Eczéma de contact

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L’eczéma est l’un des premiers motifs de consultation dermatologique. Le terme vient du verbe grec, qui signifie isortir en bouillonnanti.

CONFRONTATION ANATOMOCLINIQUE :

L’eczéma est une entité syndromique, association caractéristique de quatre symptômes cliniques. Le signe fonctionnel constant est le prurit, d’intensité variable d’un individu a l’autre. Les signes physiques associent érythème, oedème, vésiculation. Cette description ne préjuge en rien de l’origine de cet eczéma, qui peut être de contact, atopique, craquelé, etc.

Eczéma de contactLorsqu’un examen histologique est effectué, par exemple en cas de doute diagnostique (voir les diagnostics différentiels) il permet d’objectiver les signes suivants:

* le derme apparaît plus clair: il est oedémateux. Il contient des vaisseaux dilatés, responsables de l’érythème clinique. On observe un infiltrat inflammatoire fait de lymphocytes, prédominant autour des vaisseaux, associés a des macrophages et des polynucléaires éosinophiles.

* l’épiderme est le siège de modifications typiques de l’eczéma. La spongiose (aspect d’éponge) correspond a de l’oedème intra-épidermique, augmentant la taille des espaces interkératinocytaires et dissociant partiellement les kératinocytes. A un plus fort degré, cette spongiose donne naissance a des vésicules voire a des bulles intra-épidermiques, visibles cliniquement. Leur rupture libère ce liquide d’exosérose et donne lieu a un suintement. Les lymphocytes du derme migrent dans l’épiderme, persillant celui-ci: il s’agit d’exocytose lymphocytaire. Elle s’effectue au sein des foyers de spongiose.

* en surface, la kératinisation de mauvaise qualité donne lieu a de la parakératose, responsable lorsqu’elle se détache, de la desquamation.

POURQUOI L’ECZÉMA DE CONTACT :

Lorsqu’on parle d’eczéma de contact, on entend une réaction allergique d’hypersensibilité retardée, excluant ainsi les autres formes d’eczéma dont l’eczéma atopique et la dermite d’irritation (ortho-ergique, traumitérative).

L’eczéma de contact correspond a une réactivité immunologique accrue de la peau, induite par un composé chimique. Il nécessite la présence des trois protagonistes de la réaction d’hypersensibilité retardée pour les phases de sensibilisation (asymptomatique) et de révélation (symptomatique).

Haptène

L’haptène est une molécule xénobiotique (étrangère a l’organisme) de petite taille (moins de 1000daltons), électrophile (avide d’électrons), capable de franchir aisément la barrière cutanée.

* L’haptène possède, par définition, des fonctions chimiquement réactives, de manière primaire ou après son métabolisme cutané. Il est ainsi capable de se fixer sur les protéines épidermiques de grande taille, en se liant aux acides aminés porteurs de groupements aminés (NH2) ou thiolés (SH) nucléophiles, donneurs d’électrons. Cela conduira a la formation d’une protéine hapténisée, ou plus simplement de l’allergène proprement dit, qui pourra être présenté aux cellules immunitaires spécifiques.

* De nombreuses molécules peuvent jouer le rôle d’haptènes parce qu’elles ont une réactivité chimique. En revanche d’autres ne sont pas douées de ces propriétés et leur métabolisme cutané est inexistant ou ne conduit pas a des substances réactives. Ainsi, l’ammoniaque (non réactif), l’acétone (qui s’évapore très rapidement), le platine ou l’or métal (non réactifs) ne peuvent pas être responsables d’allergies cutanées. En revanche, les sels d’or ou de platine, tout comme le nickel métal (chimiquement réactifs) peuvent induire une allergie cutanée lors de leur manipulation.

Cellules de Langerhans et lymphocytesT spécifiques d’haptène

* Les cellules de Langerhans sont des cellules épidermiques pourvues de multiples dendrites, prolongements cellulaires qui s’insinuent dans la totalité des espaces interkératinocytaires. Il s’agit donc de véritables gendarmes ou surveillants de l’épiderme, capables de capter tout ce qui le pénètre. La prise en charge de l’haptène est complexe et passe par une phase de métabolisme au sein des cellules de Langerhans. Certains haptènes, tels le nickel ou les acrylates, forment d’emblée une liaison covalente avec une protéine. D’autres, de structure plus complexe, nécessitent d’etre métabolisés (oxydation, acétylation, époxydation…) après quoi ils seront fixés sur les peptides. L’haptène apparaît enfin, fixé aux protéines de surface des cellules de Langerhans.

* Lors de la phase de sensibilisation, il y a migration vers les ganglions lymphatiques. La présentation aux lymphocytes T spécifiques aura lieu a cet endroit lors de la phase de sensibilisation. On a génération de lymphocytes effecteurs, lymphocytes mémoire et lymphocytes cytotoxiques. Ces lymphocytes T spécifiques d’haptène, une fois la sensibilisation effectuée, se répartissent dans l’ensemble du tégument. Ils prédominent toutefois aux sites de la sensibilisation primaire.

* Lors de la révélation, le processus allergique se déclenchera rapidement (moins de 48 heures). L’information immunitaire (cellule de Langerhans porteuse d’haptène) est apportée directement dans le derme où patientent les lymphocytes effecteurs. La cascade immunitaire active les lymphocytes cytotoxiques qui induisent les modifications épidermiques caractéristiques de l’eczéma. La prédominance des lymphocytes spécifiques aux zones de sensibilisation explique le déclenchement parfois très rapide des lésions: eczéma aux boucles d’oreilles fantaisie survenant en quelques heures après chaque nouveau port.

Fréquence de l’eczéma de contact

La fréquence de l’eczéma de contact est en augmentation. Elle correspond probablement a un défaut de régulation active de l’organisme sur les lymphocytes spécifiques d’haptènes.

Les causes en sont encore obscures et spéculatives: contacts plus intenses et plus répétés avec les substances chimiques, réorientation du système immunitaire par disparition progressive des états inflammatoires chroniques (infections chroniques a pyogènes, tuberculose…) sous l’effets des progrès médicaux? Il s’agit en tout cas d’une réaction immunitaire aberrante, car inutile d’un point de vue immunologique.

L’ECZÉMA DE CONTACT EN PERPÉTUELLE ÉVOLUTION :

L’apparition constante de nouvelles substances aux propriétés allergisantes potentielles obligent à une mise a jour constante du dermatologue versé dans la contactologie. L’introduction de nouveaux produits, de nouveaux modes de fabrication ou d’utilisation donnent lieu a l’émergence de nouveaux cas parfois spectaculaires. Les sources professionnelles de l’eczéma de contact sont presque inépuisables et l’industrie du médicament, ainsi que celle des colles et matières plastiques, par exemple, offrent en permanence de nouvelles molécules allergisantes.

Depuis quelques années, on a vu apparaître des eczémas de contact des mains ou du visage chez des infirmières manipulant le propacétamol injectable (Pro-Dafalgan*). La molécule était allergisante et le packaging mal conçu provoquait des projections de produit lors de la préparation des perfusions.

En 1998, une iépidémiei d’eczéma de contact de a une huile d’immersion pour microscopie est apparue en Europe chez des techniciennes de laboratoires de bactériologie. Une nouvelle formulation a base de résines époxy liquides, hautement sensibilisantes, avait été introduite fin 1997.

Les allergies aux conservateurs des cosmétiques obligent les industriels a changer périodiquement la nature de ceux-ci. Il s’agit de remplacer une molécule qui a dépassé le seuil de tolérance allergénique par une autre. Ainsi, le Kathon CG fort utilisé (et donc source de sensibilisations) dans les années 80 a été remplacé par l’Euxyl K400 dans les années 90. L’émergence de cas d’eczéma a ce produit a conduit a le remplacer par des parabènes (eux-mêmes discrédités il y a plusieurs années) ou d’autres substances.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Interrogatoire

Le diagnostic étiologique est fondé sur l’interrogatoire soigneux du malade.

* Au besoin, il faudra le répéter, faire intervenir un second médecin, consulter les ordonnances (prescriptions de multiples topiques pour des ulcères de jambes), visiter le lieu de travail (difficultés de compréhension des postes de travail, contacts avec certains produits passant inaperçus).

* La chronologie est essentielle, puisqu’elle permet de reconstituer l’ordre des contacts et des traitements effectués. Le but est d’orienter vers une unité de temps (a chaque retour de congé), de lieu (promenades en foret) ou d’action (lors de la manipulation de certains produits uniquement) des épisodes d’eczéma.

Tests épicutanés

Les tests épicutanés sont la seconde étape, confirmant la suspicion d’interrogatoire.

* On les effectue selon une méthode standardisée, en appliquant les produits incriminés directement sur la peau, durant 48 heures. Ce temps correspond au délai nécessaire a l’apparition de la réaction allergique. Les molécules de la batterie standard européenne ont été choisies parmi les plus fréquemment en cause dans les eczémas de contact. Cela permet une approche moins oublieuse et plus rapide des tests. Mais ces substances ne représentent en aucun cas tous les allergènes.

* On complétera la batterie standard des produits suspectés lorsque cela est nécessaire. La composition des colles étant très variable, on testera avec les précautions d’usage les produits apportés par le malade. De même, en cas d’eczéma de a un parfum, on utilise le parfum du malade et un test de dépistage, mélange de parfums ou fragrance-mixi de la batterie standard. Il contient huit des molécules odoriférantes les plus fréquemment rencontrées. Il faut cependant savoir qu’un parfum est une composition complexe de dizaines ou centaines de molécules différentes! Un sujet réactif au test fragrance-mix est souvent sensibilisé a une ou deux molécules du mélange, ce qui explique qu’il puisse réagir a un parfum donné et pas a un autre.

L’eczéma est la plus fréquent des dermatoses inflammatoires. Il s’agit d’un syndrome défini par une conjonction anatomoclinique. en histologie, on observe de l’oedème et un infiltrat lymphocytaire dans le derme, de la spongiose et de l’exocytose lymphocytaire dans l’épiderme. Cliniquement, cela se traduit par de l’érythème, de l’oedème et de la vésiculation, associés a du prurit.

Toute classification des eczémas est arbitraire mais il est commode d’opposer l’eczéma de contact a la dermatite atopique ou eczéma constitutionnel et aux autre variétés d’eczéma (eczéma dysidrosique, eczéma nummulaire, eczéma craquelé, eczéma variqueux…). L’eczéma de contact implique une réaction allergique d’hypersensibilité de typeIV médiée par les lymphocytesT vis-a-vis de substances allergéniques ou haptènes, entrant en contact avec le revêtement cutané ou muqueux.

Étiologie :

L’origine des eczémas de contact est illimitée, sachant qu’un nombre presque infini de molécules sont susceptibles de sensibiliser les individus. On les classe en cinq groupes pratiques a différencier. Les molécules indiquées, hors celles contenues dans la batterie standard, le sont a titre indicatif.

ECZEMAS DE CONTACT D’ORIGINE PROFESSIONNELLE :

Les eczémas de contact sont un des motifs les plus fréquents d’une consultation de pathologie professionnelle après les problèmes rhumatologiques.

* Les professions manuelles sont les plus touchées, les lésions siégeant préférentiellement aux mains.

– L’eczéma, initialement localisé sur le dos des mains, tend à s’étendre avec la répétition des expositions, débordant sur les poignets et les avant-bras.

– Parfois, il s’agira d’une pulpite, atteinte érythématosquameuse, fissuraire et douloureuse des pulpes digitales.

* La chronologie est évocatrice de l’origine professionnelle: le repos dominical et les congés amènent une amélioration voire une guérison, mais les lésions récidivent a la reprise du travail.

Exemples de professions touchées par l’eczéma de contact

* Les cimentiers et professionnels du bâtiment se sensibilisent aux chromates alcalins (sels de chrome hexavalents, principalement le bichromate de potassium) contenus dans le ciment. Le chrome métal des objets chromés n’est pas allergisant.

* Les professionnels de la coiffure se sensibilisent au nickel des instruments (fréquemment remplacé par du titane), plus essentiellement a la paraphénylène diamine (PPD) et aux autres constituants des teintures capillaires ou aux produits des permanentes. Ils peuvent aussi réagir aux agents de vulcanisation du caoutchouc des gants et aux produits a usage capillaire: excipients, conservateurs et parfums des shampooings, laques, gels et autres cosmétiques du cheveu.

* Les professionnels de santé, surtout les infirmières, développent des eczémas de contact aux antiseptiques (iodés, chlorhexidine, hexamidine, mercuriels), aux antibiotiques utilisés par voie locale ou générale lors de la préparation des perfusions (aminosides, virginiamicyne, pénicillines, céphalosporines…) et aux autres médicaments a usage topique (phénothiazines, baume du Pérou…). Le propacétamol (Pro-Dafalgan*) est responsable d’allergies de contact chez les infirmières qui en préparent des perfusions. Les acrylates et méthacrylates des résines composites ou les métaux des prothèses concernent les dentistes, assistants et prothésistes dentaires. L’eczéma de contact au caoutchouc des gants est du aux agents du vulcanisation (accélérateurs ou inhibiteurs) et aux antioxydants utilisés lors de la fabrication des objets de latex. L’hypersensibilité au latex proprement dit est de type I (urticaire de contact plus ou moins diffuse, accompagnée ou non de rhinite, conjonctivite, crise d’asthme ou manifestations tensionnelles d’anaphylaxie).

* Les horticulteurs et les professionnels du monde végétal peuvent etre allergiques a diverses substances: lactones sesquiterpéniques contenues dans les plantes de la famille des composées ou astéracées (chrysanthèmes, laitues, endives, artichaut…), primine de la grande primevère (Primula obconica), allergènes des bulbes de tulipe (tulipaline, tuliposide), pesticides (manèbe, zinèbe…), gants (de cuir ou de caoutchouc), etc.

Indemnisation

Certains eczémas d’origine professionnelle font l’objet d’une indemnisation s’ils figurent dans l’un des tableaux des maladies professionnelles indemnisables (du régime général ou du régime agricole de la Sécurité sociale).

Les conditions sont généralement une dermite eczématiforme récidivant a l’exposition au produit ou confirmée par tests épicutanési.

Citons comme exemples les ciments au tableau n¡8, les aminosides au n¡31, la pénicilline et les céphalosporines au n¡41, les résines époxy au n¡51. Le tableau n¡65 du régime général comprend les dermatoses eczématiformes de mécanisme allergique dues a une liste limitative de substances non répertoriées dans les autres tableaux.

ECZEMAS DE CONTACT D’ORIGINE COSMÉTIQUE :

La majorité des eczémas de contact liés au cosmétiques concerne les femmes, touchent l’extrémité céphalique et impliquent des produits appliqués sur:

* le visage: émulsions, produits de maquillage divers, parfums et produits parfumés, sticks a lèvres….

* les ongles: les vernis induisent un eczéma de localisation aberrante, siégeant aux paupières et au cou en raison du manuportage. Il existe alors une hypersensibilité a la résine toluène-sulfonamide-formaldéhyde, principe actif durcissant contenu dans la majorité des vernis.

* les cheveux et le cuir chevelu: l’eczéma aux teintures capillaires se manifeste par un eczéma du cuir chevelu, débordant en coulée sur le visage et le cou. Il est causé par la paraphénylène diamine (PPD) ou d’autres dérivés proches (paratoluylène diamine, para-aminophénol…). Les produits de permanentes (surtout le monothioglycolate de glycéryle des permanentes acides, moins souvent le thioglycolate d’ammonium des permanentes alcalines) et ceux de décoloration (persulfate d’ammonium) sont moins fréquemment coupables, de même que les laques, baumes et autres produits de soins.

* concernant l’allergie aux parfums, l’eczéma est souvent diffus, à cause du mode d’application sur le visage, le cou et le décolleté.

* les eczémas dus aux produits rincés avec lesquels le contact est bref comme les savons, shampooings et laits démaquillants, sont plus rares.

ECZEMAS DE CONTACT D’ORIGINE MÉDICAMENTEUSE :

Des eczémas de contact concernent les usagers de thérapeutiques topiques et les professionnels de santé exécutant les soins.

* Le risque de la sensibilisation médicamenteuse de contact est l’apparition, en cas d’administration par voie systémique de l’allergène (kétoprofène du Profénid* et du Kétum*) ou d’une molécule apparentée (virginiamycine de la Staphylomycine* poudre et pristinamycine de la Pyostacine*, kétoprofène du gel Kétum* et acide tiaprofénique du Surgam*), d’un eczéma aigu généralisé parfois accompagné de manifestations systémiques (fièvre, choc…).

* La liste des allergènes ne peut être exhaustive. si la pénicilline a disparu de la pharmacopée topique en raison de son haut pouvoir sensibilisant, de nouvelles molécules s’y ajoutent chaque année. Citons les principaux responsables:

– les antiseptiques mercuriels dont le thiomersal, le borate de phénylmercure, l’acide phénylmercurique et le mercurobutol. Bien qu’il s’agisse de mauvais agents antibactériens, ils sont utilisés comme antiseptiques cutanés (Merseptyl*, Mercryl Laurylé*…), ou comme conservateurs dans de nombreux collyres ou certains vaccins.

– la néomycine (Antibiotulle*, Diprosone Néomycine*…), aminoside d’usage local contenu dans certains topiques a usage cutané, ophtalmique, nasal, auriculaire, gynécologique… D’efficacité dérisoire, elle expose a une sensibilisation croisée vis-a-vis d’autres aminosides utilisables par voie systémique (gentamicine, kanamycine…).

– le baume du Pérou, contenu dans d’innombrables préparations dites cicatrisantes (Tulle gras*, pommade Oxyplastine*… ), certains sticks a lèvres ou crèmes réparatrices ou protectrices.

– la lanoline, excipient responsable de nombreux eczémas de contact chez les malades souffrant d’ulcères de jambe. Son utilisation dans les cosmétiques est en revanche assez sûre.

– les anti-inflammatoires non stéroidiens locaux dont le bufexamac (Parfénac*, Bufal*, Calmaderm*) et le kétoprofène (gels Kétum*, Profénid*, Topféna*), qui induisent des eczémas violents et extensifs.

– les phénothiazines topiques utilisées comme antihistaminiques locaux (chlorpromazine du Phénergan*, crèmes Sédermyl* ou Istamyl*…) ou décontracturants (Neuriplège*).

– les corticoides locaux sont de plus en plus fréquemment en cause. Leur usage extensif, cutané (dermocorticoides) ou muqueux (nasal, bronchique, auriculaire, ophtalmique…) explique que 1 a 5% des malades testés aient un test positif au pivalate de tixocortol (contenu dans la Pivalone*, l’Oropivalone*…) ou au budésonide (Pulmicort*), utilisés dans le dépistage de telles allergies.

* Cependant, si le principe actif est le premier suspect, le rôle des excipients (lanoline, alcool éthylique, alcools gras, propylène glycol…), parfums et conservateurs (formol et libérateurs de formol, parabens, Kathon CG, Euxyl K400…) ne doit pas être négligé.

ECZEMAS DE CONTACT D’ORIGINE VESTIMENTAIRE :

On groupe dans cette catégorie les eczémas dus aux vêtements, chaussures, gants, lunettes et autres accessoires vestimentaires.

* Le nickel est le plus largement impliqué, de par sa présence presque universelle, dans la partie métallique des boutons, boucles, fermetures, agrafes et bijoux ifantaisiei.

– La localisation des lésions est évocatrice de cette origine: lobules des oreilles (boucles), région ombilicale (boutons de pantalons), poignet (bracelet de montre).

– La cause de cette sensibilisation, qui atteint jusqu’a 20% des femmes adultes de nos pays, est probablement le percement des oreilles dans l’enfance.

* Les chaussures peuvent induire un eczéma par les chromates utilisés lors du tannage du cuir, ou par la résine para-tertiaire-butylphénol-formaldéhyde (type néoprène) des colles du cuir. Ces eczémas atteignent surtout le dos du pied, sont plus fréquents en été de par la transpiration, et s’amendent en hiver.

* Les allergènes du caoutchouc sont présents dans bottes, gants et autres accessoires. Les colorants ou les apprets des tissus sont rarement en cause.

ECZEMAS DE CONTACT PHOTOALLERGIQUES :

Les eczémas de contact photoallergiques nécessitent pour apparaître la conjonction de l’exposition a un allergène (par voie locale ou après administration générale) et d’une irradiation par les rayons ultraviolets, le plus souvent les UVA.

Comme modèle, on citera les eczémas photoallergique dus aux sulfamides, au fénofibrate (Lipanthyl* ou Sécalip*) ou aux gels contenant du kétoprofène (gels Kétum*, Profénid et Topféna*).

Les lésions n’atteignent qu’une faible fraction des personnes exposées, touchent initialement les zones photo-exposées et peuvent disséminer aux zones photoprotégées. Cela les différencie des dermites phototoxiques, induites par exemple par les fluoroquinolones. Celles-ci atteignent une grande partie des sujets exposés et réalisent une espèce de coup de soleil très violent, brûlure strictement limitée aux zones découvertes.

Physiopathologie :

L’eczéma de contact se déroule en trois phases (sensibilisation, révélation, guérison) et fait intervenir trois acteurs principaux (haptène, cellule de Langerhans épidermique, lymphocyte spécifique d’haptène) auxquels s’ajoutent des médiateurs non spécifiques de l’inflammation.

* Les allergènes de contact sont des haptènes, capables de se fixer sur les protéines épidermiques.

* Les cellules de Langerhans sont des cellules dendritiques présentatrices d’antigènes, localisées dans les épithéliums pavimenteux stratifiés: épiderme et annexes cutanées, les muqueuses orales et génitales principalement. Leurs caractéristiques immunophénotypiques principales sont d’être CD1+, CD4+ (elles sont permissives pour le VIH), d’exprimer les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) des classesI et II, la protéine S100, le CD45 (origine médullaire) et d’avoir des récepteurs de faible affinité pour les IgE et d’autres pour le fragment Fc des IgG.

* Les lymphocytes CD4 (CMH classe II restreints) mais aussi CD8 (CMH classe I restreints) sont spécifiques d’un haptène de par la conformation de leur récepteur. Ils vont se localiser dans le derme et peuvent garder en mémoire l’information du contact préalable avec l’haptène.

SENSIBILISATION :

La phase de sensibilisation, asymptomatique, survient lors du premier contact avec l’haptène. Les haptènes appliquées sur la peau vont diffuser dans l’épiderme et entrer en contact avec les résidus peptidiques des protéines épidermiques auxquels ils vont se fixer. Il y a formation d’un peptide hapténisé qui va être véhiculé par les cellules de Langerhans.

Celles-ci vont ensuite migrer dans le derme, les canaux lymphatiques puis la zone paracorticale des ganglions de drainage.

Elles vont y présenter l’haptène et activer des lymphocytes T spécifiques d’haptènes: surtout les lymphocytes CD4 par l’intermédiaire du CMH de classe II, parfois des lymphocytes CD8 grâce aux molécules du CMH de classe I. Cela aboutit aussi a la génération de lymphocytes T mémoire spécifiques d’haptènes.

Les lymphocytes activés vont gagner le canal thoracique, le sang circulant puis l’ensemble des tissus dont la peau et, pour nombre d’entre eux, le site de sensibilisation (phénomène de homing).

Cette première phase dure entre 7 et 15 jours. S’ensuit une période de latence, elle aussi asymptomatique.

RÉVÉLATION :

Lors de sa réintroduction, l’haptène est pris en charge par les cellules de Langerhans. Elles migrent dans le derme et vont y présenter le peptide hapténisé aux lymphocytes spécifiques d’haptène, en association aux molécules du CMH. L’activation cellulaire qui en découle se traduit par la sécrétion de cytokines de type Th1 (IL-2, INF-).

D’autres lignées cellulaires vont aussi être activées: kératinocytes et cellules endothéliales, avec comme conséquence une sécrétion d’IL-1, TNF, IL-6 et IL-8 qui recrutent les cellules inflammatoires, phénomène favorisé par la vasodilatation et les modifications de forme et d’adhésion des endothéliocytes.

Cette phase se traduit cliniquement par l’eczéma: elle nécessite moins de 48 heures pour apparaître.

GUÉRISON :

Imparfaitement connue, la phase de guérison débute généralement après 3 a 5 jours d’évolution de l’eczéma, en l’absence de nouveau contact avec l’allergène.

L’haptène persistant dans l’épiderme même après ce délai, elle correspond a un processus de régulation active de l’inflammation.

Les kératinocytes pourraient jouer un rôle tolérogène et les lymphocytes régulateurs CD4 producteurs de cytokines de type Th2 (IL-4, IL-10) bloqueraient la réponse inflammatoire en cours.

ALLERGIES CROISEES ET COSENSIBILISATION :

* Les allergies croisées concernent des molécules dont la structure est proche et qui font souvent (mais pas toujours) partie de la même famille thérapeutique:

– un sujet sensible a la néomycine risque ainsi de développer un eczéma disséminé lors d’une première administration systémique de gentamicine.

– un malade allergique au pivalate de tixocortol ou a l’hydrocortisone pourra l’être aussi a d’autres corticoïdes de même configuration comme la prednisone ou a la prednisolone.

– l’allergie a la fonction amine en para, commune a certaines molécules pharmacologiquement différentes, explique certaines allergies croisées entre PPD, IPPD et benzocaine.

– cette sensibilisation croisée n’est pas constante. Ainsi, il n’y a pas d’allergie croisée entre le formaldéhyde et le glutaraldéhyde.

* Une cosensibilisation résulte d’une sensibilisation concomitante entre molécules sans parenté allergénique, souvent associées. Il s’agit par exemple du nickel et du cobalt des alliages métalliques, de la colophane et de la térébenthine issues de la sève de pin.

Diagnostic :

DIAGNOSTIC POSITIF :

Aspect clinique :

La description concerne un eczéma aigu.

Les quatre phases suivantes sont accompagnées de prurit, signe fonctionnel constant plus ou moins intense, qui peut entraîner des lésions de grattage.

* Les lésions d’eczéma prédominent sur la zone d’application de l’haptène qu’elles débordent souvent. elles sont mal limitées, émiettées.

– La phase d’érythème s’accompagne d’un oedème d’intensité variable.

– La phase de vésiculation comporte l’émergence des vésicules. Ce sont de petites élevures translucides, emplies de sérosité. En confluant, elles peuvent former de véritables bulles.

– La phase de suintement résulte de la rupture, spontanée ou par grattage, des vésicules. Elle aboutit à la formation de croûtes.

– La phase de desquamation, due à l’élimination de l’épiderme altéré et des croûtes, correspond a la régression des lésions.

* Les lésion peuvent être manuportées au visage et au cou (vernis a ongles), ou aéroportées (allergènes en suspension dans l’air comme le Frullania des lichens du chene). Elles peuvent aussi disséminer, si l’allergène appliqué en grande quantité a une pénétration percutanée importante.

* On peut parfois observer une impétiginisation des lésions d’eczéma, surtout a la phase de suintement. La pullulation de germes, en général des cocci à Gram positifs (streptocoques et staphylocoques) conduit a un aspect louche des sérosités et a des traînées de lymphangite, accompagnées d’adénopathies sensibles.

* En cas de chronicité, les lésions se lichénifient. la peau devient épaisse, avec des excoriations et stries de grattage. Le prurit entraîne un aspect poli, brillant, des ongles.

Interrogatoire :

L’indispensable interrogatoire devra établir la chronologie de l’éruption par rapport a l’exposition a des allergènes potentiels souvent nombreux. Il permet enfin d’orienter les tests.

Tests :

Le but des tests épicutanés, épidermotests ou ipatch-testsi est de recréer un eczéma en miniature par application de l’allergène.

Méthodes

Les tests sont effectués a distance de la dermatose aigue, sur un dos sain.

Leur réalisation obéit à des règles strictes et utilise un matériel hypoallergénique.

– Les allergènes, a concentration idéale, dispersés dans la vaseline blanche (parfois l’eau, l’alcool…), sont appliqués dans de petites cupules de vinyle ou d’aluminium maintenues sur la peau du dos au moyen d’un dispositif adhésif. Celui-ci est laissé en place durant 48 heures, puis décollé.

– Après 20 minutes destinées a laisser se dissiper l’érythème, une première lecture sera effectuée.

– Une seconde lecture sera faite 24 ou 48 heures après, donc a 72 ou 96 heures. Pour chacune des lectures, les tests sont cotés selon des critères définis.

Batterie standard

La batterie standard européenne EECDRG, périodiquement réactualisée par l’iEuropean and environmental contact dermatitis research groupi comprend 22 des allergènes les plus fréquemment en cause. Reportée dans le tableau 2, elle est en principe testée chez tous les malades.

* Les métaux (Ni, chromates, Co), le baume du Pérou et le mélange de parfums, les allergènes du caoutchouc (thiuram-mix, mercaptobenzothiazole, IPPD, mercapto-mix), sont les plus fréquemment positifs.

* Les mix correspondent a des mélanges standardisés de plusieurs molécules. Par exemple, le Parabens-mix contient 4% de chacun des parahydroxybenzoates suivants: méthyle, éthyle, propyle et butyle.

* Les substances responsables de l’eczéma de contact au caoutchouc sont des agents utilisés lors de la vulcanisation (accélérateurs, inhibiteurs, antioxydants).

* Le latex proprement dit (sève de l’Hévéa brasiliensis) est presque uniquement responsable de réactions d’hypersensibilité immédiate: urticaire de contact, rhinite, asthme, voire choc anaphylactique.

Autres allergènes

* A ces allergènes standard, s’ajouteront les produits apportés par les malades. Certains seront testés tel quel (spécialités et préparations pharmaceutiques, cosmétiques) mais d’autres nécessiteront une dilution dans un véhicule adapté (colles cyanoacrylates des colles fortes, ail pilé dilué a 10% dans la vaseline) ou un artifice d’application (fragments de vêtements).

* On peut aussi user de batteries spécialisées orientées: allergènes de la coiffure, allergènes vestimentaires, allergènes des peintures et des colles…

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :

* La dermite d’irritation (ou dermatite d’irritation), encore nommée dermite traumitérative, dermite d’usure, dermite des ménagères ou anciennement dermite orthoergique, est la cause la plus fréquente des dermites des mains.

– Les lésions apparaissent dans les heures suivant le contact.

– Elles sont érythémateuses, kératosiques et fissuraires, plus douloureuses que prurigineuses.

– Elles restent confinées a la zone de ce contact, ne disséminent jamais, et cèdent après la suppression des facteurs irritants.

* La dermatite séborrhéique se manifeste par des lésions érythémateuses couvertes de squames grasses des sillons naso-géniens, de la glabelle, de la lisière du cuir chevelu et des conduits auditifs. Un état pityriasique (pelliculaire) du cuir chevelu est très fréquent.

* Le psoriasis réalise une dermite chronique érythématosquameuse en médaillons, plaques ou gouttes, bien limités, siégeant typiquement sur les coudes, les genoux, la région sacrée et le cuir chevelu. S’y associent parfois des lésions unguéales (ponctuations en dés a coudre, hémorragies filiformes, taches saumonées, onycholyse distolatérale) et muqueuses.

* Le pityriasis rosé de Gibert, la dermatose en plaques digitiformes ou parapsoriasis en petites plaques digitiformes, le parapsoriasis en plaques et le mycosis fongoïde ont une sémiologie et une évolution différentes. Surtout, il n’y a aucun facteur contact a l’interrogatoire.

Traitement :

TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE :

L’éviction de l’allergène est indispensable: changement de poste de travail, éviction d’un topique médicamenteux, arrêt des teintures capillaires ou du port de bijoux fantaisie…

TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE :

* On utilisera une corticothérapie locale dégressive, de classe II pour les lésions du corps (Diprosone*, Locatop*, Synalar*, Topsyne*…), de classe III (Locapred*, Tridésonit*…) ou IV (Hydracort*) sur le visage. Les crèmes sont destinées aux lésions suintantes, les pommades aux lésions sèches.

* En cas d’eczéma très suintant, on peut utiliser des compresses humides et des applications de pâte a l’eau.

* A la phase finale, on peut appliquer des émollients, destinés a lutter contre la sécheresse cutanée (cérat de Galien, cold cream ou corps gras contenus dans de nombreuses spécialités commerciales).

* Les antihistaminiques per os sédatifs (Polaramine*, Atarax*) ne sont utiles qu’en cas de prurit féroce. les antihistaminiques non sédatifs sont inutiles.

* La corticothérapie générale est d’emploi exceptionnel et de courte durée.

* La désensibilisation n’existe pas dans l’eczéma de contact.

PREVENTION :

* La prévention primaire consiste a éviter le contact avec les substances sensibilisantes. Le port de gants et de vêtements de protection est utile. Il faut informer et protéger les professions a risque, limiter les topiques nuisibles dans certaines situations comme les ulcères de jambes et autres plaies chroniques. Les crèmes barrière, utiles pour lutter contre les dermites d’irritation, sont souvent inefficaces dans la prévention de l’eczéma de contact.

* La prévention secondaire doit éliminer un contact ultérieur avec l’allergène identifié. Elle passe par la remise au malade d’une carte d’allergique, mentionnant les substances testées et des listes d’éviction correspondantes. Ces dernières devront comporter les produits contenant la molécule en cause ainsi que ceux renfermant les molécules responsables d’allergies croisées. Aisée lorsque l’allergène est rare, par exemple médicamenteux, elle implique parfois des mesures drastiques telles qu’un changement de poste d’activité professionnelle, qui n’est pas toujours possible (coiffeurs, personnels du bâtiment…). la collaboration avec le médecin du travail est alors grandement utile. Elle est aussi plus difficile lorsque l’allergène est ubiquitaire tel le nickel, ou s’il est présent dans un produit utilitaire (colle des cuirs des chaussures).

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