Ulcération ou érosion des muqueuses orale et génitale

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Une ulcération est une perte de substance muqueuse ou cutanée intéressant le derme moyen et profond, laissant une cicatrice après guérison. Une érosion demeure épidermique ou dermique superficielle et ne laisse pas de séquelles cicatricielles. Elle est le plus souvent postbulleuse ou postvésiculeuse. Le diagnostic repose sur des critères d’anamnèse, de sémiologie ainsi que sur le résultat de certains examens complémentaires. Le traitement est différent selon l’étiologie, d’ou l’importance du diagnostic initial.

Diagnostic positif :

ELEMENTS DU DIAGNOSTIC :

Interrogatoire :

Ulcération ou érosion des muqueuses orale et génitaleL’interrogatoire porte sur les éléments suivants:

* âge, origine, pays de séjour.

* antécédents généraux, en particulier statut immunitaire.

* antécédents vénériens, facteurs de risque (partenaires multiples, homosexualité, prostitution, toxicomanie).

* prises médicamenteuses.

* facteurs physiques, contacts avec des agents chimiques.

* évolution:

– caractère aigu ou chronique.

– notion de vésicule ou bulle précédant les lésions érosives.

* signes généraux ou lésions cutanées éventuellement associées.

Examen clinique :

L’examen clinique concerne systématiquement toutes les muqueuses et la peau.

Il comporte:

– la recherche d’adénopathies.

– l’évaluation de l’état dentaire, l’existence de prothèses fixes ou mobiles.

Examens complémentaires :

Le choix des examens complémentaires est toujours guidé par l’orientation clinique.

Il peut s’agir de:

* prélèvements locaux:

– bactériologiques.

– virologiques.

– cytodiagnostic.

* biopsies pour examen histologique parfois complétées par une immunofluorescence directe.

* sérologies virales, bactériennes.

Étiologie des ulcérations et érosions de la muqueuse buccale :

ULCÉRATION TRAUMATIQUE OU CAUSTIQUE :

* Le diagnostic d’une ulcération traumatique ou caustique est fait à l’interrogatoire, qui recherche un facteur:

– physique: brûlures, morsures, chocs, tics, prothèses dentaires mal adaptées, notion de radiothérapie, radiomucite chronique.

– chimique (application ou ingestion d’un produit caustique, application d’antiseptiques concentrés).

* L’évolution est favorable dès la suppression du facteur responsable.

* Il existe un risque de dégénérescence en carcinome spinocellulaire a long terme, en cas de persistance du mécanisme irritatif.

INFECTIONS VIRALES :

(Lésions postvésiculeuses.)

Herpès :

Il peut s’agir:

– d’une gingivo-stomatite fébrile de la primo-infection (enfant).

– ou d’une récurrence herpétique avec l’aspect classique de vésicules groupées en bouquets, douloureuses, volontiers récidivantes et déclenchées par différents stimuli: soleil, fièvre, pneumopathie a pneumocoques, menstruation.

* Le diagnostic est essentiellement clinique, parfois complété par un

cytodiagnostic de Tzanck (recherche de cellules ballonnisées), exceptionnellement par une recherche de virus en culture.

* La sérologie n’a d’intérêt qu’en cas de suspicion de primo-infection.

Varicelle et zona :

L’exanthème de la varicelle peut s’accompagner de lésions vésiculeuses buccales.

Des vésicules unilatérales, douloureuses, regroupées dans le territoires du VII (facial) ou IX (glossopharyngien) sont retrouvées dans le zona.

Virus Coxsackie

* L’herpangine associe une pharyngite vésiculeuse avec extension au tiers postérieur de la cavité buccale.

* Dans le syndrome pieds-mains-bouche, on retrouve une angine vésiculeuse ainsi que des lésions vésiculeuses des mains et de pieds.

APHTES :

– Les aphtes  sont des ulcérations, uniques ou multiples, douloureuses, arrondies a bords nets, entourés d’un halo périphérique érythémateux, a fond jaune beurre. Leur base est non indurée.

– Le siège le plus fréquent est le sillon gingivo-lingual et la face interne des joues.

– L’évolution est spontanément favorable en quelques jours a quelques semaines.

Formes étiologiques

* Aphtose idiopathique (la plus fréquente) avec parfois facteur déclenchant alimentaire (noix, gruyère).

* Aphtes géants, nécrotiques, multirécidivants.

* Aphtose bipolaire faisant rechercher des arguments en faveur d’une

maladie de Behcet:

– origine nord-africaine ou japonaise.

– signes cutanés (érythème noueux, pseudo-folliculite, hypersensibilité aux points d’injection).

– signes extra-cutanés: uvéite, maladie thrombo-embolique, atteinte articulaire, signes neurologiques.

– groupe HLA B5.

MALADIES BULLEUSES :

(Érosion postbulleuse, voir question spécifique.)

Les lésions muqueuses peuvent inaugurer une dermatose bulleuse cutanéo-muqueuse ou plus rarement en constituer la localisation unique.

* La biopsie cutanée avec examen histologique sera systématique et le plus souvent complétée par un examen en immunofluorescence directe ainsi que la recherche d’anticorps circulants anti-épiderme.

* Il peut s’agir:

– d’érythème polymorphe.

– d’ectodermose pluri-orificielle (syndrome de Stevens-Johnson).

– de toxidermies bulleuses et d’un syndrome de Lyell.

– de maladies bulleuses auto-immunes: pemphigus vulgaire, pemphigoide cicatricielle.

SYPHILIS :

Phase primaire: le  chancre syphilitique :

Éléments cliniques

* Sont évocateurs:

– le caractère induré.

– la topographie unilatérale.

– le fond propre.

– la coloration rosée.

– l’absence de douleur.

– le caractère superficiel de la perte de substance (exulcération).

* Il faut rechercher des ganglions satellites (non inflammatoires, non douloureux).

Éléments paracliniques

* Recherche du tréponème au microscope a fond noir, après grattage du chancre.

* TPHA, VDRL.

Phase secondaire :

* Eléments cliniques:

– plaques fauchées surtout linguales.

– syphilides papulo-érosives.

* Examens paraclinique: idem.

Phase tertiaire Rare :

la phase tertiaire se traduit par des gommes syphilitiques ulcéromutilantes du palais et de la langue. Le diagnostic différentiel est le carcinome spinocellulaire. Dans tous les cas, il faut rechercher une maladie sexuellement transmissible associée , proposer les sérologies du VIH, de l’hépatite B, rechercher le contaminateur et des partenaires potentiellement contaminés, donner des conseils de prévention préservatifs et faire une déclaration anonyme obligatoire.

STOMATITES DES HEMOPATHIES :

Les stomatites des hémopathies peuvent concerner:

– une agranulocytose: stomatite pseudo-membraneuse, ulcéronécrotique.

– une stomatite postchimiothérapie: méthotrexate, adriamycine.

– un lymphome.

CARCINOME SPINOCELLULAIRE :

Le carcinome spinocellulaire doit être systématiquement évoqué devant toute ulcération buccale chronique.

* La notion de terrain:

– alcoolotabagique, mauvaise hygiène bucco-dentaire.

– existence de lésions pré-épithéliomateuses: leucoplasie, lichen plan érosif, maladie de Bowen.

* Clinique: ulcération chronique non douloureuse, irrégulière, saignant au contact, indurée, siégeant au niveau de la lèvre, de la langue ou du plancher buccal. Rechercher systématiquement des adénopathies satellites.

* L’examen anatomopathologique est systématique.

AUTRES ETIOLOGIES :

Parmi les autres étiologies possibles des ulcérations et érosions de la muqueuse buccale, il faut retenir:

– l’ulcération muqueuse du SIDA (aphtes, virus, ulcérations toxiques).

– le lupus érythémateux disséminé.

– la maladie de Crohn.

– la maladie de Horton.

– la maladie de Wegener.

– le granulome malin centrofacial.

– la tuberculose buccale.

– les mycoses rares, telle la blastomycose sud-américaine.

Étiologie des ulcérations génitales :

Si les étiologies sont pratiquement les mêmes que pour les ulcérations buccales, les plus fréquentes sont de loin celles correspondant a une maladie sexuellement transmissible.

MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES :

* Syphilis a tous les stades.

* Chancre mou:

– le chancre est parfois multiple, non induré, inflammatoire, purulent et volontiers douloureux. Il existe de grosses adénopathies inflammatoires inguinales.

– du a Haemophilus ducreyi, retrouvé dans les prélèvements du chancre ou du ganglion.

– toujours penser a une coinfection avec la syphilis et réaliser les sérologies syphilitiques initiales et a 1 mois d’intervalle.

* Lymphogranulome vénérien ou maladie de Nicolas et Favre (rare):

– le chancre est souvent fugace, de petite taille. Les adénopathies sont multiples, sensibles, évoluant vers la fistulisation.

– du a Chlamydia trachomatis, et plus particulièrement aux sérotypes L1a L3.

– les prélèvements bactériologiques sont réalisés par ponction ganglionnaire et mis en culture cellulaire.

* les sérologies peuvent être réalisées en immunofluorescence ou par fixation du complément.

* Donovanose (rare):

– le chancre a un caractère extensif, mutilant, indolent. Il n’y a souvent pas d’adénopathie inguinale.

– du au bacille Calymmatobacterium granulomatis.

– l’examen bactériologique direct peut mettre en évidence des corps de Donovan.

– l’examen histologique retrouve un granulome histiocytaire avec des corps de Donovan.

AUTRES ETIOLOGIES :

Ulcération traumatique ou chimique :

Infection virale :

Les infections virales concernent surtout l’Herpès génital à Herpèsvirus type 2 (primo-infection et récurrence).

Aphte :

Les aphtes sont soit idiopathiques, soit retrouvés dans la maladie de Behcet.

Localisation des dermatoses bulleuses :

Carcinome spinocellulaire :

* Terrain: lésions pré-épithéliomateuses type leucoplasie ou érythroplasie, maladie de Bowen et lichen scléro-atrophique.

* Clinique: ulcération chronique, indurée, saignant au contact.

La confirmation du diagnostic repose sur l’examen anatomopathologique.

* Diagnostic différentiel: mélanome achromique ulcéré, maladie de Paget.

Autres :

* Ulcération tuberculeuse.

* Maladie de Crohn.

* Amibiase (surtout localisation anale).

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