Dyskinésie ciliaire primitive des bronches de l’enfant

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Introduction :

A – DU SYNDROME DE KARTAGENER À LA DYSKINÉSIE CILIAIRE PRIMITIVE :

En 1976, Afzelius montre qu’une immobilité ciliaire liée à une absence des bras de dynéine des cils respiratoires est à l’origine de la triade clinique associant bronchectasies, situs inversus et sinusite chronique, connue de longue date (1933) dans le cadre du syndrome de Kartagener.

La stérilité observée chez la majorité des individus de sexe masculin est expliquée par la similitude entre cils et flagelle du spermatozoïde.

La mise en évidence d’autres anomalies ultrastructurales du cil, ou parfois de la seule motilité ciliaire, et l’observation de ces anomalies en dehors d’un situs inversus ont amené à regrouper ces pathologies relativement homogènes dans leur expression respiratoire sous le terme de dyskinésie ciliaire primitive (DCP).

B – SITUS INVERSUS ET DYSKINÉSIE CILIAIRE PRIMITIVE :

Dyskinésie ciliaire primitive des bronches de l’enfantSeule la moitié des DCP s’accompagne de situs inversus, total ou partiel.

La malposition viscérale serait due à une rotation aléatoire, théoriquement sous contrôle de cellules monociliées primitives. Certains des gènes mutés dans la DCP pourraient aussi avoir un rôle dans la latéralisation des organes.

Chez l’homme, le situs inversus serait plus fréquemment associé à des anomalies des bras externes de dynéine.

Rappelons enfin que toutes les hétérotaxies ne s’accompagnent pas d’une anomalie ciliaire.

C – DYSKINÉSIE CILIAIRE SECONDAIRE :

Nombre d’agressions virales ou environnementales altèrent l’efficacité globale de l’épuration des voies aériennes et sont parfois responsables d’anomalies ultrastructurales ciliaires.

Ces anomalies, polymorphes et variables d’un cil à l’autre chez le même sujet, concernent le plus souvent les microtubules ou l’orientation du cil, plus rarement les bras de dynéine.

Ces dyskinésies ciliaires acquises, autoentretenues par la persistance d’infections bactériennes, notamment à l’étage rhinosinusien, compliquent parfois la démarche diagnostique.

Épidémiologie :

L’existence de tableaux frustes, un sousdiagnostic certain, suspecté au vu d’un certain nombre de DCP seulement reconnues à un âge avancé et le manque de registres nationaux expliquent la fréquence relativement imprécise de la DCP, estimée à environ 1 sur 15 000 naissances, double de celle du syndrome de Kartagener.

Génétique :

La DCP est une pathologie héréditaire, de transmission autosomique récessive sans prédisposition de sexe ni de race.

Les premières mutations identifiées ont été récemment décrites chez un enfant atteint de DCP par absence des bras externes de dynéine ; le gène concerné code pour une chaîne intermédiaire de dynéine axonémale.

Des mutations de ce gène n’ont cependant pas été retrouvées chez d’autres sujets présentant le même phénotype ultrastructural, confirmant une hétérogénéité génétique qui n’est pas surprenante au vu du grand nombre de protéines axonémales.

Un diagnostic anténatal est encore impossible dans l’état actuel des connaissances.

Des mutations de gènes codant pour d’autres dynéines axonémales sont également responsables du situs inversus dans les modèles de souris iv (inversus viscerum) et lgl (legless).

Ultrastructure et mobilité ciliaire :

Il n’y a pas de différence ultrastructurale entre le cil nasal et le cil bronchique, ni entre celui de l’enfant et de l’adulte.

A – LOCALISATION :

Les cellules ciliées sont présentes au niveau des épithéliums des voies aériennes supérieures (cavités nasales, sinus et pharynx) et inférieures (de la trachée aux bronchioles terminales), de l’oreille moyenne (trompes d’Eustache), des voies génitales (canaux déférents, muqueuse de l’endomètre et des trompes), du canal épendymaire du cerveau et de la moelle épinière.

Des structures proches de celles du cil existent aussi dans le flagelle du spermatozoïde et dans les cellules sensorielles.

Enfin, il est banal d’observer dans tous les tissus des cils rudimentaires au cours du développement embryonnaire.

La cellule ciliée, cellule hautement différenciée, est caractérisée par la présence à sa partie apicale de prolongements cytoplasmiques : chaque cellule ciliée comporte environ 200 cils, dont la longueur (5-7 µm) se réduit vers le poumon profond (2-3 µm).

B – LE CIL :

Le cil est une extension cellulaire ultraspécialisée d’un diamètre moyen de 0,3 µm, constituée par un axonème comportant neuf doublets de microtubules périphériques disposés en anneau autour d’une paire centrale (aspect « 9 + 2 »).

Les deux microtubules centraux sont complets, non jointifs et entourés d’une gaine, alors que les doublets périphériques sont constitués d’un microtubule complet A et d’un microtubule incomplet B, fusionnés sur une partie de leur circonférence.

– Les microtubules A et B sont constitués de dimères de tubuline a et b qui se polymérisent sous forme de protofilaments linéaires organisés autour d’une cavité centrale.

Les doublets périphériques sont reliés entre eux par des liens de nexine et à la paire centrale par des ponts radiaires.

Ces structures d’interconnexion se répètent sur toute la hauteur des microtubules selon une périodicité régulière : 32 nm pour les ponts radiaires, 86 nm pour les liens de nexine.

– Les bras de dynéine, accrochés le long des microtubules A à intervalles réguliers, possèdent l’activité adénosine triphosphatasique (ATPasique) indispensable au battement ciliaire.

Il existe un seul type de bras de dynéine externe, composé de deux têtes globulaires chez l’homme, alors que les bras de dynéine internes ont une structure plus complexe.

Les bras de dynéine externes et internes sont des complexes multiprotéiques formés d’une vingtaine de polypeptides, les dynéines axonémales.

Celles-ci se répartissent en trois familles : les chaînes lourdes (DHC), protéines instables de hauts poids moléculaires (300 à 450 kDa) codées par des acides ribonucléiques messagers (ARNm) d’au moins 14 000 bases et qui supportent les propriétés ATPasiques ; les chaînes intermédiaires (DIC), protéines de 100 à 150 kDa codées par des ARNm d’au moins 2 000 bases et qui participent à l’assemblage et à l’ancrage des bras sur le microtubule A ; les chaînes légères (DLC) dont la fonction est encore peu connue.

Chez l’homme, chaque bras de dynéine comporte deux DHC, au moins deux DIC et au moins huit DLC.

Les bras de dynéine sont les moteurs moléculaires du mouvement ciliaire.

L’alternance de fixation puis d’hydrolyse d’ATP sur la dynéine provoque la formation puis la rupture de ponts transitoires entre les bras de dynéine et le microtubule B adjacent, déplaçant les microtubules.

Dans les cils, la force tendant à faire glisser les doublets périphériques les uns par rapport aux autres est convertie en incurvation de l’axonème.

Les bras internes seraient responsables de l’initiation du battement ciliaire alors que les bras externes en augmenteraient la vélocité.

– L’axe du doublet central est aligné sur celui du corpuscule basal, faisant avec lui un angle inférieur à 15°, l’ensemble étant sensiblement perpendiculaire à celui du battement ciliaire.

Cet alignement est nécessaire à l’efficacité du battement.

L’axe du doublet central est utilisé pour évaluer l’orientation des cils issus d’une même cellule.

– L’extrémité distale du cil est rétrécie et condensée, correspondant à la terminaison des microtubules.

La pointe du cil porte sur la face externe de sa membrane trois à sept griffes qui permettent au cil d’accrocher le tapis muqueux.

– L’extrémité proximale du cil émerge du corpuscule basal, qui dérive de structures centriolaires.

Il est formé de triplets de microtubules, les doublets périphériques étant associés à ce niveau à un microtubule supplémentaire C.

– La racine du cil est ancrée dans la cellule par des microfilaments naissant en partie du corpuscule basal et orientés dans le sens du flux muqueux.

C- MOUVEMENT CILIAIRE :

Le battement ciliaire propulse le mucus des voies aériennes inférieures jusqu’aux gros troncs bronchiques où le réflexe de toux achève d’expulser les sécrétions.

Les particularités rhéologiques du mucus, constitué d’une phase solide et d’une phase liquide, sont essentielles au fonctionnement de l’escalator mucociliaire.

Les glycoprotéines de la phase solide du mucus, classiquement supposées être localisées à l’interface avec l’air, semblent en fait plonger dans la couche profonde du mucus.

Le mouvement du cil se décompose en une phase active de propulsion, rapide et brève, et une phase lente de récupération.

La phase de propulsion se développe dans un plan perpendiculaire à celui de l’épithélium, légèrement orienté sur la gauche, tandis que la phase de récupération s’effectue latéralement selon un mouvement antihoraire, les cils étant couchés sur un axe droit par rapport à l’axe de propulsion .

L’asymétrie de ce mouvement serait l’un des facteurs participant à la latéralisation des organes.

La coordination de plusieurs cellules ciliées est nécessaire à une propulsion efficace, le mouvement général prenant l’aspect de vagues successives ou ondes métachrones, qui intéressent successivement différentes zones d’épithélium, activées de proche en proche par contiguïté.

Ces ondes progressent de façon hélicoïdale sur la surface bronchique à raison de 2 à 20 par minute.

D – FRÉQUENCE DU BATTEMENT CILIAIRE :

La fréquence du battement ciliaire est étudiée à partir de prélèvements frais de muqueuse nasale ou bronchique.

Dévascularisation, dénervation et absence du mucus peuvent modifier la cinétique physiologique.

In vitro, les valeurs normales sont habituellement comprises entre 11 et 16 Hz, parfois plus basses (7 à 8 Hz) : l’interprétation doit prendre en compte les conditions de prélèvement, les techniques de mesure et les normes du laboratoire. Sexe et âge ont une incidence légère ou nulle suivant les auteurs.

E – RÉGULATION INTRACELLULAIRE DU BATTEMENT CILIAIRE :

Le battement ciliaire est une activité spontanée dont la fréquence peut être augmentée dans un certain nombre de conditions plus ou moins physiologiques : stimulation neurovégétative (bêtaadrénergique ou muscarinique), cytokines (tumor necrosis factor a [TNFa], interleukine 1 b), modifications de la pression totale ou partielle en O2, adjonction d’éthanol.

La régulation intracellulaire de l’activité ciliaire fait intervenir le monoxyde d’azote, comme le montrent les effets négatifs des inhibiteurs de la NO synthase sur ces modifications de fréquence et la détection de eNO synthase (NOS III) à proximité de l’activité guanylcyclase soluble et de la protéine kinase G.

Inversement, il est possible mais non démontré que le battement ciliaire soit l’un des facteurs stimulant l’activité de la eNOS, détectée à la base du cil : la DCP est en effet l’une des très rares pathologies où malgré l’inflammation locale, la production de NO nasal et bronchique est diminuée.

L’hétérogénéité des defects constitutionnels rend improbable une explication génétique à l’origine de cette moindre production de NO dans la DCP.

Présentation clinique :

Chez l’enfant, les DCP associent classiquement des infections des voies aériennes hautes et basses.

Les manifestations oto-rhino-sinusiennes sont souvent au premier plan durant les premières années et l’absence de toute atteinte des voies aériennes supérieures rend le diagnostic de DCP improbable.

A – MANIFESTATIONS OTO-RHINO-SINUSIENNES :

La rhinite chronique, souvent mucopurulente, est le signe le plus constant chez le nourrisson, persistante après l’adénoïdectomie souvent précocement proposée dans ces tableaux d’infections répétées.

Elle est associée dès le plus jeune âge à une pansinusite et la persistance d’opacités radiologiques après le développement des cavités maxillaires est une constatation habituelle dans la DCP.

La constatation de polypes est dépendante de l’âge, retrouvés chez 15 % d’une série pédiatrique d’enfants de moins de 15 ans.

L’otite séreuse ou la persistance d’une otorrhée après la pose de drains transtympaniques sont des signes évocateurs.

L’hypoacousie de transmission est très fréquente, à un niveau qui, le plus souvent, ne retentit pas sur l’apprentissage du langage (-20 dB).

Lorsque la perte d’audition est supérieure, la pose d’aérateurs transtympaniques reste discutée du fait du risque d’otorrhée chronique. Le cholestéatome est rare.

Dans une série de 108 enfants d’âge moyen inférieur à 5 ans et explorés pour des infections respiratoires récidivantes survenant à fréquence mensuelle durant un semestre au moins, une anomalie constitutionnelle du cil a été découverte six fois : la collaboration avec le spécialiste oto-rhino-laryngologiste (ORL) dans la démarche diagnostique et la prise en charge otologique est essentielle dans la DCP.

B – MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES :

1- Chez le nouveau-né :

Les signes néonataux sont fréquents, mais peu spécifiques. Rétrospectivement, ils sont retrouvés dans 30 % à plus de 90 % des cas : détresse respiratoire transitoire sans explication obstétricale, atélectasie, polypnée précoce, toux néonatale.

La présence d’un situs inversus ou d’antécédents familiaux et, dans une moindre mesure, d’une rhinite précoce facilitent l’évocation du diagnostic.

Cependant, les explorations spécifiques à cet âge sont de réalisation difficile et l’évolution transitoirement favorable deces manifestations néonatales retarde l’étape diagnostique.

2- Chez le nourrisson :

La symptomatologie est peu spécifique, dominée par l’expression d’une bronchopathie sécrétante et plus ou moins sifflante surtout sensible à l’antibiothérapie.

La collaboration avec le kinésithérapeute permet parfois de suspecter l’aspect purulent des sécrétions en provenance de l’arbre pulmonaire.

Il est rare que soient retrouvés à ce stade des arguments pour une suppuration chronique (hippocratisme, retard de croissance).

3- Chez l’enfant et le grand enfant :

Le tableau est celui d’une bronchopathie chronique d’abord modérément obstructive.

Une présentation habituelle est celle d’un asthme atypique, caractérisé par la mauvaise réponse aux thérapeutiques inhalées et surtout l’existence d’une bronchorrhée.

L’expectoration spontanée purulente (crachat) est inhabituelle chez l’enfant et sa constatation doit conduire à la discussion d’une DCP.

Le risque évolutif est l’apparition de bronchectasies diffuses et une dégradation du capital pulmonaire.

Cependant, l’évolution naturelle est variable d’un enfant à l’autre, d’abord dépendante de la qualité de la prise en charge.

Elle serait sans rapport avec le type d’anomalie ultrastructurale pour certains, mais il est à remarquer que les DCP rapportées à une désorientation ciliaire concernent le plus souvent des populations adultes, peut-être plus tardivement symptomatiques dans ce cas.

Un cas d’hémoptysie a été rapporté, sans doute consécutive aux lésions bronchiques.

C – SIGNES EXTRARESPIRATOIRES LIÉS À L’ANOMALIE CILIAIRE : HYPOFERTILITÉ

Bien que la plupart des individus masculins atteints de DCP présentent une stérilité par immobilité des spermatozoïdes, la discordance qui peut exister chez le même individu entre l’ultrastructure ciliaire et flagellaire laisse penser que les gènes contrôlant la structure des axonèmes du cil et du flagelle sont au moins en partie différents.

Cette hypofertilité est accessible aux techniques de procréation assistée par micro-injection : ce point peut être abordé avec optimisme avec l’adolescent et la famille.

Le retentissement des anomalies ciliaires sur la fertilité des sujets de sexe féminin reste controversé.

D – PATHOLOGIES EXTRARESPIRATOIRES ASSOCIÉES :

Un certain nombre de malformations cardiaques plus ou moins liées à une malrotation viscérale ont été décrites (transposition corrigée des gros vaisseaux) . Une échographie à la recherche de malformations complexes est légitime devant un syndrome de Kartagener.

Il est difficile d’affirmer que l’incidence des nombreuses malformations rapportées dans les observations de DCP est supérieure à celle observée dans la population générale : atrésie des voies bilaires et polysplénie, atrésie de l’oesophage, comitialité, hydrocéphalie : sauf point d’appel clinique, aucun bilan extrarespiratoire n’est proposé systématiquement chez l’enfant.

Démarche diagnostique :

Suivant le degré de suspicion, naturellement élevé en cas d’antécédents familiaux dans la fratrie ou de situs inversus, la démarche diagnostique ira plus ou moins rapidement aux explorations spécifiques.

A – ENCOMBREMENT CHRONIQUE SANS ORIENTATION ÉTIOLOGIQUE INITIALE :

Les arguments pour proposer une exploration ciliaire sont l’association des éléments suivants.

1- Dilatation des bronches (DDB) d’évolution progressive :

La présentation initiale est celle de bronchites grasses, parfois sifflantes, surtout sensibles à l’antibiothérapie, compliquant chaque infection rhinopharyngée et s’accompagnant fréquemment de foyers non rétractiles. Les signes auscultatoires comportent d’abord des râles bronchiques et sous-crépitants plus ou moins localisés, puis s’enrichissent en ronchus et crépitants persistant après l’antibiothérapie lorsque les lésions sont installées.

Les DDB plurifocales apparaissent secondairement et caractérisent les formes tardivement identifiées ou insuffisamment prises en charge.

L’atteinte du lobe moyen serait peut-être plus fréquemment retrouvée dans la DCP que dans les autres étiologies de DDB.

La réalisation d’une endoscopie bronchique permet théoriquement de réaliser les biopsies à visée diagnostique, mais l a complexité des analyses ultrastructurales ne permet pas toujours un examen ciliaire lors du bilan initial.

L’aspect endoscopique est celui d’une inflammation diffuse non spécifique avec épaississement de la muqueuse et sécrétions purulentes en période infectée.

2- Pathologie oto-rhino-sinusienne ayant débuté précocement dans l’enfance :

Rhinite perannuelle, otite séreuse rebelle, sinusite chronique avec opacité bilatérale des sinus maxillaires.

3- Négativité des explorations habituelles :

Mucoviscidose, déficit immunitaire, séquelle de virose, déficit en alpha-1-antitrypsine, reflux gastro-oesophagien sévère.

B – EXPLORATIONS SPÉCIFIQUES :

1- Étude de la clairance mucociliaire nasale :

Elle étudie à l’étage ORL les compétences de l’escalator mucociliaire.

L’examen consiste à déposer une particule de saccharine de 1 à 2 mm sur le cornet inférieur et à noter le délai d’apparition d’une sensation sucrée : supérieur à 1 heure, il affirme un trouble global de la clairance mucociliaire nasale qui conduit aux explorations ciliaires proprement dites.

Cet examen de dépistage non spécifique mais très sensible demande une bonne coopération du sujet (immobilisation prolongée, absence de reniflement) et n’est pas de réalisation courante chez l’enfant.

Indépendante de l’âge, une méthode isotopique (albumine marquée au 99mTc) a été proposée mais reste peu utilisée en pratique courante.

Elle serait cependant applicable chez le nouveau-né.

2- Étude du battement ciliaire :

L’étude du battement ciliaire est effectuée sur des fragments de muqueuse nasale ou bronchique étudiés à l’état frais, au mieux dans les 2 heures suivant le geste : une étroite coopération entre anatomopathologiste et clinicien est indispensable.

Le prélèvement doit être effectué en dehors de toute période d’infection, qui peut être responsable d’une diminution de la fréquence du battement ciliaire, voire d’une disparition des cellules ciliées.

Certains auteurs proposent d’étudier la fonction ciliaire après ciliogenèse afin de limiter le risque de perturbations seulement liées à une inflammation locale.

L’activité ciliaire peut être évaluée par différentes méthodes : stroboscopie électronique, microcinématographie ou photo-oscillométrie.

Outre la fréquence du battement ciliaire, l’examen apprécie la richesse en cellules ciliées battantes et le synchronisme du battement (visualisation de l’onde métachrone).

En dehors d’un tableau clinique évocateur, la constatation d’un battement normal dispense le plus souvent des explorations ultrastructurales.

Cependant, il existe des cas de désorientation ciliaire isolée avec fréquence de battement normale ou des anomalies ultrastructurales ne concernant pas la totalité des cils, justifiant de poursuivre les investigations ciliaires face à une forte suspicion clinique sans autre étiologie retrouvée.

3- Microscopie électronique :

L’ultrastructure ciliaire est analysée selon les techniques classiques de microscopie électronique, sur des fragments tissulaires contenant de nombreuses cellules ciliées orientées dans le même plan.

L’analyse quantitative de l’ultrastructure ciliaire porte sur au moins 50 coupes transversales d’axonèmes bien positionnés, provenant de plusieurs cellules ciliées.

L’implantation des corpuscules basaux, l’orientation des cils les uns par rapport aux autres, l’extrémité apicale et la longueur des cils sont également étudiées.

Les résultats sont exprimés de manière quantitative ( % de cils anormaux/nombre de cils étudiés) et qualitative (type de l’anomalie dominante : unique ou polymorphe).

Chez le sujet sain, jusqu’à 5 % des cils peuvent être anormaux, comportant essentiellement des microtubules surnuméraires ; les anomalies des bras de dynéine et des liens sont en revanche rares en l’absence de pathologie respiratoire.

Les viroses peuvent être responsables d’anomalies ultrastructurales transitoires : aplasie ou longueur anormale du cil, désorientation, anomalie des microtubules ou du corpuscule basal.

Les anomalies ciliaires des DCP sont homogènes, touchant la majorité des cils (sauf pour les anomalies du complexe central qui ne concernent jamais plus de 50 % des cils).

Chez de rares patients atteints de syndrome de Kartagener, aucune anomalie ciliaire ou flagellaire n’est détectable.

Dans le cadre des DCP, un grand nombre d’anomalies ciliaires ont été décrites, laissant penser que plusieurs gènes peuvent être impliqués.

La mutation d’un gène impliqué dans la synthèse des protéines axonémales est susceptible d’induire une anomalie pouvant retentir sur la structure ou la fonction ciliaire.

L’anomalie ultrastructurale la première décrite et la plus fréquente est l’absence de bras de dynéine, mais une vingtaine d’autres anomalies axonémales ont été depuis recensées.

C – EXPLORATIONS NON INVASIVES : MESURE DU MONOXYDE D’AZOTE

Le NO est un gaz normalement produit dans les voies aériennes par de nombreux types cellulaires, au niveau alvéolaire, bronchique et rhinosinusien.

La production de NO est augmentée dans un certain nombre de processus inflammatoires, dont l’asthme chez l’enfant.

La DCP est l’une des très rares conditions où le NO nasal et bronchique est en revanche considérablement diminué pour des raisons mal élucidées, mais qui sont possiblement liées au défaut d’activité ciliaire.

La mesure du NO nasal et bronchique pourrait être un moyen non invasif participant à la démarche diagnostique dans la DCP de l’enfant.

Suivi de l’enfant atteint de dyskinésies ciliaires primitives :

A – SUIVI MULTIDISCIPLINAIRE :

Le suivi d’un enfant atteint de DCP est effectué conjointement par le médecin de famille, le spécialiste ORL, le fonctionnaliste respiratoire et le pneumologue pédiatre. Le risque auditif nécessite en particulier une prise en charge orientée dès le plus jeune âge.

La fréquence du suivi pneumologique est adaptée à l’état de l’enfant et à la compliance familiale : il surveille la croissance, la fréquence des phases d’exacerbation et s’assure de la bonne compréhension et surtout de la régularité des traitements, dont il faut réexpliquer l’intérêt.

Des programmes d’éducation sur support vidéo ont été réalisés dans les pays anglo-saxons.

B – EXAMENS :

1- Imagerie :

Plus sensible que le cliché thoracique standard, la tomodensitométrie permet de dépister l’éventuelle progression des lésions, et particulièrement le développement de bronchectasies bilatérales.

Une analyse transversale à différentes étapes de la maladie détaille l’évolution des lésions radiologiques jusqu’à l’âge adulte : épaississement des parois bronchiques rapidement associé à une distension, troubles de ventilation segmentaires, dilatations bronchiques.

Lorsqu’une DDB localisée est suspectée, le bilan est complété d’une endoscopie trachéobronchique, pour certaines équipes d’une scintigraphie de ventilation-perfusion, afin de vérifier le caractère localisé des lésions, préalable à la discussion d’un éventuel geste chirurgical.

2- Épreuves fonctionnelles respiratoires :

L’étude des fonctions respiratoires retrouve un syndrome obstructif d’évolution progressive : l’âge tardif de diagnostic est corrélé à l’altération fonctionnelle, tandis que le suivi prolongé des fonctions respiratoires chez des enfants bénéficiant d’un traitement médical et kinésithérapique adapté montre une stabilité satisfaisante sur 5 à 15 ans de recul.

L’importance de l’obstruction (volume expiratoire maximal seconde [VEMS] 63 % chez Hellinckx, 72 % chez Ellerman) et la stabilité des perturbations dans ces groupes d’enfants suivis longitudinalement laissent supposer une dégradation précoce lorsque les lésions ne sont pas reconnues et invitent à une démarche diagnostique active dès le plus jeune âge.

Atélectasies fixées et lobectomie expliquent la réduction sensible de la capacité vitale dans ces populations, tandis que la diffusion reste normale.

La réactivité bronchique n’est pas régulièrement étudiée, mais une certaine réversibilité sous bronchodilatateurs, comprise entre 5 et 13 %, est en faveur d’un bronchospasme sous-tendu par l’inflammation des voies aériennes.

Les perturbations gazométriques sont tardives et ne concernent pas les populations pédiatriques.

3- Bactériologie :

L’examen cytobactériologique des crachats (ECBC) quantitatif chez ces enfants sécrétants et entraînés à l’expectoration reflète la flore bronchique.

Les surinfections à pneumocoque, Haemophilus, staphylocoque sont les plus fréquentes.

L’ECBC permet d’adapter l’antibiothérapie lorsqu’un germe résistant est isolé : la présence de Pseudomonas, moins délétère dans la DCP que dans la mucoviscidose, pose cependant chez certains patients les mêmes problèmes d’infection chronique sans réelle possibilité d’éradication.

Lorsque le traitement au long cours repose sur une antibiothérapie intermittente, l’ECBC prend une place décisive dans l’indication d’une cure antibiotique.

Thérapeutiques :

Elles reposent essentiellement sur l’antibiothérapie et la kinésithérapie de drainage bronchique.

A – KINÉSITHÉRAPIE RESPIRATOIRE :

Le drainage bronchique est un temps fondamental de la prise en charge chez l’enfant atteint de DCP : effectuée par un kinésithérapeute entraîné aux techniques de drainage bronchique par accélération du flux, nécessitant la participation active de la famille puis de l’enfant, elle permet de drainer l’arbre aérien et d’acquérir un réflexe de toux efficace qui pallie le défaut d’épuration mucociliaire.

Plusieurs techniques sont applicables, les équipes anglo-saxonnes donnant la préférence aux manoeuvres d’expectoration active aidées par l’application d’une pression positive intermittente.

Les séances doivent être biquotidiennes et prolongées (30 min) lorsque l’antibiothérapie est intermittente.

Elles sont adaptées aux phases d’exacerbation dans les schémas proposant une antibiothérapie alternée, mais jamais inférieures à trois séances hebdomadaires.

L’activité sportive est recommandée dans le double but de favoriser le drainage bronchique et de conserver une adaptation à l’effort profitable à l’épanouissement de l’enfant.

De plus, la bronchodilatation posteffort a été montrée comme supérieure à celle induite par les bêta-2 chez l’enfant atteint de DCP.

B – ANTIBIOTHÉRAPIE :

Suivant les équipes, une antibiothérapie séquentielle ou à la demande est proposée.

Dans ce dernier cas, un suivi bactériologique mensuel par ECBC permet de choisir le moment d’une cure prolongée sur 15 jours, proposée par certaines équipes lorsqu’un germe est retrouvé à deux reprises, même en l’absence de signe clinique : cette stratégie qui nécessite une surveillance stricte permet chez le grand enfant et le jeune adulte de conserver des fonctions respiratoires stables.

L’antibiothérapie alternée autorise une surveillance bactériologique plus souple.

Ce schéma semble préférable chez l’enfant de moins de 5 ans, plus exposé aux infections virales et à un risque de surinfection bactérienne : le pronostic fonctionnel à long terme dépend sans doute de cette prise en charge précoce.

Il est souvent possible, et peut-être même utile, afin de favoriser l’observance à long terme, de suspendre les cures durant les périodes estivales.

Aucun travail n’étudie la meilleure stratégie antibiotique et l’habitude va souvent à des cures alternées de 10 jours en proposant des molécules réputées efficaces contre les germes de surinfection bronchique courants : amoxicilline-acide clavulanique, céphalosporine, sulfamide-triméthoprime.

Lorsque Pseudomonas aeruginosa (pyocyanique) est retrouvé, une cure intraveineuse et parfois des nébulisations antibiotiques (colimycine, tobramycine) sont indiquées.

C – PRISE EN CHARGE ORL :

Sous la responsabilité du spécialiste ORL pédiatrique, sont discutées la place de l’adénoïdectomie, l’amygdalectomie, la pose de drains transtympaniques, la chirurgie sinusienne, l’appareillage auditif.

D – MESURES ENVIRONNEMENTALES ET VACCINATIONS :

L’éviction du tabagisme passif contribue à réduire le risque d’inflammation non spécifique, limite l’aggravation des lésions ciliaires et l’hypersécrétion muqueuse.

Outre le calendrier vaccinal habituel, incluant la rougeole, une vaccination antigrippale doit être proposée annuellement chez l’enfant atteint de DCP.

L’intérêt de la vaccination antipneumococcique dans cette population non exposée à un risque de pneumococcie invasive n’est pas évalué.

E – THÉRAPEUTIQUES INHALÉES :

L’importance des phénomènes inflammatoires, la présentation clinique souvent sifflante de la DCP chez l’enfant, la réversibilité significative observée sous bronchodilatateurs dans certaines études justifient l’essai des thérapeutiques inhalées.

Le bénéfice des glucocorticoïdes inhalés au long cours dans la DCP n’est pas évalué, mais la lutte contre une inflammation chronique susceptible d’aggraver l’hyperréactivité bronchique est légitime.

Le suivi fonctionnel permet d’évaluer l’efficacité objective des bronchodilatateurs adrénergiques et anticholinergiques, actifs sur les gros troncs bronchiques.

Signalons que l’administration de bêta-2 stimulants n’induit ni tachyphylaxie, ni exacerbation de l’hyperréactivité bronchique chez les patients atteints de DCP.

F – AUTRES THÉRAPEUTIQUES :

Sous forme orale, les mucolytiques et expectorants n’ont pas leur place dans la prise en charge au long cours.

Des nébulisations d’ADNase ont amélioré au plan clinique et fonctionnel un enfant bronchorrhéique et leur place est discutée dans la DCP.

Plus récemment, il a été montré par scintigraphie une amélioration de la clairance pulmonaire durant la toux après nébulisation d’uridine triphosphate (UTP) ; le mode d’action pourrait reposer sur l’activation de la protéine transmembranaire CFTR, modifiant les propriétés rhéologiques du mucus et favorisant l’efficacité du réflexe tussigène.

Chirurgie :

La place de la chirurgie dans la DCP se limite aux résections de lobes détruits et source de suppuration chronique, permettant de soulager le patient d’une bronchorrhée invalidante.

Dans cette pathologie diffuse, la décision doit être soigneusement évaluée par une équipe médicochirurgicale pédiatrique entraînée.

Les indications de transplantation pulmonaire ou cardiopulmonaire sont exceptionnelles, concernent des patients adultes le plus souvent atteints également de cardiopathies associées.

Une transplantation d’un lobe a été effectuée avec succès chez une jeune adulte.

Conclusion et perspectives :

Malgré un trouble majeur du fonctionnement de l’escalator mucociliaire, la DCP est accessible à un traitement médical : celui-ci est astreignant, mais permet de conserver un capital pulmonaire et une qualité de vie satisfaisants.

La précocité du diagnostic est l’un des facteurs réduisant la morbidité de la maladie et repose d’abord sur la reconnaissance de signes d’appel initialement peu spécifiques, pourtant fréquemment présents dès la période néonatale.

La mesure du monoxyde d’azote dans l’air expiré pourrait aider au dépistage de la DCP dont le diagnostic repose sur l’affirmation des anomalies de la structure et de la fonction ciliaire.

Les progrès attendus sont génétiques, avec l’identification des gènes contrôlant la synthèse des protéines axonémales et ouvrant peut-être la voie aux thérapies géniques.

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