Cancers cutanés épithéliaux

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Les carcinomes cutanés sont des tumeurs malignes de la peau qui se développent aux dépens des kératinocytes de l’épiderme de la peau et des muqueuses ; cela exclut le mélanome, les tumeurs cutanées développées à partir des annexes, les métastases.Ils représentent 15 à 20 % des cancers en France et sont les plus fréquents de tous les cancers chez l’homme, leur incidence est de 70/100 000. Le soleil a une action essentielle, il induit des mutations des gènes. Les 2 types de rayonnements UVA et UVB sont impliqués. D’autres facteurs favorisants sont les virus et les facteurs génétiques.Le diagnostic clinique est confirmé par l’examen histologique.Le traitement est chirurgical sauf sur certaines localisations spécifiques : radiothérapie ou curiethérapie. Une exérèse intralésionnelle augmente le risque de rechute.

Épidémiologie :

Cancers cutanés épithéliauxCe sont les tumeurs malignes les plus fréquentes. Leur fréquence augmente chez les sujets de peau blanche parallèlement à l’allongement de la durée moyenne de vie, à l’augmentation de l’exposition solaire, et à l’altération de la couche d’ozone.

* L’incidence des carcinomes basocellulaires est de l’ordre de 500/100.000 dans les pays occidentaux.

– Ils touchent plus souvent les sujets âgés: ils sont rares avant 40 ans et leur pic de fréquence se situe vers 70 ans.

– Ils sont plus fréquents chez l’homme que chez la femme (sex-ratio de 3/1).

* Les carcinomes spinocellulaires sont moins fréquents, avec une incidence estimée à 100/100.000. Ils sont également plus fréquents chez l’homme, avec un pic de fréquence après 60 ans.

Étiologie

FACTEURS CARCINOGENES  PREDISPOSANTS :

* La lumière solaire est le principal facteur favorisant:

– elle intervient par l’action des ultraviolets, principalement les UVB, mais aussi les UVA, qui provoqueraient des altérations de l’ADN.

– les ultraviolets ont une action lente, cumulative, précédée de signes précurseurs: lésions précancéreuses (kératose actinique) et vieillissement cutané.

– ce facteur étiologique touche donc les sujets âgés, de race blanche, ayant des professions de plein air.

* Facteurs physiques:

– radiations ionisantes responsables de radiodermites.

– microtraumatismes répétés.

– cicatrices de brélures.

– ulcères de jambes et plaies chroniques.

* Facteurs chimiques:

– arsenic: l’absorption ou l’inhalation chronique d’arsenic exposent à la survenue de kératoses pouvant dégénérer en carcinomes épithéliaux. L’exposition peut être professionnelle (vignerons, ouvriers de l’industrie de peinture, des insecticides, herbicides ou raticides) ou alimentaire.

– hydrocarbures polycycliques: sujets exposés aux goudrons par le tabac ou par leur profession.

– puvathérapie: elle associe un facteur chimique (psoralène) et un facteur physique (UVA).

* Dermatoses inflammatoires chroniques:

– lupus érythémateux chronique.

– lichen scléro-atrophique et lichen plan (au niveau muqueux).

* Certaines maladies congénitales:

– xéroderma pigmentosum.

– albinisme.

– navomatose basocellulaire.

– hamartomes verruco-sébacés.

* Immunodépression:

– iatrogène: méthotrexate ou Imurel*, notamment chez le transplanté rénal.

– viral: SIDA.

LESIONS PRECANCEREUSES :

* Kératoses actiniques ou kératoses séniles:

– ce sont des taches brunes ou jaunâtres de surface hyperkératosique, sur les parties découvertes (mains, visage), chez les sujets âgés.

– l’histologie montre un épiderme aminci (formes atrophiques) ou épaissi (formes hyperplasiques), avec des atypies nucléaires, une élastose solaire dermique associée à un infiltrat inflammatoire réactionnel.

– l’évolution est lente. La transformation en carcinome survient dans 5à 20% des cas, le plus souvent en spinocellulaire. elle se traduit par une infiltration, une ulcération, ou un bourgeonnement, imposant une exérèse.

– le diagnostic différentiel s’établit avec la verrue séborrhéique.

– le traitement est la destruction par cryothérapie et la photoprotection.

* Kératoses sur radiodermites ou chimio-induites: les kératoses arsenicales sont volontiers palmo-plantaires et symétriques.

* Kératoses des muqueuses:

– leucoplasies des lèvres, leucoplasie jugale, balanites kératosiques.

– équivalent sur les demi-muqueuses des kératoses actiniques.

* Maladie de Bowen:

– c’est un carcinome in situ, avec, histologiquement, une prolifération intraépidermique comportant des atypies cellulaires.

– cliniquement, elle est caractérisée par un ou des éléments discoïdes peu infiltrés, a surface plus ou moins kératosique.

– elle évolue vers un carcinome spinocellulaire.

– l’atteinte est cutanée ou muqueuse (gland et vulve).

Anatomie pathologique :

CARCINOME BASOCELLULAIRE :

Il se développe à partir des kératinocytes basaux basophiles.

* Les cellules ressemblent donc aux cellules basales: de petite taille, avec un noyau arrondi, très basophile avec peu de mitoses. Le cytoplasme est clair et très réduit.

* L’architecture est typique: les cellules se groupent en amas ou boyaux, connectés a l’épiderme, très basophiles, a limites nettes, avec une couche cellulaire périphérique formée de cellules cylindriques organisées en palissades.

* Le stroma est inflammatoire, riche en fibroblastes. L’infiltrat péritumoral est composé de lymphocytes et de plasmocytes.

CARCINOME SPINOCELLULAIRE :

Il se développe à partir des kératinocytes suprabasaux.

* Les cellules sont de type malpighien: de grande taille, parfois monstrueuses, irrégulières, éosinophiles, avec des noyaux irréguliers et hyperchromatiques oèles mitoses sont fréquentes.

* Les cellules forment de multiples bourgeons mal limités, infiltrant le derme, dont le degré de différenciation est variable: tantôt immatures, tantôt kératinisés, pouvant même aller jusqu’à la formation de globes cornés.

* On voit fréquemment sur les bords de la lésion des signes de kératose précarcinomateuse. Le stroma est également inflammatoire.

Diagnostic :

DIAGNOSTIC POSITIF :

Il devra toujours être confirmé par un examen histologique.

Carcinome basocellulaire :

* Mode de début:

– le début est insidieux.

– la lésion apparaît souvent en peau saine ou sur une lésion précancéreuse.

– l’évolution est lente.

* Topographie:

– il se situe dans les zones photoexposées (visage et cou dans 90% des cas).

– il n’y a pas d’atteinte des muqueuses.

– la forme ulcérée est fréquente dans les plis: sillons naso-géniens et plis rétroauriculaires. La forme sclérodermiforme est fréquente au niveau du front et des tempes, alors que la forme pagétoide se rencontre volontiers au niveau du tronc.

* Lésions élémentaires:

– la perle épithéliomateuse: il s’agit d’une petite élevure rosée, translucide, unique ou multiple, de taille variable (1à 5mm), fréquemment disposée en périphérie de la lésion.

– télangiectasies.

– l’ourlet filiforme: petit bourrelet induré soulignant les limites de la lésion.

* Formes cliniques:

– plan cicatriciel: c’est la forme la plus fréquente. La tumeur est formée d’une zone centrale atrophique d’allure cicatricielle, parcourue de télangiectasies et entourée d’une bordure perlée.

– ulcus rodens: forme sévère formée par une ulcération rapidement extensive en profondeur (forme térébrante).

– nodulaire: la tumeur est formée d’une perle unique de grande taille.

– pagétoide ou superficiel: plaque érythémato-squameuse bien limitée, d’évolution centrifuge lente.

– sclérodermiforme: tumeur à type d’infiltration plane ou à peine déprimée, blanc jaunâtre, mal limitée, sans perle caractéristique. La diffusion des cellules malignes est toujours plus étendue que ne le laisse présager la clinique (partie immergée de l’iceberg).

– tatoué ou pigmenté: tumeur formée de perles pigmentées par de la mélanine. A ne pas confondre avec un mélanome.

* Evolution:

– malignité locale avec envahissement des structures musculaires, osseuses, vasculaires et nerveuses sous-jacentes.

– dans les formes extrêmes, destruction des organes nobles: et cerveau.

– absence de métastases ganglionnaires ou viscérales.

– possibles récidives après exérèse.

Carcinome spinocellulaire :

* Mode de début:

– complique fréquemment une lésion précancéreuse.

– évolution plus rapide, d’une petite tumeur à base indurée vers une tumeur saillante.

* Topographie:

– les régions découvertes (face et cou) mais également les membres inférieurs et le thorax.

– atteinte des muqueuses et demi-muqueuses: langue, lèvres, vulve et gland.

– atteinte très fréquente de la lèvre inférieure chez le sujet fumeur.

* Lésions élémentaires:

– végétation.

– ulcération.

– infiltration.

– corne, ou « croûte ».

* Formes cliniques: la tumeur associe en proportions variables les différents éléments sémiologiques:

– forme ulcéro-végétante: la plus fréquente.

– forme ulcérée pure.

– forme végétante: en chou-fleur, facilement hémorragique.

– forme nodulaire: lésion saillante nodulaire, verruqueuse et croûteuse.

* Évolution:

– extension locale avec destruction des éléments adjacents.

– extension régionale avec envahissement ganglionnaire (peu fréquent).

– extension générale avec de rares métastases viscérales (hépatiques et pulmonaires).

L’atteinte métastatique dépend de la topographie: elle est plus fréquente avec les lésions touchant les muqueuses (plus vascularisées) ou survenant sur ulceres de jambe (diagnostic plus tardif).

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :

La différenciation entre les carcinomes baso- et spinocellulaires est parfois difficile en raison des mêmes topographies et de formes cliniques identiques (formes ulcérées).

* Carcinome basocellulaire:

– mélanome et verrue séborrhéique pour la forme tatouée.

– sclérodermie localisée pour la forme sclérodermiforme.

– métastase cutanée, naevus dermique, kyste pour la forme nodulaire.

– psoriasis ou eczéma pour la forme superficielle.

* Carcinome spinocellulaire:

– botriomycome (bourgeon charnu post-traumatique).

– kératoacanthome: tumeur bénigne formée d’un nodule saillant creusé d’un cratère.

– kératose actinique simple.

– mélanome nodulaire.

Traitement :

TRAITEMENT PRÉVENTIF :

* Destruction des kératoses actiniques par électrocoagulation, cryothérapie ou crème antimitotique à base de 5-fluoro-uracile (Efudix*).

* Exérèse chirurgicale des leucoplasies muqueuses et de la maladie de Bowen.

* Photo protection vestimentaire.

* Lutte contre les facteurs de risque.

* Rétinoïdes (acitrétine ou isotrétinoine) dans le cadre de la navomatose basocellulaire ou si lésions multiples.

TRAITEMENT CURATIF :

Il dépend de la taille et de la topographie de la tumeur, mais aussi de l’age et de l’état général du patient. Il est identique dans les deux types cliniques:

* Exérèse chirurgicale avec suture immédiate, plastie ou greffe. Elle permet le contrôle histologique des berges. La marge d’exérèse doit être de 0,5cm pour les tumeurs de taille inférieure à 2cm de diamètre, jusqu’à l’hypoderme, et de 1cm pour les lésions à risque, plus en profondeur.

* La technique dite « de Mohs » a pour principe une sectorisation de la piece opératoire et des contrôles histologiques extemporanés répétés. Elle est de réalisation difficile.

* Radiothérapie si la chirurgie est contre-indiquée. Elle doit cependant etre évitée pour les basocellulaires sclérodermiformes.

– Curithérapie: implantation d’un fil d’iridium dans la tumeur.

– Radiothérapie externe: faible énergie ou électronthérapie.

* Autres méthodes de destruction, dont le principal inconvénient est l’impossibilité du contrôle des limites d’exérèse:

– électrocoagulation au bistouri électrique.

– cryothérapie) à l’azote liquide.

– laser CO2.

* Exérèse ganglionnaire et radiothérapie complémentaire si présence d’adénopathies cliniques.

* Chimiothérapie générale si métastases viscérales de spinocellulaires: bléomycine et cisplatine.

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