Dystrophies musculaires congénitales

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Introduction :

Les dystrophies musculaires congénitales (DMC) constituent un groupe très hétérogène de maladies musculaires à révélation précoce, transmises habituellement selon un mode autosomique récessif.

Le seul élément commun à toutes ces formes est l’aspect morphologique des lésions musculaires en histologie classique, avec un aspect « dystrophique » non spécifique.

Dystrophies musculaires congénitalesLes critères diagnostiques ont été l’objet de nombreuses discussions récentes : ceux retenus à Baarn par un groupe d’experts en 1993 restent d’actualité. Autrefois basée sur des critères uniquement anatomocliniques, la classification des DMC repose désormais aussi sur des critères immunocytochimiques et sur la biologie moléculaire.

C’est en 1994 que Tomé et al ont démontré que la mérosine (ou alpha2 laminine), une des protéines de la matrice extracellulaire du muscle, était absente dans près de la moitié des cas de DMC.

Ceci fut largement confirmé par la suite et corroboré par la biologie moléculaire, avec une liaison en 6q2 démontrée dans ces formes.

Au stade actuel de nos connaissances, il est devenu habituel de classer les DMC en fonction de l’existence ou non d’une absence, totale ou partielle, primitive ou secondaire, de cette protéine.

Dystrophies musculaires congénitales mérosine négatives :

A – DMC AVEC DÉFICIT COMPLET EN MÉROSINE LIÉ AU CHROMOSOME 6 :

Elles correspondent à la forme la plus répandue des DMC, représentant 40 à 50 % des cas.

1- Biochimie et immunocytochimie :

La laminine est une glycoprotéine.

Elle est un constituant essentiel des membranes basales.

Chaque molécule est un hétérotrimère composé de trois chaînes, a, b et c.

Elle a une forme de croix formée de trois bras courts appartenant à chacune des chaînes, et un bras long constitué par l’assemblage des trois chaînes.

Ces combinaisons peuvent varier.

On connaît actuellement 11 isoformes de ce trimère.

L’alpha2 laminine, ou mérosine, forme avec les chaînes bêta1 et c1 la laminine 2, qui constitue la laminine spécifique des membranes basales du muscle squelettique humain, avec un réseau qui se connecte aux fibres collagènes IV.

Les laminines interviennent dans l’adhésion, la différenciation, la croissance, la forme, la migration des cellules.

Elles interviennent dans la myogenèse, en stabilisant en particulier les myotubes.

Les interactions cellulaires sont médiées par des récepteurs, notamment l’intégrine, et aussi l’adystroglycane, un des composants du complexe des protéines liées à la dystrophine.

Dans les DMC avec déficit en mérosine, les études immunocytochimiques par anticorps spécifiques confirment l’absence de marquage, totale ou partielle.

Il est nécessaire de recourir non seulement aux anticorps spécifiques dirigés contre le fragment 80 kDa de la molécule, mais aussi à ceux dirigés contre le fragment 300 kDa, dont l’absence peut être le seul marqueur de la maladie en cas de déficit partiel en mérosine.

Des anomalies associées des autres protéines de membrane peuvent se voir : déficit en intégrine alpha7bêta1, ou en laminine bêta2.

Le gène défectif responsable du déficit a été localisé dans la région 16cM du chromosome 6q2.

Des études ultérieures ont permis d’affiner cette localisation (3cM ).

Le gène codant pour la laminine alpha2 contient 64 exons.

Il est formé de plus de 260 000 paires de bases. Son acide désoxyribonucléique cyclique (ADNc) est d’environ 9,5 kb.

La mutation du gène laminine peut aboutir à des déficits complets en mérosine et aussi à des déficits partiels.

Il en résulte la formation d’une protéine tronquée qui n’est que partiellement fonctionnelle, et ceci à des degrés variables, ce qui explique l’extrême variabilité phénotypique.

2- Aspects cliniques :

Ce groupe de patients cliniquement très homogène correspond aux formes classiques sévères de DMC : hypotonie néonatale constante très marquée ; rétractions tendineuses et blocages articulaires précoces avec parfois syndrome arthrogryposique ; retard important des acquisitions motrices (station assise sans appui entre 9 mois et 3 ans, sans possibilité ultérieure de marche autonome) ; amyotrophie et faiblesse musculaires diffuses prédominant en proximal, avec aréflexie ostéotendineuse.

L’atteinte musculaire épargne les muscles oculomoteurs mais touche les muscles faciaux, cervicaux et scapulaires.

Une insuffisance respiratoire précoce est fréquente ; jusqu’à 30 % des enfants peuvent décéder pour ce motif dès la première année de vie.

L’évolution est particulière. Initialement, on observe une progression lente des acquisitions motrices, concernant notamment le tonus axial et les membres supérieurs, mais par la suite, les raideurs articulaires s’accentuent avec flessum de hanches et de genoux, aggravant l’amyotrophie et interdisant l’autonomie motrice.

Les complications orthopédiques surviennent tôt ou tard : déformations des pieds, en varus le plus souvent ; luxation de hanche ; scoliose, dorsale ou dorsolombaire, remplacée parfois par un enraidissement rachidien à prédominance cervicale, avec limitation de la flexion du cou et tendance à l’hyperextension ; dos creux avec scoliose lombaire.

Les anomalies orthodontiques sont précoces : béance antérieure, troubles de l’articulé postérieur, macroglossie.

Elles gênent phonation et mastication. Difficultés de déglutition et reflux gastro-oesophagien peuvent aller en s’aggravant avec l’âge et constituer un problème majeur au quotidien.

Contrastant avec la sévérité de l’atteinte musculaire, le développement intellectuel est le plus souvent normal.

Une déficience mentale légère n’est cependant pas rare, isolée ou associée à une épilepsie.

L’incidence de ces deux pathologies varie de 10 à 20 % des cas . Il ne semble pas exister de trouble cognitif spécifique dont l’incidence soit particulièrement élevée.

3- Explorations complémentaires :

Les créatine-kinases (CK) sont élevées dans le jeune âge (entre 1 000 et 5 000 UI/mL en général), mais diminuent en cours d’évolution.

L’électromyogramme a surtout l’intérêt d’éliminer une affection de la corne antérieure.

En fait, c’est la biopsie musculaire qui est le temps essentiel du diagnostic, avec des lésions dystrophiques qui peuvent ne pas être évidentes lorsque la biopsie est faite les premiers mois de vie, mais qui le deviennent rapidement par la suite (colorations classiques en hématéine-éosine et au trichrome de Masson.

L’étude immunocytochimique est le temps essentiel de l’analyse, confirmant l’absence de mérosine.

Le diagnostic en biologie moléculaire et l’enquête génétique complètent cette approche diagnostique. Parallèlement, les anomalies de la substance blanche cérébrale ont été mises en évidence en imagerie.

Elles sont constantes mais non pathognomoniques de la DMC mérosine négative.

Il est exceptionnel cependant de les observer dans les formes non liées à ce déficit, ou au locus 6q2.

Détectées initialement à partir des résultats du scanner cérébral, elles sont désormais mieux précisées par l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

Elles se traduisent par un hypersignal diffus et intense de la substance blanche hémisphérique cérébrale, sur les séquences pondérées en T2.

L’atteinte est bilatérale, symétrique, respectant en partie les zones occipitales.

Plus rarement, les lésions peuvent se focaliser ou être moins intenses.

Elles épargnent le corps calleux et le tronc cérébral. Elles peuvent manquer chez le jeune nourrisson, mais elles deviennent rapidement patentes, 6 à 12 mois après la naissance.

Elles augmentent d’intensité jusqu’à l’âge de 2 ans, avec une atteinte encore plus marquée des fibres U, mais elles paraissent stables par la suite. Leur mécanisme n’est pas connu.

Bien que cliniquement latente, il existe également une atteinte nerveuse périphérique marquée par des anomalies des potentiels évoqués sensitifs et somesthésiques et, à un degré moindre, des potentiels évoqués visuels et de l’électrorétinogramme. Malgré cela, les fonctions visuelles sont normales.

Il existe une réduction des vitesses de conduction nerveuse motrice, témoignant d’une neuropathie démyélinisante, avec vitesses de conduction sensitive normales.

4- Formes avec troubles de l’organogenèse cérébrale :

Il peut exister, rarement, des anomalies structurales cérébrales associées aux anomalies de la substance blanche.

Elles peuvent être de deux types.

* Formes avec agyrie occipitale :

Il existe dans ce cas un aspect d’agyrie-pachygyrie postérieure, le reste de la gyration étant normal.

On retrouve associés : une dilatation des cornes occipitales des ventricules latéraux, des hypersignaux multifocaux ou diffus de la substance blanche en T2, une hypoplasie protubérantielle et une hypoplasie vermienne.

Des aires plus étendues de polymicrogyrie, mais toujours avec prédominance postérieure, ont également été décrites.

Ces observations peuvent être rangées ici, compte tenu de la clinique superposable à celle d’une forme sévère de DMC mérosine négative.

Néanmoins, les résultats des analyses immunocytochimiques du muscle donnent des résultats variables : la mérosine peut être absente, ou parfois seulement diminuée, ou même normale.

Les résultats de son étude peuvent varier au sein d’une même fratrie.

Il est possible qu’il s’agisse là d’une forme particulière de DMC avec anomalie du développement cérébral.

Il peut ne pas exister de signe de dysfonctionnement du système nerveux central, mais il y a dans certains cas une déficience mentale et/ou une épilepsie associées, qui peuvent même revêtir l’aspect de spasmes infantiles.

* DMC mérosine négatives avec hypoplasie ou atrophie cérébelleuse :

Il s’agit en général d’une découverte de l’imagerie.

Une déficience mentale et une épilepsie sont fréquemment associées.

Les autres signes sont ceux habituellement rencontrés dans les DMC mérosine négatives.

Toutefois, là aussi, ce groupe est hétérogène car certaines formes ne sont pas liées au chromosome 6. L’aspect en imagerie de la substance blanche peut être normal, comme le marquage de la mérosine.

5- Études anatomiques du système nerveux central :

Deux cas seulement ont été rapportés.

Chez le premier, il a été mis en évidence un aspect de spongiose de la substance blanche, avec angiogenèse marquée, sans signe de démyélinisation ou de surcharge, sans anomalie de la gyration.

Le diagnostic de DMC avec déficit en mérosine a été porté beaucoup plus tard chez le frère de cette patiente, chez qui l’étude n’avait pu être faite à l’époque.

Le second cas n’appartient pas aux formes mérosine négatives « pures ».

Il s’agit d’un cas avec polymicrogyrie-agyrie occipitale, associée à une hypoplasie du vermis inférieur et à une hydrocéphalie.

Il n’y a pas d’anomalie identifiable anatomiquement au niveau de la substance blanche (mais l’étude a été faite à l’âge de 4 mois).

La mérosine musculaire est absente en immunocytochimie et en western blot.

Elle est absente au niveau de la pie-mère.

6- Diagnostic prénatal :

La mérosine est normalement présente non seulement dans le muscle squelettique, mais aussi dans la membrane basale de la peau, à la jonction du derme et de l’épiderme, au niveau des cellules épithéliales des follicules pileux, des fibroblastes, des cellules de Schwann, des nerfs sensitifs et moteurs.

Le diagnostic prénatal est possible par l’étude immunocytochimique du trophoblaste, couplée à l’étude en biologie moléculaire.

Les investigations réalisées jusqu’ici ont toujours permis un diagnostic correct chez le foetus à risque.

B – DMC AVEC DÉFICITS PRIMITIFS PARTIELS EN MÉROSINE, LIÉS AU CHROMOSOME 6 :

En 1997, Sewry et al ont identifié (en couplant, sur le plan immunocytochimique, une étude avec l’anticorps du commerce reconnaissant le fragment C terminal de 80 kDa à celle d’un anticorps reconnaissant le fragment 300 kDa), une forme particulière de déficit en mérosine, où il reste une réduction légère ou une normalité du premier et une réduction marquée du second.

Il s’agit là aussi d’un déficit lié au locus LAMA 2 sur le chromosome 6, aboutissant à la formation d’une protéine tronquée incapable d’assurer le fonctionnement normal du sarcolemme.

Le phénotype clinique de ces formes est très variable : certains enfants ont des manifestations cliniques précoces sévères analogues aux formes avec déficit complet.

Toutefois, la plupart des patients sont atteints d’une forme atténuée et acquièrent l’autonomie motrice.

L’aspect réalisé peut être celui d’une dystrophie des ceintures à début postpédiatrique.

Ces patients, malgré des manifestations cliniques atténuées, ont les mêmes anomalies en imagerie cérébrale et présentent également une atteinte infraclinique du système nerveux périphérique. Une épilepsie peut s’observer, avec une révélation qui peut être tardive.

C – DÉFICITS SECONDAIRES EN MÉROSINE, NON LIÉS AU CHROMOSOME 6 :

Il s’agit le plus souvent de déficits partiels.

Par technique immunocytochimique et/ou par western blot, un tel déficit partiel a pu être mis en évidence dans la DMC de Fukuyama (DMCF), dans le muscle-eye and brain syndrome (MEB syndrome de Santavuori), et dans le syndrome de Walker-Warburg.

Dans ces cas, le taux de mérosine peut être réduit jusqu’à 10 à 20 % de la normale.

Des cas isolés de déficit partiel en mérosine ou d’anomalies de la substance blanche cérébrale en imagerie ont également été rapportés, sans liaison démontrée avec le gène LAMA 2 ou celui de la DMCF.

Il s’agit là de formes en attente de classification, très polymorphes sur le plan clinique. Une déficience mentale sévère peut exister, comme une épilepsie.

L’imagerie cérébrale peut être normale ou révéler des anomalies diverses : hypersignal de la substance blanche cérébrale, hypoplasie ou atrophie du cervelet.

Le début peut être précoce, analogue aux formes classiques avec déficit complet, mais aussi beaucoup plus tardif, à l’âge adulte.

Les CK sont élevées, le muscle est histologiquement dystrophique.

Dystrophies musculaires congénitales mérosine positives :

Elles constituent un groupement très hétérogène de cas où, contrairement à ce qui a été vu précédemment, le marquage de la mérosine en immunocytochimie est normal.

Divers syndromes sont actuellement autonomisés, selon les résultats de la biologie moléculaire, la clinique, ou les anomalies associées, du système nerveux central en particulier.

Généralement, le tableau clinique est moins sévère que dans les formes mérosine négatives, mais l’hétérogénéité clinique est très importante.

Il existe une corrélation assez étroite entre le degré de sévérité clinique et l’intensité des signes dystrophiques anatomiques.

A – DMC MÉROSINE POSITIVES AVEC LIAISON GÉNIQUE DÉMONTRÉE (SANS ATTEINTE DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL) :

Leur nombre va croissant désormais.

1- Formes liées au chromosome 1p35.36 :

Cinq patients issus de trois familles ont été identifiés initialement, avec un tableau clinique comparable à celui du rigid spine syndrome décrit par Dubowitz en 1973.

Le début est tardif, avec limitation progressive de la flexion du cou et du tronc, atteinte des muscles axiaux avec respect relatif des muscles des membres, atteinte des muscles de la face.

L’insuffisance respiratoire précoce peut nécessiter une ventilation assistée nocturne.

Il faut cependant noter que dans cette même étude, deux patients avaient un phénotype clinique identique, sans liaison au chromosome 1, suggérant donc une grande hétérogénéité génétique.

Le tableau clinique de rigid spine n’est d’ailleurs pas spécifique, et peut s’observer dans des circonstances très diverses : myopathies congénitales, Emery-Dreyfuss, dystrophie facioscapulaire….

Des données complémentaires concernant la forme liée au 1p35.36 viennent d’être apportées.

Cliniquement, hypotonie et faiblesse musculaire du cou sonst précoces, avec scoliose (vers 5 ans).

Il existe des contractures articulaires, une atrophie musculaire progressive avec enraidissement rachidien, mais les malades restent autonomes sur le plan de la marche.

Le développement intellectuel est normal.

Il n’y a pas d’atteinte cardiaque. Les CK sont peu ou pas élevées.

Anatomiquement, les anomalies sont variables, allant de modifications minimes non spécifiques à des lésions dystrophiques sévères.

2- Forme liée au chromosome 1 mais en 1q42 :

Elle vient d’être isolée dans deux familles.

Un déficit partiel en mérosine y est observé (en immunocytochimie et en immunoblot).

Il existe chez ces enfants une faiblesse musculaire proximale, une hypertrophie musculaire généralisée, un enraidissement rachidien et des rétractions tendineuses, notamment au niveau des tendons d’Achille.

Le risque de détresse respiratoire précoce, liée à une atteinte diaphragmatique, semble être évocatrice de cette forme.

Le niveau intellectuel et l’imagerie cérébrale sont normaux.

3- Autres liaisons :

D’autres liaisons sont actuellement en cours d’étude et permettront de démembrer rapidement le groupe des DMC mérosine positives pour lesquelles on conserve encore, provisoirement, une classification basée sur des caractéristiques cliniques.

B – DMC MÉROSINE POSITIVES EN ATTENTE DE CLASSIFICATION BIOLOGIQUE :

1- Formes sévères :

Le tableau clinique est superposable à celui des formes mérosine négatives, avec hypotonie, déficit musculaire proximal, atrophie musculaire diffuse, syndrome arthrogryposique.

Le retard moteur est très important. Les complications orthopédiques sont précoces.

2- Formes « bénignes » :

Le retard moteur est modéré, l’autonomie motrice acquise mais limitée (course, efforts prolongés, port de charges lourdes sont difficiles ou impossibles).

La faiblesse musculaire proximale s’accompagne souvent d’une amyotrophie diffuse (stick forms).

Elle est non évolutive et s’accompagne de raideurs articulaires modérées, non invalidantes. Une scoliose ou un dos creux, avec ou sans enraidissement rachidien, peuvent s’observer.

L’hypotrophie thoracique entraîne une fragilité respiratoire avec insuffisance respiratoire restrictive progressive.

Le développement intellectuel est normal. Les complications cardiaques sont possibles mais rares, comme l’épilepsie. L’imagerie cérébrale est normale.

3- Syndrome d’Ullrich :

Il est caractérisé par une atteinte dystrophique sévère, avec des rétractions importantes des membres (coudes, épaules, hanches, genoux), contrastant avec une hyperlaxité des extrémités (mains et pieds).

4- Autres formes :

La plupart des formes paraissent stables, notamment lorsque le phénotype clinique est atténué.

À l’opposé, il existe des cas où passé l’âge de 7-8 ans, une progression de l’amyotrophie et des raideurs articulaires est notée, avec complications respiratoires sévères, rapprochant ces formes des dystrophies musculaires progressives.

Certaines formes comportent un ptôsis et une atteinte faciale.

Enfin, si dans la majorité des cas la transmission est autosomique récessive, il est des formes bénignes dont la transmission se fait selon un mode autosomique dominant.

Dans toutes ces formes de DMC mérosine positives, l’examen ophtalmologique est normal. Dans de rares cas, déficience mentale et épilepsie ont été signalées.

Une cardiomyopathie peut s’observer à titre exceptionnel.

Les CK sont parfois élevées mais restent ou deviennent rapidement normales.

L’imagerie cérébrale est le plus souvent normale, ne montrant en particulier aucune anomalie de la substance blanche cérébrale, sauf dans de rares exceptions.

Parfois, une hypoplasie ou une atrophie cérébelleuse, voire une dysplasie corticale occipitale, peuvent constituer une surprise lors de l’IRM, qui doit être systématique.

Dystrophies musculaires congénitales associées à des troubles de l’organogenèse ou de l’histogenèse du système nerveux central (ou syndromes cérébromusculaires) :

A – DMC DE TYPE FUKUYAMA :

Elles sont exceptionnellement rencontrées en dehors du Japon.

Il s’agit d’une affection autosomique récessive dont le gène est localisé en 9q31.33.

Il code pour une protéine de 461 acides aminés, la fukutine, dont le rôle, au niveau de la matrice extracellulaire, n’est pas encore bien connu.

Les anomalies du système nerveux central sont constantes : micropolygyrie, pachygyrie, ou agyrie localisée touchant le cerveau et le cervelet (lissencéphalie de type II) avec absence de lamination neuronale en six couches, adhérences interhémisphériques focalisées, prolifération fibrogliale leptoméningée, dilatation ventriculaire modérée, hypoplasie des tractus corticospinaux.

Il existe en IRM des hypersignaux en T2 de la substance blanche, qui sont transitoires et semblent correspondre à un retard de myélinisation.

On peut observer également une hypoplasie du pont et des kystes cérébelleux, mais le signe le plus constant est la pachygyrie du cortex cérébral.

Les anomalies ophtalmologiques sont peu fréquentes (myopie, nystagmus congénital, cécité, atrophie optique, anomalies de la pupille ou du nerf optique), contrairement aux autres formes de syndromes cérébromusculaires.

Certaines formes, toutefois, se rapprochent du syndrome de Walker-Warburg.

Il existe un gène fondateur au Japon qui explique la fréquence (la deuxième après les dystrophinopathies) de cette affection dans ce pays, avec des études de corrélation génotype-phénotype qui montrent que les formes les plus sévères correspondent à un état d’hétérozygote pour le gène fondateur, associé à un autre point de mutation.

Sur le plan musculaire, outre les signes dystrophiques non spécifiques, on peut observer en immunocytochimie un marquage anormal (secondaire) de la dystrophine et de la spectrine, et aussi une réduction marquée de la mérosine, associée à des modifications plus modérées de la laminine b et c, alors qu’il y a surexpression des chaînes a5.

L’atteinte de la membrane basale semble jouer un rôle fondamental dans la genèse de la dystrophie musculaire et des lésions cérébrales.

B – SYNDROME DE WALKER-WARBURG :

Il est caractérisé par une encéphalopathie grave, révélée dès la période néonatale.

Les signes musculaires sont masqués par les conséquences d’anomalies très sévères du développement cérébral : absence d’éveil, pas de contact oculaire, absence de progression motrice, hypotonie diffuse ou spasticité des membres et hypotonie axiale, hydrocéphalie évolutive…

Les rares enfants qui survivent au-delà de quelques mois ont une encéphalopathie sévère, sans progression motrice ou d’éveil.

L’authentification d’une DMC associée ne peut être apportée que par la biopsie musculaire systématique, parfois orientée par une élévation des CK.

Les points essentiels caractérisant ce syndrome sont les suivants :

– les anomalies oculaires sont constantes et intéressent surtout la rétine, ce qui est une des caractéristiques du syndrome : décollement de rétine, hypoplasie rétinienne, hypoplasie du nerf optique, atrophie optique.

On peut observer également une microphtalmie, un glaucome congénital, des adhérences iridocornéennes, une cataracte, la persistance des vaisseaux foetaux ;

– sur le plan cérébral, les anomalies sont majeures : hydrocéphalie, lissencéphalie de type II ou agyrie-pachygyrie étendue, hypoplasie cérébelleuse, syndrome de Dandy-Walker, agénésie du corps calleux, encéphalocèles postérieures ;

– histologiquement, les lésions musculaires correspondent à une DMC non spécifique.

L’immunomarquage des différentes protéines peut être normal ou révéler des perturbations secondaires diverses (baisse de la bêta2- laminine et des sarcoglycanes notamment).

Le syndrome de Walker-Warburg est une affection autosomique récessive.

Malgré les parentés phénotypes entre DMCF, MEB syndrome et syndrome de Walker-Warburg , il n’existe pas de liaison génétique entre ces affections (9q31.33 pour le DMCF, 1p32.34 pour le MEB syndrome, liaison restant à établir pour le syndrome de Walker-Warburg).

C – SYNDROME MUSCLE-OEIL-CERVEAU DE SANTAVUORI (« MEB SYNDROME ») :

C’est une affection autosomique récessive surtout rencontrée en Finlande, mais susceptible d’être observée dans tous les pays.

Cliniquement, on retrouve une hypotonie à révélation néonatale, des rétractions articulaires fréquentes, un retard psychomoteur important, une déficience mentale, souvent une épilepsie.

Les CK sont élevées, mais elles peuvent être normales.

Sur le plan musculaire, il existe une DMC sans caractéristique spécifique.

L’IRM n’est jamais normale.

Anatomiquement, on retrouve des anomalies assez voisines de celles rencontrées dans le syndrome de Walker-Warburg, mais en règle moins sévères et moins étendues : zones localisées d’agyrie-pachygyrie cérébrale, dysplasie corticale cérébelleuse, hypoplasie du pont…

Les anomalies de la substance blanche sont focalisées.

Elles manquent souvent.

Certains points particuliers caractérisent ce syndrome :

– fréquence d’une hydrocéphalie évolutive (15 des 20 cas de la série personnelle de Santavuori) ;

– constance et caractère particulier des anomalies ophtalmologiques : myopie très sévère surtout, anomalies du développement de la chambre antérieure de l’oeil, glaucome, dystrophie rétinienne, anomalies de la rétine ou du nerf optique…

L’électrorétinogramme est éteint.

Les potentiels évoqués visuels sont anormaux, avec une amplitude très marquée (> 50 mV) très évocatrice pour les auteurs finlandais.

Le gène du MEB vient d’être localisé en 1p32.34.

D – DMC AVEC DYSPLASIE CORTICALE CÉRÉBRALE FOCALISÉE :

Certaines formes de DMC diffèrent des syndromes cérébromusculaires que nous venons de voir par le caractère très focalisé et apparemment isolé des lésions dysplasiques corticales.

C’est le cas de quelques observations de pachygyrie ou agyrie occipitale associée à une DMC.

Nous avons vu précédemment qu’elles pouvaient correspondre à une DMC mérosine négative, mais le marquage de la laminine alpha2 peut être normal dans certains cas.

E – DMC AVEC ATROPHIE CÉRÉBELLEUSE :

Ce sont des DMC où l’association à une atrophie cérébelleuse est la seule anomalie identifiable du système nerveux central.

L’atteinte musculaire ne semble pas très sévère et l’hypotonie, le retard moteur et le handicap ultérieur sont plus liés à l’ataxie congénitale qu’à la maladie musculaire elle-même.

Il existe le plus souvent un déficit intellectuel modéré. Il n’y a pas d’atteinte oculaire, en dehors d’anomalies de l’oculomotricité (lenteur des mouvements oculaires, apraxie oculomotrice).

Les CK sont très élevées. Le muscle est dystrophique, avec une immunocytochimie normale, en particulier pour la dystrophine et la mérosine.

L’IRM cérébrale montre des signes d’atrophie cérébelleuse marquée, souvent associée à un aspect de Dandy-Walker variant et à une hypoplasie du pont.

La gyration du cortex cérébral est normale.

On peut observer un hypersignal en T2 de la substance blanche corticale, limitée aux zones occipitales ou à la substance blanche cérébelleuse.

Il semble s’agir d’une forme originale, autosomique récessive, de DMC mérosine positive, encore que l’atrophie ou l’hypoplasie du cervelet puissent s’observer, comme on l’a vu, aussi bien dans les formes mérosine positives que négatives de DMC.

F – FORMES NON CLASSÉES DE SYNDROMES CÉRÉBROMUSCULAIRES :

Certaines observations, malgré le recours aux techniques d’exploration les plus récentes, restent inclassables.

Ainsi, est souvent retrouvée une DMC sévère avec déficience mentale profonde, épilepsie, absence d’atteinte oculaire, lésions de démyélinisation sévère à l’IRM mais sans troubles de la gyration, sans neuropathie périphérique, coexistant avec une DMC mérosine positive.

Dans d’autres cas, on peut retrouver une encéphalopathie sévère précoce avec tétraplégie spastique, polyneutropathie, microcéphalie sans atteinte oculaire, avec atrophie cérébrale et cérébelleuse diffuse et DMC mérosine positive, différentes de la DMCF et du syndrome deWalker-Warburg.

Ces observations posent le problème des variations phénotypiques que l’on peut rencontrer au sein de chaque maladie, et de l’insuffisance des moyens de diagnostic dont nous disposons à l’heure actuelle, sur le plan immunocytochimique comme dans le domaine de la biologie moléculaire.

Dystrophies musculaires congénitales avec déficience mentale :

Dans une proportion non négligeable de cas, une DMC peut s’associer à une déficience mentale de degré variable, qu’il s’agisse de formes mérosine négatives (rarement) ou positives (le plus souvent), qu’il existe ou non des troubles de l’organogenèse du système nerveux central.

Certes, les techniques actuelles d’imagerie peuvent méconnaître des zones dysplasiques cérébrales, focalisées et de petite taille.

Mais la fréquence de la déficience mentale, même si l’imagerie cérébrale est normale, pose le problème d’un facteur étiologique commun avec la DMC, dans certaines formes du moins.

Il n’existe actuellement aucun marqueur caractérisant cette association.

Il semble exister une forme où la DMC mérosine positive s’associe d’une part à une déficience mentale sévère, d’autre part à une cataracte.

Ces diverses formes obligent dans tous les cas à éliminer une dystrophinopathie à révélation néonatale ou exprimée dès les premiers mois de vie.

Quelques cas en ont été rapportés.

Le tableau clinique peut être tout à fait superposable à celui d’une DMC, et c’est l’étude immunocytochimique systématique de la dystrophine qui permet de les identifier ainsi que la mise en évidence d’une anomalie du gène dystrophine en biologie moléculaire.

Ces formes sont particulières par la constance et la sévérité de la déficience mentale, souvent associées à une épilepsie.

On peut discuter également, à titre exceptionnel, le rôle éventuel d’une myosite anténatale avec atteinte simultanée du système nerveux central, diagnostic difficile à affirmer, en faveur duquel plaident des anomalies qui ne sont retrouvées que les premiers mois de vie, et qui s’estompent par la suite (CK très élevées, lésions inflammatoires en histologie).

C’est une éventualité sans doute exceptionnelle.

L’étude immunocytochimique des antigènes human leukocyte antigen (HLA) de classe I semble très intéressante pour distinguer ces cas.

Conclusion :

La rareté des DMC n’a d’égale que leur diversité physiopathologique et clinique.

Une progression rapide de nos connaissances attendue dans les années à venir viendra sans doute compléter et complexifier la classification proposée ici.

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