Dermatomyosite

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Introduction :

La dermatomyosite (DM) stricto sensu associe une atteinte cutanée assez caractéristique à une atteinte musculaire inflammatoire, prédominant aux ceintures.

C’est une maladie rare, 10 nouveaux cas par million d’habitants aux États-Unis chez l’adulte et trois chez l’enfant, qui comporte une prédominance féminine (sexratio femme/homme : 2/1) et dont l’étiologie est inconnue.

La DM est grave à la fois par son évolution spontanée, par son retentissement fonctionnel, et par les complications induites par le traitement.

DermatomyositeLa polymyosite (PM), responsable d’une atteinte musculaire superposable à celle de la DM mais qui ne comporte pas par définition d’atteinte cutanée, est plus fréquente (10 à 60 nouveaux cas par million d’habitants).

La DM pose des problèmes diagnostiques, nosologiques, et thérapeutiques.

Des critères diagnostiques de la DM et de la PM ont été proposés ainsi qu’une classification des différentes formes de myosites inflammatoires.

En utilisant ces critères, l’atteinte musculaire est obligatoire, et la polymyosite (PM) pourrait être considérée comme une dermatomyosite sans dermatose, qu’on pourrait appeler polymyosite sine dermatitis.

Le terme de dermato/polymyosite (DM/PM) est d’ailleurs couramment utilisé pour englober dans des séries des patients atteints des deux maladies.

Mais il existe des différences qui font qu’il est préférable de séparer la DM de la PM.

À côté de la dermatomyosite et de la polymyosite, trois autres groupes de myosites ont été individualisés : les DM/PM associées à un cancer, les formes juvéniles, les formes survenant au cours d’autres maladies inflammatoires (lupus et sclérodermie systémique principalement).

La place du syndrome des antisynthétases, inclus dans ce dernier sous-groupe ou à classer à part, reste à définir.

Puis le terme de DM sine myositis ou amyopathique a été introduit, pour intégrer un groupe de patients ayant une atteinte cutanée typique, mais une atteinte musculaire inexistante ou infraclinique se manifestant par une élévation discrète des enzymes musculaires, ou des anomalies à l’électromyogramme ou à l’imagerie par résonance magnétique sans déficit musculaire.

Enfin, en 1992, le groupe des myosites à inclusions a été décrit.

Cette maladie inflammatoire est la myopathie la plus fréquente après 60 ans.

L’atteinte musculaire concerne les muscles proximaux et distaux, la corticothérapie est moins efficace.

Cette entité est clairement différente de la dermatomyosite avec ou sans myosite, et de la polymyosite.

Atteinte cutanée :

Elle n’est pas au départ toujours typique, le diagnostic peut être retardé tant qu’il n’y a pas de signes musculaires ou de signes cutanés spécifiques.

A – CLINIQUE :

Le caractère photodistribué des lésions est habituel, avec une atteinte du visage et des mains, le respect des zones couvertes (signe de la montre, respect de la zone sous-mentonnière) ; le caractère photodéclenché ou photoaggravé des lésions est présent dans la moitié des cas.

Une atteinte plus profuse des zones non exposées à la lumière est possible.

Les lésions peuvent être prurigineuses ou douloureuses.

Plusieurs aspects cliniques très caractéristiques de la maladie sont présents dans 70 % des cas, et permettent à eux seuls d’affirmer le diagnostic même sans atteinte musculaire :

– l’érythème oedémateux, plus ou moins violacé des paupières (rash héliotrope) ;

– l’érythème maculeux en bande du dos des mains, avec en regard des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes des lésions plus papuleuses (papules de Gottron). Ces papules peuvent survenir en regard d’autres articulations (chevilles, genoux, coudes) ;

– l’atteinte de la sertissure de l’ongle, douloureuse (signe de la manucure), avec un épaississement de la cuticule et des mégacapillaires visibles à l’oeil nu ou à l’aide du capillaroscope.

Ce signe peut être observé dans le lupus cutané, mais le plus souvent de manière beaucoup moins marquée que dans la DM ;

– l’érythème flagellé, réalisant un aspect en bandes linéaires sur le tronc et la racine des membres, est très rarement observé, mais serait également spécifique de la DM.

D’autres aspects sont observés, mais sont moins spécifiques de la maladie :

– un érythème étendu de l’ensemble du visage, sans atteinte oedémateuse des paupières pouvant faire discuter en l’absence de myosite une dermite de contact, une photodermatose, ou encore un lupus (qui peut comporter une atteinte musculaire) ;

– un érythème en forme de V du décolleté ;

– des lésions poïkilodermiques associant un érythème télangiectasique, des macules hyper- et hypopigmentées, et une atrophie, en particulier sur le haut du dos, le décolleté antérieur, les avant-bras ;

– des lésions érythématosquameuses, avec des squames plus ou moins épaisses du visage, du scalp, ou des mains.

On peut ainsi observer des aspects ressemblant à un psoriasis, une dermite séborrhéique, un pityriasis rubrapilaire ;

– un aspect de dermite irritative des mains avec une hyperkératose fissuraire des doigts, décrit dans la littérature anglo-saxonne sous le terme de main mécanique ;

– une érythrodermie ;

– des lésions vésiculeuses, bulleuses, ulcérées ou nécrotiques, plus fréquentes quand la DM est associée à un cancer ;

– des lésions de panniculite, qui peuvent se calcifier ;

– des lésions de lipoatrophie sans lésion clinique de panniculite préalable plus fréquentes chez l’enfant ;

– des lésions infiltrées et scléreuses rapportées sous le terme de mucinose en plaques ou de scléromyxoedème.

B – HISTOLOGIE :

L’aspect histologique des lésions n’est pas spécifique (hyperkératose, atrophie épidermique, oedème dermique superficiel, dilatation des capillaires, vacuolisation de l’assise basale, boules colloïdes, incontinence pigmentaire, dépôts de mucine) et peut se voir dans d’autres pathologies inflammatoires comme le lupus.

L’infiltrat inflammatoire périvasculaire est composé de lymphocytes CD4+, et de macrophages exprimant HLA-DR.

Parfois on peut observer des images de vascularite leucocytoclasique, le risque d’association à un cancer serait alors majoré : quatre cancers chez cinq patients ayant une vascularite versus trois chez 18 patients n’ayant pas de vascularite.

L’immunofluorescence directe peut avoir un intérêt quand le diagnostic de lupus est évoqué : il n’y a pas (ou rarement) de dépôts de C3 ou d’immunoglobuline G le long de la jonction dermoépidermique dans les lésions cutanées au cours de la DM, alors que l’immunofluorescence directe est positive en peau lésée dans 60 à 100 % des lupus subaigus ou aigus.

En revanche, la présence du complexe membranaire d’attaque C5b-9 a été mise en évidence dans la DM le long de la jonction dermoépidermique ou de la paroi des vaisseaux.

Atteinte musculaire :

Elle est par définition constante dans la PM, et est cliniquement parlante dans la moitié des DM au moment du diagnostic : dans la série de 153 patients de Bohan, la force musculaire était normale à l’examen initial dans 31 % des cas ; elle apparaît dans 30 % des cas dans les mois qui suivent l’apparition des signes cutanés.

Le groupe des DM sans atteinte musculaire après un délai de 2 ans, appelées DM amyopathiques, représentent les 10 % restants ; mais l’atteinte musculaire peut se manifester encore plus tard.

A – CLINIQUE :

L’atteinte musculaire peut être inaugurale de la maladie, parfois d’emblée très sévère et brutale avec une impotence fonctionnelle majeure des muscles proximaux, empêchant la marche, mais le plus souvent d’installation beaucoup plus progressive.

Il n’y a pas au départ d’atrophie musculaire, mais au contraire un oedème musculaire, puis secondairement l’amyotrophie peut apparaître.

Le délai entre l’apparition des signes cutanés et musculaires peut varier de quelques mois jusqu’à 2 à 3 ans. Il existe souvent des signes fonctionnels (asthénie, fatigue à l’effort, myalgies spontanées ou à la pression des masses musculaires) même sans déficit musculaire franc.

Lorsque l’atteinte cutanée est discrète ou absente, des diagnostics de syndrome de fatigue chronique peuvent être portés à tort.

Puis lorsque le déficit musculaire devient cliniquement parlant, il prédomine alors de façon symétrique aux ceintures scapulaires et pelviennes, entraînant une difficulté voire une impossibilité à l’élévation des épaules, à se peigner, à se lever d’un siège sans l’aide des bras (signe du tabouret), alors que la force distale est conservée.

Puis avec l’évolution, et en cas de résistance au traitement, on peut observer une atteinte musculaire plus profuse, axiale, empêchant même la position assise, et une atrophie musculaire parfois majeure.

Une atteinte des muscles striés pharyngés et oesophagiens se manifestant par une dysphonie et une dysphagie proximale, peut être observée, dès le début de la maladie ou en cours d’évolution.

Cette atteinte est de mauvais pronostic, d’une part en raison des complications infectieuses (pneumopathie d’inhalation), d’autre part parce que l’évolution est souvent plus agressive avec une atteinte systémique.

Une atteinte plus distale de l’oesophage, touchant les muscles lisses, est possible, elle est plus fréquente dans le sous-groupe des DM associées à la sclérodermie (sclérodermatomyosite).

Une atteinte des muscles impliqués dans la mécanique ventilatoire (diaphragme, intercostaux) est possible, pouvant nécessiter une ventilation assistée.

B – BIOLOGIE :

Les enzymes musculaires peuvent être normales ou modérément augmentées dans la DM amyopathique, mais sont parfois très élevées.

On doit doser les créatine phosphokinases (CPK) principalement : le sous-type MM des CPK est le plus spécifique de l’atteinte des muscles striés mais le sous-type MB, plus spécifique d’une atteinte cardiaque, peut lui aussi être augmenté sans pour autant signifier une atteinte cardiaque.

Le dosage de la troponine cardiaque, enzyme musculaire plus spécifique du coeur, est alors utile.

Récemment, le dosage de deux sous-types de troponine cardiaque a été évalué dans une série de 39 patients atteints de DM/PM sans atteinte cardiaque.

La troponine cardiaque I était indétectable chez 38 des 39 patients, tandis que les CPK MB et la troponine cardiaque T étaient augmentées chez la moitié et 40 % des patients respectivement.

Il existait un parallélisme entre la sévérité de l’atteinte musculaire et l’augmentation de la troponine cardiaque T.

D’autres enzymes peuvent être augmentées : aldolase, lactodéshydrogénase (LDH), aspartate aminotransférase (ASAT), alanine aminotransférase (ALAT), les trois dernières étant moins spécifiques.

Elles peuvent néanmoins être utiles à la phase de chronicité de la maladie, et témoigner de la persistance d’une atteinte musculaire alors même que les CPK sont normales.

C – ÉLECTROMYOGRAMME :

Il doit être réalisé de préférence sur un muscle cliniquement atteint, et montre alors dans 90 % des cas une atteinte myogène caractérisée par des potentiels d’unités motrices courts et polyphasiques.

Cet aspect n’est pas spécifique, mais permet de différencier une atteinte neurogène d’une atteinte myogène.

D – IMAGERIE :

Quand l’atteinte musculaire est cliniquement inexistante, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut montrer des anomalies à type d’oedème et d’hypersignaux en séquence T2 dans les masses musculaires, confirmant qu’il y a un spectre continu entre la DM sans myosite, la DM avec myosite infraclinique, et la DM avec myosite clinique.

Certains auteurs ont proposé une IRM pour aider à localiser la zone où réaliser l’électromyogramme (EMG) et la biopsie musculaire dans les DM amyopathiques.

Ceci n’a en pratique aucun intérêt quand le diagnostic est certain sur la clinique cutanée, mais peut être proposé quand l’atteinte cutanée n’est pas suffisamment typique.

L’IRM est également utile pour différencier au cours du traitement, devant une réapparition d’une faiblesse musculaire, une poussée évolutive de myosite inflammatoire (oedème musculaire et hypersignaux) d’une myopathie cortisonique (infiltration graisseuse).

E – HISTOLOGIE :

C’est un des critères diagnostiques de Bohan et Peter.

Elle est nécessaire lorsqu’il n’y a pas d’atteinte cutanée, pour différencier les différents types de myosite.

Le site choisi est habituellement le triceps ou le quadriceps.

Des différences ont été observées entre DM et PM : les atteintes des capillaires musculaires sont plus fréquentes et plus intenses dans la DM.

Il existe un infiltrat inflammatoire essentiellement lymphohistiocytaire, une nécrose des fibres musculaires, des zones de régénération.

Dans la DM, les anomalies histologiques sont, de façon attendue, plus souvent observées lorsqu’il existe une atteinte musculaire clinique (anomalies de la biopsie musculaire présentes dans 75 % des DM avec myosite, contre 50 % dans le groupe des DM amyopathiques ou hypomyopathiques).

En revanche, lorsque la biopsie est anormale, il n’ y a pas de différence notable entre les deux groupes, sauf pour la présence de foyers ischémiques.

Quand l’atteinte cutanée est suffisamment évocatrice, la biopsie musculaire est inutile : la clinique, la biologie et l’EMG sont en effet suffisants pour affirmer la DM, et apprécier le degré d’atteinte musculaire (DM amyopathique ou DM « classique » avec myosite clinique).

Atteinte systémique :

A – ATTEINTE ARTICULAIRE :

Elle concerne 25 % des patients, et se manifeste par des arthralgies, ou plus rarement des arthrites, de topographie distale, avec un enraidissement et un dérouillage matinal.

On trouve un syndrome du canal carpien dans un quart des cas.

La survenue d’arthrite érosive et de déformations articulaires est rare, mais est sans doute plus fréquente dans le groupe des patients ayant des anticorps anti-Jo1.

B – ATTEINTE CARDIAQUE :

Elle peut être mortelle, en particulier en raison des troubles du rythme.

Sa fréquence varie selon les séries de 10 à 70 %, et dépend de la sophistication des moyens mis en oeuvre pour la dépister, et de la gravité de la maladie : l’autopsie des patients atteints de DM, quelle que soit la cause du décès, montre une atteinte cardiaque dans plus de 70 % des cas, avec des lésions d’insuffisance cardiaque congestive, de myocardite, de péricardite avec ou sans tamponnade, de fibrose myocardique, d’atteinte coronarienne. Mais le décès est rarement secondaire à l’atteinte cardiaque.

L’électrocardiogramme, éventuellement complété d’un Holter, peut montrer des troubles conductifs variés, des troubles de l’excitabilité allant d’extrasystoles jusqu’à la fibrillation ventriculaire, des signes d’hypertrophie auriculaire ou ventriculaire.

L’échocardiographie peut quantifier le retentissement de l’atteinte cardiaque sur la fonction contractile du ventricule gauche.

La scintigraphie au thallium, l’IRM peuvent montrer des anomalies chez des malades asymptomatiques.

Le dosage de la troponine cardiaque est utile.

C – ATTEINTE PULMONAIRE :

Elle est de mauvais pronostic.

Elle peut résulter de l’atteinte musculaire : pneumopathies d’inhalation en cas d’atteinte pharyngée (potentiellement graves chez des patients souvent traités par corticoïdes et immunosuppresseurs), ou troubles ventilatoires en cas d’atteinte diaphragmatique et des muscles respiratoires accessoires, pouvant nécessiter une ventilation assistée.

Il peut aussi s’agir de complications infectieuses favorisées par le traitement immunosuppresseur, ou d’une pneumopathie d’hypersensibilité induite par le méthotrexate.

L’atteinte inflammatoire du parenchyme pulmonaire survient dans 5 à 80 % des cas, selon les séries, et les moyens employés.

Elle peut être inaugurale de la maladie, et elle constitue par elle-même un facteur de gravité : la mortalité à 1 an est comprise entre 31 % et 69 %.

L’atteinte pulmonaire dans une série 111 patients est corrélée négativement à la sévérité de l’atteinte musculaire.

De plus, lors du traitement par corticothérapie, l’amélioration de l’atteinte musculaire n’est pas corrélée nécessairement avec l’amélioration de l’atteinte pulmonaire : il ne faut donc pas dans ce cas de figure diminuer le traitement en se guidant sur la seule amélioration de l’atteinte musculaire.

Les pneumopathies interstitielles sont plus fréquentes dans le groupe des patients qui ont des autoanticorps antisynthétases dont l’anti-Jo1, et des anticorps anticellules endothéliales. Elle est plus fréquente chez les Japonais.

Elle se voit également dans les DM juvéniles (cinq patients d’une série de 12), mais n’est pas habituellement observée dans le sous-groupe des DM associées au cancer.

Cliniquement, la pneumopathie interstitielle peut être révélée par une toux sèche, une dyspnée d’effort, des râles secs à l’auscultation pulmonaire.

La radiographie pulmonaire peut montrer un syndrome interstitiel ou être normale.

Les explorations fonctionnelles respiratoires, et l’examen tomodensitométrique en coupes millimétriques sont plus sensibles pour détecter une atteinte interstitielle.

Le dosage sérique d’une glycoprotéine sécrétée par le pneumocyte (KL-6/MUC1) est corrélé à la sévérité de l’atteinte pulmonaire, toutefois son élévation n’est pas spécifique à l’atteinte interstitielle de la DM.

L’étude cytologique du lavage bronchoalvéolaire montre un infiltrat soit à prédominance de lymphocytes avec un abaissement du rapport CD4/CD8 (qui serait de meilleur pronostic) soit de polynucléaires neutrophiles.

La biopsie chirurgicale peut être proposée.

D – ATTEINTE DES AUTRES ORGANES :

L’atteinte du tube digestif est possible (atteinte de la musculature lisse) mais rarement problématique. Les autres organes peuvent être atteints, par un mécanisme de vascularite le plus souvent.

On a ainsi décrit des atteintes hépatiques (cholestase et hépatites autoimmunes), des glomérulopathies, des vascularites cérébrales confirmées par la biopsie.

Cela est probablement plus fréquent dans les DM/PM associées aux autres « connectivites » (sclérodermie, lupus, cirrhose biliaire primitive, Gougerot-Sjögren, etc).

Formes cliniques :

A – DM AMYOPATHIQUE OU DM SINE MYOSITIS. DM HYPOMYOPATHIQUE :

Cette forme représente environ 5 à 10% des patients.

L’atteinte musculaire est cliniquement absente ou se manifeste seulement par des signes subjectifs, et les enzymes musculaires sont normales ou modérément élevées, mais sans retentissement clinique. De même, l’électromyogramme, l’échographie musculaire ou l’IRM peuvent montrer une atteinte infraclinique.

Cette forme clinique a été discutée car la DM est souvent révélée par la peau, puis les signes musculaires apparaissent, des mois à des années plus tard.

Dans une série de 50 patients ayant une DM, le délai entre l’apparition des signes cutanés et musculaires était de 1,75 an pour six patients (soit 12 % des patients).

Mais il existe bien un groupe de malades ayant une atteinte cutanée isolée, qui n’évolueront pas vers une myosite malgré un recul prolongé (DM amyopathique), un groupe ayant une atteinte musculaire infraclinique (DM hypomyopathique) et des malades qui ont une DM « classique », mais qui ont pendant plusieurs mois une atteinte cutanée isolée.

Le risque de l’association à un cancer n’a pas été évalué par des grandes séries, mais il a été observé chez certains patients, avec une fréquence de 13 % dans une série de 37 cas de DM amyopathique.

L’intérêt de distinguer ces différentes formes est essentiellement thérapeutique : les DM avec myosite infraclinique ne nécessitent pas un traitement agressif.

B – DERMATOMYOSITE JUVÉNILE :

La DM est plus fréquente que la PM chez l’enfant et l’adolescent. L’atteinte cutanée est la même que celle observée chez l’adulte, avec une fréquence plus élevée de survenue de calcifications cutanées et musculaires, 30 à 70 % des cas pédiatriques contre 10 % des adultes, incitant à un traitement plus agressif pour tenter de les prévenir.

Les formes amyopathiques existent également chez l’enfant, l’imagerie par résonance magnétique peut, comme chez l’adulte, mettre en évidence des atteintes cutanées ou souscutanées infracliniques.

L’atteinte articulaire est habituelle.

La survenue de rétractions articulaires est un problème qui doit être prévenu par la kinésithérapie.

La fréquence de l’association d’un cancer à la DM juvénile est beaucoup plus faible que chez l’adulte, toutefois le risque relatif par rapport aux enfants du même âge est élevé (32, intervalle de confiance 3,9-117) dans une étude australienne.

C – DERMATOMYOSITE ASSOCIÉE À UN CANCER :

Cette association a fait l’objet de nombreuses publications principalement rétrospectives, avec des chiffres surestimés allant jusqu’à 60 %.

Elle est plus fréquente chez les sujets âgés mais l’incidence du cancer dans la population générale également, et le cancer est habituellement découvert au moment du diagnostic de la DM.

Elle est rarement réellement paranéoplasique (en ce sens que l’évolution de la dermatomyosite est généralement indépendante de celle du cancer associé), mais parfois la DM rechute quand le cancer récidive.

Quand le cancer survient quelques années après la DM, le rôle des immunosuppresseurs peut être discuté.

Une étude multicentrique rétrospective française de 118 DM avait estimé la fréquence de l’association à 28 % des cas, le diagnostic de cancer étant soit antérieur (moins de 1 an, sept cas), soit concomitant (22 cas), soit postérieur (moins de 1 an, cinq cas).

Une étude plus récente provenant de la même équipe, rétrospective et monocentrique, rapportant une série de 40 patients ayant une DM/PM dont 33 DM, avec une moyenne d’âge de 57 ans, a montré une proportion élevée de cancers (40 %), non corrélée avec l’âge, mais corrélée avec l’absence de phénomène de Raynaud, et la rapidité et la sévérité de l’atteinte musculaire.

Une méta-analyse publiée en 1994 avait conclu à un risque multiplié par 4,4 (intervalle de confiance entre 3 et 6,6) dans la dermatomyosite, et 2,1 (intervalle de confiance entre 1,4 et 3,3) dans la PM.

Deux études récentes en Écosse et en Australie, totalisant plus de 1 200 patients ayant une DM ou une PM, donne des résultats assez similaires : risque relatif entre 6 et 8 dans la DM et autour de 2 dans la PM.

Une autre étude scandinave totalisant 618 DM et 916 PM trouve un risque plus faible (entre 2,5 et 3,6 pour la DM, et 1 et 1,6 pour la PM), mais avec une augmentation nette du risque de survenue de certains cancers, en particulier cancer de l’ovaire (risque relatif : 10), du poumon (risque relatif : 7) alors que le risque est plus faible pour le pancréas et l’estomac (risques relatifs à 3,8 et 3,5) et les lymphomes (risque relatif de 3,6).

Le risque de cancer colique est élevé dans la population âgée atteinte de DM.

Certains critères cliniques ou biologiques sont statistiquement liés à l’association à un cancer : les nécroses cutanées, l’existence d’une vascularite à l’histologie, et l’accélération de la vitesse de sédimentation.

L’âge élevé, le sexe masculin, et l’importance de l’atteinte musculaire, sont des critères associés au risque de cancer dans certaines études mais pas dans d’autres.

L’utilité du dépistage du cancer et les moyens à mettre en oeuvre chez les patients atteints de DM restent débattus, mais il existe un consensus pour orienter la recherche par un signe d’appel clinique, un facteur de risque personnel ou familial ou un sur-risque particulier.

On propose donc un examen clinique complet, une radiographie pulmonaire, une échographie abdominopelvienne, le dosage de l’antigène CA-125, une recherche de sang dans les selles et une mammographie chez les femmes.

Le dosage systématique, initial puis répété des autres marqueurs tumoraux, est discutable.

La pratique systématique d’un scanner est proposée par certains mais très discutable quand il n’y a pas de signes associés ou de facteurs de risques.

Les autres examens ne sont pas systématiques, mais guidés par l’existence de symptômes ou par l’existence de facteurs de risques personnels (tabac, ou antécédent personnel de polypes dysplasiques par exemple), familiaux (cancer du côlon par exemple), géographiques (cancer du nasopharynx en Asie), liés à l’âge (cancer du testicule plus fréquent chez les hommes jeunes, de la prostate plus fréquent chez les hommes âgés).

Le deuxième problème non résolu est la fréquence à laquelle répéter ces examens.

En effet, les études scandinaves et australiennes montrent que le risque est maximum la première année, mais qu’il persiste à 5 ans.

Et nous connaissons tous des patients, auxquels un bilan « complet » a été initialement réalisé, et auxquels 6 mois ou 1 an plus tard, on découvre un cancer révélé par une métastase.

Dans la PM, le risque de cancer étant faible voire inexistant, la surveillance clinique est suffisante, les examens seront à nouveau réalisés en cas de modification des signes cliniques.

D – DERMATOMYOSITES ASSOCIÉES AUX MALADIES INFLAMMATOIRES SYSTÉMIQUES :

Les maladies associées sont le lupus érythémateux systémique, le syndrome de Gougerot-Sjögren, la sclérodermie, la polyarthrite rhumatoïde, la périartérite noueuse.

Ce groupe représente 10 à 40 % des séries, et il existe une nette prépondérance féminine (sex-ratio 9/1).

Les signes cliniques fréquemment présents dans ce groupe de patients et qui habituellement précèdent la DM/PM sont : des arthralgies ou arthrites, un phénomène de Raynaud, un syndrome sec, une sclérodactylie.

Les anticorps antinoyaux sont fréquemment élevés, avec des anticorps anti-acide désoxyribonucléique (ADN), anti-SSa, anti-SSb, anti-Scl 70, anti-PM-Scl, anti-RNP, anti-Ku.

Ces myosites sont souvent moins intenses, répondent mieux au traitement, et sont de meilleur pronostic que les DM/PM « idiopathiques ».

E – SYNDROME DES ANTISYNTHÉTASES :

Il associe une atteinte musculaire souvent discrète ou absente, un phénomène de Raynaud, des arthralgies, de la fièvre, une atteinte pulmonaire interstitielle et des anticorps, dont les plus faciles à obtenir en routine sont les anti-Jo1.

Son autonomisation peut être discutée, mais elle a un intérêt pronostique : la discrétion de l’atteinte musculaire ne doit pas conduire à sous-estimer la gravité, avec une mortalité de 21 % à 5 ans.

L’atteinte pulmonaire nécessite un traitement agressif.

F – DERMATOMYOSITES ET PSEUDODERMATOMYOSITES INDUITES PAR DES MÉDICAMENTS :

Si de nombreux médicaments sont inducteurs de myosites (fibrates, statines, antirétroviraux), peu sont à l’origine d’une authentique DM.

L’hydroxyurée est responsable d’un érythème en bande des mains assez caractéristique de la DM mais il n’y a pas d’atteinte musculaire associée.

D’où le terme de pseudodermatomyosite employé pour décrire cet effet secondaire, qui est présent chez environ 5 % des patients traités au long cours par hydroxyurée (Hydréat).

La D-pénicillamine (Trolovolt) a été rapportée comme pouvant être responsable de dermatomyosite ou de polymyosite dans quelques cas, mais la DM compliquait l’évolution d’une connectivite préexistante (polyarthrite rhumatoïde).

L’atorvastatine a été incriminée de façon assez convaincante dans l’apparition d’une DM avec atteinte cutanée typique, myosite clinique et biologique, car tout a régressé rapidement avec l’arrêt du médicament sans corticoïdes associés.

Deux autres cas ont été rapportés après la prise de statines, un cas avec la phénytoïne, un cas avec la phénylbutazone, un cas avec l’acide niflumique et un cas avec l’alfuzosine sans certitude sur la causalité du médicament.

Immunopathologie :

La destruction des fibres musculaires et l’atteinte cutanée sont liées à l’infiltrat inflammatoire.

Le mécanisme initial n’est pas connu : modification préalable des fibres musculaires striées, modification du muscle lisse de la paroi vasculaire, ou activation première des cellules endothéliales ?

Il existe probablement un facteur déclenchant (infection, toxique, médicament, cancer ?) entraînant une activation des cellules endothéliales et l’expression par les fibres musculaires striées des antigènes d’histocompatiblité de classe I, associées à une susceptibilité génétique, conduisant à un emballement du système immunitaire avec la sécrétion de nombreuses cytokines (interleukine [IL] 1-alpha, IL 1-bêta, tumor necrosis factor [TNF]-alpha, IL 15), une cytotoxicité cellulaire et humorale, et à la pérennisation des destructions musculaires.

A – ATTEINTE VASCULAIRE :

Dans la peau comme dans le muscle, on observe un infiltrat inflammatoire périvasculaire, le plus souvent lymphohistiocytaire, sans image de vascularite leucocytoclasique.

En revanche, on observe souvent une turgescence de l’endothélium vasculaire, des dilatations vasculaires, des dépôts de fibrine dans la paroi vasculaire.

Des dépôts de fractions du complément (complexe membranaire d’attaque C5b-9) sont fréquemment observés chez l’adulte et l’enfant, et constituent la base rationnelle de l’efficacité des immunoglobulines dans la DM.

Ceci étant, la survenue de lésions cutanées et musculaires est possible même en cas de déficit congénital en C9.

L’activation des cellules endothéliales, peut-être déclenchée par le complexe membranaire d’attaque, est également authentifiée par la forte expression de la chémokine MCP-1 dans les capillaires et les artérioles musculaires, aussi bien en zone lésée qu’en zone histologiquement normale (sans infiltrat, sans lésion vasculaire ou musculaire).

Le profil d’expression de la MCP-1 est d’ailleurs différent dans la PM : l’expression est directement visible sur les cellules inflammatoires au contact des fibres musculaires, alors que l’expression des vaisseaux dans les zones musculaires épargnées par l’infiltrat et la nécrose est normale.

La DM serait donc une maladie primitivement vasculaire, alors que la PM serait secondaire à une anomalie première de la fibre musculaire.

Mais pour d’autres, il n’y a pas de différence entre PM et DM, d’une part avec des images identiques de l’expression anormale d’HLA de classe I par les fibres musculaires, d’autre part un même profil d’activation des cellules endothéliales.

Des anticorps anticellules endothéliales ont été mis en évidence et sont plus fréquents en cas d’atteinte interstitielle pulmonaire.

L’activation des cellules endothéliales, authentifiée par l’expression d’interleukine 1-alpha, a également été mise en évidence dans des zones dépourvues d’infiltrat cellulaire.

B – AUTOANTICORPS :

Des autoanticorps sont présents, mais ni leur caractère pathogène ni leur utilité pratique ne sont établis.

Des autoanticorps antinoyaux sont présents dans au moins la moitié des cas sans qu’il s’agisse nécessairement d’une DM/PM associée à une autre connectivite.

De même, on trouve dans 10 % des cas des anticorps anti-Ro, qui sont souvent associés chez ces malades à la présence d’un anticorps anti-Jo1.

Un syndrome des anticorps antiphospholipides a été rapporté associé à trois cas de DM/PM.

Des anticorps anti-RNP, anti-PM/Scl, et anti-Ku sont en revanche associés aux syndromes de chevauchement, qui comportent souvent une myosite.

Des anticorps spécifiques des myosites (myositis specific autoantibodies) sont présents dans un tiers des cas des DM/PM. Il s’agit principalement des autoanticorps antisynthétases (anti- Jo1, anti-PL7, anti-PL12, anti-OJ, anti-EJ), dont le pronostic est lié à l’atteinte pulmonaire.

D’autres autoanticorps sont plus rarement présents : les anticorps anti-Mi2 (5 % à 15 % des cas) sont de bon pronostic avec une survie à 5 ans de plus de 90 %, alors que les anti-SRP sont très rares (5 %) mais de mauvais pronostic (survie de 25 % à 10 ans).

C – FACTEURS PRÉDISPOSANTS OU DÉCLENCHANTS :

La fréquence de certains haplotypes est anormalement élevée dans la DM et la PM par rapport à la population témoin, et encore plus en cas d’atteinte interstitielle pulmonaire associée.

Mais les groupages HLA comportant une sur-représentation au cours de la DM sont variables selon les populations étudiées (caucasoïdes versus asiatiques par exemple), et ils n’ont aucun intérêt en pratique.

Le rôle d’agents infectieux en particulier viraux a été soupçonné dans le déclenchement, puis éventuellement l’entretien de la maladie inflammatoire chronique.

Les virus coxsackies B1 et B2 ont tout d’abord étés suspectés, et un modèle animal murin décrit.

La responsabilité du parvovirus B19 a été mise en avant plus récemment, en raison de la survenue d’un cas pédiatrique après l’infection virale et en raison de la présence de particules virales de parvovirus B19 chez quelques malades ayant une DM, dans la biopsie musculaire et cutanée.

Cette hypothèse n’a pour l’instant pas été vérifiée, même si des arguments ont récemment étayé l’hypothèse d’un facteur déclenchant viral, survenant chez un individu génétiquement prédisposé DQA1*0501.

Le polymorphisme génétique pour le TNF-alpha pourrait aussi expliquer l’autonomisation du processus de destruction musculaire, et il est associé à la survenue de la calcinose chez l’enfant.

Dans une série de 15 DM juvéniles, la recherche d’un microchimérisme était positive dans le sang chez 11 enfants contre cinq chez 17 témoins.

Dans le muscle, la différence était plus marquée (12 sur 15 versus deux sur 10), ce qui suggère un possible rôle du microchimérisme dans cette maladie comme dans d’autres maladies inflammatoires (sclérodermie, syndrome de Sjögren).

Enfin, exceptionnellement, un médicament pourrait déclencher une DM.

Traitement :

Le choix du traitement dans la DM est lié à la sévérité de la maladie. Si l’atteinte musculaire est infraclinique, et en l’absence d’atteinte viscérale en particulier cardiaque ou pulmonaire, il n’y a pas d’urgence.

Si l’atteinte musculaire est sévère, ou s’il existe une atteinte viscérale, il faut traiter rapidement et efficacement.

L’évaluation de l’efficacité du traitement est d’abord centrée sur l’atteinte musculaire :

– clinique, avec la réalisation d’un testing musculaire, et si possible par le même opérateur à chaque évaluation ;

– biologique, avec le dosage des enzymes musculaires (CPK principalement).

L’amélioration biologique précède souvent de plusieurs semaines l’amélioration clinique, et à l’inverse, une élévation des CPK peut annoncer une aggravation clinique.

D’autres moyens de surveillance (électromyogramme, IRM) ont été proposés mais ne sont pas employés en routine.

Le but du traitement est de permettre au malade de reprendre des activités normales, en retrouvant sa force musculaire habituelle, et en essayant d’être le moins iatrogène possible.

Or, une étude prospective multicentrique de 257 malades atteints de DM ou de PM a montré que les complications étaient fréquentes, puisque 19 % d’entre eux ont souffert de tassements vertébraux ou de nécrose de la tête fémorale.

Ceci est rapporté principalement à la corticothérapie.

La fréquence de ces complications en particulier chez les sujets âgés, incite à améliorer les modalités des traitements de la dermatomyosite pour en diminuer les inconvénients, en essayant de réduire la posologie des corticoïdes, ou en introduisant plus précocement un immunosuppresseur.

Chez l’enfant, la corticothérapie peut en outre freiner la croissance.

A – TRAITEMENT DES ATTEINTES MUSCULAIRES ET VISCÉRALES :

Il existe actuellement un consensus pour la corticothérapie de première intention, mais différentes options coexistent lorsque les corticoïdes sont insuffisants ou mal tolérés.

1- Corticoïdes :

Ils ont révolutionné le pronostic, avec une mortalité réduite de 50 % à 14 % et une efficacité suffisante dans 70 à 75 % des cas.

La posologie initiale habituelle est de 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone par voie orale, augmentée à 1,5 ou 2 mg à j8 ou j15 en l’absence de réponse au minimum biologique.

Cette dose est maintenue au moins 1 mois après la normalisation des enzymes musculaires.

La décroissance est lente, de 10 % par mois sur 18 mois.

Les rechutes surviennent dans au moins la moitié des cas pendant la décroissance ou après l’arrêt.

La fréquence des rechutes n’est pas corrélée avec la gravité de l’atteinte initiale.

Le traitement préventif de l’ostéoporose cortisonique est impératif, comportant actuellement un traitement séquentiel par diphosphonates 14 jours tous les 3 mois, et calcium associé à la vitamine D les 2 mois et demi restants, même si la question du risque de survenue de calcifications cutanées ou musculaires reste posée.

La corticothérapie intraveineuse à forte dose (bolus de 10 à 20 mg/kg de méthylprednisolone, 3 jours consécutifs) a probablement une efficacité plus rapide (diminution des CPK en quelques jours).

Elle est proposée si l’atteinte est d’emblée grave, souvent associée à un immunosuppresseur, mais cette attitude n’a pas été comparée à la corticothérapie orale à dose habituelle.

2- Immunosuppresseurs et immunomodulateurs :

Ils doivent être proposés en cas d’échec des corticoïdes après un délai de 2 à 4 mois, ou en cas d’effets secondaires des corticoïdes, ou encore d’emblée dans les formes sévères.

La réticence à les employer provient probablement du risque d’apparition d’un cancer ou d’un lymphome secondaire à l’immunosuppression.

Cependant, l’iatrogenèse induite par les corticoïdes, dont l’atrophie musculaire, et la sévérité de la maladie, incitent de plus en plus à introduire tôt les immunosuppresseurs.

Des essais ouverts sur des petites séries ont donné des résultats favorables sur le contrôle de la maladie et sur la réduction des effets indésirables, mais aucun essai randomisé n’a comparé la corticothérapie seule à la corticothérapie associée à un immunosuppresseur.

Le méthotrexate est l’immunosuppresseur le plus employé, à la dose de 25-30 mg/semaine, per os ou par voie intraveineuse (la voie intramusculaire peut augmenter le taux des CPK).

Son action est assez lente à se manifester (10 semaines en moyenne).

Il doit probablement être rapidement introduit dans les formes sévères notamment chez l’enfant, où le traitement précoce par corticoïdes associé au méthotrexate pourrait avoir un effet préventif sur la survenue de la calcinose.

La toxicité du méthotrexate est principalement hépatique, hématologique (neutropénie, agranulocytose), pulmonaire.

Le cyclophosphamide (Endoxant) est employé en bolus intraveineux (500 mg/m2/mois, avec un relais oral) en particulier en cas d’atteinte pulmonaire.

Les effets secondaires principaux sont la cystite hémorragique par toxicité directe du produit lors de son élimination urinaire, la toxicité hématologique (lymphopénie, anémie macrocytaire, aplasie) et les néoplasies.

L’azathioprine (Imurelt) à la dose de 1,5 à 3 mg/kg/j par voie orale a une action très lente, et est employée pour diminuer la posologie de la corticothérapie.

La ciclosporine (Néoralt) est employée à la dose de 2,5 à 7,5 mg/kg/j. Une revue de 59 cas a été publiée : l’amélioration clinique et biologique était observée chez 81 % des patients.

Son efficacité à la dose moyenne de 3,4 mg/kg/j est globalement comparable à celle du méthotrexate employé à la dose moyenne de 10 mg dans une étude randomisée de 36 patients.

Elle est efficace sur les atteintes interstitielles pulmonaires corticorésistantes.

Les effets secondaires principaux sont la survenue d’une hypertension artérielle, la toxicité rénale, les lymphoproliférations.

Le mycophénolate mofétil (Cellceptt) a été employé avec succès dans quatre cas chez des malades insuffisamment améliorés par des corticoïdes oraux associés à l’hydroxychloroquine ou au méthotrexate.

La fludarabine a été employée en troisième ligne chez 16 patients réfractaires aux corticoïdes et au moins un immunosuppresseur.

Au bout de six cycles mensuels (20 mg/m2/j, 3 jours/mois par voie intraveineuse), quatre patients étaient améliorés, sept inchangés et cinq étaient en échec.

Les effets secondaires sont une lymphopénie prolongée, des paresthésies, des troubles visuels, une chute des cheveux, des nausées.

La place de l’étanercept, de l’infliximab et d’un anticorps monoclonal anti-C5 n’est pas encore établie.

3- Immunoglobulines intraveineuses (IgIV) :

L’efficacité des IgIV a été évoquée dans plusieurs études ouvertes chez l’enfant et l’adulte, et confirmée par une étude contrôlée chez l’adulte.

Elle est parfois spectaculaire dans des formes sévères avec atteinte pharyngienne.

La série la plus importante comportait, en 1994, 35 adultes. Les malades étaient insuffisamment améliorés par la corticothérapie seule ou associée à d’autres thérapeutiques (méthotrexate 0,5-0,8 mg/kg/semaine dans 17 cas, azathioprine 2-3 mg/kg/j dans 13 cas, cyclophosphamide 0,75 g/m2 en bolus mensuels dans six cas, ciclosporine 5-7 mg/kg/j dans quatre cas, échanges plasmatiques dans 11 cas, leucophérèse dans un cas et irradiation corporelle dans un cas).

Une amélioration significative mais modeste a été observée chez 24 des 35 malades.

Un malade s’est aggravé, et les 10 autres n’ont pas été améliorés.

L’amélioration clinique était observée au bout des deux premières cures et elle était maximale au bout de quatre cures.

Ceci a été accompagné d’une réduction des CPK (1 540 ± 1 700 avant, 710 ± 1 270 après).

Les corticoïdes ont été diminués chez 20 malades (38,7 ± 22,1 à 24,9 ± 19,5), les immunosuppresseurs ont été arrêtés chez trois malades et les échanges plasmatiques chez un autre.

Chez l’enfant, les effets secondaires de la corticothérapie sur la croissance étant particulièrement gênants, plusieurs essais ouverts ont donné des résultats encourageants permettant une réduction de la posologie des corticoïdes.

Une étude contrôlée en double aveugle avec cross-over a été réalisée chez 15 malades adultes traités par prednisone (dose moyenne 25 mg), qui, après randomisation, ont reçu des IgIV (2 g/kg par cure mensuelle pendant 3 mois) ou un placebo, avec la possibilité d’un cross-over pour encore 3 mois.

L’amélioration a été jugée essentiellement sur l’augmentation de la force musculaire.

Au total, 12 malades ont reçu au terme de l’étude des IgIV, et neuf d’entre eux ont été significativement améliorés par rapport au placebo (score moyen de force musculaire passant de 74,5 à 84,7).

Onze malades ont reçu le placebo : trois ont été légèrement améliorés, trois n’ont pas eu de modification et cinq ont été aggravés.

Les biopsies musculaires, réalisées à plusieurs reprises à cinq malades répondeurs, ont montré une augmentation du diamètre des fibres musculaires, une diminution de la fixation de la fraction membranaire d’attaque du complément dans les capillaires et une réduction de l’expression des molécules d’adhésion à la surface des cellules endothéliales.

L’atteinte cutanée a également été améliorée.

Cette étude démontre donc l’efficacité des IgIV en traitement de deuxième intention dans la DM.

Cependant, le nombre de malades traités est petit et l’amélioration observée est modérée (score augmenté de 10 points).

Une étude ouverte utilisant les IgIV comme traitement de première intention n’a pas donné de bons résultats (trois malades cliniquement améliorés sur 11).

Il s’agit d’un traitement de deuxième ou de troisième intention, dont certaines modalités restent à préciser : cure unique ou traitement d’entretien, comparaison avec les immunosuppresseurs.

Enfin l’amélioration est transitoire, puisque la moitié des malades répondeurs rechutent après l’arrêt des IgIV.

Le traitement est bien toléré : effets secondaires dans moins de 5 % des cas (fièvre, nausées, vomissements, myalgies, céphalées, réactions méningées, tachycardie).

Exceptionnellement, un choc anaphylactique peut survenir chez les malades ayant un déficit congénital en IgA avec anticorps anti-IgA.

Enfin, le traitement est cher, 6 000 euros environ par cure chez un adulte de 60 kg pour une posologie standard de 2 g/kg et par cure.

4- Échanges plasmatiques :

L’efficacité des échanges plasmatiques a été évoquée dans plusieurs études ouvertes chez l’adulte.

Une étude prospective ouverte de 26 malades atteints de DM ou de PM avait conclu à un effet favorable des échanges plasmatiques (EP) hebdomadaires associés à un traitement immunosuppresseur quotidien (cyclophosphamide ou chlorambucil) chez 23 malades.

Une autre étude rétrospective multicentrique de 57 cas, en 1995, avait montré une amélioration chez 31 malades.

L’amélioration n’était obtenue qu’à la phase aiguë de la maladie, le traitement était inefficace aux phases subaiguë et chronique.

Dans ces études, l’absence de groupe témoin permettait difficilement de savoir quel a été le traitement efficace (EP ou traitement associé par corticoïdes plus ou moins immunosuppresseurs).

Pour répondre à cette question, une étude contrôlée, randomisée et en double aveugle, a été conduite chez 39 malades comparant les EP et les leucophérèses au placebo.

Aucune différence significative quant à l’efficacité n’a été notée dans les trois groupes : ce traitement ne doit plus être proposé dans la DM.

5- Autres :

La radiothérapie a parfois été essayée dans des cas isolés quand tout avait échoué auparavant.

Une malade traitée par corticoïdes a été admise en réanimation pour une détresse respiratoire nécessitant une ventilation assistée.

Une irradiation corporelle totale (150 rd en 5 semaines) a été pratiquée peu après l’augmentation des corticoïdes et la prescription de cyclophosphamide (2 mg/kg/j).

L’amélioration a été rapide et imputée par les auteurs à l’irradiation.

Un autre cas assez semblable est rapporté. Mais des échecs ont également été rapportés.

Les effets secondaires de ce traitement sont potentiellement graves (pancytopénies, décès).

Il s’agit d’un traitement de dernier recours.

La photochimiothérapie extracorporelle a été essayée dans un cas en association avec le méthotrexate : l’atteinte cutanée n’a pas été modifiée, tandis que l’atteinte musculaire biologique a été améliorée.

B – TRAITEMENT DE L’ATTEINTE CUTANÉE :

Elle peut être au premier plan sans atteinte musculaire ou viscérale préoccupante : les corticoïdes par voie générale ou les immunosuppresseurs ne sont alors pas nécessaires.

Le traitement des signes cutanés est en première intention analogue au traitement du lupus cutané : photoprotection externe, dermocorticoïdes et antipaludéens de synthèse.

1- Antipaludéens de synthèse :

L’hydroxychloroquine (Plaquenilt) est la molécule la plus utilisée.

À la dose de 200 à 400 mg/j, elle permet une amélioration des lésions cutanées (cinq rémissions complètes, quatre améliorations, trois échecs) lorsqu’elle est employée seule ou associée aux dermocorticoïdes.

L’hydroxychloroquine a probablement d’autres avantages : amélioration des symptômes articulaires, diminution de la corticothérapie générale par un effet d’épargne des corticoïdes.

Elle peut être associée à la quinacrine.

La chloroquine (Nivaquinet) peut également être prescrite à la dose de 100 à 250 mg/j.

2- Photoprotection et dermocorticoïdes :

La photoprotection vestimentaire et les photoprotecteurs externes sont prescrits pour améliorer les lésions cutanées de la dermatomyosite lorsqu’elles siègent dans les zones photoexposées.

Les signes cutanés peuvent également être améliorés par les dermocorticoïdes.

3- Autres :

La dapsone, le thalidomide, le mycophénolate mofétil, et le méthotrexate à faible dose sont des alternatives en cas d’échecs des précédents.

C – TRAITEMENT DE LA CALCINOSE :

La calcinose est plus fréquente dans la DM juvénile, pouvant atteindre jusqu’à 70 % des patients.

Un traitement précoce et intensif de la DM par bolus de corticoïdes et méthotrexate pourrait prévenir partiellement la fréquence et la sévérité de la calcinose, qui occasionne des douleurs et une gêne fonctionnelle parfois majeure.

Lorsque la calcinose est constituée, le traitement est difficile. Différents traitements ont été essayés sur des cas isolés.

La colchicine (1 mg/j) a diminué dans un cas les signes inflammatoires locaux sans faire régresser les calcifications.

La warfarine a été employée, avec succès dans quelques cas, mais n’a eu aucun effet dans d’autres cas.

L’hydroxyde d’alumine a semblé donner de bons résultats.

Le probénécide, le diltiazem, l’alendronate ont été jugés efficaces sur des cas isolés. Parfois, la chirurgie peut être proposée.

D – NUTRITION :

Un régime riche en protides est nécessaire pour favoriser la récupération musculaire et éviter la myopathie cortisonique.

Une supplémentation en calcium et vitamine D (associée aux diphosphonates) est également recommandée du fait de la corticothérapie prolongée.

En cas de dysphagie, secondaire à l’atteinte des muscles pharyngés ou à une atteinte oesophagienne, le risque de fausse route et de pneumopathies d’inhalation devient majeur, nécessitant un régime mixé semi-liquide, voire le recours à une nutrition entérale.

E – RÉÉDUCATION :

À la phase aiguë de la maladie, les rétractions ostéotendineuses doivent être prévenues au maximum par une rééducation douce comprenant des gestes de mobilisation passive.

Dès que l’atteinte musculaire est stabilisée, et a fortiori en cas de myosite peu sévère, des exercices de contractions isométriques et contre une résistance sont recommandés, ainsi qu’une activité physique douce (marche, bicyclette d’appartement) pour maintenir ou augmenter la force musculaire sans élever les CPK.

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