Dysplasies et luxations congénitales de hanche

0
5589

Introduction :

Les anomalies de la hanche de l’enfant, regroupées sous les termes de dysplasies et luxations congénitales de hanche, concernent quotidiennement un grand nombre de médecins praticiens, pédiatres, orthopédistes, radiologues et obstétriciens.

Il s’agit d’une pathologie congénitale, c’est-àdire anténatale et l’on distingue habituellement la luxation, la subluxation et la dysplasie.

– La luxation : on dit que la hanche est luxée lorsque la tête fémorale est complètement sortie de la cavité cotyloïdienne.

– La subluxation : la hanche est seulement subluxée lorsque la tête n’est pas normalement située au fond de la cavité cotyloïdienne mais à la fois latéralisée et ascensionnée sans cependant être complètement sortie de l’acétabulum.

– La dysplasie : il est plus difficile de définir la dysplasie de hanche car ce terme est trop souvent utilisé avec des sens différents.

Il s’agit, en réalité, d’un défaut architectural du développement de la hanche, d’expression essentiellement radiologique.

En pratique courante, il semble plus sage d’utiliser le terme de dysplasie dans un sens plus restrictif et de le réserver à la déformation de la cavité cotyloïdienne, dysplasie cotyloïdienne ou dysplasie acétabulaire.

Les problèmes soulevés par le diagnostic de ces anomalies sont actuellement mieux compris, ce qui a permis de diminuer considérablement les cas détectés à (ou après) l’âge de la marche et ainsi d’améliorer très nettement les résultats du traitement.

Cependant, il reste encore un effort important pour abaisser davantage l’âge du dépistage et se rapprocher le plus possible de la période néonatale.

C’est en effet à cet âge que le traitement est le plus simple et donne les meilleurs résultats.

Les travaux sur l’anatomie pathologique, la pathogénie, les techniques d’examen clinique, l’interprétation des radiographies et des échographies permettent une nouvelle approche de la LCH et l’espoir d’une plus grande efficacité du dépistage et d’un traitement mieux adapté.

Dysplasies et luxations congénitales de hanche

La LCH est, en outre, un problème important de santé publique du fait de sa fréquence et de son retentissement physique, psychologique et social.

C’est la raison pour laquelle une brochure, réalisée en 1985 sous l’égide du secrétariat d’État chargé de la Santé, a été mise à la disposition des médecins ainsi que des sages-femmes et des puéricultrices en reprenant l’ensemble des problèmes du dépistage sous l’angle pratique et selon la conception actuelle.

À partir de 1985, le développement rapide de l’échographie de hanche a conduit à préciser la place de cet examen dans le dépistage de la LCH, à l’occasion d’une conférence de consensus organisée en 1991.

Embryologie et anatomie de la hanche :

L’étude du développement normal de la hanche permet de mieux saisir de nombreux aspects de la hanche pathologique.

Toutes les étapes sont à connaître, depuis la période embryonnaire jusqu’à l’adolescence.

En outre, l’importance de l’étude de la vascularisation de l’extrémité supérieure du fémur n’est plus à souligner car elle est au centre des préoccupations thérapeutiques de la LCH.

A – Période embryonnaire :

C’est la période des 2 premiers mois de la vie intra-utérine correspondant à l’organogenèse : c’est donc la période des malformations.

Dans l’embryon de 4 semaines (qui mesure 5 mm) apparaissent les bourgeons des membres inférieurs.

Les cellules mésenchymateuses se multiplient et s’orientent pour dessiner l’ébauche fémorale (tronc de cône) et l’ébauche pelvienne (disque).

Une densification cellulaire signale très tôt l’emplacement de la future articulation de la hanche au sein d’une ébauche commune entre fémur et os iliaque.

C’est vers la fin de la septième semaine (embryon de 22 mm) qu’apparaît la fente articulaire correspondant au début de la séparation des ébauches de la tête fémorale et de l’acétabulum.

Cela résulte à la fois d’un phénomène de dégénérescence cellulaire et des sollicitations mécaniques liées aux premiers mouvements des membres inférieurs.

La cavité articulaire est achevée à la neuvième semaine de la gestation lorsque le foetus mesure 40 mm.Ainsi, tant que la cavité articulaire n’existe pas, il ne peut y avoir de luxation.

Cette fin de la période embryonnaire est également marquée par la transformation du tissu mésenchymateux en tissu cartilagineux cependant que se mettent en place les nerfs, les vaisseaux et les muscles.

B – Période foetale :

L’organogenèse est achevée, la hanche possède tous ses constituants et va passer par la période foetale de son développement.

C’est une phase de maturation et de croissance cartilagineuse.

Le mécanisme de croissance est double :

– la croissance interstitielle : pluridirectionnelle par division cellulaire et accumulation de substance fondamentale.

Cette croissance est exponentielle, très rapide, non spécifique ; elle réalise le programme génétique et produit une structure extrêmement malléable sur laquelle les forces mécaniques auront de plus en plus d’action au fur et à mesure que l’organisme augmente de volume, met en place sa motricité et son activité physique.

La croissance interstitielle persiste après la naissance et chez l’enfant mais sa vitesse diminue considérablement.

Elle se superpose ensuite à la croissance sériée ;

– la croissance sériée : c’est aux extrémités de chaque pièce diaphysaire ossifiée que se mettent en place les plaques conjugales, lieux de la croissance sériée, qui réalisent un double phénomène : croissance axiale et partiellement transversale au sein du cartilage (par augmentation de volume et de longueur) puis résorption du cartilage et construction du tissu osseux qui fige le produit de la croissance cartilagineuse.

La croissance sériée est d’apparition secondaire. Sa vitesse diminue progressivement avec l’âge.

Elle est beaucoup moins malléable que la croissance interstitielle.

Durant le troisième mois, les artères centrales des maquettes cartilagineuses induisent un mécanisme de calcification puis d’ossification qui aboutit à l’apparition des noyaux osseux primitifs (de type diaphysaire) : du côté fémoral, le noyau primitif de la diaphyse fémorale et du côté pelvien, les noyaux primitifs des trois constituants de l’os iliaque, l’ilion, l’ischion et le pubis.

C’est à l’union de ces trois pièces que se situe le cotyle, et plus particulièrement, le futur cartilage en Y.

À partir du cinquième mois, la hanche du foetus poursuit sa croissance globale qui fait passer le diamètre de la tête fémorale de 7 mm à 5 mois à 12 mm à la naissance.

Le col du fémur reste très court et trapu alors que le grand trochanter est particulièrement développé.

La cavité cotyloïdienne, qui engainait complètement la tête fémorale au quatrième mois, laisse apparaître un découvert partiel : la profondeur du cotyle diminue en effet dans les derniers mois de la vie intra-utérine.

C – À la naissance :

Même si la cavité cotyloïdienne est relativement peu profonde, elle représente quand même une demi-sphère et la hanche demeure parfaitement stable et non dislocable, même par des manoeuvres de force qui engendreraient un décollement épiphysaire supérieur du fémur et non une luxation.

La capsule articulaire forme un manchon très résistant et particulièrement épais en avant où il est renforcé par le ligament de Bertin.

Même après ablation de la capsule, la tête fémorale tient bien dans la cavité cotyloïdienne et il faut exercer une certaine force pour la luxer hors du cotyle avec un effet de succion lié à la pression négative à l’intérieur de la hanche.

Le pourtour du cotyle est représenté par le bord saillant du limbus qui enserre solidement la tête fémorale.

Du côté fémoral, le col très court supporte la tête qui n’est pas parfaitement sphérique.

L’angle cervicodiaphysaire est de l’ordre de 135 à 145°.

La torsion fémorale qui oriente vers l’avant l’extrémité supérieure du fémur (improprement dénommée antéversion du col) est habituellement de 25 à 30° chez le nouveau-né.

Avant la naissance, le fémur est hyperfléchi sur le bassin, et du fait de l’antétorsion fémorale, la tête regarde légèrement vers l’arrière et se trouve donc parfaitement orientée vers le fond du cotyle qui, lui, est un peu antéversé.

En revanche, si le fémur est en rotation externe ou présente une antétorsion fémorale importante, la tête regarde directement en arrière au contact du rebord postérieur de l’acétabulum et de la capsule.

Les changements qui vont se produire au moment de la naissance et peu après concernent :

– des modifications hormonales avec imprégnation estrogénique du foetus, génératrice de laxité ligamentaire et capsulaire diffuse pouvant jouer un rôle dans le déterminisme d’une instabilité de hanche.

En fait, des travaux plus récents n’ont pas confirmé cette hypothèse ;

– la déflexion de la hanche, qui a été autrefois incriminée comme mécanisme luxant, ne présente en fait aucun danger si elle se fait naturellement ;

– la liberté de mouvement de l’enfant après la naissance contraste avantageusement avec la gêne à la motricité occasionnée par les contraintes intra-utérines.

Ainsi, les mouvements qui étaient ralentis, voire bloqués à la fin de la grossesse et pendant l’engagement, sont libérés et permettent un remodelage harmonieux du cotyle cartilagineux et de la tête fémorale.

D – De la naissance à 1 an :

On observe deux modifications dans l’architecture de la hanche :

– l’allongement du col fémoral, phénomène important car il éloigne le grand trochanter du bassin et améliore le bras de levier des muscles fessiers ;

– la diminution de l’antétorsion fémorale qui passe progressivement de 30° à une dizaine de degrés.

La maturation osseuse progresse considérablement pendant cette période, ce qui se traduit par des changements progressifs dans l’image radiographique :

– l’apparition du noyau d’ossification fémoral supérieur à un âge très variable, souvent entre 3 et 6 mois mais parfois plus tôt ou plus tard (jusqu’à 1 an), sans qu’il y ait d’anomalies véritables ;

– les modifications de l’image cotyloïdienne et plus particulièrement la partie inférieure de l’ilion dont la pente (angle acétabulaire), mesurée avec tant de minutie chez le nouveau-né et le nourrisson, n’a souvent pas d’autre signification qu’un degré de maturation très variable.

E – De l’âge de la marche à l’adolescence :

La hanche poursuit régulièrement sa croissance avec cependant une phase de développement préférentiel du cotyle vers l’âge de 3 à 5 ans en ce qui concerne la maturation osseuse radiologique.

Au début de la puberté s’achève la croissance de la hanche avec l’apparition et la soudure de points d’ossification complémentaire, dans le cartilage en Y ainsi que dans le bord externe du toit du cotyle.

Un défaut de couverture, un cotyle court peuvent apparaître à cet âge sur une hanche qui pouvait paraître normale au préalable.

La maturation définitive correspond à la fusion de tous les cartilages de croissance : cartilage en Y, cartilage sous-capital, cartilage trochantérien.

Les paramètres de la hanche adulte sont alors établis de manière définitive : c’est à cette période seulement que l’on peut évaluer réellement le résultat d’un traitement de luxation ou de dysplasie de hanche.

F – Vascularisation de l’extrémité supérieure du fémur :

Elle est importante à considérer car elle détient la vitalité de la tête fémorale et des zones de croissance.

Le pédicule circonflexe antérieur se destine au massif trochantérien alors que l’artère circonflexe postérieure va irriguer l’épiphyse fémorale, la plaque conjugale et une grande partie de la métaphyse.

L’artère circonflexe postérieure passe entre le tendon du psoas et le muscle pectiné avant d’aborder la face inférieure de la capsule articulaire à la base du col.

Elle se dirige en arrière puis remonte à la face postérieure du col fémoral puis à sa face supérieure où elle s’anastomose avec une branche de l’artère circonflexe antérieure avec laquelle elle forme un anneau artériel extracapsulaire.

De cet anneau partent des artères cervicales qui perforent la capsule pour circuler sous la synoviale à la surface du col fémoral et qui donnent des branches à destinée métaphysaire et d’autres à destinée épiphysaire.

Les principales artères nourricières de l’épiphyse sont situées au bord supérieur et au bord inférieur du col : le pédicule supérieur est le plus important mais le pédicule inférieur irrigue quand même le quart inférieur de l’épiphyse.

Quant à l’artère du ligament rond, sa taille est variable et la plupart du temps elle n’irrigue qu’une portion négligeable de l’épiphyse.

Le cartilage de croissance sous-capital est vascularisé sur son versant supérieur par les vaisseaux épiphysaires et sur son versant inférieur par les vaisseaux métaphysaires.

Quel que soit l’âge de l’enfant, le cartilage de croissance constitue une barrière absolue entre ces deux vascularisations.

Plusieurs mécanismes de compression ou d’étirement des vaisseaux nourriciers ont été décrits à l’origine de l’ostéochondrite postréductionnelle ou nécrose avasculaire de l’éphiphyse après un traitement en abduction forcée ou en rotation interne forcée ou dans une position plus banale mais chez un enfant qui lutte contre l’appareillage.

C’est déjà insister sur la nécessité d’une douceur et d’une progressivité dans la mise en route d’un traitement postural.

C’est également rappeler que le risque vasculaire iatrogène existe pour toute hanche pathologique mais également pour une hanche saine.

Anatomie pathologique :

L’anatomie pathologique doit être étudiée séparément chez le foetus et le nouveau-né d’une part, et chez l’enfant d’autre part.

A – Chez le foetus et le nouveau-né :

Dans un travail publié en 1982, à l’occasion de la dissection d’un bassin de nouveau-né porteur d’une LCH bilatérale, nous avons revu avec un oeil critique l’ensemble des publications de la littérature.

On peut distinguer trois catégories de hanches pathologiques à la naissance.

1- Hanches luxées et subluxées :

Elles comportent un déplacement de la tête fémorale par rapport au cotyle.

La plupart de ces hanches présentent une limitation de l’abduction et une instabilité.

Certaines comportent une étude radiographique et souvent l’aspect de l’ilion est normal (talus normal et angle acétabulaire de valeur normale) car les lésions cotyloïdiennes sont le plus souvent cartilagineuses, les lésions osseuses n’ayant pas encore eu le temps de se constituer.

Sur 153 luxations colligées dans la littérature, il n’y a que deux luxations antérieures.

Toutes les autres sont postérosupérieures ou postérieures pures.

* Étude morphologique :

La capsule est étirée, habituellement dans sa partie postérosupérieure, siège d’une boursouflure, voire d’une véritable poche herniaire formant la chambre de luxation.

Manuellement, la tête fémorale peut être déplacée vers la cavité cotyloïdienne puis reluxée dans la chambre postérieure de luxation expliquant l’instabilité.

– Le ligament rond est souvent allongé, élargi, parfois atrophique, voire absent.

– La cavité cotyloïdienne est constamment déformée, le plus souvent ovalaire avec un grand axe allant du pôle postérosupérieur au pôle antéroinférieur.

Elle est parfois triangulaire et toujours moins profonde que normalement ou même sans profondeur du tout.

De plus, dans les cas les plus sévères, se juxtapose à côté du cotyle un néocotyle dont l’emplacement est postérosupérieur.

Ce néocotyle bien structuré indique que la tête est sortie de sa vraie cavité depuis assez longtemps pour qu’elle ait eu le temps de le creuser.

– Le rebord cotyloïdien ou limbus est parfois absent, le plus souvent déformé soit en dehors (éversé), soit en dedans (inversé) dans son secteur postérosupérieur.

Cette dysplasie acétabulaire reflète le trajet qu’a emprunté la tête fémorale pour sortir du cotyle.

La partie antéro-inférieure du limbus est également souvent déformée et parfois inversée par l’empreinte du psoas, du petit trochanter ou du col fémoral lorsque le fémur est hyperfléchi sur le bassin (dans la position foetale).

– La tête fémorale est le plus souvent un peu aplatie à cause des pressions anormales subies hors de la cavité cotyloïdienne, tantôt sur le rebord de la cavité, tantôt par la pression du ligament rond.

– Le col fémoral a une orientation habituellement normale dans le plan frontal avec la diaphyse : l’angle cervicodiaphysaire est d’environ 140°.

La torsion diaphysaire (communément appelée antéversion du col) est souvent augmentée de façon variable mais elle est parfois normale, voire diminuée (rétroversion).

* Étude dynamique de l’instabilité (observation personnelle) :

Cette étude est fondamentale car elle seule permet de comprendre le phénomène de l’instabilité ainsi que les postures luxantes et les postures thérapeutiques de recentrage.

L’étude a été faite sur les hanches d’un nouveau-né décédé à la 48e heure et qui présentait une instabilité bilatérale de hanche.

L’instabilité, qui est la traduction du phénomène de réduction puis de reluxation de la tête fémorale, a été analysée dans différentes positions de la hanche.

En hyperflexion.

Cette position est celle de la posture foetale et permet d’analyser ce qui se passe in utero dans le petit bassin maternel, mais c’est aussi une position utilisée pour le traitement de la LCH par certains auteurs adeptes du harnais de Scott.

Lorsque la hanche est en hyperflexion directe sans rotation ni abduction, la tête fémorale est luxée dans la chambre capsulaire postérosupérieure du fait d’une antétorsion fémorale très excessive, de l’ordre de 60 à 70°.

Dans cette position, le grand trochanter est en avant et le diamètre bitrochantérien du foetus est de 68 mm.

Lorsqu’on annule l’effet de l’antétorsion fémorale par une mise en rotation interne de 70°, la tête fémorale se réduit dans la cavité cotyloïdienne mais le diamètre bitrochantérien a nettement augmenté pour atteindre 85 mm.

À partir de cette dernière position en hyperflexion et rotation interne, si l’on imprime une rotation externe au fémur, la tête se reluxe en arrière.

Ainsi, l’antétorsion fémorale importante, au même titre que la rotation externe de la hanche, dans la position foetale d’hyperflexion sans abduction, induit une posture luxante.

La diminution du diamètre bitrochantérien qui s’ensuit se traduit par un encombrement moindre du foetus et constitue en quelque sorte une solution au conflit mécanique foetomaternel.

C’est un argument supplémentaire de poids en faveur de l’étiologie posturale et mécanique de la LCH.

En flexion à 90°.

C’est la position utilisée en clinique pour tester la stabilité des hanches au cours des manoeuvres d’Ortolani et de Barlow.

C’est aussi ce degré de flexion qu’entraînent le langeage correct en abduction, le harnais de Pavlik et la traction au zénith.

Lorsque la hanche est fléchie à 90°, la tête est luxée en arrière et si l’on donne de l’abduction progressive sans imprimer de rotation axiale au fémur, on obtient la réduction de la luxation vers 50° d’abduction mais la tête fémorale n’est vraiment stable que vers 70° (position du langeage en abduction).

À partir de cette position, si l’on ajoute 20 à 30° de rotation interne, la pénétration de la tête fémorale dans le cotyle s’améliore du fait de la mise en tension de la capsule antérieure.

À l’opposé, si l’on supprime cette rotation interne et si l’on imprime au fémur une rotation externe, la tête fémorale a tendance à se reluxer en haut et en arrière.

En extension complète (en fait il y a un flessum physiologique de 20° à cet âge).

C’est la position du langeage traditionnel en « quille » dont on sait la nocivité.

Lorsque la hanche est en extension et rotation neutre ou externe, la tête fémorale reste luxée en haut et en arrière.

Si l’on ajoute de la rotation interne modérée, la tête tend à rejoindre l’acétabulum (sans cependant y pénétrer) sous l’effet favorable d’un vrillage capsulaire.

Si l’on accentue fortement la mise en rotation interne, les phénomènes de vrillage et de tension capsulaires sont tels que la hanche se reluxe.

Ces constatations confirment la difficulté, voire l’impossibilité de réduire une luxation lorsque la hanche est en extension complète chez un nouveau-né ou un nourrisson.

Elles expliquent la pérennisation des luxations dans le langeage serré en « quille » qui était de pratique courante autrefois.

En conclusion de cette étude dynamique, la tête fémorale ne peut être luxée que dans la chambre capsulaire postérosupérieure sous l’effet d’une posture dite luxante comportant, en association à des degrés divers, une abduction faible ou nulle (voire une adduction) et une rotation externe associée à (ou remplacée par) une antétorsion fémorale excessive.

2- Hanches dysplasiques sans luxation :

L’étude, chez le foetus et le nouveau-né, de 43 hanches colligées dans la littérature et étiquetées dysplasiques par leurs auteurs aboutit à la conclusion suivante : la dysplasie de hanche du nouveau-né, au sens d’anomalies morphologiques sans perte des rapports normaux entre le fémur et le cotyle, est une entité bien difficile à cerner.

En effet, elle n’a pas de signe clinique ni de traduction radiographique à cet âge.

Plus récemment, l’étude de 280 hanches normales a permis à Walker de montrer les multiples variations morphologiques de la hanche à la naissance.

Les imperfections de certaines hanches du nouveau-né constituent-elles des dysplasies ?

S’agit-il de dysplasies primitives ?

Il n’y a pas de réponse satisfaisante à ces questions. De toute façon, ces dysplasies primitives ne sont pas influencées par un traitement postural en abduction si elles sont sans rapport avec un appui anormal de la tête.

La crainte d’une évolution progressive vers la subluxation puis la luxation n’a pas été confirmée.

On peut au contraire penser que certaines dysplasies cotyloïdiennes du nouveau-né ou du nourrisson sont résiduelles d’une luxation spontanément réduite avant l’accouchement (en particulier en cas de version d’un siège).

3- Classification anatomique :

Il y a toujours eu un effort de classification des luxations, subluxations et dysplasies de hanche.

La plus intéressante est celle de Dunn en trois grades selon l’importance des lésions anatomopathologiques :

– grade I : subluxation avec limbus éversé ;

– grade II : luxation intermédiaire avec limbus en partie éversé, en partie inversé ;

– grade III : luxation complète avec limbus inversé.

D’autres paramètres peuvent intervenir dans la classification :

– la réductibilité est habituelle à la naissance mais certaines luxations sont déjà irréductibles à cet âge ;

– les formes familiales ne peuvent pas être individualisées anatomiquement car elles ne diffèrent en rien des autres formes ;

– de même, la LCH chez un enfant malformé ou présentant des luxations multiples ou encore la luxation du spina bifida, voire de l’arthrogrypose, peut être identique à une luxation dite habituelle, mais souvent le degré des lésions est plus important du fait de l’ancienneté de la luxation durant la vie foetale.

B – Chez l’enfant :

Les pièces anatomiques de hanches luxées chez le nourrisson et l’enfant plus grand sont beaucoup plus rares mais leur étude peut être résumée de la façon suivante :

– chez le nourrisson : l’anatomie pathologique ne diffère pas de ce que l’on observe chez le nouveau-né.

Cependant, les anomalies paraissent plus évidentes car la luxation persiste depuis plusieurs mois.

Comme nous le verrons d’ailleurs, la séméiologie clinique est identique.

Certaines formes, du fait de l’ancienneté, sont devenues irréductibles ;

– chez l’enfant à (et après) l’âge de la marche : la luxation est « vieillie », le déplacement de la tête est souvent plus important avec, en particulier, une ascension beaucoup plus nette du fémur.

La luxation est surtout supérieure et presque toujours irréductible.

La tête fémorale s’est installée au-dessus du cotyle primitif dans un néocotyle parfaitement organisé aux dépens de la poche capsulaire.

La luxation est dite appuyée si le fond du néocotyle est représenté par l’os iliaque avec, radiologiquement, une condensation osseuse concave en dehors.

Elle est dite haute et non appuyée si la tête encapuchonnée par la capsule est située dans les muscles fessiers sans appui osseux direct.

Habituellement, la partie antérosupérieure de la cavité cotyloïdienne déshabitée est hypoplasique, et après réintégration de la tête fémorale, il y a une découverture très nette de celle-ci dans le secteur antérosupérieur (source d’arthrose ultérieure) que corrige très bien l’ostéotomie de Salter.

La subluxation est un peu différente car la tête a conservé des rapports avec le toit du cotyle et la déformation cotyloïdienne est souvent beaucoup plus importante que dans la luxation vraie.

Les lésions prédominent au pôle antérosupérieur de l’acétabulum, juste en arrière de la saillie de l’épine iliaque antéro-inférieure.

C’est l’appui direct de la tête fémorale plus ou moins antéversée qui est responsable de cette dysplasie cotyloïdienne.

Les dysplasies acétabulaires sans trouble du centrage ont été observées sur quelques pièces anatomiques chez des enfants de plus de 4 ans. Le défaut principal est un manque de couverture antérosupérieure de la tête fémorale par un cotyle insuffisant.

Il s’y associe parfois un certain degré de coxa valga, et assez souvent, un excès d’antétorsion fémorale.

Il est vraisemblable qu’il s’agit de dysplasies résiduelles d’une luxation spontanément réduite après la naissance puisqu’on observe les mêmes aspects radiographiques aux mêmes âges chez des enfants ayant eu, dans la première enfance, un traitement orthopédique pour une authentique LCH.

Étiopathogénie et histoire naturelle :

L’étiopathogénie reste assez confuse dans la littérature, chaque auteur ayant de bons arguments pour présenter sa propre théorie.

Une synthèse mérite d’être faite en partant de la théorie classique la plus répandue et en tenant compte de tous les faits observés d’ordre anatomique, clinique, radiologique, échographique, épidémiologique, évolutif et expérimental.

A – Conception classique :

La pathogénie habituellement admise consiste à dire que la luxation « vraie » est très rare à la naissance et qu’il s’agit surtout de petits défauts susceptibles d’évoluer progressivement vers la luxation confirmée dans les mois qui suivent la naissance.

Cette conception avait conduit à récuser le terme de luxation congénitale pour le remplacer par malformation (ou maladie ou dysplasie) luxante, avec son évolution en trois étapes successives :

– in utero : dysplasie avec cotyle peu profond et antéversion fémorale exagérée ;

– à la naissance : hanche luxable à cause d’une laxité articulaire associée à la déflexion de la hanche au moment de l’accouchement ;

– après la naissance : la hanche luxable pourrait aboutir à une vraie luxation du fait de la posture progressive en extension associée éventuellement à un langeage serré en « quille » puis lors des premiers pas de l’enfant.

Plus récemment, une nouvelle terminologie (excluant également le terme de luxation congénitale) a été proposée par Klisic : developmental dysplasia of the hip (DDH).

C’est actuellement la terminologie la plus utilisée dans la littérature.

B – Étude épidémiologique :

Fréquence et répartition géographique : l’incidence de la LCH varie d’un pays à l’autre, et même d’une région à l’autre.

Les taux retrouvés dans la littérature varient de 3 ‰ à 20‰ avec un pourcentage maximal de 6 % pour certaines tribus d’Indiens Navajos.

Contrairement à une opinion répandue, la LCH n’est pas rare dans la race jaune.

La fréquence chez les Noirs est controversée mais sûrement très peu importante, encore que le taux de 6 ‰ soit signalé à la maternité de New York.

En France, certaines régions sont traditionnellement plus touchées par la LCH : Bretagne et Centre.

À Paris, à la maternité de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, le taux avoisine 20 ‰.

En fait, la LCH est sûrement plus fréquente que l’on ne croit, quelles que soient les races et les régions, car le vrai problème réside dans la qualité du dépistage.

Sexe : les filles sont nettement plus atteintes, dans une proportion de cinq à six filles pour un garçon. Facteur familial : il est retrouvé, selon les auteurs, dans 3 à 12%des cas et ne représente pas un facteur de gravité.

Chez les jumeaux monozygotes, lorsque l’un d’eux présente une LCH, l’autre est également atteint dans 42,7 % des cas. Chez les jumeaux dizygotes, l’atteinte de l’autre jumeau ne s’observe que dans 2,8 % des cas.

Mode de présentation : la fréquence de la LCH, volontiers bilatérale, est bien connue dans la présentation du siège. Rappelons que la présentation du siège concerne 3 à 4 % des enfants, mais une fois sur cinq, il existe une LCH.

Luxations unilatérales et luxations bilatérales : les luxations unilatérales sont un peu plus fréquentes que les atteintes bilatérales et la luxation de la hanche gauche est presque deux fois plus fréquente que la luxation de la hanche droite.

C – Évolution spontanée des hanches instables :

L’évolution spontanée de l’instabilité néonatale a été étudiée par de nombreux auteurs et peut se résumer de la façon suivante : une hanche initialement luxée et réductible peut spontanément passer au stade luxable en quelques heures ou jours, puis à un stade subluxable avant d’être complètement stable.

L’évolution inverse n’a jamais été prouvée.

D – Travaux expérimentaux :

Nous ne reprendrons pas les nombreux travaux expérimentaux réalisés chez l’animal mais nous insisterons sur le travail d’auteurs suédois qui ont réussi à provoquer des déformations identiques à la LCH sur des pièces d’autopsie de nouveau-nés.

Une pression de 3 heures sur le fémur fait sortir la tête de la cavité cotyloïdienne en repoussant le limbus et en distendant la capsule.

Ainsi, quelques heures suffisent pour luxer une hanche, pourquoi pas les dernières heures de la vie intra-utérine pendant le travail ?

La réversibilité plus ou moins spontanée d’un grand nombre de cas pourrait s’expliquer de la même façon.

E – Facteurs étiologiques :

Ils sont de deux ordres : génétiques et mécaniques.

Les facteurs génétiques sont probables du fait de la fréquence de la maladie dans le sexe féminin, lorsqu’il y a des antécédents familiaux et dans un certain contexte racial ou géographique.

– La théorie de la dysplasie acétabulaire primitive et génétique est très improbable.

Il n’y a aucun argument anatomique en faveur d’un defect primitif dans le toit du cotyle.

Quant au cotyle peu profond, c’est un élément qui peut prédisposer à la luxation mais c’est seulement un facteur favorisant.

Il n’est ni nécessaire ni suffisant et nous n’avons sur lui aucune action thérapeutique possible dans la première enfance.

– L’hyperlaxité ligamentaire est également un facteur favorisant mais insuffisant à lui seul pour expliquer une luxation.

L’hypothèse de von Rosen d’une hyperlaxité d’origine hormonale a été réfutée par d’autres travaux. Les facteurs mécaniques sont prépondérants.

Eux seuls expliquent la fréquence de la LCH en cas de primiparité, en cas d’accouchement par le siège, en cas de césarienne (si elle a été réalisée à cause d’une impossibilité d’accouchement naturel), chez les gros poids de naissance, lorsqu’il existe des déformations des pieds, des genoux, du crâne, du cou, lorsqu’il existe un oligoamnios, une disproportion foetomaternelle.

Certains travaux sont, à cet égard, convaincants et amènent à penser que la luxation ou subluxation se constitue in utero sous l’effet d’une posture luxante avec abduction faible ou nulle et rotation externe et d’une contrainte mécanique sur la région du grand trochanter.

À l’appui de la théorie mécanique, nous soulignons les travaux de Dunn et les nôtres. Dunn a introduit, en 1968, le concept de « déformation » congénitale par opposition aux « malformations ».

Ces dernières se constituent pendant la vie embryonnaire, période de l’organogenèse, et elles ne sont pas accessibles à un traitement curatif.

À l’opposé, les déformations congénitales surviennent durant la période foetale sur un organe indemne de toute malformation sous l’influence de facteurs mécaniques ; elles sont réversibles en partie ou en totalité sous l’effet d’un traitement postural (en abduction pour la LCH).

Cet auteur considère que des forces mécaniques modérées mais prolongées peuvent entraîner des déformations d’autant plus facilement qu’elles s’exercent sur un organisme à grand potentiel de croissance comme le foetus.

Notre étude dynamique de l’instabilité sur pièce anatomique et la mise en évidence d’une posture luxante avec forte antéversion fémorale (ou forte rotation externe ou mélange des deux) et diminution du diamètre bitrochantérien du foetus expliquent la fréquence de la LCH bilatérale dans les présentations du siège.

F – Pathogénie proposée :

Elle doit tenir compte de tous les faits qui viennent d’être exposés.

1- Moment de la luxation :

La luxation peut-elle se produire à la naissance ou même après la naissance ou bien est-elle réellement et toujours congénitale ?

– In utero : si la luxation est impossible pendant la période embryonnaire tant que la fente articulaire n’est pas ouverte, elle est possible durant toute la période foetale et plus particulièrement durant le dernier trimestre de la grossesse qui est la période d’élection ; c’est pendant cette période que s’installe le conflit mécanique foetomaternel : augmentation rapide du poids foetal, diminution de la quantité de liquide amniotique, diminution des mouvements foetaux, augmentation des pressions de la paroi utérine et de la paroi abdominale, surtout chez les primipares, pression du foetus sur le rachis lombaire et le détroit supérieur.

– À la naissance : la luxation est impossible.

En effet, un traumatisme obstétrical entraînerait un décollement épiphysaire supérieur du fémur et non une luxation.

– Après la naissance : il n’y a aucune raison valable pour qu’une hanche normale qui a échappé aux contraintes de la vie intra-utérine se luxe après la naissance.

Les luxations réellement acquises sont d’origine neurologique (poliomyélite, infirmité motrice d’origine cérébrale…) et s’expliquent également par une posture luxante directement liée au déséquilibre musculaire.

Cependant, certains auteurs estiment qu’un nourrisson porteur d’un bassin asymétrique congénital peut développer, du côté où il y a une limitation de l’abduction, une dysplasie luxante.

Cette conception est vraisemblablement erronée et liée à une confusion entre le bassin asymétrique congénital et la luxation unilatérale de hanche qui possèdent certains signes cliniques en commun.

D’ailleurs, des publications sont venues très justement montrer l’inverse : des dysplasies et des subluxations du nourrisson âgé de 3 à 12mois n’évoluent jamais vers la luxation mais assez souvent guérissent spontanément.

* Comment se constitue la luxation ?

Il semble que trois facteurs associés à des degrés divers conduisent à la luxation ou à la subluxation in utero.

– La posture luxante qui associe (sur une hanche hyperfléchie) une abduction faible ou nulle (voire une adduction) à une rotation externe.

La rotation externe peut être remplacée par (ou associée à) une antétorsion fémorale excessive.

De telles attitudes vicieuses s’observent dans trois circonstances : la posture du siège décomplété mode des fesses avec rotation externe des membres inférieurs, la posture genoux semi-fléchis et la posture genoux hyperfléchis mais au contact.

Seule cette dernière posture ne comporte pas ou peu de rotation externe du fémur et requiert une antétorsion fémorale excessive.

Les deux membres inférieurs peuvent être symétriques ou non, ce qui explique les luxations bilatérales et unilatérales ; la luxation unilatérale gauche serait plus fréquente car en position céphalique, le foetus a plus souvent le dos à gauche donc la hanche gauche au contact du squelette maternel (rachis lombaire).

– L’appui direct prolongé sur le grand trochanter d’un fémur en posture luxante entraîne facilement une luxation de la tête en arrière du cotyle.

– La faible résistance du limbus et de la capsule représente le facteur laxité articulaire avec son contexte éventuellement familial et génétique.

Ce facteur expliquerait également la plus grande fréquence chez la fille.

* Facteurs expliquant les différentes formes anatomiques :

Toutes les luxations n’ont pas la même gravité et le pronostic dépend de l’importance des dégâts anatomiques qui sont variables et bien hiérarchisés dans la classification de Dunn.

L’explication réside dans la vitesse du phénomène luxant et l’ancienneté de la luxation.

Par exemple, une luxation qui s’est constituée tardivement et rapidement n’aura guère entraîné de déformation sérieuse du cotyle et du limbus et pourra être rapidement réversible après la naissance.

À l’inverse, une luxation assez ancienne et lentement constituée durant la vie foetale aboutira à des dégâts anatomiques importants, source de difficultés thérapeutiques.

2- Histoire naturelle de la luxation congénitale de hanche :

La luxation se constitue durant la vie foetale sous l’influence de facteurs mécaniques, associés parfois à des facteurs génétiques favorisants.

À la naissance et après la naissance, la hanche luxée ou subluxée est immédiatement libérée des contraintes intra-utérines (sauf si langeage serré en « quille ») et tend spontanément à l’amélioration.

Elle se présente alors au clinicien exceptionnellement sous la forme d’une luxation irréductible, habituellement sous la forme d’une hanche instable (hanche luxée, hanche luxable).

Si l’instabilité persiste, la luxation est pérennisée et deviendra progressivement irréductible (mais plus tardivement que l’on ne croit).

Dans environ la moitié des cas, la hanche se stabilise spontanément et peut évoluer vers la guérison complète ou vers des états séquellaires : la dysplasie résiduelle et la subluxation.

3- Pathogénie de la dysplasie cotyloïdienne :

La dysplasie cotyloïdienne qui accompagne la luxation est toujours secondaire au déplacement de la tête fémorale : c’est une dysplasie d’origine mécanique par mauvais appui de la tête fémorale.

Elle sera donc favorablement influencée par un traitement postural en abduction.

Quant à la dysplasie primitive du cotyle, c’est une entité difficile à cerner chez le nouveau-né et le très jeune nourrisson.

De toute façon, elle semble sans rapport avec la LCH et comme elle n’est pas d’origine mécanique, elle ne sera pas susceptible de guérir par un traitement en abduction qui semble alors injustifié.

4- Conséquences musculaires de la position foetale des membres inférieurs :

La brièveté ainsi que l’hypertonie du psoas sont bien connues chez le nouveau-né et s’expliquent très simplement par la position foetale en hyperflexion de hanche.

Il en est de même pour les ischiojambiers, du fait de la flexion habituelle des genoux.

En revanche, dans la position du siège décomplété, comme les genoux sont en extension ou en légère hyperextension, les ischiojambiers sont allongés et hypotoniques.

Ainsi, la posture foetale conditionne-t-elle, d’un enfant à l’autre, les variations de l’angle poplité et de la manoeuvre talon-oreille.

Le même raisonnement peut être tenu à l’égard des adducteurs et des abducteurs des hanches.

Ainsi, le degré d’écartement des cuisses in utero, son caractère symétrique ou non, peuvent-ils retentir sur la longueur et le tonus des groupes musculaires concernés.

La notion de posture intra-utérine permet donc de comprendre la signification des signes cliniques tels que : limitation de l’abduction, hypertonie des adducteurs, rétraction des fessiers et du fascia lata, bassin asymétrique congénital.

Nous verrons l’importance qu’il faut accorder à de tels symptômes car ils aident au dépistage de la LCH.

Étude clinique :

L’examen clinique est fondamental car la séméiologie clinique est très riche chez le jeune enfant et à la base du diagnostic.

A – Chez le nouveau-né :

À cet âge, l’examen clinique représente la meilleure méthode de dépistage de la luxation et ne se résume pas à la recherche d’un ressaut.

C’est un examen difficile qui doit être attentif, suffisamment prolongé, précoce et répété.

Il doit être réalisé dans de bonnes conditions sur un plan ferme, le bébé nu et bien détendu.

Il faut être deux pour faire un bon examen clinique car un aide est nécessaire pour provoquer le réflexe de succion et faciliter le relâchement musculaire.

La recherche d’une instabilité demeure le temps fort de l’examen car la mise en évidence d’une instabilité permet d’affirmer la luxation.

Cependant, d’autres signes doivent être recherchés (véritables signes de suspicion) car ils peuvent aider au diagnostic de luxation permettant un premier tri parmi tous les enfants à examiner.

En pratique, avant d’étudier la stabilité de la hanche, l’examinateur porte son attention sur l’abduction (avec plusieurs paramètres à analyser) puis essaye de reconstituer la posture foetale et recherche un craquement.

1- Étude de l’abduction :

La limitation de l’abduction est un vieux signe qui n’est pas toujours très net à la naissance, d’où l’intérêt d’avoir une approche plus fine en étudiant quatre paramètres :

– regarder la position spontanée des cuisses, leur degré d’écartement ou de rapprochement, le caractère symétrique ou non, l’existence de plis cutanés asymétriques (ce qui témoigne habituellement d’un degré d’abduction différent des deux hanches) ;

– mesurer l’amplitude d’abduction (en flexion à 90°) en sachant que normalement, elle est de 70 à 85°.

Si elle est inférieure à 60°, on parle de limitation de l’abduction (ou de rétraction des adducteurs). Si elle est supérieure à 90°, on parle d’abduction excessive.

Il faut vérifier que le bassin reste à plat sur la table d’examen pour préciser si l’écartement est symétrique ou non ;

– étudier le tonus des adducteurs comme au cours d’un examen neurologique, avec analyse de l’angle rapide (ou stretch reflex) qui est normalement de 50 à 70°.

Il y a hypertonie des adducteurs lorsque l’angle rapide est de 20 à 45° et hypotonie lorsqu’il est de 80 à 90° ;

– rechercher une rétraction des abducteurs en étudiant l’amplitude passive d’adduction (sur l’enfant à plat ventre de façon à étendre les hanches).

Cette méthode d’analyse de l’abduction permet de décrire quatre éventualités :

– cas normal (le plus fréquent), tous les paramètres sont normaux ;

– limitation bilatérale de l’abduction avec hypertonie symétrique des adducteurs ;

– rétraction bilatérale des abducteurs avec hypotonie des adducteurs, amplitude excessive d’abduction et limitation de l’adduction.

Il ne s’agit pas de hanches hyperlaxes puisque le secteur de mobilité est simplement déplacé vers l’hyperabduction ;

– bassin asymétrique congénital avec d’un côté, limitation de l’abduction et hypertonie des adducteurs, et de l’autre une abduction normale, voire excessive, mais une rétraction des abducteurs.

Les enfants présentant une limitation bilatérale de l’abduction ou un bassin asymétrique congénital sont des enfants suspects, avec des hanches à risque : en effet, une fois sur quatre pour la limitation bilatérale de l’abduction et une fois sur sept pour les bassins asymétriques congénitaux, il existe une LCH (bilatérale pour les premiers et unilatérale pour les seconds).

2- Recherche de la posture foetale des membres inférieurs :

Cette recherche est valable dans les tout premiers jours de la vie et doit tenir compte du tonus des adducteurs, du degré de flessum des genoux ou au contraire de l’existence d’un genu recurvatum, de l’existence éventuelle d’une dislocation rotatoire des deux genoux, de la position des pieds et enfin de l’aisance avec laquelle on replie les membres inférieurs.

Lorsque l’une des trois postures luxantes suivantes est incriminée, on peut parler de hanches à risque : posture du siège décomplétée avec les membres inférieurs en rotation externe, posture avec les genoux semi-fléchis, posture avec les cuisses rapprochées au contact l’une de l’autre.

Dans cette dernière posture, une antéversion fémorale excessive est nécessaire pour produire la luxation car les hanches sont en rotation neutre.

3- Recherche de craquements :

Le craquement donne une sensation bien particulière : il est presque toujours audible et perçu habituellement au cours d’un mouvement d’écartement puis de rapprochement des cuisses.

Il est en général toujours retrouvé dans la même position.

Dans l’ensemble, il s’agit de quelque chose de tout à fait bénin mais qui peut succéder à une instabilité des hanches.

4- Recherche de l’instabilité :

L’instabilité est le maître symptôme de la luxation.

Une hanche est dite instable lorsque la tête fémorale est sortie ou peut sortir en partie ou en totalité de la cavité cotyloïdienne.

Cette instabilité peut être jugée en fonction de l’amplitude du déplacement : modérée (quelques millimètres) ou importante (environ 8 mm).

Selon la situation spontanée de la tête fémorale par rapport au cotyle, on distingue les hanches luxables et les hanches luxées réductibles.

La hanche luxable, assimilée à tort à un ressaut de sortie, comporte une tête fémorale qui semble en place spontanément mais qui sort au test de provocation de la luxation et qui rentre dans le cotyle dès que l’examinateur relâche sa pression.

La hanche luxée réductible se caractérise non par un ressaut de réduction, également perçu dans certaines hanches luxables, mais par le fait que spontanément, la hanche est luxée, que l’examinateur peut la réduire et qu’enfin elle se reluxe dès que ce dernier relâche sa pression.

Il faut savoir qu’il n’est pas toujours facile de dire si une hanche est luxée ou simplement luxable, et qu’il existe des formes intermédiaires.

La sensation de ressaut n’est qu’un signe d’accompagnement inconstant de l’instabilité.

C’est une sensation palpable et visible liée au franchissement par la tête fémorale de l’obstacle que constitue le limbus.

Les schémas de la figure 24 font comprendre que la netteté du ressaut est variable selon que l’obstacle est plus ou moins émoussé.

Il peut être perçu tantôt à la rentrée de la tête fémorale, tantôt à la sortie, tantôt dans les deux sens et ceci quelle que soit la catégorie, hanche luxée ou hanche luxable.

Les techniques de recherche de l’instabilité sont nombreuses, les manoeuvres classiques de Le Damany, de Palmen, d’Ortolani avec écartement puis rapprochement des cuisses ne permettent de déceler que les ressauts francs.

Il faut utiliser une technique plus fine comme la manoeuvre de Barlow.

Quelle que soit la méthode utilisée, il faut insister sur la nécessité d’un relâchement musculaire complet qui constitue la véritable pierre d’achoppement du dépistage de la LCH (déclencher le réflexe de succion).

Parfois, le relâchement est insuffisant et il faut avoir recours à un mouvement de circumduction de la cuisse pour neutraliser les contractions musculaires et bénéficier d’un court moment de détente pour tester la stabilité de l’articulation.

Il faut également savoir répéter l’examen quelques heures plus tard.

On peut aussi refaire la manoeuvre en décubitus ventral et chercher à percevoir la saillie de l’extrémité supérieure du fémur dans la fesse.

5- Résultats de l’examen clinique :

Au terme de cet examen très complet des deux hanches, on peut conclure à l’une des cinq éventualités suivantes :

– hanches cliniquement normales ; tous les paramètres sont normaux avec deux hanches parfaitement stables ;

– LCH car instabilité retrouvée.

Tantôt il s’agit d’une LCH unilatérale avec habituellement, du côté de l’instabilité, une hypertonie des adducteurs et une certaine limitation de l’abduction, et du côté opposé, une rétraction des abducteurs.Tantôt il s’agit d’une luxation bilatérale avec instabilité bilatérale, hypertonie bilatérale des adducteurs et limitation bilatérale de l’abduction ;

– LCH irréductible, éventualité rare.

La hanche est stable en position luxée mais l’extrémité supérieure du fémur est perçue dans la fesse.

Si elle est unilatérale, elle s’accompagne d’un bassin asymétrique congénital net.

Si elle est bilatérale, il y a une limitation sévère de l’abduction des deux côtés ;

– hanches suspectes car signes cliniques de suspicion, mais hanches jugées stables.

Il faut répéter l’examen à la recherche d’une instabilité.

Si elle finit par être retrouvée, il s’agit en fait d’une LCH.

En revanche, si les hanches sont stables, il s’agit, soit d’un bassin asymétrique congénital, soit d’une limitation bilatérale de l’abduction et l’évolution spontanée sera favorable ;

– hanches à risque : ce concept est plus large que celui des hanches suspectes et regroupe non seulement des hanches suspectes mais également des antécédents familiaux directs de LCH, les accouchements par le siège, le genu recurvatum, le torticolis…

Dans tous ces cas, l’examen sera particulièrement répété et attentif, à la recherche d’une instabilité.

B – Chez le nourrisson :

Dans l’ensemble, les signes cliniques sont identiques chez le nourrisson et chez le nouveau-né.

Certains sont plus faciles à mettre en évidence car plus nets : la limitation de l’abduction, l’hypertonie-rétraction des adducteurs, le raccourcissement d’une cuisse en cas de LCH unilatérale.

L’instabilité est fréquemment retrouvée si l’enfant est bien relâché et elle est alors souvent très démonstrative.

Parfois, la hanche est irréductible mais cette irréductibilité survient plus tardivement que l’on ne croit.

Les mêmes catégories cliniques qu’à la naissance peuvent ainsi être individualisées.

C – Chez l’enfant à partir de l’âge de la marche :

Le symptôme dominant, à cet âge, est la boiterie.

Elle comporte à chaque pas une bascule du tronc et des épaules vers le côté portant, tandis que le bassin s’incline du côté opposé.

C’est la boiterie dite de l’épaule, liée à l’insuffisance du moyen fessier.

Les autres signes cliniques sont la limitation de l’abduction, le flessum de hanche et l’hyperlordose lombaire compensatrice.

Quand la hanche est seulement dysplasique, voire légèrement subluxée, l’examen clinique est très pauvre en dehors parfois d’une augmentation de l’amplitude de rotation interne.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.