elles atteignent le seuil de visibilité, apparaissent finement cerclées, multiples, et prédominent souvent au niveau des lobes inférieurs.

Elles peuvent être difficiles à distinguer d’un pneumothorax partiel : en cas de bulles, on observe souvent de fins septa au sein des clartés, et leurs bords inférieurs sont habituellement arrondis.

En cas de doute sur un pneumothorax partiel, un simple cliché en expiration ou un examen tomodensitométrique (TDM) doivent être préférés à un drainage malencontreux.

La sensibilité de la radiographie standard est faible, ainsi que le montrent les corrélations radiographie standard/anatomie effectuées par W Thurlbeck et al.

On observe que les meilleurs paramètres quantitatifs découlent de la position du diaphragme , et que la valeur diagnostique de la raréfaction vasculaire est faible.

La médiocre sensibilité de l’examen est surtout nette pour les emphysèmes discrets ou modérés.

L’intérêt clinique du dépistage d’un tel emphysème, chez un patient peu symptomatique, étant a priori faible, on gardera à l’esprit que la radiographie standard reste, dans l’immense majorité des cas, l’examen complémentaire nécessaire et suffisant pour dépister un emphysème significatif, et particulièrement un système bulleux susceptible de réclamer une surveillance et un traitement propres.

* Tomodensitométrie thoracique :

De nombreuses études ont montré que les coupes TDM axiales permettent, à l’égal des coupes sagittales de Gough, le diagnostic morphologique du type et de l’étendue de l’emphysème pulmonaire.

La TDM à rotation continue a permis une nette amélioration de l’analyse du parenchyme. Le protocole en routine est simple et performant. L’examen s’effectue en décubitus dorsal avec acquisitions en coupes fines de 1 mm, en haute résolution.

Le strict contrôle de la position respiratoire pendant l’acquisition est indispensable (habituellement inspiration profonde).

Des protocoles plus lourds, comparant les données acquises aux différents temps respiratoires (inspiration, expiration, capacité résiduelle fonctionnelle [CRF]) permettent de mieux quantifier le piégeage, et le meilleur dépistage des formes débutantes.

Ces protocoles ne sont pas de pratique systématique.

Le diagnostic TDM de l’emphysème repose sur l’analyse des signes morphologiques et des anomalies densitométriques.

+ Signes morphologiques :

Ils sont l’expression directe des anomalies anatomiques.

Les espaces emphysémateux apparaissent comme des zones d’hypoatténuation, où il existe des signes de destructions vasculaires (artères centrolobulaires) et septales.

Les veines et les septa périlobulaires sont aussi progressivement détruits.

Ces espaces avasculaires, traversés par de rares débris septaux, n’ont pas de limites nettes.

Les angles de bifurcation des vaisseaux sont élargis par les espaces emphysémateux. Les anomalies prédominent souvent aux bases.

Dans les formes diffuses et modérées, l’emphysème panlobulaire est de diagnostic difficile car l’hypoatténuation généralisée est difficile à affirmer, faute de contraste entre des territoires adjacents relativement épargnés et les zones emphysémateuses.

C’est ici que la comparaison des images acquises aux différents temps respiratoires est particulièrement utile.

+ Analyse des données densitométriques :

La densitométrie permet l’analyse informatisée de chacun des pixels.

Il est ainsi possible d’étudier l’histogramme des densités.

L’histogramme d’un poumon normal objective une distribution gaussienne centrée sur -880 unités Hounsfield (UH).

En cas d’emphysème, la courbe est déplacée par la gauche et peut prendre un aspect bimodal.

Il est possible de tirer de cette courbe des valeurs quantitatives qui reflètent l’importance du processus emphysémateux.

Il s’agit par exemple de la densité mesurée au cinquième percentile de la partie gauche de l’histogramme (donc vers les densités les plus négatives), ou du nombre de pixels dont la densité se situe dans une fourchette d’hypodensité considérée comme emphysémateuse et exprimée en pourcentage du nombre total de voxels (voxel = pixel x volume).

Ces paramètres peuvent être corrélés avec les résultats des tests fonctionnels, et plus particulièrement le VEMS. Ils ne sont d’aucune aide pour le diagnostic de type d’emphysème.

Il est possible, grâce à une modification du programme informatique, de souligner sur l’image les zones d’hypodensité emphysémateuse situées dans une fourchette préprogrammée (par exemple inférieure à -950 UH).

Tout ceci n’est que l’illustration des possibilités techniques offertes par la TDM. Restera à en préciser le champ d’application en routine.

+ Sensibilité/spécificité de l’examen TDM :

Comparée aux épreuves fonctionnelles respiratoires, la sensibilité de l’examen TDM est remarquable, avec une valeur prédictive bien supérieure aux possibilités offertes par les tests fonctionnels les plus sensibles.

Comparée aux études anatomopathologiques, la TDM sous-estime l’étendue du processus emphysémateux, car elle néglige les foyers destructifs de moins de 5 mm de diamètre.

Mais le parallélisme entre le nombre des macrofoyers et des microfoyers est étroit.

C’est pourquoi la TDM a une sensibilité globale de l’ordre de 90 %, et les coefficients de corrélation entre les estimations morphologiques de l’étendue de l’emphysème, par TDM et par anatomopathologie, sont de l’ordre de 0,57 et 0,92.

Au total :

– l’examen est très utile pour apprécier le type d’emphysème, sa localisation, son étendue et éventuellement le caractère compressif ou non d’un système bulleux.

Il permet aisément de distinguer un EPL évolué et pur, d’un emphysème centrolobulaire ou paraseptal ;

– il est en revanche souvent difficile de reconnaître les emphysèmes panlobulaires diffus débutants, sans destruction focale bulleuse ;

– les difficultés rencontrées par les anatomopathologistes pour classer les nombreux emphysèmes mixtes persistent en TDM.

+ Diagnostic différentiel :

Des problèmes de diagnostic différentiel restent possibles après l’examen TDM :

– confusion avec une pneumopathie interstitielle diffuse.

Lorsque toutes les structures endolobulaires sont détruites alors que les septa périlobulaires restent conservés, on observe une réticulation qui ne doit pas être confondue avec une pneumopathie interstitielle.

Seule la destruction progressive des septa permet d’affirmer l’emphysème.

Certaines formes très destructrices et diffuses d’histiocytoses X, une lymphangiomyomatose peuvent être également trompeuses, mais dans ces cas les zones avasculaires ont des limites bien visibles, distinguant ces « kystes » des véritables espaces emphysémateux ;

– confusion avec une bronchiolite oblitérante diffuse.

Les bronchiolites oblitérantes posent rarement le problème d’un emphysème.

Habituellement, elles s’expriment en TDM par une mosaïque de densités, avec juxtaposition de territoires anormalement clairs, témoins autant du vasospasme hypoxique que du piégeage aérien. Rarement la distribution des destructions bronchiolaires est si homogène que l’hyperclarté par déficit artériel fonctionnel paraît diffuse et en impose pour un emphysème.

Le profil fonctionnel (TVO, diminution des propriétés élastiques, distension alvéolaire, réduction de la surface d’échange) peut contribuer à la confusion.

Mais en l’absence de signes évidents de destruction parenchymateuse, il faut évoquer l’hypothèse de la bronchiolite oblitérante.

C’est encore ici que les clichés expiratoires prennent tout leur intérêt, s’ils révèlent l’aspect en mosaïque évocateur.

Il faut en outre rechercher les anomalies endolobulaires, à type de nodules ou d’images en Y réalisant des structures branchées.

Ils sont les témoins directs des bronchiolectasies opacifiées par un contenu muqueux.

* Angiographie pulmonaire :

L’évaluation TDM est devenue la référence, et l’angiographie n’a plus d’indication diagnostique.

3- Épreuves fonctionnelles respiratoires :

Quatre éléments caractérisent l’EPL.

* TVO :

Il est en général important avec VEMS et VEMS/CV abaissés.

Ce TVO surtout expiratoire, est moins marqué à l’inspiration (VIMS). Le contraste entre le VEMS très abaissé et le VIMS relativement préservé illustre le caractère fonctionnel du TVO lié à l’écrasement expiratoire des voies de conduction.

La dissociation VIMS/VEMS peut disparaître en cas d’emphysème authentique s’il existe des remaniements inflammatoires ou fibrotiques des voies aériennes distales.

La fréquence de ces remaniements explique pourquoi ce critère si simple ne s’est pas imposé.

* Diminution des propriétés élastiques du tissu pulmonaire :

Elle est objectivée par un déplacement vers le haut et vers la gauche des relations pression/volume, avec l’augmentation de la compliance statique mesurée à la CRF.

* Distension alvéolaire :

Elle est traduite par l’augmentation importante de la capacité pulmonaire totale (CPT) par élévation du volume résiduel (VR) et de la CRF.

La mesure est effectuée par spirométrie (technique de dilution de l’hélium) ou par pléthysmographie qui mesure également les espaces alvéolaires exclus de la ventilation (système bulleux où l’hélium diffuse mal).

On comprend pourquoi la CPT pléthysmographique est habituellement supérieure à la CPT spirographique.

La capacité inspiratoire est réduite, et est assez bien corrélée à l’intensité de la dyspnée.

* Réduction de la surface d’échange sans effet shunt :

Initialement, les gaz du sang de repos sont souvent normaux.

L’hypoxémie apparaît ou s’aggrave à l’exercice.

L’hypercapnie est tardive. La capacité de transfert du monoxyde de carbone est abaissée grossièrement au prorata de la diminution de la surface d’échange.

En effet, la plupart des tentatives de corrélation entre la mesure du transfert du monoxyde de carbone et l’importance de l’emphysème anatomique, quel qu’en soit le type, ont été positives.

F – ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS :

L’évolution se fait vers l’aggravation de la dyspnée et du trouble ventilatoire obstructif.

L’hypoxémie puis l’hypercapnie deviennent permanentes au repos.

Le tableau du coeur pulmonaire chronique est rare ou tardif. Un amaigrissement important, avec amyotrophie, est souvent constaté. Des complications peuvent survenir à chaque instant.

1- Poussées d’insuffisance respiratoire aiguë :

Elles reconnaissent les mêmes facteurs déclenchants que les poussées qui peuvent compliquer toute BPCO.

Mais, dans le contexte d’un EPL, un pneumothorax, ou l’augmentation de volume d’une bulle sont des facteurs plus souvent reconnus.

Devant une telle poussée, la ventilation assistée doit autant que possible être évitée, en raison de la mauvaise tolérance hémodynamique aux pressions intrathoraciques positives, des risques de pneumothorax et de « soufflage de bulles », des difficultés du sevrage chez ces patients dénutris aux réserves musculaires amoindries.

2- Pneumothorax :

Ils sont fréquents, mal supportés. Ils imposent la pose d’un drain de bon calibre.

Leur évolution est volontiers récidivante.

3- Bulles :

Elles correspondent à des espaces alvéolaires emphysémateux distendus ayant un diamètre supérieur à 1 cm.

Un système bulleux évolutif peut se révéler par l’augmentation de la dyspnée d’effort.

Les radiographies du thorax sont alors évocatrices, avec de larges clartés qui déplacent le médiastin.

Ces signes sont particulièrement nets sur les clichés en expiration.

La TDM montre bien la cohabitation difficile, dans le volume limité de la cage thoracique, entre les territoires emphysémateux en expansion et les territoires relativement sains, sièges d’artères pulmonaires tassées les unes contre les autres.

Un cathétérisme droit peut également être effectué, à la recherche du tableau de « tamponnade gazeuse ».

Un système bulleux peut encore se révéler par une douleur thoracique ou un état fébrile, témoin d’une infection ou d’une hémorragie intrabulleuse.

4- Infections bronchiques alvéolaires :

Elles doivent être traitées précocement par une antibiothérapie.

Un niveau hydroaérique au sein d’un espace bulleux signe parfois une infection, une hémorragie, ou la survenue d’un cancer.

Associé à un état septique prolongé, il impose une enquête microbiologique, une antibiothérapie prolongée, et pose parfois le difficile problème de son drainage percutané en milieu médicochirurgical.

G – PRONOSTIC :

On oppose habituellement les emphysèmes évolutifs et les emphysèmes d’évolution lente.

1- Emphysèmes évolutifs :

Ceux-ci surviennent souvent chez des sujets relativement jeunes, avec dyspnée invalidante et cachexie.

Le décès est alors rapide par insuffisance respiratoire.

L’hypoxémie puis l’hypercapnie apparaissent au cours des derniers mois ou années de l’évolution.

On en rapprochera le « poumon évanescent » d’évolution apicocaudale.

2- Emphysèmes d’évolution lente :

Ils s’observent souvent chez les sujets âgés, la mort résulte d’affection intercurrente, ou d’insuffisance respiratoire progressive et cachexie.

Dans tous les cas, une autre maladie induite par le tabagisme, telle un cancer bronchique, peut bouleverser le pronostic.

L’âge et les comorbidités contre-indiquent souvent les gestes agressifs (chirurgie de réduction, transplantation).

3- Implication pronostique du TVO emphysémateux :

Peu d’études ont comparé le pronostic du TVO emphysémateux par rapport à celui qui accompagne les BPCO communes.

Une seule étude semble montrer que le déclin du VEMS sur 10 ans se situe sensiblement sur la même pente en cas de TVO emphysémateux que de BPCO habituelle.

H – TRAITEMENTS :

1- Aspects médicaux :

* Lutte contre les facteurs de risque :

+ Arrêt du tabac :

Il s’agit de la mesure essentielle, avec un bénéfice d’autant plus net que l’arrêt est précoce, avant l’installation d’une insuffisance respiratoire.

+ Traitement substitutif en alpha1-AT :

Seule l’alpha1-AT humaine est actuellement disponible (Alfalastint, Laboratoire français de fractionnement et de biotechnologie, flacon de 1 g/30 mL).

Elle peut être prescrite par voie intraveineuse aux posologies de 70 mg/kg/semaine ou de 120 mg/kg toutes les 2 semaines.

De nombreuses interrogations concernant ce traitement persistent :

– le traitement substitutif est-il sans danger ?

Cette molécule est préparée à partir de pool de sérums humains.

La molécule est suffisamment résistante pour permettre l’inactivation des virus potentiels.

Mais, comme pour tout médicament dérivé du sang, personne n’ose statuer sur son innocuité (risque d’encéphalopathie de Creutzfeldt-Jakob ?) ;

– le traitement substitutif est-il biologiquement actif ?

Il restaure pendant toute la durée du traitement le taux d’alpha1-AT et l’activité antiélastasique du sérum et de la surface alvéolaire, mais le taux de desmosine urinaire, reflet du catabolisme de l’élastine, ne paraît pas modifié par le traitement substitutif.

Ce fait négatif pose le problème du réel contrôle de l’élastinolyse ;

– le bénéfice clinique de cette thérapeutique astreignante et coûteuse est-il démontré ?

Les études ouvertes ont montré que la dégradation de la fonction respiratoire se poursuit malgré le traitement.

Ce déclin semble ralenti (en référence aux séries historiques non traitées).

La fréquence des épisodes infectieux serait réduite sous traitement substitutif.

Une étude rétrospective, incluant 96 patients, suggère que cette substitution profite surtout à la minorité de patients dont la fonction se détériorait particulièrement rapidement avant la mise en place de ce traitement.

La seule étude randomisée n’a inclu que 56 patients non fumeurs (patients allemands et danois), et la substitution paraît avoir ralenti le déclin de la fonction respiratoire.

En fait, il aurait fallu environ dix fois plus de patients pour démontrer une réduction de 50 % du déclin annuel du VEMS.

Une évaluation nord-américaine basée sur des études rétrospectives confirme la nécessité d’inclure de tels effectifs pour espérer démontrer un bénéfice ;

– des recommandations sont-elles possibles ?

Les données actuelles ne permettent donc pas de recommandations étayées.

Clairement, le sous-groupe de patients susceptibles de bénéficier de ce traitement mériterait d’être mieux défini.

Les sujets déficients ZZ et SZ, ayant un TVO restant particulièrement évolutif malgré un sevrage tabagique effectif, et dont les réserves ventilatoires restent substantielles, sont peut-être les « meilleurs candidats ».

La prescription est actuellement soumise à une autorisation temporaire d’utilisation nominative ;

– les perspectives.

Il est possible de stimuler la synthèse d’alpha1-AT de type ZZ par certains médicaments, tel le Danazolt ; mais l’augmentation du taux sérique est insuffisante pour laisser espérer un bénéfice clinique.

Une alpha1-AT recombinante peut être produite par des procaryotes éventuellement dans sa variante génique non oxydable par substitution d’une valine à la méthionine 358.

L’utilisation clinique de cette molécule ne peut pas être envisagée : en effet, si cette protéine non glycosylée est active, sa demi-vie est trop courte pour une prescription par injection intraveineuse discontinue.

Les autres perspectives (alpha1-AT délivrée par aérosols, inhibiteur de synthèse des élastases, thérapie génique, greffe hépatique) sont ou seront accessibles à l’expérimentation clinique, avec des résultats rapides en termes de faisabilité, de tolérance et d’efficacité biologique, mais un bénéfice clinique difficile à évaluer.

* Traitements symptomatiques :

Ils ne seront pas détaillés ici, car ils reposent sur les mêmes moyens thérapeutiques que pour les BPCO plus usuelles.

+ Bronchodilatateurs :

Ils peuvent améliorer la dyspnée et la capacité d’exercice des patients.

En fait, l’amélioration clinique est mal corrélée à la bronchodilatation, mais l’est davantage à la réduction de la distension pulmonaire avec augmentation de capacité inspiratoire :

– les théophyllines retards utilisables per os peuvent avoir un impact clinique positif même en l’absence de bronchospasme associé.

Elles améliorent la contractilité diaphragmatique.

Ce bénéfice est faible, et elles ne doivent être utilisées que si la tolérance est satisfaisante ;

– les bêta2-mimétiques inhalés (courte et longue durée d’action), améliorent souvent le confort des patients ;

– les atropiniques en spray sont parfois plus actifs et d’action plus durable que les bêta2-mimétiques dans le contexte d’une maladie emphysémateuse. Une synergie atropinique-bêta2-mimétique peut être observée.

+ Morphiniques :

Ils ont suscité un espoir de traitement palliatif de la dyspnée.

L’objectif était de réduire le travail ventilatoire des grands emphysémateux et donc sa perception pénible, sans trop altérer l’hématose.

À ce jour, les dérivés utilisés, délivrés par voie générale ou aérosol, ont donné des résultats discutables et de toute façon mineurs.

+ Réhabilitation et kinésithérapie :

Elles visent le retour à un mode ventilatoire plus économique et donc un meilleur confort respiratoire.

Le retour vers une ventilation diaphragmatique (compression abdominale) et la lutte contre le collapsus expiratoire des bronches (expiration douce, à travers les lèvres pincées) sont donc les objectifs traditionnels.

Le réentraînement à l’exercice sous contrôle médical a un intérêt clinique qui paraît clair, au moins chez certains patients sélectionnés.

Son évaluation à plus large échelle est moins concluante.

Cette prise en charge, lorsqu’elle permet de rompre le cercle vicieux du déconditionnement musculaire, reste très appréciée des patients.

+ Nutrition :

Tous les facteurs qui contribuent à la dénutrition, l’amyotrophie et le déconditionnement musculaire doivent être évités.

L’effet délétère des glucocorticoïdes doit être souligné.

2- Traitements chirurgicaux :

* Bulles :

Les principes de cette chirurgie sont simples, elle doit être aussi conservatrice que possible : les exérèses réglées sont pratiquement proscrites.

Tout est simple lorsque les bulles sont volumineuses et compressives et que le parenchyme voisin paraît tassé, mais relativement sain.

En revanche, les indications sont difficiles à poser chez ces patients très dyspnéiques, ayant de vastes plages de lyse parenchymateuse qui paraissent modérément compressives.

Rarement un système bulleux compressif impose le drainage immédiat et simultané du système bulleux et de la grande cavité pleurale, afin de passer le cap critique puis d’effectuer éventuellement la cure chirurgicale dans de meilleures conditions.

* Pneumothorax :

L’échec des drainages et surtout les récidives tardives peuvent poser le problème d’une symphyse, celle-ci pouvant être chirurgicale ou médicale.

* Transplantations pulmonaires :

Toutes les techniques peuvent être proposées au stade ultime de l’emphysème panlobulaire.

Les indications sont très restrictives :

– sujets encore jeunes, idéalement de moins de 55 ans ;

– sujets psychologiquement prêts à subir ce type d’intervention aux suites parfois mouvementées ; – sujets dont la survie spontanée paraît inférieure à 1 an ;

– lorsque toutes les possibilités d’une chirurgie de réduction volumétrique ont été épuisées ;

– un antécédent de chirurgie thoracique, lorsqu’elle s’est accompagnée d’un avivage pleural à l’éponge et surtout d’une décortication traditionnelle dans un but de prophylaxie du pneumothorax, est source de difficultés techniques parfois prohibitives.

Les premiers succès ont été obtenus par la technique coeur-poumons.

Aujourd’hui, les deux options sont la transplantation bipulmonaire et la transplantation monopulmonaire.

Cette dernière technique est la plus utilisée, en raison de la pénurie de donneurs, et surtout de sa relative simplicité.

Elle donne des résultats en terme de survie identiques à ceux de la greffe bipulmonaire.

Rarement le poumon natif distendu comprime le greffon et doit être remodelé chirurgicalement (réduction volumétrique).

Les résultats à long terme de chacune de ces techniques restent aléatoires.

Des chiffres de l’ordre de 75 % de survivants à 1 an, de 60 % à 3 ans, paraissent proches de la réalité. Les infections pendant la première année, puis les rejets chroniques (bronchiolites oblitérantes) expliquent l’essentiel des échecs.

Emphysèmes postbronchitiques en foyers centrolobulaires :

Le tableau caricatural d’EPL pur, tel que nous l’avons décrit, ne représente pas plus de 10 % des BPCO tout-venant.

La plupart des patients relatent une longue histoire de bronchite chronique avec toux et expectoration qui précède la survenue de la dyspnée.

Anatomiquement, l’emphysème est le plus souvent initialement de type centrolobulaire, mais aux stades plus avancés, le processus peut déborder les bronchioles respiratoires et atteindre largement les canaux et les sacs alvéolaires.

Il est alors difficile de distinguer cet emphysème dépassé d’un emphysème initialement panlobulaire, mais compliqué de bronchite chronique avec superposition secondaire de foyers centrolobulaires.

Face à ces formes mixtes, le typage de l’emphysème paraît donc utopique et sans intérêt pratique.

À ce stade, seule l’étendue de la destruction emphysémateuse a une implication pronostique.

A – ANATOMIE DES EMPHYSÈMES EN FOYERS :

1- Emphysème centrolobulaire (ECL) :

Également appelé emphysème centroacinaire, c’est le plus fréquent des emphysèmes en foyers.

Macroscopiquement, les lésions focales prédominent habituellement aux lobes supérieurs et aux segments apicaux des lobes inférieurs.

Il s’agit de foyers de destruction emphysémateuse qui débutent à l’entrée (et non au centre) de l’acinus. En effet, les destructions initiales touchent les bronchioles respiratoires, surtout de deuxième et de troisième ordre.

Il s’agit des premières structures alvéolisées situées immédiatement après les bronchioles terminales.

La plupart de ces foyers destructifs ont un diamètre inférieur à 5 mm (inférieur au seuil de détection de la TDM).

La paroi des foyers est le siège de remaniements atrophiques mais aussi d’épaississements fibreux, avec une accumulation de collagène.

Il s’y ajoute constamment des lésions non spécifiques de bronchite chronique, c’est-à-dire des lésions des voies de conduction et des modifications de la vascularisation pulmonaire, et en particulier une atteinte des voies aériennes proximales et distales.

* Atteinte des voies aériennes proximales :

Elle consiste en une hyperplasie des glandes muqueuses.

Celle-ci est surtout importante chez les fumeurs encore jeunes.

Les bronches segmentaires et sous-segmentaires des lobes inférieurs sont les plus touchées.

À un stade plus tardif, on observe une atrophie des grosses bronches qui touche tous les éléments de la paroi bronchique : glandes séromuqueuses, tissu conjonctif et même cartilage.

* Atteintes des voies aériennes distales :

Ce sont les bronchioles membraneuses, de diamètre inférieur à 2 mm. Les atteintes sont multiples.

Il existe de nombreuses anomalies conduisant au rétrécissement des lumières.

Il s’agit de tortuosités, d’augmentation du nombre des cellules à mucus, de mucus intraluminal, d’hyperplasie musculaire, et d’inflammation puis de fibrose de la paroi.

Ces lésions des voies aériennes distales sont diffuses, prédominant au niveau des lobes inférieurs, là où le pourcentage d’emphysème est le plus faible.

La perte des attaches alvéolaires des bronchioles est souvent observée, même en l’absence d’un emphysème diffus.

* Modifications de la vascularisation pulmonaire :

Les artérioles sont souvent conservées dans les régions centroacinaires, expliquant en partie l’effet shunt et l’hypoxémie observés en cas d’ECL.

Une muscularisation de ces vaisseaux est observée très précocement, et son importance est parallèle à l’importance des lésions des voies aériennes distales et de l’ECL.

2- Aspects particuliers d’emphysème en foyers :

Deux aspects méritent d’être discutés en marge des ECL.

* Emphysème focal :

Encore dénommé pneumoconiose simple des travailleurs du charbon, il a été décrit par Heppelston.

Il intéresse les bronchioles respiratoires qui sont distendues et engainées par un manchon de poussières de charbon.

Ce granulome à poussières se retrouve également au niveau des bronchioles lobulaires ou terminales.

Les mineurs de fer, les ouvriers empoussiérés dans les fonderies peuvent développer le même aspect.

Cet emphysème diffère de l’ECL des BPCO usuelles par quelques nuances plus quantitatives que qualitatives :

– cliniquement, le passé tabagique est moins constant et le retentissement fonctionnel est souvent moindre ;

– anatomiquement, les lésions non spécifiques de bronchite chronique sont moins marquées.

En fait, la région centroacinaire est la zone de prédilection pour l’accumulation des poussières, à la naissance des lymphatiques pulmonaires.

Ceci peut expliquer la susceptibilité de cette région.

* Emphysème irrégulier :

Il existe des foyers qui ressemblent à ceux de l’ECL mais dont la distribution est mal systématisée dans le lobule et le poumon.

Les conditions étiologiques sont ici très différentes, avec une longue histoire de poussées de bronchioloalvéolite suppurée.

Il est fréquent au cours de la mucoviscidose et des autres types de dilatation des bronches (DDB).

Le tabagisme n’ est pas ici un facteur étiologique.

B – PATHOGÉNIE DES EMPHYSÈMES EN FOYERS :

La théorie de la balance protéase-antiprotéase peut être adaptée aux emphysèmes en foyers.

L’accumulation de cellules inflammatoires, et notamment de macrophages alvéolaires au niveau des bronchioles respiratoires, est un fait anatomique connu chez les sujets fumeurs encore asymptomatiques et décédés de cause non respiratoire.

Il est probable que dans le microenvironnement des bronchioles respiratoires, de très nombreux médiateurs, notamment les cytokines issues des lymphocytes CD8, régulent ces phénomènes inflammatoires.

Il en résulte un déséquilibre local, avec sécrétion de protéases variées, de radicaux capables d’oxyder l’alpha1-AT et l’inhibiteur bronchique.

Chez le cobaye, une infection latente à adénovirus est susceptible de faciliter les phénomènes inflammatoires et la survenue d’un emphysème de type centrolobulaire induit par la fumée de cigarettes.

Les protéases microbiennes, associées aux médiateurs du polynucléaire, peuvent également jouer un rôle majeur en cas d’infections répétées (emphysèmes irréguliers).

Ainsi, le déséquilibre de la balance protéase-antiprotéase ne serait présent que dans l’environnement immédiat de la lumière des bronchioles.

Le modèle animal d’ECL le plus achevé consiste en la répétition d’aérosol de chlorure de cadmium. Ce modèle induit à la fois une réaction fibreuse et emphysémateuse des bronchioles respiratoires.

Dans ce modèle, la dégradation du tissu élastique n’est pas évidente.

C – ÉTIOLOGIES :

Nous avons vu que certains types d’emphysèmes en foyers (emphysème focal d’Heppelston et emphysèmes irréguliers) reconnaissaient des facteurs étiologiques particuliers (respectivement poussières de charbon, infections répétées).

En dehors de ces deux exceptions, il faut considérer l’ECL comme une partie intégrante des BPCO.

Il reconnaît évidemment les mêmes facteurs étiologiques, dominés par le tabagisme.

La richesse en cadmium de l’aérosol tabac, joint aux modèles expérimentaux d’ECL au cadmium, pose le problème de la responsabilité de celui-ci dans la genèse de l’ECL humain.

À ce jour, aucun facteur génétique ou environnemental ne peut expliquer pourquoi certains patients développent un ECL plus précoce et/ou plus important que d’autres.

D – PHYSIOPATHOLOGIE : CORRÉLATIONS STRUCTURE/FONCTION

Les emphysèmes en foyers sont simplement l’une des composantes morphologiques observées chez les sujets atteints de l’une des formes du « complexe BPCO », mais l’impact précis du développement d’un ECL sur l’histoire naturelle des BPCO n’a toujours pas été défini.

Cette lacune dans nos connaissances d’une maladie aussi commune doit surprendre.

Les conséquences fonctionnelles d’une anomalie morphologique ne peuvent être appréhendées qu’en comparant la structure des tissus bronchiques et pulmonaires aux données cliniques et fonctionnelles cardinales.

Les principales cibles étudiées ont été les bronches cartilagineuses, les bronches membraneuses, c’est-à-dire essentiellement les petites voies aériennes de diamètre interne inférieur à 2 mm, et les bronchioles respiratoires, sièges futurs d’un éventuel ECL.

Il est important, plutôt que de rapporter le détail de chacune de ces études, d’expliquer en quoi elles ont parfois semblé contradictoires, alors qu’elles ont souvent été complémentaires.

La diversité des méthodologies utilisées et des populations étudiées explique en partie ces disparités ; il s’agit d’études nécropsiques ou d’études de pièces d’exérèse chirurgicale.

1- Études nécropsiques :

* Sujets souvent jeunes, décédés d’affections intercurrentes :

L’étude du poumon est alors faite de façon idéale sur les poumons entiers, mais le corrélat fonctionnel tel qu’il peut être simulé sur des pièces nécropsiques est difficile à extrapoler aux études faites du vivant du sujet.

Les fumeurs et les non-fumeurs sont habituellement représentés de façon équilibrée, mais peu de sujets ont une maladie respiratoire avancée.

Les paramètres fonctionnels mesurés sont le plus souvent subnormaux, et la puissance des tests statistiques en est affectée.

Il est donc difficile d’établir des corrélations structure/fonction.

C’est pourquoi ces études sont surtout utiles pour analyser les conséquences précoces du tabagisme sur les structures pulmonaires.

* Sujets décédés d’insuffisance respiratoire chronique :

L’étude anatomique peut être gênée par les phénomènes aigus qui ont accompagné la phase terminale (infection intercurrente, ventilation assistée …).

Le corrélat fonctionnel respiratoire est souvent difficile à obtenir, car les épreuves fonctionnelles respiratoires de ces patients remontent souvent à plusieurs mois ou années et/ou sont parcellaires.

Les sujets sont pratiquement tous fumeurs ou ex-fumeurs.

À ce stade ultime, les corrélations sont encore difficiles à établir.

Ces études ont permis il y a 30 ans les premières corrélations anatomocliniques, et ont eu le mérite de montrer à quel point les lésions responsables de la mort par BPCO sont multiples et diversement intriquées d’un patient à l’autre.

2- Études de pièces d’exérèse chirurgicale :

La plupart de ces études correspond à l’exérèse d’un poumon ou d’un lobe pour le traitement d’un cancer bronchique chez des sujets fumeurs ou ex-fumeurs.

Le corrélat fonctionnel est effectué de façon idéale quelques jours avant l’intervention, en période d’état stable.

L’étude anatomique est parcellaire :

– s’il s’agit d’une tumeur distale, l’exérèse est alors souvent limitée à une lobectomie, et seule une partie de ce lobe est disponible pour l’étude morphométrique ;

– s’il s’agit de lésions plus proximales, l’exérèse est une pneumonectomie, mais seul le lobe non tumoral est utilisable pour la morphométrie, et le corrélat fonctionnel intrique souvent l’obstruction bronchique de la BPCO et le trouble restrictif de l’atélectasie.

En raison de l’hétérogénéité de la distribution des lésions bronchiolaires (atteinte plus marquée des lobes inférieurs) et de l’emphysème (atteinte plus marquée des lobes supérieurs), il est difficile de juger des anomalies morphométriques d’un poumon lorsqu’on ne peut analyser qu’un seul lobe.

Néanmoins, la dispersion des résultats fonctionnels a permis de « tirer » des corrélations entre la structure et la fonction dans de bonnes conditions.

3- Difficultés dans ces études structure/fonction :

L’analyse et la quantification des lésions sont souvent rendues difficiles, car ces lésions se modifient avec le temps.

L’hyperplasie des glandes au niveau des bronches cartilagineuses, importante chez le jeune fumeur, est remplacée tardivement par une atrophie.

De la même façon, les lésions initialement inflammatoires des bronchioles membraneuses font place tardivement à des remaniements fibrotiques sténosants, et les bronchiolites respiratoires font place une atrophie ectasiante, c’est-à-dire un ECL.

Ces données expliquent certains résultats apparemment contradictoires. Ainsi, dans une population de jeunes fumeurs, on observe une corrélation positive entre l’hyperplasie des glandes bronchiques et l’importance de l’emphysème.

Si la population étudiée comprend des sujets âgés, une corrélation inverse (négative) peut être obtenue.

Les sécrétions endobronchiques sont souvent mal évaluées, car les techniques morphométriques exigent une fixation par voie endobronchique qui risque de « laver » ces sécrétions.

4- Résultats de ces études :

Ces études morphométriques faites sur de larges populations font surtout apparaître des relations très lâches mais « statistiquement significatives » entre les différentes cibles du tabac : volume des glandes bronchiques, index d’inflammation et de fibrose des bronchioles membraneuses, inflammation et destruction des bronchioles respiratoires.

Les relations entre chacune de ces cibles et les index d’obstruction bronchique sont également faiblement significatives.

Il serait hasardeux de conclure, à partir de ces études univariées, à des liens de causalité.

Elles illustrent simplement le rôle du tabagisme comme dénominateur commun de toutes les lésions ou anomalies fonctionnelles qui caractérisent les BPCO.

Mais l’étude de ces interrelations dans une population réduite, ne comportant pratiquement que des fumeurs atteints de BPCO, montre que les relations entre les lésions des bronchioles membraneuses et celles des bronchioles respiratoires sont plus étroites, et que ces deux types d’atteintes sont relativement indépendantes de celles des gros troncs bronchiques.

Le rôle de l’atteinte de ces gros troncs à l’origine du TVO s’efface en grande partie devant celle des bronches membraneuses et respiratoires.

Il faut observer que si l’étendue des lésions emphysémateuses est assez bien corrélée avec les indices d’obstruction bronchique et avec la surface d’échange (transfert du monoxyde de carbone), les corrélations avec les autres anomalies « cardinales » de l’emphysème (distension, baisse de l’élasticité) sont bien plus douteuses.

Les territoires les plus remaniés par l’ECL sont d’ailleurs peu compliants, et la modeste augmentation de la compliance globale parfois observée chez les fumeurs atteints de BPCO reflèterait davantage les ruptures des parois alvéolaires que l’étendue de l’ECL.

La responsabilité directe de la perte des attaches alvéolaires au niveau des bronches membraneuses dans la genèse du TVO est loin d’être démontrée par les faits.

L’explication est peut-être simple : les conséquences de la perte de ces attaches sont a priori bien différentes selon la compliance de la paroi de ces bronchioles (atrophie ou fibrose) et selon la qualité du réseau élastique qui rejoint ces attaches rompues (emphysème diffus ou non).

L’analyse du rôle respectif des petites voies aériennes et de l’ECL à l’origine du TVO reste donc un problème non résolu.

Les analyses multivariées sont difficiles à réaliser sur de petits échantillons.

Néanmoins, il faut observer qu’au stade ultime des BPCO, les exemples d’atteinte des petites voies aériennes majeures avec ECL minime sont plus fréquents que les exemples contraires.

Enfin, il faut observer que les signes d’hypertrophie du ventricule droit sont davantage liés à l’atteinte des bronchioles membraneuses qu’à l’ECL.

Tout ceci suggère le rôle principal de l’atteinte des bronchioles membraneuses.

E – DIAGNOSTIC D’EMPHYSÈME CENTROLOBULAIRE :

1- Présentation clinique :

Il ne sera pas détaillé ici.

Le profil clinique est en principe de type B. Un ECL anatomique a d’autant plus de chances d’être important que le sujet est âgé et/ou que la maladie paraît évoluée, avec hypoxémie et coeur pulmonaire chronique.

2- Aspects radiologiques :

* Radiographie thoracique standard :

La radiographie thoracique standard face/profil montre typiquement des signes de distension qualitativement identiques à ceux observés en cas d’EPL, mais quantitativement plus discrets.

L’aspect du parenchyme pulmonaire est en principe tout à fait différent, avec des signes de destruction prédominant au niveau des lobes supérieurs.

Ces signes consistent en une raréfaction vasculaire, avec de nombreux foyers destructifs prédominant dans les régions sous-claviculaires.

Dans les autres territoires la vascularisation n’est pas diminuée, elle peut paraître augmentée (emphysème avec arborisations accrues).

Une diminution de la transparence pulmonaire est souvent observée dans les lobes inférieurs et dans les zones épargnées par l’ECL.

Cette diminution de transparence témoigne essentiellement de l’inflammation des muqueuses des grosses bronches et de l’inflammation bronchiolaire.

Elle se traduit par cette impression de « poumon sale » assez particulière aux BPCO.

Des signes d’hypertension artérielle pulmonaire avec hypertrophie ventriculaire droite sont souvent observés au stade où l’hypoxémie est devenue permanente.

* Examen tomodensitométrique :

L’examen TDM est un examen de grandes sensibilité et spécificité.

Cette technique a un pouvoir de résolution limité pour la visualisation des microfoyers destructifs : seuls les foyers centrolobulaires confluants de diamètre supérieur à 5 mm sont bien visualisés.

Ces destructions alvéolaires apparaissent comme de petites zones d’hypoatténuation, de densité aérique respectant le pédicule bronchoartériel centrolobulaire et les septa périlobulaires.

Ces destructions siègent typiquement au centre du lobule secondaire.

Les lésions prédominent dans les lobes supérieurs et les segments supérieurs des lobes inférieurs.

L’expérience a montré que le coefficient de corrélation entre l’étendue de l’ECL telle qu’elle peut être appréciée par la TDM et la morphométrie est excellent, de l’ordre de 0,80.

Souvent, quand les destructions dépassent 20 % de la surface totale, elles débordent la région centrolobulaire avec alors des foyers plus diffus.

Il s’agit des emphysèmes mixtes associant à des degrés divers emphysèmes panlobulaire, centrolobulaire et paraseptal.

3- Épreuves fonctionnelles respiratoires :

Elles montrent tous les éléments observés en cours des BPCO usuelles : diminution des débits, augmentation du VR, de la CRF, de la CPT, baisse du transfert de l’oxyde de carbone.

En cas d’ECL étendu, une fois sur deux, les relations pression-volume restent sensiblement normales.

Les recherches du paramètre fonctionnel le plus pertinent pour prévoir l’étendue du processus emphysémateux ont toutes montré que le transfert du monoxyde de carbone représentait le meilleur test, mais que ces corrélations restaient très médiocres, bien en deçà de ce que permet l’imagerie TDM.

Emphysème paraseptal, distal et/ou sous-pleural :

A – ANATOMIE :

Il prédomine à la périphérie des lobules, le long des septa interlobulaires, des axes bronchovasculaires et dans les régions souspleurales .

Il épargne donc les zones critiques centrolobulaires qui assurent l’écoulement de l’air et les échanges gazeux.

B – CLINIQUE :

Son individualisation clinique et pathogénique ne s’est jusqu’à présent pas imposée.

Dans les années 1960, il était considéré comme rare, principalement découvert lors de thoracotomie pour symphyse pleurale après pneumothorax, ou sur les pièces anatomiques.

Aujourd’hui la TDM, effectuée en routine après un pneumothorax ou l’évaluation d’un carcinome bronchique, en révèle la grande banalité.

Il est souvent (au moins chez le sujet âgé) associé à l’une des autres variétés d’emphysème.

L’aspect est celui de zones d’hypoatténuation de double distribution : le long de la plèvre viscérale et des axes bronchovasculaires extralobulaires.

Parfois ces espaces emphysémateux forment, par confluence, de volumineux systèmes bulleux, qui réclament une surveillance attentive et parfois une sanction chirurgicale.

Malgré sa banalité, l’histoire naturelle de l’emphysème paraseptal n’a pas été décrite.

Il nous semble de bon sens, en raison de son caractère focal et du siège des lésions intéressant les axes conjonctifs des vaisseaux et le tissu sous-pleural (épargnant les zones d’échanges), de penser que cet emphysème n’entrave pas de façon notable la mécanique ventilatoire ou l’hématose, mais qu’il doit retenir l’attention du clinicien en raison :

– du risque de pneumothorax auquel il expose ;

– de la possibilité de bulles volumineuses ;

– de l’intrication fréquente aux autres formes de bronchopneumopathies chroniques ;

– du passé tabagique notable dont il témoigne.

Conclusion :

Aujourd’hui, si l’imagerie facilite le diagnostic de la maladie, il reste encore de grandes inconnues physiopathologiques, notamment celles qui concernent l’impact de l’ECL sur l’histoire naturelle des BPCO.

Il est probable que les travaux actuels permettront de mieux définir les facteurs génétiques qui exposent au développement d’un emphysème.

Mais rien ne doit faire oublier que la destruction emphysémateuse du tissu pulmonaire n’est pas une fatalité, et qu’une politique courageuse de prévention contre le tabagisme permettrait de l’éviter !

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