Effets cutanés indésirables des chimiothérapies antitumorales et des cytokines (Suite)

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2024

Première partie

Effets secondaires cutanéomuqueux des cytokines :

A – INTERFÉRONS :

Les interférons (IFN) sont des glycoprotéines appartenant au groupe des cytokines et dotées de propriétés antivirales, antitumorales et immunomodulatrices.

Effets cutanés indésirables des chimiothérapies antitumorales et des cytokines (Suite)Leur production par génie génétique, sous la forme d’interférons recombinants, hautement purifiés, a permis leur utilisation thérapeutique au cours de diverses pathologies tumorales, infectieuses et dysimmunitaires.

Ils se divisent en trois classes :

– l’interféron alpha (IFN-a), commercialisé sous la forme a-2a et a-2b et dont les principales indications thérapeutiques sont les hépatites virales B ou C chroniques actives, la leucémie à tricholeucocytes, la maladie de Kaposi au cours du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida) et le mélanome cutané.

Une formulation pégylée par combinaison d’IFN-a-2b et de polyéthylèneglycol est disponible en monothérapie pour le traitement de l’hépatite virale chronique C (HCV).

Les avantages majeurs de cette dernière formulation sont un allongement de la demi-vie d’élimination permettant une seule injection par semaine et l’obtention de taux plasmatiques élevés et stables de la molécule ;

– l’interféron bêta (IFN-b) est utilisé sous la forme b-1a au cours du traitement de la sclérose en plaques ;

– l’interféron gamma (IFN-c) est utilisé sous la forme c-1b dans le traitement de la granulomatose septique familiale. L’utilisation de plus en plus large de l’IFN-a au cours de l’infection chronique à HCV et du mélanome a donné lieu depuis 10 ans à un nombre considérable de publications concernant ses effets secondaires, en particulier dermatologiques.

La majeure partie des effets cutanés indésirables liés aux IFN qui ont été rapportés sont liés à la forme a.

Ils représentent globalement 5 à 12 % des effets secondaires.

Ils peuvent être regroupés en réactions cutanées locales survenant exclusivement ou initialement aux sites d’injection, et générales avec, parmi ces dernières, l’induction ou l’aggravation de maladies cutanées ou systémiques.

1- Réactions cutanées locales aux sites d’injection :

* Érythème, induration, sclérose, nodules et bulles :

Les réactions cutanées locales communément observées aux sites d’injection sous-cutanée ou intramusculaire des IFN sont un érythème et une induration de survenue précoce, quelques heures après l’injection, et qui sont transitoires.

Elles sont présentes dans 65 à 80 % des cas après injection d’IFN-b et entre 5 à 12%avec l’IFN-a.

Elles n’ont pas de conséquence clinique ou thérapeutique particulière.

La survenue de plaques rouge orangé, surélevées, à bordure mal limitée, d’une infiltration sous-cutanée étendue, d’une sclérose cutanée et de nodules sensibles est rare.

Chacune de ces lésions peut persister plusieurs semaines ou mois.

Une observation de décollements vésiculobulleux sur une macule érythémateuse, survenant dès le 6e jour après une deuxième injection d’IFN-a et reproduite lors des trois injections suivantes a été rapportée.

Dans tous les cas, il convient d’être vigilant devant un érythème persistant et sensible qui peut constituer le premier signe cutané d’une nécrose au site d’injection.

* Eczéma :

L’induction de lésions d’eczéma aux sites d’injection de l’IFN-a au cours du traitement de l’hépatite chronique C a été documentée. Le délai d’apparition est retardé de 4 jours à 6 mois.

Les lésions, rythmées par les injections, peuvent diffuser à d’autres sites.

Elles régressent à l’arrêt du traitement, mais une régression spontanée en 2 semaines, malgré sa poursuite, peut s’observer.

Elles sont facilement contrôlées par un traitement par dermocorticoïdes.

La possibilité d’une allergie de contact est peu probable.

La survenue d’une observation isolée d’hypersensibilité retardée à type d’eczéma de contact au point d’injection d’IFN-a au cours du traitement d’une leucémie à tricholeucocytes, 48 heures après chaque injection, a été confirmée par la positivité du patch-test.

Dans tous les cas, la recherche d’une allergie de contact non seulement pour l’interféron lui-même (patch-tests, prick-tests, intradermoréaction), mais aussi pour les antiseptiques utilisés (batterie européenne standard et orientée), est utile, en particulier lors d’une diffusion des lésions à distance.

* Dépilation :

La survenue de plaques de dépilation strictement localisées aux sites d’injection d’IFN-a-2b au cours du traitement d’une hépatite chronique C a été récemment décrite.

Cette réaction, caractérisée par une perte de poils en plaques mal limitées, asymptomatique, est survenue entre 3 à 7 mois après le début du traitement et a été complètement réversible 7 à 11 mois après l’arrêt du traitement.

La présence histologique d’un infiltrat lymphocytaire péri- et intrafolliculaire laisse supposer la production locale de cytokines pro-inflammatoires induite par l’IFN.

* Nécroses et ulcérations :

La survenue de nécroses et d’ulcérations aux sites d’injection de l’IFN est un effet secondaire rare, mais classique (plus d’une cinquantaine de cas publiés).

Le risque est estimé entre 1,5 et 20 % au cours du traitement de la sclérose en plaques par l’IFN-b.

Aucune observation liée à l’IFN-c seul n’a été mentionnée jusqu’à présent dans la littérature.

Ces nécroses cutanées surviennent sans prédominance d’âge ou de sexe, que le mode d’injection soit sous-cutané ou intramusculaire.

Elles sont rapportées le plus souvent au niveau de la paroi abdominale et des faces antérieures des cuisses, mais peuvent être notées aussi au niveau des triceps ou des deltoïdes.

Parmi les diverses affections traitées (maladie de Kaposi au cours du sida, hépatite virale C, leucémie à tricholeucocytes, leucémie myéloïde chronique, carcinome rénal ou sclérose en plaques), aucune n’est préférentiellement associée à la survenue de nécroses cutanées.

Le délai d’apparition est le plus souvent de 2 à 3 mois après l’instauration du traitement, mais peut varier de quelques semaines à plusieurs années.

Il n’est habituellement pas corrélé à la dose ni au rythme d’administration.

La symptomatologie survient en moyenne 1 ou 2 jours après l’injection, parfois jusqu’à plus de 1 mois après.

La présentation clinique est stéréotypée, quel que soit le type d’IFN incriminé ou la pathologie sous-jacente.

La lésion débute au site d’injection par une macule ou un nodule érythémateux ou orangé, sensible, qui devient nécrotique en quelques jours.

La nécrose, d’extension progressive, est constituée d’une plaque noire escarrotique sèche, de contours irréguliers, souvent anguleux et bien limités.

La taille de l’ulcération varie de quelques millimètres à 10 cm.

La bordure de l’ulcération est constituée d’une large plaque inflammatoire, infiltrée à la palpation, mal limitée, parfois livédoïde ou scléroatrophique.

Son ablation met en évidence une ulcération atone.

Les lésions peuvent être multiples.

L’évolution sous traitement se fait vers une guérison lente en plusieurs mois, laissant place à une cicatrice atrophique et hyperpigmentée.

Une observation de carcinome épidermoïde sur le site d’une ulcération cutanée après injection d’IFN-b a été décrite, sans qu’une relation de causalité n’ait cependant été établie.

L’histologie cutanée réalisée en bordure de l’ulcération met en évidence un infiltrat lymphocytaire, histiocytaire et neutrophilique du derme superficiel et profond, parfois associé à une panniculite lobulaire.

La présence de thromboses des veinules du derme profond et de l’hypoderme peut être notée sur des biopsies profondes du centre de l’ulcération, sans vasculite associée.

Une surinfection bactérienne à Staphylococcus aureus ou Pseudomonas aeruginosa est rarement notée.

Le traitement est médical, associant une antibiothérapie locale et générale pour prévenir un risque infectieux, et l’application de pansements hydrocolloïdes pour hâter la cicatrisation.

Le recours à la chirurgie par débridement, excision suivie de suture directe ou de greffe est parfois nécessaire.

Plusieurs mécanismes physiopathogéniques ont été proposés :

– révélation d’un état procoagulant latent tel qu’un déficit congénital en antithrombine III, une hyperagrégabilité plaquettaire ;

– effet vasospastique local par toxicité directe de l’IFN sur l’endothélium vasculaire, favorisé par une augmentation de la concentration locale en IFN lors de répétition des injections au niveau du même site ;

– injection intra-artériolaire accidentelle ;

– hypersensibilité retardée ;

– phénomène d’Arthus (type III).

Le traitement préventif d’une récidive repose sur l’observation de recommandations simples :

– réaliser un bon apprentissage des auto-injections, en variant autant que possible les sites d’injection ;

– être vigilant devant un érythème persistant et sensible, premier signe cutané précédant la nécrose ;

– éviter toute injection au niveau d’une lésion cutanée avant sa guérison complète ;

– rechercher un facteur de thrombophilie congénitale tel qu’un déficit en antithrombine III, protéine C, protéine S, résistance à la protéine C activée, ou acquis (syndrome des antiphospholipides) ;

– supprimer autant que possible tout traitement médicamenteux altérant la microcirculation cutanée (bêtabloquant, dihydroergotamine…).

La poursuite des injections d’interféron à distance du site de nécrose est possible dans la plupart des cas.

Elle se complique parfois de nouvelles nécroses cutanées aux points d’injection, imposant alors l’arrêt définitif du traitement.

* Vasculite :

La survenue de vasculite au site d’injection d’IFN-a recombinant a été rapportée au cours du traitement de l’hépatite chronique C, avec un délai de survenue variant de 3 à 6 semaines après le début du traitement.

Les lésions cutanées à type de papules purpuriques ou non, débutaient au point d’injection puis diffusaient secondairement à distance.

Dans un cas, la présence d’une cryoglobulinémie associée pouvait constituer un facteur favorisant.

Aucune complication viscérale n’était associée.

L’arrêt définitif de l’IFN et une corticothérapie générale courte permettait l’amendement des signes cutanés.

* Abcès sous-cutané :

La survenue de complications infectieuses locales au site d’injection à type d’infection sous-cutanée dermohypodermique est peu mentionnée dans la littérature.

Une observation d’abcès sous-cutané isolé à Mycobacterium avium/intracellulare au site d’injection d’interféron chez une malade souffrant d’un lymphome a été décrite.

2- Réactions générales :

Elles sont majoritairement rapportées au cours des traitements par IFN-a.

* Éruptions cutanées :

La survenue de rash lié à l’IFN-a est rapportée à une fréquence variant entre 5 et 8 %. Son incidence semble majorée lors de l’association à la ribavirine.

La survenue d’éruptions cutanées transitoires, débutant 5 à 14 jours après le début du traitement et disparaissant spontanément en 10 à 14 jours malgré la poursuite du traitement, a pu être notée.

* Prurit :

Il est rapporté dans près de 10 % des cas, fréquemment associé à une sécheresse cutanée.

Son incidence semble significativement augmentée par l’association à la ribavirine (13 à 20 %) au cours du traitement de l’hépatite virale chronique C.

* Alopécie :

Il s’agit de l’effet secondaire le plus fréquent, avec une incidence variant de 10 à 30 % des cas au cours des traitements par IFN-a.

Le mécanisme incriminé est le plus souvent un effluvium télogène, débutant 2 à 6 mois après l’instauration du traitement, et pouvant régresser spontanément malgré la poursuite du traitement.

Il ne semble pas exister d’effet dose-dépendant.

La cause exacte est inconnue, mais la survenue d’une alopécie sous IFN doit faire rechercher une dysthyroïdie induite.

* Décoloration des cheveux :

La survenue d’une dépigmentation et d’un grisonnement des cheveux, cils, sourcils au cours du traitement par IFN-a d’un mélanome cutané métastatique a été décrite en détail dans une observation.

Cette réaction est survenue 6 mois après le début du traitement, et a régressé 6 semaines après l’arrêt, marquée par une repousse des cheveux dans leur couleur d’origine.

Une modification de la synthèse de phéomélanine par l’IFN a été évoquée, mais non démontrée.

* Hypertrichose des cils et sourcils :

La survenue d’une hypertrichose ciliaire ou des sourcils induite par IFN-a a été rarement mentionnée.

Ce phénomène apparaissait en moyenne 4 à 6 mois après le début du traitement, et régressait 6 mois après l’arrêt.

Le mécanisme pathogénique incriminé pourrait faire intervenir une modification des concentrations d’acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique, prolongeant la durée de la phase télogène.

L’hypothèse d’une carence métabolique ou d’un processus paranéoplasique n’était pas exclue.

* Exacerbation d’un herpès labial :

L’exacerbation d’un herpès labial est mentionnée dans 5 % des cas d’une série de 1 300 malades traités par INF-a-2a recombinant au cours de pathologies cancéreuses (tumeurs solides, hémopathies).

* Télangiectasies :

La survenue de télangiectasies punctiformes au cours du traitement du mélanome cutané par INF-a-2a à fortes doses est rapportée dans 41 % des cas d’une série de 44 patients.

Le délai de survenue variait de 4 à 8 mois après le début du traitement.

Les télangiectasies de taille variable (3-8 mm), multiples, siégaient avec prédilection au tronc et aux extrémités.

Cet effet sur l’angiogenèse pourrait être indirectement lié à une augmentation de la synthèse épidermique d’interleukine-1 (IL1).

* Phénomène de Raynaud et nécrose digitale :

La survenue d’un phénomène de Raynaud induit par l’IFN-a a été rapportée avec une fréquence variant entre 1 et 52 % au cours d’études rétrospectives.

Cette réaction survenait sans prédominance d’âge ou de sexe, que le mode d’injection soit souscutané ou intramusculaire.

En revanche, elle est mentionnée avec prédilection au cours du traitement de la leucémie myéloïde chronique.

Le délai d’apparition était variable, de quelques semaines à plusieurs années, et la réversibilité habituelle en quelques semaines.

Des complications à type de troubles trophiques, nécroses digitales parfois sévères étaient rarement présentes. L’atteinte était parfois réversible sans arrêt de l’interféron ni modification posologique, par simple adjonction d’un inhibiteur calcique.

Plusieurs mécanismes pathogéniques étaient invoqués : révélation d’un état procoagulant, hypercoagulabilité induite, production d’anticorps anticardiolipides, toxicité directe de l’IFN sur l’endothélium vasculaire.

* Acrocyanose :

La survenue d’acrocyanose au cours du traitement du mycosis fungoïde par IFN-a-2a a été récemment décrite.

L’apparition était retardée entre 2 et 5 mois après le début du traitement et réversible à l’arrêt.

La reprise du traitement entraînait une récidive 2 mois plus tard.

Déclenchement ou exacerbation de maladies cutanées ou systémiques

De nombreuses affections dysimmunitaires ont été décrites liées au traitement par IFN, que ces affections auto-immunes soient induites ou aggravées.

Elles sont essentiellement thyroïdiennes (hypothyroïdie, maladie de Basedow).

Le déclenchement ou l’exacerbation de maladies cutanées dites auto-immunes ou de manifestations cutanées de maladies systémiques, fait l’objet de nombreuses publications ponctuelles plus ou moins documentées et d’interprétation parfois discutable.

Le caractère induit n’est pas toujours aisé à prouver dans la mesure où l’affection auto-immune, une fois apparue, peut évoluer de façon autonome de nombreux mois, voire années malgré l’arrêt de l’IFN.

Par ailleurs, les affections traitées, telles que l’hépatite virale chronique C, peuvent elle-mêmes être responsables ou associées avec prédilection à des maladies dites à caractère auto-immun (lichen, vasculites…).

* Psoriasis :

Une trentaine d’observations de psoriasis induits ou aggravés (80 %) par les IFN-a, b ou c sont recensées dans la littérature, mais leur fréquence est probablement sous-estimée.

Il n’existe pas de prédominance d’âge, mais le sexe masculin est touché avec prédilection.

Les doses et les rythmes d’administration sont variables mais la posologie est la plupart du temps supérieure à 3 MU trois fois par semaine, le plus souvent au cours du traitement d’affections malignes.

Le délai d’apparition est plus long chez les patients jusqu’alors indemnes de cette affection, 5 mois en moyenne, que chez ceux ayant des antécédents connus de psoriasis (2 semaines).

Diverses formes de psoriasis ont été décrites : vulgaire, pustuleux, éythrodermique, avec atteinte rhumatismale.

Les lésions psoriasiques débutent le plus souvent aux sites d’injection, peut être favorisées par un phénomène de Koebner, puis s’étendent ultérieurement aux localisations habituelles de psoriasis.

Le traitement est symptomatique (dermocorticoïdes, calcipotriol) et a pu faire appel dans un cas à l’acitrétine, malgré le risque potentiel de toxicité hépatique.

L’arrêt de l’IFN permet une amélioration constante en quelques semaines avec des rémissions parfois complètes.

La réintroduction de l’IFN s’accompagne presque constamment d’une rechute.

Les mécanismes physiopathogéniques incriminés restent hypothétiques : induction directe ou indirecte (par le biais de sécrétion d’IL1) d’une hyperprolifération kératinocytaire ; activation des lymphocytes T helper par expression des antigènes majeurs d’histocompatibilité…

* Lichen :

Le déclenchement ou l’exacerbation d’un lichen au cours du traitement par IFN-a a été rapporté avec une prévalence variant de 0,12 à 2,5 % au cours du traitement de l’infection chronique au virus de l’hépatite C (VHC).

La possibilité d’une association infection VHC/lichen révélée par l’IFN-a n’est pas exclue.

Paradoxalement, deux observations de rémission de lichen au cours du traitement par IFN-a d’une infection chronique à VHC ont été rapportées.

Les lésions lichéniennes apparaissaient dans un délai variant de 1 semaine à 8 mois après le début du traitement.

Les lésions muqueuses orales étaient constamment présentes, leucoplasiques réticulées et érosives.

Une atteinte oculaire ou génitale était parfois associée.

Dans la majorité des observations rapportées, la sévérité des érosions orales imposait l’arrêt du traitement, permettant une régression spontanée des symptômes ou avec corticothérapie générale en moins de 1 mois.

La réintroduction du traitement pouvait s’accompagner d’une récidive.

Le mécanisme physiopathogénique reste mal compris : épidermotropisme des lymphocytes T par induction de production d’IFN-c, expression d’antigènes kératinocytaires human leucocyte antigen (HLA)-DR ?

* Maladies bulleuses auto-immunes :

La survenue de maladies bulleuses auto-immunes au cours de traitement par IFN-a ou b a été rapportée de façon exceptionnelle, à type de pemphigus (d’étiologie paranéoplasique possible), de pemphigus foliacé ou de pemphigoïde/pemphigus.

In vivo, de faibles doses d’IFN-a sur une durée inférieure à 6 mois peuvent induire la production d’autoanticorps de type IgG dirigés contre divers antigènes épidermiques (dont la desmogléine-1) suggérant le rôle causal de l’IFN-a.

* Pelade :

Une observation de pelade survenue 7 mois après l’instauration d’un traitement par IFN-a d’une hépatite chronique virale C a été publiée. Une repousse quasi complète et spontanée des cheveux était notée 7 mois après l’arrêt du traitement.

* Vitiligo :

La survenue d’un vitiligo au cours du traitement par IFN-a et c de mélanome cutané métastatique et de l’infection virale chronique à HCV a été rarement mentionnée.

Le délai d’apparition était de 1 à 2 mois après l’instauration du traitement.

Une régression progressive des lésions était notée à l’arrêt du traitement.

Dans certains cas, la possibilité d’une association spontanée vitiligo/mélanome (jusqu’à 4 %) n’était pas exclue.

* Sarcoïdose systémique :

Plus d’une vingtaine d’observations de sarcoïdoses systémiques, essentiellement pulmonaires et cutanées induites par l’IFN ont été rapportées.

Elles étaient majoritairement liées au type a au cours du traitement de l’hépatite chronique virale C, plus rarement à la forme b.

L’atteinte cutanée à type de papules, de nodules était présente dans 68 % des cas, sensiblement supérieure à la prévalence habituelle de l’atteinte cutanée au cours de cette affection (20-35 %).

Le délai moyen d’apparition variait de 15 jours à 18 mois, avec de fortes disparités liées à des présentations cliniques atypiques (absence de signes cutanés ou respiratoires patents). Un effet dosedépendant était parfois constaté.

L’hétérogénéité des critères de guérison ou d’amélioration utilisés par les différents auteurs (diminution progressive des doses, interruption du traitement, administration de corticoïdes) ne permet pas de dégager une durée d’évolution pour l’ensemble des observations rapportées.

De nombreuses hypothèses physiopathogéniques ont été invoquées : modification du profil sécrétoire des lymphocytes Th2 au profit des Th1 ; augmentation de l’activité macrophagique ; augmentation de l’expression des antigènes HLA de classes 1 et 2.

* Lupus érythémateux systémique :

Le déclenchement de lupus érythémateux systémique par IFN a été décrit dans une dizaine d’observations, avec des délais d’apparition variant de 1 mois à 3 ans.

Les lésions cutanées étaient notées dans plus d’un cas sur deux, à type de lupus aigu du visage, de photosensibilité, d’alopécie, d’érosions muqueuses buccales.

L’aggravation sévère de lésions cutanées lupiques a été également notée.

L’arrêt de l’IFN et une corticothérapie générale permettait l’amendement des lésions.

Dans un cas, la réintroduction de l’IFN entraînait une récidive des symptômes.

* Affections diverses :

Des observations de maladie de Behçet, de syndrome de Reiter incomplet déclenchés par l’IFN-a sont restées isolées depuis.

B – INTERLEUKINE 2 :

Principal facteur d’activation des lymphocytes T et tueurs, l’IL 2 est utilisé dans de nombreux cancers solides (rein, ovaire, mélanome, etc).

Sa toxicité générale, directement associée à ce mécanisme de stimulation immune, est liée principalement au risque parfois gravissime de syndrome de fuite capillaire (76 à 100 %) lors des administrations intraveineuses.

Il se caractérise sur le plan cutané par un oedème diffus associé à un érythème maculeux fébrile accompagné de prurit ou de sensations de brûlures.

Il débute le plus souvent sur le visage 24 à 72 heures après le début du traitement.

Il s’efface 48 heures après l’arrêt du produit, suivi d’une desquamation plus tardive, notamment en « doigt de gant » analogue à celle de la scarlatine et du syndrome de choc toxique.

Cette éruption est en fait souvent modérée, mais certains patients développent des tableaux plus graves avec érythrodermie, bulles et nécroses.

Plus rarement ont été notées des maladies bulleuses pouvant ressembler à un syndrome de Lyell ou entrer dans le cadre d’un pemphigus vulgaire ou d’une dermatose à IgA linéaires.

Des sepsis au niveau des orifices de pénétration des cathéters centraux, révélés par une desquamation périorificielle ont pu être notés. Un prurit isolé est fréquent.

Des stomatites aphtoïdes, des mucites, des glossites ont été rapportées de façon non exceptionnelle.

Plus rarement sont signalés des effluviums télogènes, des bouffées vasomotrices, des érosions cutanées multiples, un cas d’érythème noueux, des érythrodermies.

Les observations de maladies cutanées auto-immunes ou « apparentées » sont rares, malgré l’effet immunostimulant très puissant de la molécule : vitiligo, notamment autour des métastases cutanées de mélanome, alors de bon augure concernant la réponse tumorale, pemphigus vulgaire, exacerbation d’un psoriasis, dermatose à IgA linéaire et dermatomyosite.

Enfin, signalons que 25 % des patients recevant l’IL 2 par voie artérielle ont une hypersensibilité lors des injections d’iode pour des raisons encore obscures.

C – FACTEURS DE CROISSANCE HÉMATOPOÏÉTIQUES : G-CSF, GM-CSF

Les facteurs de croissance hématopoïétiques permettent de corriger de façon efficace les neutropénies induites par les cytotoxiques : granulocyte-colony stimulating factor (G-CSF) pour les polynucléaires neutrophiles et granulocyte macrophage-colony stimulating factor (GMCSF) pour le précurseur commun des macrophages et des polynucléaires. Ils autorisent ainsi l’emploi de doses plus importantes et donc plus efficaces dans le traitement des hémopathies malignes, mais aussi de certaines tumeurs solides.

Leur utilisation permet par ailleurs de stimuler le passage, après chimiothérapie, des cellules souches pluripotentes dans la circulation, cellules qui seront alors recueillies et utilisées comme greffon pour les greffes de moelle après intensification thérapeutique.

Certaines neutropénies chroniques sont aussi améliorées par ces facteurs, notamment dans les syndromes myélodysplasiques.

1- « Granulocyte-colony stimulating factor » :

Ces effets secondaires cutanés sont dominés par la possibilité, quoique inhabituelle, de survenue de dermatoses neutrophiliques à type de syndrome de Sweet, plus rarement à type de pyoderma gangrenosum, de folliculite ou de panniculite neutrophilique.

Le délai de survenue des lésions cutanées après l’initiation du traitement variait de 3 à 15 jours dans la plupart des cas.

L’éruption, constamment fébrile, se caractérisait par des plaques, des nodules érythémateux ou des vésiculobulles, localisées avec prédilection sur les extrémités, le visage et le cou.

Une récidive pouvait s’observer en cas de réintroduction ultérieure du traitement.

Cet effet secondaire s’explique par une probable stimulation des fonctions et du nombre absolu de polynucléaires neutrophiles circulants, combinée à un syndrome de récupération neutrophilique tel qu’on peut l’observer au début de la sortie d’aplasie dans les hémopathies malignes, mais aussi dans certaines myélodysplasies avec neutropénie variable.

Les autres réactions cutanées rapportées au G-CSF sont le plus souvent peu sévères : érythème, dermite lichénoïde ou prurit au site d’injection, érythème maculopapuleux généralisé et transitoire, vasculite nécrosante, exacerbation d’acné ou de psoriasis, thrombophlébite après injection intraveineuse, flush du visage, panniculite thrombosante, voire exceptionnels cas d’anaphylaxie.

2- « Granulocyte macrophage-colony stimulating factor » :

Il est responsable d’effets secondaires cutanés plus fréquents : réaction inflammatoire, pustuleuse ou nécrotique aux points d’injection (jusqu’à 25 % des cas), rash généralisé peu spécifique parfois érythrodermique, éruption disséminée faite de papules riches en macrophages, folliculite aseptique, alopécie, flush, pyoderma gangrenosum bulleux, exacerbation de vascularites, syndromes de fuite capillaire, épidermolyse bulleuse acquise séronégative.

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