Dysphonie spasmodique

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Introduction :

La dysphonie spasmodique est un trouble rare de la fonction vocale, caractérisé par des spasmes des muscles du larynx qui perturbent ou empêchent le débit régulier de la voix.

Ces spasmes peuvent s’accompagner de difficultés respiratoires, en inspiration ou en expiration, et parfois de tremblements vocaux.

Cette pathologie entre dans le cadre des dystonies focales et à ce titre, le terme de dysphonie spasmodique est préféré à celui anciennement utilisé de dysphonie spastique, pour éviter toute confusion nosologique.

Si le diagnostic de dysphonie spasmodique est relativement aisé, dans sa forme typique, son étiologie et son traitement ont longtemps été des sujets de controverses.

Considérée autrefois comme une pathologie d’ordre psychiatrique, la dysphonie spasmodique est maintenant pleinement reconnue comme une authentique maladie neurologique.

Historique :

Dysphonie spasmodiqueEn 1871, Traube utilise le terme de « dysphonie spastique » pour décrire un patient présentant une raucité de la voix, d’origine nerveuse.

Lorsque cette perturbation de la voix était cliniquement isolée, sa nature neurologique, voire même organique, était controversée en raison de la normalité de l’examen standard du larynx et de l’absence de substratum neuropathologique.

Ainsi, plusieurs auteurs dont Bloch et Fahn, évoquaient en 1965 et 1988, une origine psychogénique ; en effet, près de 50 % des patients relatent un choc émotionnel avant la survenue de l’affection.

Le profil psychologique des patients atteints de dysphonie spasmodique est marqué par un caractère volontaire, la combativité et le refus de l’échec qui poussent le sujet à déployer une énergie considérable vis-à-vis des problèmes qu’il rencontre dans sa vie.

Ce sont des gens hyperactifs, surmenés et souvent autoritaires ; pour ces auteurs, la dysphonie spasmodique traduirait alors un conflit interne, l’inhibition d’une agression intense et la peur de l’expression verbale.

Pour Aronson, il existe chez ces patients un perfectionnisme marqué, avec une intolérance particulière aux erreurs des autres et aux leurs, une tendance à réprimer leurs sentiments et les manifestations, verbales ou non, de ceux-ci.

Mais en 1968, ce même auteur mène une étude comparative à partir d’interrogatoires à orientation psychiatrique et n’établit aucune différence entre la population normale et celle affectée par la dysphonie spasmodique.

Il distingue ainsi les patients atteints de dysphonie d’origine psychogène et ceux atteints de dysphonie spasmodique, qu’il identifie comme une maladie organique.

Cependant, Meige, dès 1929, avait noté « l’existence de troubles convulsifs de la parole, où les muscles respirateurs et phonateurs se contractent inopportunément, tantôt sous forme tonique, tantôt sous forme clonique de la même façon que les muscles du cou dans le torticolis spasmodique ».

Meige émet l’hypothèse que cette dysphonie partage la même physiopathologie que le blépharospasme et le torticolis spasmodique, à laquelle ils peuvent être associés, et prendraient leur origine dans un dysfonctionnement des noyaux gris centraux.

Depuis les deux dernières décennies, de nombreux auteurs plaident en faveur de l’origine dystonique de la dysphonie spasmodique.

Schaefer démontre, en 1985, grâce à l’électromyographie, que la dysphonie spasmodique est un désordre du contrôle moteur de la voix dû à une dystonie.

Jacome et Yanez associent la dysphonie spasmodique au syndrome de Meige ou dystonie segmentaire crâniale.

À l’heure actuelle, il est unanimement reconnu que la dysphonie spasmodique est une dystonie focale.

Définition :

La dystonie se caractérise par des contractions soutenues et involontaires des muscles d’une ou plusieurs parties du corps, entraînant des mouvements répétitifs de torsion et des postures anormales à type de distorsion de cette partie du corps.

La prévalence des dystonies s’élève à 27 pour 100 000 soit 24 000 cas en France ; 90 % d’entre elles présentent une symptomatologie focale.

La dysphonie spasmodique est la forme la plus rare car elle ne présente que 9 % des dystonies focales.

La dystonie peut affecter n’importe quel muscle volontaire et apparaître à tout âge ; l’expression clinique de la dystonie permet de distinguer quatre formes cliniques :

– la dystonie focale qui ne touche qu’un seul site comme la paupière (blépharospasme), l’appareil manducateur (dystonie oromandibulaire), le larynx (dysphonie spasmodique), les muscles du cou (torticolis spasmodique), les muscles du bras (crampe de l’écrivain)… ;

– les formes segmentaires touchant deux régions contiguës (exemple, le syndrome de Meige qui associe un blépharospasme et une dystonie oromandibulaire) ;

– les formes multifocales touchant deux régions non contiguës ;

– les formes généralisées qui atteignent les deux membres inférieurs et au moins une autre région du corps.

On distingue par ailleurs les formes idiopathiques et les formes secondaires.

Dans la dystonie idiopathique ou primitive, la dystonie est le seul signe ; aucune anomalie n’est détectée, tant lors des examens de laboratoire (immunologie, biochimie, hématologie) qu’à l’électroencéphalogramme, au scanner, à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou à l’examen anatomopathologique du système nerveux.

Dans les formes secondaires, la dystonie est un symptôme : elle est accompagnée d’autres déficits neurologiques.

On retrouve au niveau cérébral des lésions des noyaux gris centraux (putamen essentiellement).

Il existe des formes secondaires liées à d’autres désordres neurologiques héréditaires tels que la maladie de Wilson ou la maladie de Huntington.

Les formes secondaires peuvent également résulter d’un traumatisme, d’un désordre vasculaire, d’une tumeur, ou d’une imprégnation par les phénothiazines.

Elles peuvent enfin être associées à une maladie de Parkinson ou être psychogéniques.

La prédisposition génétique de certaines formes de dystonies est connue depuis la fin des années 1960.

L’interrogatoire des patients atteints de dystonie permet de retrouver, dans environ 20 % des cas, des antécédents familiaux.

Ahmad, en 1993, décrit une famille australienne d’origine anglaise présentant une dystonie à prédominance laryngée débutant entre 13 et 37 ans.

De nombreuses études tentent de localiser le ou les gènes de susceptibilité à la dystonie. Le premier gène identifié comme facteur de risque génétique de la dystonie est le gène DYT1 (9q34).

Blitzer retrouve 12 % de patients porteurs d’un gène prédisposant à la dystonie, sur une série de plus de 1 000 patients atteints de dysphonie spasmodique.

Tableau clinique :

L’âge de début de la dysphonie spasmodique est de 37 ans en moyenne avec une nette prédominance féminine et un début le plus souvent progressif, survenant parfois à la suite d’un traumatisme psychique ou physique.

Le plus souvent isolée, la dysphonie spasmodique peut être associée à d’autres dystonies focales et apparaître au cours de l’évolution d’une dystonie craniocervicale.

La simple analyse acoustique de la voix permet de distinguer deux formes cliniques qui correspondent à la prédominance de l’atteinte de l’un des deux types de muscles laryngés.

A – DYSPHONIE EN ADDUCTION :

La plus fréquente, elle est caractérisée par une voix étranglée, forcée, ponctuée d’arrêt vocaux, avec des spasmes respiratoires en inspiration ou en expiration lors de la voix conversationnelle, et une mauvaise coordination pneumophonique.

Le patient présente, en outre, un forçage vocal, des difficultés d’attaque du son et des désonorisations intermittentes sur un rythme irrégulier et lent.

Les Anglo-Saxons qualifient cette dysphonie de breaking voice.

B – DYSPHONIE EN ABDUCTION :

Elle est caractérisée par une voix chuchotée, murmurée, difficilement audible, baptisée whispering voice par les Anglo-Saxons.

Il existe parfois des formes mixtes dont l’expression varie selon que l’atteinte prédomine sur les muscles adducteurs (thyroaryténoïdiens) ou abducteurs (cricoaryténoïdien postérieur).

Quelle que soit la forme clinique, la dysphonie spasmodique est éminemment variable d’un sujet à l’autre et chez le même sujet au cours d’une journée.

Comme dans toute dystonie, les symptômes se majorent en fin de journée, avec la fatigue et en période de tension émotionnelle. La voix chantée et le rire peuvent être normaux.

De plus, les spasmes vocaux s’accompagnent souvent de tremblement de la voix, notamment chez le sujet âgé : on parle alors de dysphonie spasmodique tremblante.

Dans ce cas, le spasme vocal est l’élément le plus pénalisant car il génère une fatigue vocale et perturbe, de façon prédominante, la communication orale du sujet âgé.

C – DYSPHONIES SPASMODIQUES ATYPIQUES :

1- Formes compensées :

Il existe de nombreuses formes compensées, notamment après plusieurs mois ou années d’évolution, qui rendent parfois difficile la distinction entre une dysphonie en adduction et en abduction.

2- Aphonie :

Certains patients présentent une aphonie quasi complète, posant un difficile problème de diagnostic différentiel.

L’absence de pathologie psychiatrique et l’ensemble des examens complémentaires, notamment la vidéofibroscopie du larynx et l’électromyographie laryngée, permettent de poser le diagnostic de dysphonie spasmodique.

3- Formes cliniques associées :

Certaines dysphonies spasmodiques s’accompagnent d’une dyspnée, notamment d’effort.

Il s’agit d’atteinte dystonique laryngée qui provoque une immobilité des cordes vocales en position paramédiane et par là même une diminution importante de l’espace glottique ; on porte souvent à tort le diagnostic d’asthme résistant au traitement symptomatique ou de syndrome de Gerhardt qui est dû à une paralysie des muscles dilatateurs de la glotte.

Le diagnostic de dystonie du larynx repose sur l’électromyographie des muscles adducteurs (thyroaryténoïdiens) et abducteurs du larynx (cricoaryténoïdien postérieur), comme nous l’avons décrit en 1992.

Examens complémentaires :

Les méthodes d’investigations laryngologiques et électrophysiologiques permettent d’étudier les différents muscles impliqués dans la dysphonie spasmodique et de mieux appréhender leur traitement.

A – VIDÉOFIBROSCOPIE DU LARYNX :

La laryngoscopie indirecte est un des éléments déterminants du diagnostic puisqu’elle va le plus souvent mettre en évidence les mouvements anormaux du larynx.

Cet examen est réalisé au cabinet de l’otorhinolaryngologiste, avec ou sans anesthésie locale, à l’aide d’un fibroscope souple introduit dans une des fosses nasales.

Le fibroscope est relié, grâce à une caméra, à un écran qui visualise le larynx et le pharynx.

Il confirme la normalité de la morphologie du larynx, éliminant ainsi toute lésion tumorale ou inflammatoire des cordes vocales.

L’examen des cordes vocales peut paraître normal au repos, mais on note parfois des mouvements anormaux d’abduction-adduction décrits sous le nom de « danse des aryténoïdes ».

Souvent, il existe un serrage des bandes ventriculaires (fausses cordes vocales) qui peuvent se spasmer violemment lors de l’examen, masquant les cordes vocales.

La fibroscopie peut être difficile du fait des dystonies associées, intéressant la région cervicale et le pharynx : les contractions involontaires des muscles constricteurs du pharynx avec la bascule postérieure de la base de langue peuvent limiter l’accès du fibroscope au larynx.

Par ailleurs, la durée de l’examen peut être prolongée du fait de la grande variabilité des mouvements laryngés d’un moment à l’autre.

À la phonation, on note, dans les dysphonies en adduction, un accolement excessivement saccadé et forcé des cordes vocales avec disparition de l’ondulation physiologique de la muqueuse cordale à la vidéostroboscopie, lorsqu’elle est réalisée.

Il peut s’y associer une contraction étendue au vestibule laryngé avec bascule postérieure de l’épiglotte.

Dans les dysphonies en abduction, la phonation est perturbée par un très net défaut d’accolement des cordes vocales, notamment à la partie postérieure de la glotte, responsable d’une fuite glottique.

Certains ont décrit de ce fait une forme en « sablier » de l’espace glottique.

Dans toutes les formes de dysphonies spasmodiques, la fibroscopie du larynx peut révéler l’existence d’un tremblement associé des cordes vocales.

B – VIDÉOSTROBOSCOPIE :

Elle peut être un complément à l’étude du comportement du larynx pendant la phonation.

Il s’agit d’un fibroscope rigide introduit dans la cavité buccale après une légère anesthésie locale, dont la lumière est stroboscopique, c’est-à-dire discontinue.

L’examen est enregistré en vidéo et apprécie la qualité de l’affrontement des cordes vocales et de l’ondulation de la muqueuse cordale.

C – ÉLECTROMYOGRAPHIE DU LARYNX :

L’étude électrophysiologique est l’élément essentiel du diagnostic de dysphonie spasmodique, notamment dans les formes atypiques.

Elle confirme l’atteinte dystonique du larynx, en en précisant le type et l’intensité et identifie les différentes formes cliniques de la dysphonie spasmodique.

Nous verrons, au chapitre des traitements, l’intérêt de l’électromyographie au moment de l’injection intramusculaire de la toxine botulique et pendant le suivi de ce traitement.

1- Technique d’électromyographie :

L’électrode de référence est une électrode de surface placée au niveau du lobe de l’oreille.

La détection est effectuée à l’aide d’aiguille électrode creuse permettant, dans le même temps, le recueil de l’activité électromyographique et l’éventuelle injection d’un produit à visée thérapeutique.

La position de l’électrode de liaison équipotentielle ne semble pas modifier l’exploration : elle est placée, pour des raisons de commodité, au niveau du poignet.

2- Activité électromyographique normale du larynx :

Les muscles thyroaryténoïdiens ou muscles vocaux, permettent l’accolement des cordes vocales au moment de la phonation, grâce à leur action adductrice.

À l’opposé, les muscles cricoaryténoïdiens postérieurs écartent l’une de l’autre les cordes vocales et dilatent la glotte pendant la phase respiratoire, grâce à leur action abductrice.

Chez le sujet au repos, bien décontracté, le muscle thyroaryténoïdien et le muscle cricoaryténoïdien postérieur n’ont pas d’activité décelable.

Au moment de la phonation, une activité apparaît au niveau du muscle thyroaryténoïdien, sous forme d’un tracé intermédiaire riche, constitué de potentiels faisant moins de 0,5 mV d’amplitude, de 1 à 2 ms de durée.

Le recrutement est rapidement progressif, suivi d’une discrète diminution de l’amplitude puis d’une phase en plateau.

À l’arrêt de la phonation, l’activité cesse par une décroissance rapide de l’amplitude pour aboutir à un silence électrique.

Le muscle cricoaryténoïdien postérieur n’a pas d’activité décelable à la phonation et sa mise en action est obtenue par des inspirations courtes et intenses.

Les potentiels sont alors comparables à ceux du muscle thyroaryténoïdien au moment de la phonation avec cependant une amplitude souvent légèrement supérieure, pouvant atteindre 0,8 à 0,9 mV.

Le tracé est une séquence brève de moins de 0,2 seconde de durée.

3- Aspect électromyographique de la dysphonie spasmodique :

La dysphonie spasmodique se traduit, sur le plan électrophysiologique, par des activités anormales au repos ou à la contraction, caractéristiques de la dystonie. Les anomalies électromyographiques diffèrent selon la forme clinique de la dysphonie spasmodique.

* Dysphonie en adduction :

Dans cette forme clinique, on retrouve au niveau des muscles thyroaryténoïdiens, plusieurs aspects électromyographiques pathologiques.

En effet, les anomalies électriques peuvent se manifester, au repos ou seulement à la phonation, sous forme d’activité continue ou discontinue en bouffée.

– L’activité continue de repos est semblable à l’activité phonatoire, s’en différenciant le plus souvent par une amplitude plus faible et un recrutement moins riche, mais peut parfois se confondre avec elle, notamment dans les formes dyspnéiques.

À la phonation, on observe souvent une disparition de l’activité de repos de type continu, avec un court silence électrique (0,2 à 0,4 ms) avant que n’apparaisse l’activité de contraction.

– L’activité discontinue de repos s’organise en bouffées, soit brèves (100 ms), régulières, à la fréquence de quatre à cinq par seconde, soit de plus longue durée et de répartition alors plus anarchique.

Les anomalies électromyographiques des muscles thyroaryténoïdiens peuvent être décelées uniquement à la phonation.

Dans ce cas, le début de l’activité phonatoire est parfois excessif en richesse et en amplitude, pouvant dans les cas extrêmes bloquer l’émission du son qui ne devient audible que lorsque cette activité décroît légèrement.

La fin de la contraction peut être marquée par un renforcement de l’amplitude et de la richesse du tracé.

L’activité phonatoire peut s’organiser en plateau ou en bouffée , réalisant alors la forme tremblante des dysphonies, cette forme étant souvent suspectée dès l’examen laryngoscopique.

Ces différentes activités pathologiques peuvent s’associer.

* Dysphonie en abduction :

Dans cette forme rare de dysphonie spasmodique, les anomalies électromyographiques sont détectées au niveau des muscles cricoaryténoïdiens postérieurs.

Ce muscle est le siège d’une activité de repos le plus souvent de type continu, pouvant se renforcer paradoxalement à la phonation par une cocontraction anormale du muscle agoniste et antagoniste.

Lors de sa mise en action, l’activité peut être augmentée en amplitude et en durée mais les modifications sont moins fréquentes que pour le muscle thyroaryténoïdien.

D – BILAN PHONIATRIQUE :

Il repose sur la mesure des paramètres acoustiques de la voix et l’analyse informatique de la voix.

Ces procédés ne permettent pas de faire le diagnostic de dysphonie spasmodique, mais objectivent le dysfonctionnement phonatoire.

1- Mesure des paramètres acoustiques de la voix :

Elle détermine :

– le temps maximal de phonation d’une voyelle tenue ; celui-ci est constamment diminué dans la dysphonie spasmodique ;

– l’intensité vocale au sonomètre : elle est variable, augmentée dans certaines dysphonies spasmodiques en adduction, diminuée dans les dysphonies en abduction, mais parfois normale.

2- Analyse informatique de la voix :

Elle est réalisée avec le voiscope de Fourcin.

Il s’agit d’un appareil qui, à partir de l’enregistrement électroglottographique numérisé, permet l’analyse de la répartition fréquentielle dans la voix lors de lecture d’un texte standard.

L’analyse d’une dysphonie spasmodique peut être impossible s’il n’existe aucun cycle de vibration normale ; on ne recueille alors aucun échantillon.

Mais l’examen est le plus souvent possible et révèle alors :

– une conservation de la fréquence fondamentale modale ;

– des anomalies de la distribution des fréquences fondamentales de la voix et une dispersion des fréquences dans les graves, des histogrammes élargis et irréguliers, une diminution très marquée des échantillons du deuxième ordre par rapport au premier ;

– des anomalies des courbes d’électrolaryngographie et le plus souvent, un signal microphonique recueilli de mauvaise qualité, des courbes d’électrolaryngographie irrégulières, surtout en amplitude ou dans le temps.

Ces anomalies sont variables en fonction du registre employé.

On note en général un raccourcissement du cycle vibratoire, le plus souvent aux dépens de la phase d’ouverture.

Diagnostic différentiel :

A – DYSPHONIE PSYCHOGÈNE :

Sous forme d’aphonie ou de dysphonie, elle peut être comprise comme un symptôme de conversion hystérique, c’est-à-dire comme une manifestation corporelle constituée par l’atteinte de la fonction phonatoire exprimant symboliquement un conflit psychique inconscient.

Le bilan psychiatrique permet d’étayer le diagnostic.

B – DYSPHONIE HYPERTONIQUE OU HYPERKINÉTIQUE :

Elle résulte d’un banal comportement de forçage vocal avec serrage des bandes ventriculaires (fausses cordes vocales) ; la confusion est possible si l’on s’en tient à une analyse strictement acoustique et superficielle de la voix émise, car l’examen fibroscopique des cordes vocales montre une activité excessive des bandes ventriculaires qui masquent le plan cordal.

Mais parfois, la dysphonie spasmodique s’accompagne d’un serrage réactionnel des bandes ventriculaires, notamment pour compenser une dysphonie spasmodique en abduction.

L’électromyographie du larynx élimine une atteinte dystonique et l’évolution le plus souvent favorable de la dysphonie hypertonique, après une rééducation orthophonique de brève durée, permet de confirmer le diagnostic.

C – DYSPHONIE DANS LES SYNDROMES CÉRÉBELLEUX :

La voix irrégulière a un caractère beaucoup plus explosif et massif, associé à un ralentissement du début.

D – MALADIE DE PARKINSON :

La voix de la maladie de Parkinson se distingue par la monotonie, l’accélération du débit et l’existence de palilalies.

La fibroscopie du larynx met en évidence une hypotonie et une lenteur à la mobilisation des cordes vocales.

E – PARALYSIE DES CORDES VOCALES :

Certaines dystonies du larynx provoquent une immobilité des cordes vocales en position paramédiane et posent le problème du diagnostic différentiel de la paralysie des cordes vocales.

L’électromyographie du larynx permet de différencier la paralysie de la dystonie des muscles adducteurs du larynx (muscles thyroaryténoïdiens) qui ont le même aspect à l’examen vidéofibroscopique.

Traitement :

Les nombreuses hypothèses étiologiques de la dysphonie spasmodique sont à l’origine de la multiplicité des traitements proposés.

A – TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX :

Il n’existe pas de traitement médicamenteux curatif de la dysphonie spasmodique.

Beaucoup de médicaments, entre autres le diazépam, le clorazépate dipotassique ou des anticholinergiques ont été testés, mais leurs effets, lorsqu’ils existent, sont transitoires et des phénomènes d’accoutumance ou les effets secondaires en réduisent l’intérêt.

B – RÉÉDUCATION ORTHOPHONIQUE :

Elle est considérée comme inopérante par la plupart des auteurs.

Mais pour Lehuche, en 1990, la rééducation vocale, associée à la relaxation et à la reconstruction de l’imaginaire corporel, permet d’obtenir une quasi-guérison dans 50 % des cas, à condition que le traitement soit d’une durée de 2 ans au minimum, voire plus.

Cependant, il semble que le bénéfice soit rarement maintenu à long terme.

C – TRAITEMENTS CHIRURGICAUX :

Ils se sont révélés décevants et non dénués d’effets secondaires.

– La section du nerf récurrent, proposé par Dedo en 1976, donne un résultat immédiat spectaculaire.

Malheureusement, les résultats à long terme ne sont pas toujours constants.

Les récidives ne s’élèvent qu’entre 10 à 15 % pour Dedo et Izdebski, tandis que les résultats stables à 3 ans ne sont retrouvés que dans 30 % des cas pour Aronson et De Santo. Sapir retrouve, quant à lui, 88 % de voix améliorées à 4 ans.

– D’autres techniques ont été proposées mais de manière anecdotique : la section élective de la branche du muscle thyroaryténoïdien par voie externe selon Iwamura, la section de la branche adductrice du nerf récurrent de Carpentier, les thyroplasties de Isshiki, la vaporisation de la corde vocale au laser CO2 de Dedo, la section endoscopique du muscle thyroaryténoïdien de Takayama, la simple stimulation électrique par voie externe de Friedman, les techniques de latéralisation de la corde vocale type King et plus récemment la section et réinnervation du nerf récurrent par Berke.

La multiplicité des procédés chirurgicaux proposés témoigne des difficultés rencontrées pour obtenir des résultats stables et de la déception des chirurgiens qui ont conçu les différentes techniques.

L’instabilité des résultats chirurgicaux s’explique par l’origine centrale de la dystonie avec le phénomène de repousses axonales, quel que soit le geste réalisé en périphérie.

– En 1983, Freche a proposé une intervention moins destructrice qui évite un abord par voie externe : la stéréotaxie laryngée.

Elle détruit les branches motrices du nerf thyroaryténoïdien par voie endoscopique à la pointe coagulante après repérage par électrostimulation.

Il en résulte une paralysie de la corde vocale comme dans l’intervention de Dedo.

Cette opération permet une sédation de la symptomatologie dans 65 % des cas.

Remacle pratique cette coagulation au laser CO2 avec une efficacité à 2 ans pour quatre patients sur sept.

Il note qu’il est difficile de savoir si l’efficacité est due à une réelle destruction sélective des branches terminales du récurrent ou plutôt à une fibrose du muscle thyroaryténoïdien autour du point de coagulation.

Le point commun de toutes ces techniques chirurgicales est qu’elles nécessitent une anesthésie générale.

D – TOXINE BOTULIQUE :

Après les premières publications, en 1987, de Brin et Miller sur le traitement des dysphonies spasmodiques en adduction par la toxine botulique, Ludlow et Blitzer ont confirmé, en 1988, l’amélioration spectaculaire de ces dysphonies spasmodiques par cette technique.

Un essai en double aveugle a montré l’amélioration des dysphonies spasmodiques après injection de placebo ou de toxine botulique avec une efficacité significativement supérieure de la toxine botulique.

En 1990, le National Institute of Health a publié un consensus sur l’efficacité de la toxine botulique dans le traitement de la dysphonie spasmodique.

En 1992, nous avons publié les résultats de nos premiers patients traités en collaboration avec Marion.

1- Toxine botulique :

La neurotoxine botulique de type A a été utilisée en thérapeutique la première fois par Scott en 1980 pour le traitement du strabisme de l’enfant.

Depuis cette date, de nombreuses indications sont apparues telles que le blépharospasme, l’hémispasme facial, le torticolis spasmodique, la crampe de l’écrivain et la dysphonie spasmodique.

La toxine botulique est la plus puissante des neurotoxines connues à l’heure actuelle.

Elle agit au niveau présynaptique en trois étapes.

Tout d’abord, une étape de reconnaissance du récepteur, qui n’est pas connu à l’heure actuelle, à la surface des cellules nerveuses cibles cholinergiques, puis une étape d’internalisation dans une vésicule d’endocytose et enfin une action intracellulaire qui conduit à l’inhibition de la libération d’acétylcholine.

Les neurotoxines empêchent le phénomène d’exocytose mais le mécanisme exact du blocage reste encore partiellement inconnu.

En postsynaptique, la dénervation chimique induite par la toxine botulique conduit à une réexpression des récepteurs à l’acétylcholine et ces récepteurs sont en contact avec des terminaisons nerveuses néoformées.

Actuellement, en France, deux laboratoires, Allergan et Speywood (groupe Beaufour-Ipsen) produisent et commercialisent la toxine botulique A.

Ces deux toxines présentent des différences car il s’agit d’un principe actif d’origine biologique.

Chacune des deux toxines est dosée en unités de DL 50 par voie intrapéritonéale chez la souris : 100 U Allergan par flacon contre 500 U Speywood.

Des études cliniques comparatives ont été menées pour établir un ratio entre les posologies des deux spécialités : elles concluent que 67 U de toxine d’origine américaine (laboratoires Allergan) correspondent à 200 U de toxine d’origine anglaise (laboratoires Speywood-Dysport, groupe Beaufour-Ipsen), soit un ratio de 1/3 entre les deux.

Nous diluons 2,5 mL de chlorure de sodium à 0,9 % dans le flacon de 500 U de toxine anglaise Speywood-Dysport, et 1,5 mL de chlorure de sodium à 0,9 % dans le flacon de 100 U de toxine américaine Allergan.

Nous obtenons ainsi un rapport de 1 U de toxine américaine égale à 3 U de toxine anglaise ; ce qui nous permet d’injecter la même quantité de dilution lorsque nous passons de la toxine anglaise (Speywood-Dysport) à la toxine américaine (Allergan).

Les injections se font en intramusculaire stricte, au moyen d’une seringue à tuberculine de 1 mL, graduée de 0,1 mL en 0,1 mL, et munie d’une aiguille de détection qui permet un repérage précis du muscle.

2- Techniques d’injection :

Elles sont très variables selon les données de la littérature.

Les injections peuvent être pratiquées par voie percutanée ou transorale, à l’aide d’un endoscope flexible ou rigide, avec ou sans anesthésie, de façon uni- ou bilatérale.

Pour notre part, nous effectuons les injections en ambulatoire strict, sans anesthésie générale ni locale ; le patient est installé en décubitus dorsal.

L’injection est réalisée par voie externe percutanée sous contrôle électromyographique. Nous utilisons une aiguille de détection creuse avec possibilité d’injection : nous pouvons ainsi administrer la toxine de façon très précise.

L’électromyographie permet de s’assurer du bon positionnement de l’électrode à la contraction sélective du muscle, c’est-à-dire à la phonation pour le muscle thyroaryténoïdien.

Le recrutement électrique est alors franc, sans ambiguïté et se détecte plus facilement au son du haut-parleur que sur l’image de l’écran.

Ce contrôle est particulièrement important lors des réinjections pour déterminer la portion musculaire la plus active.

L’activité disparaît souvent dès le début de l’injection et ne doit pas être interprétée comme un déplacement intempestif.

Le repérage électromyographique est suffisamment fiable pour que nous nous abstenions d’un contrôle fibroscopique que nous préconisions au début de notre pratique.

Le protocole thérapeutique varie en fonction du type de dysphonie spasmodique.

Dans les dysphonies spasmodiques en adduction, nous injectons la toxine botulique dans les muscles thyroaryténoïdiens, par voie percutanée à travers la membrane cricothyroïdienne.

L’injection est bilatérale avec une dose de 20 U de toxine anglaise (Speywood- Dysport) en moyenne dans chaque muscle thyroaryténoïdien.

Dans les dysphonies spasmodiques en abduction, selon la technique décrite par Blitzer, nous injectons la toxine botulique dans le muscle cricoaryténoïdien postérieur.

Pour ce, nous positionnons l’aiguille en arrière de la lame thyroïdienne dans le chaton cricoïdien en provoquant une légère rotation du larynx du côté controlatéral à l’aide de la main libre.

L’injection est strictement unilatérale avec une dose de 60 à 80 U de toxine anglaise (Speywood-Dysport).

Les effets secondaires sont toujours transitoires et leur durée n’excède pas 2 à 3 semaines : ils se limitent à des troubles mineurs de la déglutition, essentiellement avec les liquides, et à une hypophonie.

La durée d’action de la toxine botulique est en moyenne de 4 à 6 mois, ce qui nécessite deux à trois injections annuelles. Les injections de toxine botulique réalisent un traitement purement symptomatique et l’épuisement de ces effets s’explique par la repousse axonale.

Les doses de toxine et le rythme des injections sont très variables d’un patient à l’autre.

Le praticien adapte la quantité de produit à injecter en fonction de son efficacité, de sa durée d’action, et de l’importance des effets secondaires des injections antérieures. De plus, l’électromyographie, en évaluant l’intensité de l’activité musculaire, permet de déterminer au mieux les doses à injecter.

Nous n’avons observé aucun laryngospasme, ni aucun effet systémique. Cependant, Marshall rapporte le cas de deux patients traités par la toxine botulique pour une dysphonie spasmodique, qui ont développé une résistance à la toxine après plusieurs années de traitement.

Chez l’un d’entre eux, des anticorps antitoxine ont été mis en évidence.

3- Résultat :

Dans la majorité des cas, les patients sont améliorés de façon spectaculaire dès la première injection, dans un délai de 2 à 3 semaines.

Ils retrouvent les mêmes intonation et fluidité de la voix qu’avant le début des troubles.

L’analyse phonatoire confirme cette amélioration avec une redistribution des histogrammes de fréquence et une normalisation de la courbe d’électrolaryngographie.

De même, la fibroscopie du larynx retrouve une mobilité normale des cordes vocales à la phonation avec disparition des spasmes et des mouvements anormaux.

L’électromyographie du larynx, réalisée à l’occasion de réinjection, met en évidence des modifications du tracé.

Le plus souvent, l’activité électrique est diminuée et tend à se normaliser ; mais parfois, elle réalise un aspect pseudodéficitaire, sans entraîner de gêne clinique.

L’aspect électromyographique est alors celui des atteintes neurogènes périphériques habituelles, avec un appauvrissement du tracé constitué de potentiels d’amplitude supérieurs à la normale (recrutement spatial) et accélérés (recrutement temporel).

Blitzer a publié, en 1998, la plus importante série de patients traités par la toxine botulique pour dysphonie spasmodique.

Chez plus de 900 patients, il a obtenu 90 % de bons résultats pour les dysphonies spasmodiques en adduction et 66,7 % pour les dysphonies en abduction.

La durée d’efficacité pour les dysphonies en adduction est de 15,1 semaines, et pour les dysphonies en abduction de 10,5 semaines.

Il conclut que la toxine botulique est le traitement de choix de la dysphonie spasmodique.

Nos résultats, sur une série de 125 patients, sont comparables, avec 91 % de succès pour les dysphonies en adduction et 73 % pour les dysphonies en abduction.

L’efficacité clinique de la toxine botulique est, pour nous, de 4,6 mois dans les dysphonies en adduction et de 2,5 mois dans les dysphonies en abduction.

Conclusion :

Durant ces dernières décennies, d’importants progrès ont été réalisés dans la connaissance de la physiopathologie de la dysphonie spasmodique.

Une approche pluridisciplinaire a permis d’élucider l’origine de cette pathologie.

Ainsi, les neurologues ont mis en évidence l’origine dystonique de la dysphonie spasmodique : comme toute dystonie focale, la dysphonie spasmodique a pour origine un dysfonctionnement des noyaux gris centraux qui contrôlent l’exécution des mouvements volontaires.

Les oto-rhino-laryngologistes, phoniatres et électrophysiologistes ont bénéficié de moyens d’investigations de plus en plus performants de la dynamique laryngée.

De ce fait, ils ont pu déterminer différentes formes cliniques, en fonction notamment des groupes musculaires laryngés atteints par la dystonie.

Actuellement, le diagnostic de dysphonie spasmodique repose essentiellement sur l’examen acoustique de la voix, la vidéofibroscopie du larynx et l’électromyographie des muscles laryngés.

Enfin, les généticiens, après avoir identifié les gènes de la dystonie, tentent d’établir l’hétérogénéité clinique et génétique des dysphonies spasmodiques, entre autres, afin de déterminer une correspondance entre les phénotypes et les gènes impliqués.

Ces études sont porteuses d’espoir d’un traitement étiologique de la dysphonie spasmodique.

En attendant, la plupart des auteurs s’accordent pour considérer qu’actuellement, le traitement de choix de la dysphonie spasmodique est la toxine botulique : il s’agit d’un traitement purement symptomatique, dont les effets sont limités dans le temps, mais qui a transformé le pronostic fonctionnel des patients.

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