Prurit

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Le prurit est une sensation subjective, localisée ou diffuse, qui provoque le besoin de se gratter.
* Absent chez le nourrisson avant 3 mois, il est extrêmement variable en fonction de l’âge, de la pathologie sous-jacente et du psychisme du patient.
* Avant toute chose, l’interrogatoire vérifiera la réalité et l’importance du prurit car il existe un prurit physiologique, par exemple lors du déshabillage.
* L’examen clinique, qui doit être complet, orientera souvent facilement vers une étiologie dermatologique (présence de lésions spécifiques) ou plus rarement vers une maladie générale (simples lésions de grattage).
* En cas de bilan négatif, il sera nécessaire de surveiller régulièrement le patient en consultation, car le prurit peut précéder l’apparition d’autres signes dermatologiques ou généraux.

Diagnostic :

INTERROGATOIRE :

PruritL’interrogatoire va permettre de caractériser le prurit:

– ancienneté.

– circonstances et mode d’apparition.

– mode de vie: travail, loisir, voyages, produits d’hygiène.

– antécédents pathologiques.

– horaires et facteurs déclenchants.

– symptômes cutanés associés.

– symptômes généraux: fièvre, amaigrissement.

– notion de prurit familial.

– prises médicamenteuses régulières ou irrégulières.

– retentissement sur le sommeil, la vie sociale, le psychisme.

– examens complémentaires déjà réalisés (carnet de santé).

– traitements déjà entrepris.

EXAMEN CLINIQUE :

L’examen clinique est le temps essentiel.

* L’examen dermatologique fait l’inventaire des différentes lésions élémentaires et s’efforce de séparer les lésions appartenant a la dermatose de celles qui sont secondaires au grattage:  excoriations arrondies ou linéaires, lichénification (épaississement de la peau), dépilation, pigmentations, ongles polis et brillants. L’examen des phanères et des muqueuses est important.

* L’examen clinique général doit être complet et rigoureux: aires ganglionnaires, foie, rate…

Étiologies dermatologiques :

Si, en dehors des signes de grattage, il existe des lésions élémentaires particulières, il faut savoir évoquer en priorité une étiologie dermatologique.

Le prurit est le symptôme dominant de plusieurs dermatoses.

GALE HUMAINE :

La gale humaine touche tous les âges et doit être évoquée quasi systématiquement devant un prurit diffus.

* Elle est due a l’infection de la peau par Sarcoptes scabiei et sa transmission interhumaine est favorisée par les contacts directs, notamment les rapports sexuels, mais elle peut se faire par l’intermédiaire des vêtements et de la literie.

* Le prurit est féroce et prédomine la nuit en empêchant le sommeil.

* Il existe souvent une notion de contage ou de prurit dans l’entourage familial.

* On remarquera le polymorphisme lésionnel: sillons, vésicules, papules excoriées et nodules, mélangés a de multiples lésions de grattage.

* Les localisations préférentielles sont recherchées: sillons interdigitaux, faces antérieures des poignets, aisselles, fesses, organes génitaux masculins et seins. paumes, plantes et cuir chevelu chez le nourrisson. Le dos et le visage sont épargnés.

* Chez les gens « propres », la gale peut ne se manifester que par un prurit isolé diffus.

* Le diagnostic est confirmé:

– par l’examen au microscope du grattage d’un sillon.

– et par l’efficacité du traitement antiparasitaire qui sera prescrit au moindre doute et parfois comme épreuve diagnostique.

DERMATITE ATOPIQUE :

La dermatite atopique atteint le nourrisson et le petit enfant, rarement l’adolescent et l’adulte jeune.

* Dans 90% des cas, on retrouve des antécédents atopiques dans la famille: eczéma atopique, asthme ou rhinite périodique.

* La sémiologie et la topographie des lésions sont variables en fonction de l’age:

– chez l’enfant de moins de 2 ans, les placards érythémato-vésiculeux prédominent au visage et aux convexités des membres.

– après 2 ans, les plis des coudes et des genoux préférentiellement atteints sont lichénifiés. La xérose est constante.

* En cas de difficultés diagnostiques, on s’aidera des critères mineurs de dermatite atopique et du dosage des IgE sériques totales.

URTICAIRE :

La lésion élémentaire de l’urticaire est une papule ou une plaque érythémateuse et oedémateuse qui a la particularité d’être très mobile, fugace (quelques heures) et de disparaître sans laisser de traces.

On distingue les formes aigues et chroniques d’urticaire.

PRURIGO PAR PIQURES D’INSECTES :

* Le plus typique est le prurigo strophulus de l’enfant qui correspond, pendant la période estivale, a des piqûres d’acariens présents dans l’herbe:

– il s’agit d’une éruption faite de vésiculobulles et de papules excoriées prurigineuses.

– elles se localisent préférentiellement aux membres inférieurs et aux régions ou les vêtements sont serrés: chaussettes et slip.

* Une éruption assez semblable peut se voir après des piqûres de puces, punaises, aoutats ou moustiques et chez l’adulte.

* Le diagnostic tient compte de la chronologie et parfois des résultats du prélèvement parasitologique.

TOXIDERMIES MEDICAMENTEUSES :

Les toxidermies médicamenteuses sont extremement polymorphes et peuvent débuter par un prurit généralisé isolé.

L’argument le plus formel est la prise médicamenteuse récente et l’efficacité de l’arret de celle-ci.

AUTRES ÉTIOLOGIES DERMATOLOGIQUES :

* Ailleurs, le prurit n’est pas au premier plan  et l’orientation diagnostique se fait grâce a la (les) lésion(s) élémentaire(s):

– bulles: impétigo, pemphigoide bulleuse, dermatose a IgA linéaire, pemphigoïde bulleuse de la grossesse.

– vésicules: dermatite atopique, eczéma de contact, piqûres d’insectes, varicelle, dermatophyties, dermatite herpétiforme.

– papules ou plaques: urticaire, lichen plan, mastocytoses, lymphomes cutanés, amylose cutanée, molluscum contagiosum.

– papulo-vésicules excoriées:  onchocercose, prurigo strophulus, prurigo gravidique, prurigo VIH.

– érythème avec desquamation: parapsoriasis en plaques, lymphomes cutanés, psoriasis (30% des cas), ichtyose, dermatite atopique.

– macules érythémateuses: toxidermie.

– xérose isolée:  ichtyose, dermatite atopique, prurit sénile, hygiène excessive.

– érythrodermies: toxidermies, eczéma, lymphomes cutanés.

* Par ailleurs, l’association d’un prurit a une dermatose réputée non prurigineuse doit être analysée:

– impétigo et gale.

– ou dermatite atopique, molluscum contagiosum et dermatite atopique.

– psoriasis irrité par un topique….

Prurits de causes internes :

Si l’examen de la peau ne retrouve que des lésions de grattage, il faut évoquer systématiquement un prurit de cause interne.

Il faut souligner néanmoins qu’une surinfection des lésions de grattage est toujours possible, ce qui modifierait leur sémiologie.

Insistons également sur le fait que le prurit peut être, dans certaines dermatoses, un symptome prodromique  durant quelques semaines ou quelques mois avant l’apparition de signes plus caractéristiques.

DERMATOSES POUVANT ÊTRE PRECEDEES D’UN PRURIT ISOLÉ :

Les dermatoses pouvant être précédées d’un prurit isolé sont les suivantes:

– pemphigoide bulleuse.

– certaines toxidermies.

– primo-infection VIH.

– gale des gens ayant une hygiène rigoureuse.

– et lichen plan.

CHOLESTASES HEPATIQUES :

Le prurit accompagne les cholestases hépatiques, qu’elles soient ictériques ou non: cirrhose biliaire primitive, hépatite virale ou cholestatique médicamenteuse, cholestase de la grossesse. mais aussi ictères obstructifs par cancer du pancréas par exemple…

L’intensité du prurit n’est pas proportionnelle au taux de bilirubine sérique. néanmoins, la suppression de la rétention biliaire fait disparaître celui-ci.

La physiopathologie n’est pas élucidée.

INSUFFISANCE RENALE :

Le prurit est un symptome fréquent de l’insuffisance rénale chronique, mais il n’existe pas dans l’insuffisance rénale aigu‘.

* Il appara”t soit avant que le patient n’ait subi une hémodialyse, soit après. Actuellement 80 a 90% des patients hémodialysés souffrent d’un prurit plus ou moins féroce qui les gene dans leur vie courante.

* La physiopathologie de celui-ci n’est pas connue, mais para”t être multifactorielle: sécheresse cutanée, hypervitaminose A, troubles du métabolisme phosphocalcique, hyperurémie, neuropathie périphérique…

PRURITS DES ENDOCRINOPATHIES :

* Le prurit lié a l’hyperthyroidie, et surtout a la maladie de Basedow, est peu fréquent et semble avant tout lié a la sécheresse cutanée induite.

* L’existence d’un prurit particulier a l’hypothyroïdie est discutée.

* Le prurit du syndrome carcinoïde serait expliqué par la libération d’histamine, ou de substances proches, par la tumeur.

MALADIES HEMATOLOGIQUES :

* Les maladies hématologiques concernent surtout les polyglobulies, et particulièrement la maladie de Vaquez, qui s’accompagnent fréquemment (30 a 50% des cas) d’un prurit classiquement exacerbé par les bains chauds.

* Le prurit peut être un symptôme révélateur d’une maladie de Hodgkin et, en cas de sévérité marquée, il serait de mauvais pronostic.

– Au cours d’autres lymphomes et leucémies, un prurit peut être observé. Pour les lymphomes épidermotropes, comme le syndrome de Sézary et le mycosis fongoïde, il peut précéder l’apparition des lésions cutanées de plusieurs semaines ou plusieurs mois.

– Insistons encore sur la nécessité d’un examen dermatologique minutieux a la recherche d’une simple infiltration cutanée.

* Le prurit peut exister dans les dysglobulinémies monoclonales malignes, maladie de Waldenstrum et myélomes, ou bénignes.

* Les carences martiales peuvent également s’accompagner de prurit.

PRURITS MEDICAMENTEUX :

* Le prurit médicamenteux est, en quelque sorte, prétoxidermique et, en même temps, il constitue un signal d’alarme, dans les traitements par les sels d’or.

* Il peut s’observer également lors des traitements par pénicilline.

PRURIT GRAVIDIQUE :

Le prurit gravidique survient généralement au troisième trimestre.

La plupart du temps, il est secondaire a la cholestase anictérique.

Il peut correspondre néanmoins a la phase prébulleuse d’une pemphigoide bulleuse de la grossesse.

PRURITS PSYCHOGENES :

Le diagnostic de prurit psychogène ne doit pas être celui de la facilité. En effet, la composante psychogène est toujours présente au cours des prurits, car s’ils sont féroces et prolongés, ils sont toujours générateurs de modifications du comportement. Le bilan a la recherche d’une cause interne doit donc être complet.

* La parasitophobie réalise un tableau particulier ou le patient, âgé de plus de 40 ans, se croyant infesté de parasites, procède a des extirpations répétées et mutilantes sur la peau:

– la plupart apportent a la consultation des spécimens de « parasites » qui sont en fait des fragments cutanés arrachés par le grattage.

– il faut formellement éliminer une ectoparasitose et toute autre cause de prurit.

– il s’agit d’un syndrome psychiatrique grave.

* La pathomimie rend compte de toutes les lésions provoquées ou aggravées par les diverses manoeuvres du patient dont les principales sont les excoriations dues aux ongles.

AUTRES CAUSES :

– Prurit par agents irritants: laine de verre, plantes, hygiène excessive…

– Prurit aquagénique.

– Le prurit sénile est du pour une bonne part a la sécheresse cutanée secondaire au tarissement sébacé. On lui reconnaît également une composante psychogène.

– Un cancer profond, particulièrement du colon, de l’estomac, de la prostate ou du poumon peut s’accompagner d’un prurit. Le caractère paranéoplasique n’est vérifié que si le prurit disparaît après la cure du cancer.

– L’hémochromatose est parfois une cause de prurit.

– Un prurit est fréquemment rapporté chez les patients atteints par le virus de l’immunodéficience humaine.

– Certaines parasitoses comme la trypanosomiase, les bilharzioses et la douve.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

* Au terme de l’examen, soit il existe une orientation diagnostique précise et le bilan paraclinique, s’il est nécessaire, sera centré sur cette recherche, soit aucune étiologie n’est suspectée et on prescrira un bilan simple de débrouillage:

– NFS, plaquettes, fer sérique, VS.

– bilan hépatique, créatininémie, urée sanguine.

– bilan phosphocalcique.

– glycémie.

– et éventuellement une radiographie thoracique et une échographie abdominale.

* La normalité  de ce bilan conduira a surveiller le patient sur le plan clinique tout en lui proposant un traitement symptomatique.

Traitement :

* Le traitement étiologique du prurit est le seul qui soit satisfaisant.

* Le traitement local consiste a arrêter tous les topiques irritants, a prescrire l’utilisation d’un savon surgras  et des applications d’émollients neutres.

* Le traitement par voie générale fait appel aux antihistaminiques anti-H1 sédatifs ou non. On est amené quelques fois a prescrire des médicaments psychotropes antidépresseurs ou anxiolytiques.

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