Érythème noueux

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L’érythème noueux est une dermo-hypodermite nodulaire aigue touchant préférentiellement la femme jeune entre 20et 30 ans, qui guérit spontanément en 4 a 6 semaines en prenant les diverses couleurs de la biligenèse locale : – dermo-hypodermite: le derme profond est en continuité avec des septums conjonctifs hypodermiques qui séparent les lobules adipocytaires. Ces septums permettent le passage de vaisseaux et de nerfs destinés au derme. Dans l’érythème noueux, l’inflammation des septums conjonctifs de l’hypoderme épargne les lobules graisseux et se prolonge vers le derme profond. – femme jeune: le sex-ratio est d’environ 7/1pour des raisons inconnues. L’apparition d’éléments contusiformes et la guérison spontanée permettent de confirmer le diagnostic avec certitude.

ÉTIOLOGIE :

Il s’agit d’un syndrome réactionnel qui peut être lié a de nombreuses causes infectieuses ou médicamenteuses, ou a certaines maladies inflammatoires telles que la sarcoïdose ou les entéropathies inflammatoires.

DIAGNOSTICS POSITIF, ÉTIOLOGIQUE ET TRAITEMENT :

Érythème noueux* Dans sa forme typique, l’érythème noueux se traduit par des nodules inflammatoires douloureux bilatéraux des jambes souvent précédés de signes généraux et accompagnés d’arthralgies, évoluant par poussées, avec évolution contusiforme caractéristique.

* Le diagnostic est clinique et aucune biopsie n’est nécessaire. L’étude histologique des lésions montrerait une image d’hypodermite septale pure:

– une atteinte inflammatoire du tissu conjonctif hypodermique qui sépare les lobules adipeux les uns des autres.

– a sa phase initiale: un infiltrat septal a polynucléaires neutrophiles.

– a sa phase tardive: un infiltrat septal a lymphocytes.

– une absence d’atteinte vasculaire ou adipocytaire.

* Il existe pour mémoire une cause rare d’hypodermite nodulaire histologiquement très proche de l’érythème noueux avec image d’hypodermite septale pure. C’est l’hypodermite nodulaire subaigue de Vilanova et Pinol touchant la femme adulte avec lésion unique unilatérale de grande taille a évolution centrifuge.

* La recherche d’une étiologie s’appuie sur les données de l’examen clinique et doit donner la priorité aux causes fréquentes avec le souci d’éviter tout examen inutile.

* Le traitement en dehors du traitement étiologique est simplement le repos allongé.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Lorsque le diagnostic d’érythème noueux n’est pas certain (éléments cliniques discordants, chronicité de l’évolution), il faut éliminer les autres causes de dermo-hypodermites nodulaires.

Dermo-hypodermite infectieuse :

* Un érysipèle doit être évoqué devant:

– un syndrome infectieux général: fièvre, frissons, sueurs, asthénie….

– des lésions inflammatoires en placards bien limités avec adénopathies locorégionales.

– l’efficacité des antibiotiques en 48 heures.

* On citera pour mémoire les gommes tuberculeuses ou syphilitiques:

– nodules ou placards inflammatoires au début.

– puis ramollissement avec élimination d’un pus semi-solide et ulcération  a bords décollés.

En dehors d’un contexte infectieux :

En dehors d’un contexte infectieux, une biopsie cutanée chirurgicale large et profonde allant jusqu’au fascia aponévrotique est utile pour différencier les autres causes d’hypodermite nodulaire.

Hypodermites septales aigues avec vasculite

* Les vascularites cutanées avec nodules:

– vascularites allergiques a complexes immuns circulants avec vascularite leucocytoclasique: »érythème noueux » lépreux, trisyndrome de Gougerot postinfectieux ou postmédicamenteux associant signes généraux, macules érythémateuses, purpura pétéchial infiltré, et nodules inflammatoires.

– vascularites lymphocytaires: maladie de Behèet.

– vascularites nécrosantes (périartérite noueuse) ou

granulomateuses (syndrome de Wegener).

* La vascularite nodulaire (ex-érythème induré de Bazin) dont l’histologie est particulière avec cellules dendritiques protéines 100S-positives et atteinte lobulaire associée. Des antécédents d’insuffisance veineuse et parfois de tuberculose sont présents. L’évolution vers une cicatrice hyperpigmentée est évocatrice.

* Les thrombophlébites superficielles nodulaires (thrombophlébite récidivante migratrice de Barker):

– sont récidivantes et situées sur les trajets veineux.

– diagnostic différentiel: phlébites variqueuses superficielles et thromboses superficielles associées a une coagulopathie.

Hypodermites lobulaires ou panniculites

* A l’examen clinique, les lésions inflammatoires:

– sont localisées la ou le pannicule adipeux est épais : cuisses, fesses, faces postérieures des bras, abdomen.

– évoluent vers une cicatrice cupuliforme.

* Les principales étiologies sont:

– la cytostéatonécrose ou maladie de Weber-Christian.

– la panniculite de cause pancréatique.

– la panniculite lupique.

Diagnostic positif :

SIGNES CLINIQUES :

Le diagnostic est avant tout clinique.

* Il s’agit d’une femme jeune entre 20et 30 ans.

* L’éruption est souvent précédée par des signes généraux (fièvre, sueurs, asthénie) et des arthralgies (chevilles, genoux).

* Lésion élémentaire (voir photos):

– nodosités rouges dermo-hypodermiques (nouures).

– rondes, mal limitées, peu saillantes.

– de taille (jusqu’a 5centimètres) et de nombre (jusqu’a plusieurs dizaines) variables.

– fermes, chaudes et douloureuses a la palpation.

* Topographie:

– principalement sur les jambes de façon bilatérale.

– généralement sur la face d’extension des membres: face antaro-interne des jambes en règle ganarale, chevilles, genoux, crêtes cubitales, coudes.

– les autres localisations sont plus rares.

* Evolution:

– au stade inflammatoire aigu, la lésion est rose, puis rouge sombre.

– puis au stade subaigu, après une dizaine de jours d’évolution, lésion contusiforme avec teinte verte puis jaune (biligenèse locale).

– plusieurs poussées surviennent (lésions d’age différent), favorisées par l’orthostatisme.

– guérison spontanée sans cicatrice ni ulcération en 4 a 6 semaines, favorisée par le repos allongé.

SIGNES PARACLINIQUES :

* Biologie:

– VS: élevée de façon significative dans plus de 70% des cas.

– hémogramme: polynucléose dans plus de 50% des cas.

* Examen histologique: la biopsie est généralement inutile lorsque le diagnostic clinique est évident.

Diagnostic étiologique :

CAUSES LES PLUS FREQUENTES :

Les causes les plus fréquentes d’érythème noueux en Europe sont les infections a streptocoques et la sarcoïdose.

Infection a streptocoquebèta-hémolytique :

* L’infection a streptocoque bèta-hémolytique constitue la cause la plus fréquente.

* L’infection a streptocoque bèta-hémolytique du groupe=A s’étend a partir d’un foyer infectieux:

– ORL: angine, sinusite.

– stomatologique: abcès dentaire.

– gynécologique.

Sarcoïdose :

* La sarcoïdose atteint principalement la femme jeune entre la deuxième et la troisième décennie.

* La forme débutante aigue de sarcoïdose ou syndrome de Löfgren associe:

– l’érythème noueux parfois inaugural.

– des adénopathies hilaires bilatérales, symétriques, non compressives.

* Elle est accompagnée par un syndrome général aigu: fièvre, arthralgies, asthénie.

AUTRES CAUSES PLUS RARES :

Les autres causes sont plus rares.

Les causes infectieuses prédominent.

Infections bactériennes :

Infections digestives

* Yersinia enterolytica: femme jeune, entérocolite aigue fébrile,

sérodiagnostic et coproculture, traitement par cyclines.

* Yersinia pseudotuberculosis: enfant ou adolescent, syndrome abdominal aigu (pseudo-appendiculaire ou diffus) ou gastro-entérite fébrile, adénopathies aigu‘s mésentériques, sérodiagnostic et coproculture.

* Salmonella, Shigella, Campylobacter jejuni.

Infections pulmonaires

* La primo-infection tuberculeuse autrefois classique est devenue très rare en France:

– elle reste possible chez les transplantés.

– a l’interrogatoire: on recherche un contage récent et une absence de vaccination par le BCG.

– cliniquement, on recherche un syndrome d’imprégnation tuberculeuse: fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement, anorexie, conjonctivite phlycténulaire, et le foyer infectieux (pulmonaire, ganglionnaire…).

* Les pneumopathies a germes atypiques:

– Chlamydia pneumoniae, Chlamydia psittaci (ornitho-psittacose).

– Mycoplasma pneumoniae.

Autres infections bactériennes

* Infections génitales: Chlamydia trachomatis.

* Maladies infectieuses d’inoculation: pasteurellose, maladie des griffes du chat, rickettsioses, tularémie.

Infections virales :

– EBV, CMV.

– Hépatites B (primo-infection et vaccination) et C.

– VIH.

Infections parasitaires :

– Blastomycoses, coccidioidomycoses, histoplasmoses, trichophyties.

– Amibiases, parasitoses intestinales, toxoplasmose.

Causes non infectieuses

Les causes non infectieuses sont plus rares.

* Entéropathies inflammatoires chroniques: rectocolite hémorragique, maladie de Crohn.

* Maladie de Behcet, lupus érythémateux (étiologie rare).

* Néoplasies: lymphomes, maladie de Hodgkin, syndromes paranéoplasiques.

* Médicaments:

– pénicilline, céphalosporines, sulfamides.

– estroprogestatifs.

– halogénés: bromures, iodures.

– salicylés, D-pénicillamine.

ÉRYTHÈME NOUEUX IDIOPATHIQUE :

Dans 30 a 55% des cas d’érythème noueux, aucune cause n’est retrouvée.

ORIENTATION PARACLINIQUE :

Bilan systématique :

– NFS, VS.

– IDR a la tuberculine 10U.

– Radiographie thoracique.

– Frottis de gorge avec examen direct et cultures.

– ASLO et ASDO répétés après 15 jours.

Bilan orienté en fonction des signes d’appel :

Cette liste n’est bien sur pas exhaustive:

– calcémie, calciurie, dosage de l’enzyme de conversion sont peu utiles en phase de sarcoïdose inaugurale.

– coproculture, sérologies Yersinia en cas d’épisode diarrhéique.

– BK tubages (X3), sérologies mycoplasme et Chlamydia.

– prélèvement génital (streptocoque, Chlamydia).

– sérologies VHB, VHC, VIH, EBV, CMV.

– rectosigmoidoscopie, colonoscopie avec biopsies.

– biopsie de glandes salivaires accessoires.

– scanner thoracique, radiographie de sinus.

NB: toutes les sérologies seront effectuées a J0 et J15.

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