Dermatite allergique de contact

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Définition :

La dermatite allergique de contact se caractérise par des lésions d’eczéma (en principe sous forme d’érythème, d’oedème et de vésicules intraépidermiques) apparaissant au contact de certaines substances.

Schématiquement, cet eczéma survient 72 heures environ après le contact, sauf s’il s’agit d’une primosensibilisation.

Dans ce cas, le temps d’apparition de l’eczéma avoisine les 10 jours.

Il s’agit donc d’une réaction retardée, à médiation cellulaire (type IV) selon la classification de Gell et Coombs.

Dermatite allergique de contactLa réaction allergique ne survient pas nécessairement lors du premier contact.

Celle-ci peut apparaître après plusieurs mois ou années de tolérance.

Physiopathogénie :

A – PÉNÉTRATION DE LA SUBSTANCE :

Un prérequis au déclenchement de la réaction allergique de contact est la pénétration de la substance à travers l’épiderme.

Cela implique entre autres une petite taille (en général inférieure à 500 ou 1 000 kDa), une liposolubilité suffisante pour traverser l’épiderme…

On sait cependant depuis peu que même de volumineuses molécules protéiques pourraient pénétrer à travers la peau.

B – CARACTÉRISTIQUES DE L’ALLERGÈNE :

La substance allergisante est généralement un haptène, c’est-à-dire une molécule qui n’est pas intrinsèquement allergisante mais qui le devient en se fixant sur des protéines.

Celles-ci ne manquent pas dans l’organisme et se caractérisent par des sites nucléophiles qui attirent les haptènes électrophiles.

Plus l’haptène est réactif, c’est-à-dire électrophile, plus le risque est grand de voir apparaître une réaction allergique.

D’autres éléments interviennent cependant.

La configuration spatiale (stéréochimique) peut être telle que le site électrophile n’accède pas au site nucléophile protéique. La taille de la molécule peut entraver sa pénétration cutanée.

C – PHASE AFFÉRENTE : PHASE DE SENSIBILISATION

L’haptène ayant pénétré l’épiderme est internalisé par des cellules dendritiques appelées cellules de Langerhans.

Celles-ci associent alors l’haptène en surface à des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I et II.

Certaines cytokines sont produites.

Ces cellules migrent alors vers les ganglions régionaux et entrent en contact avec les lymphocytes T des régions paracorticales.

Sous l’action de l’interleukine 1 (IL1) et de diverses lymphokines, les lymphocytes T spécifiques de l’haptène lié à la molécule de classe II prolifèrent et se dispersent dans l’organisme, plus spécialement dans la peau.

D – PHASE EFFÉRENTE : PHASE DE RÉVÉLATION

C’est le déclenchement de l’eczéma de contact.

Lors d’un nouveau contact avec l’haptène, celui-ci sera de nouveau présenté par les cellules de Langerhans aux lymphocytes T mais, cette fois, cette rencontre pourra se faire dans le derme, c’est-à-dire sur place.

De plus en plus de cellules seront attirées par les médiateurs cellulaires et amplifieront la réaction inflammatoire qui se traduira alors par l’eczéma. Chez un sujet sensibilisé, cette réaction s’opère environ en 48 heures.

E – PROHAPTÈNE :

Parfois, la substance suspectée n’est pas allergisante comme telle mais uniquement après métabolisation ou autre transformation.

F – PERTE DE TOLÉRANCE :

On a longtemps estimé que l’élément déterminant pour déclencher une réaction allergique de type eczémateux était la pénétration cutanée mettant en contact l’haptène, la protéine et la cellule de Langerhans.

Depuis peu, il a été démontré que même les plus grosses molécules comme les protéines étaient en mesure de traverser la peau.

L’élément déterminant semble donc être une perte de tolérance vis-à-vis de la molécule qui a traversé la peau.

La question reste posée en ce qui concerne le pourquoi de la rupture de tolérance.

G – RÉACTIONS CROISÉES, RÉACTIONS CONCOMITANTES :

Les réactions croisées sont intéressantes à connaître parce qu’elles permettent, dans une certaine mesure, de prédire des réactions allergiques vis-à-vis de substances apparemment différentes.

Elles peuvent être subdivisées en différents sous-groupes.

– Deux molécules peuvent avoir un groupement chimique identique ou voisin avec une conformation stéréochimique relativement semblable, de telle sorte que les cellules de Langerhans ne les distinguent pas l’une de l’autre (analogie de fonction et de structure).

– Deux molécules (prohaptènes) très différentes, au départ, peuvent être métabolisées et aboutir à la formation d’un même haptène.

Au sens strict du terme, il ne s’agit pas d’une vraie réaction croisée.

– On parle parfois d’allergies de groupe.

En effet, plusieurs molécules différentes donnent parfois lieu à des réactions croisées en raison de la présence d’une fonction chimique commune.

L’exemple le plus classique est celui des amines substituées en para sur un noyau benzénique.

– Certaines molécules, souvent associées dans l’environnement, peuvent donner lieu à une sensibilisation simultanée (cosensibilisation cobalt-nickel avec les bijoux de fantaisie), impliquant des clones lymphocytaires différents.

Épidémiologie :

Connaître la prévalence de l’allergie de contact est difficile car cette connaissance implique la détection de tous les cas d’allergie ; or on peut supposer une sous-détection massive.

Un bon nombre de personnes se savent allergiques aux bijoux, au sparadrap sans avoir jamais fait de tests épicutanés.

Selon les études envisagées, la prévalence de l’allergie de contact varierait entre 2 et 10 % de la population.

Facteurs prédisposants :

Il n’y a pas si longtemps, on pensait que tout le monde était égal face à l’allergie de contact.

On sait actuellement qu’il peut y avoir certaines prédispositions, quoique celles-ci ne soient pas objectivables de façon routinière.

Certains patients cumulent un nombre impressionnant de sensibilisations différentes laissant supposer l’existence d’un terrain particulièrement propice au développement d’allergies.

Les patients atopiques ne semblent pas faire nettement plus d’allergies que les autres hormis le fait qu’ils sont plus exposés aux allergènes médicamenteux et dermocosmétiques topiques.

Là encore, les études se sont succédées et souvent contredites.

Méthodes d’investigation :

A – TESTS ÉPICUTANÉS :

Pour identifier la substance à l’origine d’un eczéma de contact, la méthode la plus simple consiste à reproduire une telle lésion à l’aide de la substance suspectée.

Les tests épicutanés sont généralement réalisés sur le haut du dos parce que la surface y est suffisamment grande pour y appliquer de nombreuses substances.

On considère que la réactivité de la peau du dos est comparable à la réactivité d’autres zones du corps.

Les substances testées sont appliquées sur la peau et maintenues sous occlusion pendant 48 heures.

Au bout de ce laps de temps, les réactions ne sont pas encore terminées et la lecture proprement dite interviendra plus tard.

Différents types de sparadraps peuvent être utilisés.

Les plus courants sont les Finn Chamberst constitués de cupules discoïdes de 8 mm, en aluminium, fixées sur un sparadrap hypoallergénique.

Il existe aussi des supports de tests avec chambres en plastique (polyéthylène ou polypropylène) de forme carrée comme les chambres de Hayest ou les IQ Chamberst.

B – LECTURE DES TESTS :

La réaction allergique se développant en 2 à 3 jours, la lecture du test se fait généralement vers la 72e ou la 96e heure.

Pour certaines substances, il peut être utile de relire le test vers le septième jour (corticostéroïdes par exemple).

La réaction d’eczéma est évaluée selon les critères proposés par l’International Contact Dermatitis Research Group (ICDRG).

En plus de la lecture proprement dite, une interprétation des tests est nécessaire.

En effet, selon la nature des allergènes testés, une faible réaction peut avoir plus ou moins de signification.

Certaines réactions d’irritation sont parfois difficiles à distinguer de réactions allergiques mais surviennent préférentiellement avec certaines substances qui doivent être connues.

Ces réactions d’irritation n’ont aucune signification et proviennent uniquement de l’occlusion prolongée nécessaire à la réalisation des tests.

C – RECHERCHE DE PERTINENCE :

La lecture des tests n’est que la première étape du diagnostic.

La recherche de pertinence des tests, actuelle ou ancienne, en est la seconde et la plus importante.

Il s’agit en fait d’établir un lien entre le test et les manifestations présentées par le patient.

Une codification basée sur le degré de pertinence actuelle et ancienne d’une réaction a été proposée.

D – PHOTOPATCHTESTS :

Certaines substances ne deviennent allergisantes qu’après avoir été modifiées par une exposition aux rayons ultraviolets.

Ce sont principalement les UVA qui sont en cause mais les UVB peuvent également intervenir. Pour réaliser des photopatchtests, les substances à tester sont d’abord appliquées en double exemplaire sur le dos du patient.

Après 48 heures, l’un des exemplaires est ôté et le dos est exposé à 5 ou 10 J d’UVA, selon les écoles.

La lecture proprement dite s’effectue 48 heures plus tard.

Une positivité sur la zone exposée aux UVA avec négativité sur la zone non exposée signe une photoallergie pure.

E – FAUX POSITIFS :

Comme mentionné plus haut, certaines substances donnent facilement des réactions d’irritation dans les conditions d’utilisation du test. Elles doivent être différenciées d’une réelle réaction allergique.

Cette observation survient très souvent avec le formaldéhyde ou la cocamidopropylbétaïne mais aussi avec le chrome, le fragrance mix, la lanoline, le chlorométhylisothiazolinone/ méthylisothiazolinone, les parabens et le propylène glycol.

Il peut être utile de retester ces substances et, éventuellement, de les diluer pour mieux interpréter la réaction.

Certains tests peuvent donner une vasodilatation pure à ne pas qualifier de réaction faible.

Cette vasodilatation survient fréquemment avec les corticostéroïdes.

Le support du patchtest peut exceptionnellement donner une réaction allergique, surtout avec les Finn Chamberst en aluminium.

F – FAUX NÉGATIFS :

– Les rayons ultraviolets diminuent le nombre de cellules de Langerhans et donc la réactivité de la peau.

Il faut en tenir compte lors de la réalisation des tests.

– Certaines substances sont parfois testées à des concentrations trop faibles.

C’est un problème fréquent lorsqu’on teste des produits dits « finis » (généralement constitués de plusieurs ingrédients en faible concentration).

D’autres molécules passent parfois difficilement la barrière épidermique et il peut être utile d’éliminer quelques couches cellulaires de la couche cornée.

Ceci peut se réaliser en collant et décollant quelques fois sur l’emplacement des tests un sparadrap ou un papier collant (stripping).

Cette méthode est recommandée, entre autres, pour tester les collyres médicamenteux.

– La lecture a peut-être été trop précoce. Certaines substances nécessitent au moins 96 heures pour apparaître (la néomycine, parfois la paraphénylènediamine) d’autres 5, 6, voire 7 jours (les corticostéroïdes).

– Un test antérieurement positif peut apparaître faussement négatif lorsque l’éviction de l’allergène a été complète.

La petite quantité du test et la lecture après 4 jours n’ont peut-être pas permis un recrutement suffisant de lymphocytes-mémoire pour exprimer la réaction.

La dermatite allergique se remanifestera cependant rapidement si le patient s’expose à nouveau à l’allergène.

– L’allergène testé n’est pas adéquat.

Cela peut-être le cas d’une allergie due à une impureté plutôt qu’au produit fini (une telle suspicion existe dans l’allergie à l’alcool cétylstéarylique).

– Deux allergènes contenus dans la même préparation pourraient « s’éteindre » mutuellement (phénomène d’extinction ou de quenching).

Ceci s’observe avec les parfums, en particulier.

– Certaines médications influencent la réactivité de la peau comme les immunosuppresseurs tels les corticostéroïdes ou la cyclosporine. D’autres médicaments ont également été épinglés.

G – TEST OUVERT ET TEST SEMI-OUVERT :

Ils sont parfois utilisés lorsque l’on craint des réactions d’irritation, en particulier avec les produits industriels.

Dans le test ouvert, la substance est appliquée sur la peau et laissée à l’air ; dans le test semi-ouvert, on ne recouvre la peau enduite de produit qu’après l’avoir laissé sécher.

H – TEST D’APLICATION OUVERT RÉPÉTÉ :

Lorsqu’on suspecte la présence d’une réaction faussement négative, il est possible de demander au patient de réaliser un test ouvert répétitif (repeated open application test [ROAT]).

Ce test consiste à appliquer sur une petite surface de l’avant-bras le produit suspect, sans le couvrir, à raison de deux fois par jour pendant 7 à 14 jours.

Les substances classiquement testées de cette manière sont les produits cosmétiques (crèmes hydratantes, fond de teint, …).

Cette méthode ne convient pas aux savons, aux démaquillants ou aux shampooings qui donnent souvent des réactions d’irritation lorsqu’ils sont testés sans être rincés.

Ce test a l’inconvénient de nécessiter la participation active du patient et donc d’être difficilement contrôlé.

I – TEST D’USAGE :

Il est parfois nécessaire de demander au patient de réappliquer certains produits sur le site de la dermatite afin de vérifier le rôle joué par ceux-ci.

J – QUELLES SUBSTANCES TESTER ?

L’European Environmental and Contact Dermatitis Research Group (EECDRG) a créé la batterie standard européenne, régulièrement mise à jour, qui regroupe 22 substances couramment impliquées dans les eczémas de contact. Une 23e substance est laissée en option pour les pays qui le souhaitent.

Il s’agit de la primine, l’allergène principal de la primevère.

Dans certains pays, les dermatologistes y ajoutent encore quelques substances qu’ils jugent utiles.

Cette série de tests est utilisée systématiquement lors d’un bilan d’allergie de contact.

Elle a l’avantage de déceler certaines allergies qu’un interrogatoire ne permet pas toujours de suspecter.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que cette série de tests n’intervient que dans un bilan général mais s’avère souvent insuffisante pour examiner une dermatite dans un contexte plus spécifique, par exemple professionnel.

On y adjoint donc fréquemment d’autres séries de tests qui sont choisies en fonction des données anamnestiques : séries de tests de coiffure, d’huiles industrielles, de caoutchoucs, de colles et plastiques, de substances pharmaceutiques.

Même si elles sont très utiles, il ne faut pas se reposer totalement sur l’existence de séries toutes prêtes.

Elles doivent être régulièrement évaluées et éventuellement complétées en fonction de l’anamnèse et de l’évolution des techniques ou du domaine d’investigations.

Cela nécessite, entre autres, de tester les produits utilisés par les patients. Selon sa nature, le produit est testé après dilution et vérification du pH.

Il n’est pas appliqué sur la peau si le pH est supérieur à 9 ou inférieur à 4.

Des tests peuvent aussi être réalisés avec des matériaux solides que l’on râpe en poudre ou en copeaux.

Ceux-ci ne doivent cependant pas être trop durs sous peine de blesser ou d’irriter le site d’application.

Cette méthodologie est utilisée avec des morceaux de tissus, de chaussures, des montures de lunettes, etc.

De véritables extractions physicochimiques sont parfois réalisées, surtout avec les végétaux.

K – BATTERIE STANDARD EUROPÉENNE :

1- Bichromate de potassium (0,5 % vaseline) :

C’est l’allergène le plus fréquent chez l’homme de par sa présence dans le ciment.

Il est aussi présent dans l’eau de Javel jaune, non pas en France mais en Belgique, en Italie, en Espagne et dans les pays du Maghreb.

Il est également responsable des allergies au cuir où il est utilisé comme agent de tannage.

De très nombreuses autres sources rencontrées essentiellement en milieu professionnel sont recensées.

Le chrome hexavalent et le chrome trivalent sont tous deux sensibilisants, le deuxième beaucoup plus que le premier mais le chrome hexavalent pénètre plus facilement à travers la peau.

En revanche, le chrome métal n’est pas sensibilisant.

Pour une raison mal expliquée, la dermatite allergique due aux sels de chrome se caractérise par une importante chronicité (nombreuses années, surtout en ce qui concerne l’atteinte des mains) malgré l’arrêt du contact.

2- Sulfate de néomycine (20 % vaseline) :

Cet antibiotique local qui devrait tomber en désuétude est à l’origine de nombreuses sensibilisations de par son utilisation prolongée sur des ulcères de jambe par exemple.

Il est également très couramment utilisé dans la sphère ORL.

On peut s’attendre à certaines réactions croisées avec d’autres antibiotiques du groupe des aminosides ayant des structures proches comme la gentamycine, la kanamycine, l’amikacine, la paromomycine et la tobramycine.

Ce test se positive bien souvent après le troisième jour et une lecture tardive s’impose donc.

3- Thiuram mix (1 % vaseline) :

Il s’agit d’un mélange de quatre accélérateurs de la vulcanisation du caoutchouc naturel : les tétraméthylthiurame disulfure et monosulfure, le tétraéthylthiurame disulfure et le dipentaméthylènethiuram disulfure (chacun à 0,25 %).

Ce sont les additifs le plus fréquemment en cause dans les allergies de type retardé au caoutchouc.

Certains d’entre eux sont encore utilisés comme pesticides ou scabicides.

Le disulfure de tétraéthylthiurame, mieux connu sous le nom de disulfirame, est utilisé dans la désintoxication alcoolique.

4- Paraphénylènediamine (base libre) (PPD) (1 % vaseline) :

Également connue sous le nom de diaminobenzène, cette substance est utilisée pour les teintures capillaires.

Selon son degré d’oxydation, différentes colorations peuvent être obtenues.

Elle est utilisée dans les teintures dites permanentes.

La PPD est un allergène fort et peut être à l’origine d’un bon nombre de réactions croisées.

C’est le représentant des amines substituées en para sur un noyau benzénique.

5- Chlorure de cobalt (1 % vaseline) :

Le métal et ses sels sont allergisants.

Ils donnent généralement lieu à une sensibilisation concomitante avec les sels de chrome, dans le ciment et avec le nickel.

Une sensibilisation isolée est plus rare. Il est utilisé comme pigment bleu ainsi que comme catalyseur dans l’industrie du caoutchouc et du plastique.

6- Benzocaïne (5 % vaseline) :

Il s’agit d’un anesthésique local faisant partie du groupe des esters de l’acide para-aminobenzoïque au même titre que la procaïne, la tétracaïne et la cocaïne.

Des réactions croisées sont donc fréquentes au sein de ce groupe.

On observe également un certain nombre de réactions croisées avec la PPD.

En revanche, l’utilisation des anesthésiques locaux du groupe des amides (lidocaïne, bupivacaïne, prilocaïne) peut se faire sans crainte.

Il faut se souvenir de ses utilisations cutanée et muqueuse : dans les sphères ORL, dermatologique, stomatologique, gynécologique et anale.

7- Formaldéhyde (1 % eau) :

Le formaldéhyde ou formol est largement répandu dans notre environnement.

En cosmétique et en dermopharmacie il peut être utilisé comme conservateur mais est généralement remplacé par des molécules dites libératrices de formol.

La quantité de formol libérée peut dépendre du pH ou de la température.

De nombreux produits d’entretien ménagers ou industriels en contiennent également, de même que bon nombre de produits médicamenteux et paramédicaux.

Il ne faut pas oublier son utilisation large dans l’industrie du papier et du textile.

Le formaldéhyde peut être à l’origine de sensibilisations aux résines phénol-formaldéhyde, mélamine-formaldéhyde ou uréeformaldéhyde, utilisées entre autres dans l’industrie des colles et des matières plastiques.

8- Colophane (20 % vaseline) :

La colophane est une résine d’origine naturelle provenant de différentes variétés de pins.

Comme tout produit naturel, sa composition exacte varie donc au gré des provenances.

Les différents acides résiniques constitutifs de la colophane sont allergisants de même que certains produits d’oxydation.

L’allergène principal est l’acide abiétique.

Un allergène secondaire est l’alcool hydroabiétique (Abitolt).

La colophane a une utilisation extrêmement répandue.

Elle est utilisée comme colle dans beaucoup de sparadraps parfois même dits hypoallergéniques.

Elle peut être présente dans les chaussures, les bottes de caoutchouc, sur certains papiers, dans la colle des timbres.

Elle est encore utilisée dans certains produits d’entretien, encaustiques, etc.

Une allergie à la colophane traduit occasionnellement une sensibilisation aux parfums.

9- Clioquinol (Chinoform) (5 % vaseline) :

Il est également connu sous le nom de Vioformet (iodochlorhydroxyquinoléine).

Le clioquinol est un antiseptique antibactérien local et général, également utilisé en médecine vétérinaire.

Il sert encore en agriculture et peut être présent dans les colles et le papier.

Il peut exister des réactions croisées entre le clioquinol et le chlorquinaldol, la nivaquine et la quinine.

Une réaction généralisée lors de la prise de ces molécules par voie générale est possible.

10- Baume du Pérou (25 % vaseline) :

Il s’agit d’une oléorésine provenant d’un arbre d’Amérique centrale, le Myroxylon pereirae.

Selon les années et son origine, sa composition peut fortement varier.

À l’heure actuelle, sa composition n’est pas encore bien connue, surtout en ce qui concerne la fraction résineuse.

Un test positif pour le baume du Pérou traduit généralement une sensibilisation aux parfums quoiqu’il soit également utilisé tel quel dans de nombreux topiques à visée cicatrisante.

C’est sous le nom de Myroxylon pereirae que sa présence est dorénavant mentionnée sur les produits de dermopharmacie.

L’utilisation du baume du Pérou est beaucoup plus large que la cosmétologie.

On le trouve dans les produits d’entretien ou les produits industriels divers.

Certaines personnes sensibilisées au baume du Pérou présentent une dysidrose lorsqu’elles consomment des aliments contenant certaines fractions de baume du Pérou.

11- N-isopropyl-N’-phénylparaphénylènediamine (IPPD) (0,1 % vaseline) :

L’IPPD est une amine utilisée comme antioxydant et inhibiteur de la polymérisation dans l’industrie du caoutchouc et des huiles minérales.

Il est principalement présent dans les caoutchoucs noirs à haute résistance, surtout à leur surface et un contact minime peut suffire à provoquer ou entretenir un eczéma de contact.

Des cas de dermatite eczémateuse et purpurique ont été décrits, de même que des cas de dermatite lichénoïde.

12- Alcools de laine (30 % vaseline) :

Ils proviennent de la graisse de laine produite à partir de la sécrétion sébacée du mouton.

La composition exacte de la graisse n’est pas complètement connue et dépend du lot.

Elle intervient dans la fabrication de la lanoline qui est un mélange d’alcools gras et de stérols.

La lanoline est fortement hydrophile mais insoluble dans l’eau.

Les alcools de laine plus ou moins modifiés sont encore présents dans l’eucérine, l’onguent aqueux, l’Amerchol L101.

La lanoline et ses dérivés sont très répandus en cosmétologie et dans l’industrie pharmaceutique.

La lanoline est parfois mentionnée sous son nom latin d’adeps lanae.

La sensibilisation aux alcools de laine provient de son utilisation en cosmétologie, en dermopharmacie, en pharmacie, surtout dans les préparations cicatrisantes.

En milieu professionnel, les alcools de laine sont présents dans certaines crèmes barrières, dans le suif, les produits pour isolation de câbles électriques, etc.

L’importance à accorder à la lanoline dans l’allergie de contact ne fait pas l’unanimité.

Il s’agit en tout cas d’un allergène non négligeable lorsqu’il est appliqué sur une peau déjà fragilisée (jambes variqueuses, par exemple).

13- Mercapto mix (2 % vaseline) :

2-mercaptobenzothiazole (MBT) 0,5 %, N-cyclohexyl-2-benzothiazole sulphénamide (CBS) 0,5 %, 2,2’-dibenzothiazyl disulfure (MBTS) 0,5 %, morpholinyl mercaptobenzothiazole (MBS) 0,5 %.

C’est un mélange d’accélérateurs et d’antioxydants de nombreux caoutchoucs.

14- Résines époxy (1 % vaseline) :

Ces résines sont utilisées dans l’industrie plastique.

Ce sont des macromolécules linéaires synthétisées à partir de la condensation d’épichlorhydrine et d’un diol.

Les oligomères de poids moléculaire faible (340 kDa) sont les plus allergisants.

À côté de ces résines époxy, une multitude d’additifs différents peuvent aussi être sensibilisants.

Les époxy sont sensibilisantes dans les plastiques, surtout au moment de leur fabrication.

Elles sont également répandues dans les peintures, les vernis, les colles (en particulier, celles à deux composants).

Les époxy peuvent être responsables d’allergies aéroportées.

15- Parabens mix (12 % vaseline) :

Ce test est un mélange de quatre parabens différents utilisés comme conservateurs : les parahydroxybenzoates de propyle de butyle, de méthyle et d’éthyle (chacun à 3 %).

On y recourt non seulement en cosmétologie, en dermopharmacie et dans les médicaments mais aussi dans l’alimentation et en milieu industriel.

Parmi les conservateurs, ce sont les moins sensibilisants.

Ils deviennent sensibilisants principalement s’ils sont utilisés sur une peau abîmée.

Même une fois sensibilisés, beaucoup de patients continuent à les tolérer sur une peau saine.

Ceci a été appelé par divers auteurs le « paraben paradox ».

Étant donné leur très large utilisation, une éviction complète est difficile. Heureusement, l’éviction alimentaire n’est pas souvent requise.

Bien qu’il s’agisse d’un noyau benzénique avec substitution en para, il faut noter que le substituant n’est pas une amine mais un hydroxyle.

Les réactions croisées avec la PPD sont rares.

16- Résine paratertiaire butylphénolformaldéhyde (1 % vaseline) :

Il s’agit d’une colle utilisée couramment pour les caoutchoucs, les cuirs (bracelet de montre, ceintures, chaussures), les plastiques, etc.

Les réactions croisées avec le formol sont possibles mais peu fréquentes.

17- Fragrance mix (8 % vaseline) :

Ce test est un mélange de huit parfums émulsionnés avec du sorbitan sesquioléate.

Ce test permet de détecter jusqu’à 80 % d’allergies aux parfums.

Les patients allergiques aux parfums ne sont pas nécessairement sensibilisés à une seule molécule.

Au contraire, ils sont assez souvent polysensibilisés, entre autres à des molécules absentes du mix.

C’est pourquoi ce test est également considéré comme un marqueur pour les allergies aux parfums.

Cette remarque est également valable pour le baume du Pérou.

Ce sont d’ailleurs des tests assez souvent simultanément positifs.

L’association avec la positivité pour la colophane, autre substance naturelle, n’est pas rare non plus.

La recommandation qui découle de l’allergie au fragrance mix est l’éviction des produits parfumés.

Il ne faut cependant pas oublier que ce sont des allergènes aéroportés par excellence.

Les parfums hypoallergéniques ne sont pas nécessairement inoffensifs pour les personnes allergisées. Un test ouvert répété peut s’avérer utile.

18- Lactones sesquiterpéniques (mix) (0,1 % vaseline) :

Le mélange de lactones sesquiterpéniques de la batterie standard comprend l’alantolactone (Érémophilanolide), le costunolide (Germacranolide) et le déhydrocostuslactone (Guaïanolide).

Les lactones sesquiterpéniques sont essentiellement présentes dans différentes plantes de la très grande famille des composées (Compositae).

Elles ne sont cependant pas l’apanage exclusif des composées.

Elles se rencontrent également dans la famille des lauracées, dont fait partie le laurier noble et dans le Frullania (Frullaniacée).

L’alantolactone se trouve dans l’Inula helenium (grande aunée), le costunolide et le déhydrocostuslactone sont présents dans l’huile de costus utilisée en parfumerie et proviennent du Sanssurea lapa.

Il existe six grandes familles de lactones sesquiterpéniques selon la structure de leur squelette carboné.

Les réactions croisées s’observent de manière préférentielle entre lactones d’une même famille sans que cela soit systématique.

Bien que très utile, le mélange proposé dans la batterie standard ne peut cependant pas être considéré comme un marqueur pour toutes les allergies aux lactones sesquiterpéniques puisqu’il lui manque des représentants des trois autres familles et plus particulièrement, le frullanolide (Eudesmanolide).

Ce dernier est l’agent allergisant du Frullania (qui ne fait pas partie de la famille des composées mais de la famille des hépatiques) qui pousse sur le tronc de certains arbres et est à l’origine de certaines dermatites actiniques chroniques.

L’allergie aux lactones peut être aéroportée, surtout lorsqu’il s’agit d’une allergie au Frullania ou à d’autres plantes composées.

Les fleuristes peuvent également présenter des lésions d’eczéma de contact simple (chrysanthèmes, marguerites, gerbera, camomille, dahlia, asters, …).

Certaines pommades à l’arnica, à la camomille, au calendula ou au laurier sont allergisantes de par la présence de lactones.

Celles-ci ne sont toutefois pas détectées par ce mix.

La laitue, l’endive, le chicon font également partie de la famille des composées et peuvent provoquer une chéilite de contact.

Les lactones peuvent être à l’origine de photosensibilisations et bon nombre de patients atteints de dermatite actinique chronique y sont allergiques.

19- Quaternium 15 (1 % vaseline) :

C’est un conservateur libérateur de formol utilisé en cosmétologie et dermopharmacie.

Il peut être allergisant par lui-même ou par le formol qu’il libère.

20- Sulfate de nickel (5 % vaseline) :

C’est le premier allergène chez la femme.

Il est principalement présent dans les bijoux de fantaisie et dans le métal d’utilisation courante (boutons métalliques, fermetures éclair, pinces, agrafes, pièces de monnaie, outils, etc).

Une grande cause d’allergie au nickel provient du perçage des oreilles dans l’enfance.

Non seulement les boucles d’oreilles mais également les « perceuses » et l’appareil pour percer les oreilles doivent être constitués de métal ne larguant pas de nickel.

Il semblerait que le port d’un appareil dentaire avant le perçage des oreilles joue un rôle préventif dans le développement d’allergies de contact. Les patients allergiques au nickel ont assez souvent une sensibilisation concomitante avec le cobalt.

Une sensibilisation simultanée au palladium est encore bien plus fréquente.

Des études ont montré qu’il s’agissait très vraisemblablement d’une réaction croisée, les deux métaux appartenant à la même famille, dans le tableau de Mendeléeff.

Ce dernier métal donne souvent une réaction positive s’il est systématiquement testé mais la pertinence de ce test ne semble pas très grande. Il est utilisé avec d’autres métaux, souvent l’or, en bijouterie, et il n’est pas certain qu’il soit fort largué.

On l’utilise également en dentisterie où il cause parfois des stomatites ou des gingivites en regard de l’appareillage dentaire.

Le nickel est encore présent dans l’alimentation et de nombreux auteurs se sont penchés sur la question de savoir si l’ingestion de nickel joue ou non un rôle dans l’eczéma.

Il semble certain qu’il puisse participer à l’entretien d’un eczéma mais les auteurs ne sont pas unanimes quant à la forme clinique présentée.

C’est dans la dysidrose que son rôle est le plus incontesté, quoiqu’il ne soit pas automatique.

Moyennant surveillance, un test de provocation orale peut être proposé.

Il consiste à administrer au patient 25 mg de sulfate de nickel dans une gélule (5,6 mg de nickel) et à observer son effet sur la dermatite dans les heures et les jours qui suivent.

Un régime d’éviction du nickel peut alors s’avérer utile bien que fort difficile à réaliser.

Il est parfois plus facile de prescrire du disulfirame, quoique celui-ci nécessite une abstinence complète d’alcool.

L’effet bénéfique du disulfirame se fait très rapidement sentir lorsque le nickel est responsable d’une dysidrose.

L’allergie au nickel peut encore se présenter sous d’autres formes comme une vasculite.

21- Chlorométhylisothiazolinone/méthylisothiazolinone (0,01 % eau) :

C’est sous ce nom que ce conservateur doit apparaître sur les produits cosmétiques auxquels il est ajouté bien qu’il soit mieux connu sous le nom de Kathon CGt.

Il est caractérisé par un large spectre et a l’avantage de pouvoir être utilisé en très faible concentration.

Malheureusement il s’est aussi révélé être un bon allergène.

Actuellement, son usage est principalement réservé aux produits de rinçage (rinse off) comme les shampooings, les savons liquides, plutôt qu’aux produits destinés à rester sur la peau (leave on).

Les isothiazolinones sont également utilisées en milieu industriel dans les produits aqueux (liquides de refroidissement divers, émulsions aqueuses diverses).

Le test épicutané peut être irritant mais, inversement, les réactions peuvent aussi apparaître faussement irritantes et la biopsie permet parfois de confirmer la réelle allergie.

Toutes les isothiazolinones ne donnent pas nécessairement des réactions croisées.

22- Mercaptobenzothiazole (2 % vaseline) :

Il s’agit encore d’un additif du caoutchouc également présent, mais à concentration moindre, dans le mercapto mix.

23- Primine (0,01 % vaseline) :

Il s’agit de l’allergène principal de la primevère (primula obconica).

Le test n’a pas une sensibilité excellente mais il est très spécifique et sa présence dans une batterie standard est très utile même si cette allergie n’est pas d’une grande fréquence dans nos pays. En effet, cette allergie est généralement découverte par hasard.

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