Dermatite allergique de contact (Suite)

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Eczémas particuliers :

A – ECZÉMA AÉROPORTÉ :

Il se caractérise par une distribution topographique particulière.

Les molécules ou particules aéroportées s’accumulent préférentiellement dans les plis cutanés : les rides du front, les sillons nasogéniens, l’espace sous-mentonnier, les paupières et en débordent plus ou moins fortement.

Les zones rétroauriculaires peuvent être typiquement atteintes.

On note parfois une accumulation des poussières à l’encolure et aux emmanchures.

De nombreux allergènes peuvent donner lieu à une allergie aéroportée.

Dermatite allergique de contact (Suite)Il peut s’agir de parfums, de vapeurs diverses.

On peut citer les sels de chrome du ciment, les résines époxydiques, la sciure de bois, les médicaments comme le propacétamol (Pro-Dafalgan).

B – ECZÉMA PHOTOALLERGIQUE :

La disposition de l’eczéma peut être très suggestive d’un eczéma photoallergique.

Les zones exposées sont prioritairement atteintes bien qu’à la longue les lésions puissent déborder en zones couvertes.

Lorsque le visage est atteint, les plis du visage sont plutôt épargnés de même que, de manière très caractéristique, la zone sousmentonnière, le haut du cou et la zone rétroauriculaire.

Les paupières sont également peu atteintes. Les molécules en jeu ne donnent pas de réactions lorsqu’elles n’ont pas été exposées à la lumière.

Ce sont le plus souvent les UVA qui modifient l’allergénicité d’une molécule mais les UVB en seraient également capables.

La molécule peut avoir été posée sur la peau ou peut y aboutir après administration par voie générale (fénofibrate, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS],…).

À l’heure actuelle, il n’existe pas encore de batterie européenne de photoallergie. Cela tient au fait que l’importance à accorder aux différents photoallergènes ne fait pas encore l’unanimité.

Certaines molécules ne donnent lieu qu’à des réactions de photoallergie tandis que d’autres ne sont qu’accessoirement à l’origine de telles réactions.

Un certain nombre de photoallergènes sont tombés en désuétude.

On pourrait ajouter à cette liste de nombreuses substances comme le kétoprofène (Kétumt, Fastumt), la chlorproéthazine (Neuriplèget), l’olaquindox,…

De nombreux médicaments administrés par voie générale peuvent donner lieu à des photosensibilisations, soit par mécanisme phototoxique, soit par mécanisme photoallergique.

Les photopatchtests ne sont cependant pas nécessairement positifs.

Des investigations photobiologiques plus approfondies doivent alors être réalisées.

C – ECZÉMA MANUPORTÉ :

Il se rencontre principalement au visage et plus spécifiquement aux paupières mais peut, a priori, se localiser n’importe où.

Un exemple classique est l’allergie à la résine tosylamide/formaldéhyde (anciennement connue sous le nom de résine toluène sulfonamide formaldéhyde) des vernis à ongles.

Elle ne se manifeste que tardivement sur le pourtour des ongles alors que l’eczéma des paupières, du visage et du cou prédomine.

D – ECZÉMA PAR PROCURATION :

Une localisation asymétrique d’un eczéma doit faire envisager la possibilité d’un contact avec un produit véhiculé par quelqu’un d’autre.

Une personne peut, par exemple, s’allergiser au produit de la permanente de son conjoint par contact avec ses cheveux.

E – ECZÉMA PAR VOIE INTERNE :

Aucun terme satisfaisant n’a été retenu à l’heure actuelle.

Les Anglo-Saxons parlent de systemic contact dermatitis.

Il s’agit d’un eczéma déclenché par la prise d’un médicament par voie générale alors que le sujet avait été sensibilisé au préalable par la même molécule ou par une molécule semblable par voie topique.

Le contraire peut également se concevoir.

Le patient déclenche un eczéma de contact après application d’un topique alors qu’il avait été exposé au préalable, par voie générale, à une molécule identique ou voisine.

Cela peut se produire avec les aminosides (gentamycine et néomycine), avec les corticostéroïdes ou les AINS par exemple.

De façon caractéristique, l’eczéma se développe de manière très symétrique sur le corps.

F – DERMATITE DE CONTACT AUX PROTÉINES :

La dermatite de contact aux protéines peut donner le change pour une dermatite atopique.

Il s’agit très généralement d’une atteinte d’allure chronique. Cet eczéma est provoqué par des molécules de poids moléculaire élevé : les protéines.

Ces protéines donnent d’abord une sensation de prurit avec éventuellement une papule urticarienne et ce n’est que par la suite qu’une réaction eczémateuse apparaît.

Il s’agit d’un problème rencontré plus particulièrement en boucherie ou en poissonnerie mais aussi chez les vétérinaires.

On l’observe également avec des protéines végétales, comme le latex par exemple.

En boulangerie, c’est plus particulièrement l’alpha-amylase, un améliorant de la farine, qui peut donner ce type de manifestations.

Le pourtour périunguéal est le plus souvent atteint, avec une extension éventuelle au dos des mains.

À la différence des eczémas de contact classiques, la détection de la dermatite de contact aux protéines ne se fait pas par des tests épicutanés mais bien par des prick tests ou des tests de scarification avec, éventuellement, occlusion subséquente (scratch chamber test).

C’est ce même mécanisme qui est responsable de l’apparition d’un eczéma aux poussières domestiques dans un certain nombre d’eczémas atopiques.

Approche de l’eczéma en fonction de sa topographie :

A – ECZÉMA DES PAUPIÈRES :

Les produits appliqués à même la peau sont les premiers suspects.

Il peut s’agir de cosmétiques pour le contour des yeux, de mascaras, d’ombres à paupières, de démaquillants, de produits ophtalmologiques (collyres bêtabloquants, cholinergiques, etc).

L’eczéma de contact peut se manifester principalement aux paupières parce que l’allergène y a été transporté (manuporté).

C’est typiquement le cas de l’allergie au vernis à ongle dont l’allergène principal est la résine tosylamide/formaldéhyde.

Les paupières peuvent être atteintes lors de l’utilisation de produits ophtalmiques.

Le thiomersal est souvent cité mais il faut peut-être davantage retenir les collyres de bêtabloquants (timolol, cartéolol, lévobunolol,…), de phényléphrine, de pilocarpine.

Le chlorure de benzalkonium, bien qu’il occasionne souvent une sensation désagréable de picotements des yeux, ne donne que très rarement une réelle allergie.

Les tests avec cette substance (ammonium quaternaire) sont volontiers irritants.

C’est sur les paupières qu’apparaissent souvent en premier lieu les allergies aéroportées, que ce soit en milieu professionnel ou non.

Les photoallergies, en revanche, épargnent généralement les paupières.

Les paupières peuvent encore être le siège de dermatite atopique ou de dermatite d’irritation dont il faudra tenir compte lors du diagnostic différentiel.

B – ECZÉMA DU COU :

La peau du cou réagit facilement, comme celle des paupières. Un certain nombre d’allergènes sont d’ailleurs communs.

On peut retenir l’allergie manuportée au vernis à ongle, l’allergie de contact ou l’allergie aéroportée aux parfums et autres vaporisateurs.

C’est un site classique pour une allergie de contact au nickel. Un eczéma localisé sur le pourtour du cuir chevelu est évocateur d’une allergie au shampooing.

C – ECZÉMA DES MAINS :

L’eczéma des mains est, par excellence, professionnel.

Un eczéma aéroporté peut aussi s’envisager, de même qu’une photoallergie.

Une analyse précise de la localisation de l’atteinte est très utile : la face dorsale, la face palmaire, les faces latérales des doigts ou des mains sont-elles atteintes ?

La face palmaire est généralement atteinte plus tardivement que la face dorsale étant donné sa relative résistance à la pénétration des allergènes.

L’atteinte palmaire fait souvent suspecter une atopie ou une dermatite d’irritation de type orthoergique.

L’atteinte du bord des mains est en faveur d’une dysidrose.

La main dominante est-elle atteinte de la même manière que l’autre ?

Tous les doigts sont-ils atteints ?

Une atteinte du poignet et de la face dorsale de la main doit automatiquement faire penser à une allergie aux gants.

Une hyperkératose des mains peut correspondre à un eczéma chronique mais aussi à une forme de psoriasis, voire à une mycose.

D – PULPITE :

Une pulpite de la main gauche, chez un droitier, permet d’évoquer une allergie à l’ail.

Ce sont les trois premiers doigts de la main qui tient la gousse qui sont le plus souvent atteints.

L’ail peut être facilement testé avec une décoction aqueuse pour autant que la préparation soit suffisamment diluée.

Pour être sûr de l’absence d’irritation, il est recommandé de réaliser systématiquement des contrôles sur des sujets sains.

Un diagnostic de pulpite doit encore faire penser à une allergie aux acrylates.

Ceux-ci peuvent se rencontrer dans des professions très diverses : en dentisterie et chez les laborantins travaillant en laboratoire dentaire, dans diverses activités de manutention (utilisations de rubans adhésifs divers), en imprimerie (livres, magazines, étiquettes diverses).

L’eczéma atopique peut se localiser préférentiellement aux pulpes.

E – ECZÉMA DES JAMBES :

Les traitements d’ulcères de jambe occupent une place non négligeable (lanoline, néomycine, peroxyde de benzoyle, parabens,…).

Il ne faut cependant pas perdre de vue le rôle joué par un éventuel eczéma de stase.

On peut encore suspecter le matériel métallique orthopédique.

En ce qui concerne les prothèses, la libération d’ions métalliques allergisants est pratiquement impossible.

Ceci ne se vérifie pas toujours pour le matériel à type de plaques et de clous.

Une allergie au nickel du matériel est parfois possible.

La preuve du rôle joué par la prothèse dans l’eczéma est impossible à fournir sauf si l’on ôte le matériel et qu’on observe la guérison.

Cet eczéma apparaît en regard de la prothèse et, une fois installé, ne disparaît pas spontanément.

Bien plus souvent qu’une réelle allergie, on note un eczéma que l’on peut qualifier de stase et qui est dû à la modification du drainage des tissus, consécutivement à la fracture et à l’intervention.

Cet eczéma peut être plus fluctuant et persiste même après ablation du matériel suspect.

L’atteinte du creux des genoux fait d’abord penser à une manifestation d’atopie mais doit aussi faire évoquer une allergie vestimentaire.

Lorsque le haut des cuisses est atteint, les objets contenus dans les poches ou les vêtements de travail souillés peuvent être suspectés.

F – ECZÉMA DU VISAGE :

Le visage est fort exposé aux allergènes les plus divers, que ce soit par contact direct (cosmétiques au sens large) ou par l’intermédiaire des mains (allergène manuporté).

L’allergène peut encore être aéroporté ou il peut s’agir de photoallergie.

C’est aussi une localisation typique pour l’eczéma par procuration. Bien sûr, il peut aussi s’agir d’irritation ou d’eczéma constitutionnel.

G – ECZÉMA GÉNÉRALISÉ :

Cela peut être un eczéma de contact étendu ou un eczéma d’origine interne, pouvant être déclenché par un médicament suite à une sensibilisation par voie externe.

L’eczéma atopique reste une possibilité qui peut d’ailleurs s’associer à une allergie de contact vraie.

H – ECZÉMA DES FESSES :

Outre un contact direct, la localisation au niveau des fesses doit faire évoquer ce que l’on appelle le « syndrome babouin ».

Il s’agit typiquement d’une allergie causée par une substance administrée par voie générale, donc, généralement, un médicament.

Le syndrome « Lucky Luke » est un eczéma de type aigu ou subaigu localisé à la face externe de la partie supérieure des cuisses d’un nourrisson ou d’un jeune enfant, comme s’il portait des étuis à pistolets.

Il s’agit d’une allergie à un constituant de change complet.

Le rôle du caoutchouc (additifs) a pu être démontré dans un certain nombre de cas.

Ces cas ont surtout été observés chez des enfants atopiques.

I – ECZÉMA PÉRIANAL ET ECZÉMA GÉNITAL :

Outre la dermatite atopique et le psoriasis inversé, une atteinte génitale ou anale peut être provoquée par un contact médicamenteux (contexte de prurit, d’hémorroïdes).

Les coupables sont souvent les anesthésiques locaux, les corticostéroïdes, la lanoline, les dérivés de l’huile de ricin.

Les épices peuvent donner par voie digestive une irritation, voire une réelle allergie au niveau anal. Le baume du Pérou ou le fragrance mix peuvent en être des marqueurs.

Parfois, ce sont le papier toilette humide (conservateurs, parfums) ou les additifs du caoutchouc qui sont en cause.

J – ECZÉMA DES PIEDS :

À côté de l’eczéma atopique et de la dysidrose, il faut songer à l’allergie de contact aux chaussures.

Cette allergie n’est pas l’apanage des adultes.

Elle peut survenir de novo mais peut aussi se surajouter à un eczéma dysidrosique préexistant. Bien souvent, l’anamnèse révèle que les patients ont porté des chaussures humides.

Cette humidité a alors solubilisé un ou plusieurs allergènes et a favorisé la sensibilisation.

Des sensibilisations multiples ne sont pas rares. Les allergènes sont classiquement les sels de chrome utilisés pour tanner le cuir, les colles phénoliques (résine paratertiaire-butylphénolformaldéhyde), la colophane, les colorants ou teintures, les additifs du caoutchouc. D’autres allergènes plus rares peuvent jouer un rôle.

En plus des séries de tests classiques, il convient de tester des échantillons provenant des chaussures ellesmêmes.

On découpe dans l’épaisseur de la chaussure, en regard des zones cutanées atteintes, un fragment qui sera testé, de préférence recto et verso.

En cas d’allergie isolée au cuir, il faudra recommander le port de chaussures synthétiques.

Il existe des cuirs tannés aux végétaux mais, en pratique, ceux-ci pourraient être contaminés par des chromates. En cas d’allergie aux colles des chaussures, on peut recommander des chaussures cousues.

Bien que différents types de colles existent sur le marché, comme celles-ci ne sont pas mentionnées par le fabricant, il est impossible de connaître à l’avance quelles chaussures pourraient convenir.

Les topiques médicamenteux et d’autres allergènes peuvent aussi être suspectés.

K – ECZÉMA DES PLIS :

L’atteinte des plis est fréquente dans l’eczéma atopique mais peut aussi caractériser une allergie vestimentaire (colorants, apprêts).

Les eczémas par voie interne peuvent aussi avoir cette localisation.

Commentaires sur les séries de tests complémentaires :

Au contraire de la batterie standard européenne, les séries additionnelles sont sujettes à de grandes variations selon les centres qui les utilisent.

A – SÉRIE DES ACRYLATES :

Ces dernières années, l’utilisation des résines acryliques s’est développée et étendue à de multiples domaines très différents.

Un certain nombre d’acrylates sont utilisés dans le domaine dentaire.

Ils servent à la réalisation de prothèses ou à la réparation de dents.

Les dentistes et les prothésistes dentaires ont un grand risque de développer de telles allergies.

Les allergies chez les patients sont en revanche très rares parce que la polymérisation a déjà eu lieu.

Ces mêmes acrylates peuvent être utilisés pour fixer ou pour fabriquer les ongles artificiels.

Le personnel des salons d’esthétique peut être concerné mais les clients également.

Certains de ces acrylates sont photopolymérisables.

Les acrylates sont aussi utilisés dans le domaine de l’impression (surtout l’offset).

Un bon nombre de ces molécules sont photopolymérisables (encres, plaques d’impression, etc).

Ces acrylates sont encore utilisés pour l’impression sur les bouteilles et autres contenants.

Un troisième domaine important est celui des vernis et des peintures acryliques (dites « au latex »).

Quant aux colles cyanoacrylates (type « super glue »), elles polymérisent extrêmement vite au contact de l’eau ou de protéines.

Des allergies aux cyanoacrylates sont cependant possibles et ces colles peuvent être testées à 10 % dans la vaseline.

Ce sont les colles manipulées par le patient qui sont testées.

B – SÉRIE DES ADDITIFS DU CAOUTCHOUC :

En plus des dérivés thiurame et mercaptobenzothiazole, il existe de nombreux autres additifs utilisés non seulement dans les caoutchoucs naturels mais également dans les caoutchoucs synthétiques.

C’est ainsi que les thiourées peuvent indiquer une sensibilisation à une combinaison de plongée en néoprène par exemple.

Lorsqu’une allergie aux gants de caoutchouc est suspectée, il est utile de tester plus spécialement l’ancien carba mix (1,3- diphénylguanidine, bis[diéthyldithiocarbamato]zinc, bis[dibutyldithiocarbamato] zinc) qui a fait partie de la batterie standard pendant de nombreuses années.

On peut aussi en tester les différents ingrédients séparément.

L’utilisation de certaines de ces substances n’a parfois aucun rapport avec le caoutchouc.

On peut citer les papiers pour photocopies, les textiles, etc.

Certains thiurames et certains carbamates sont aussi utilisés comme pesticides ou fongicides.

C – SÉRIE DE BOULANGERIE :

Certaines substances comme les gallates sont testées dans cette série mais elles interviennent aussi comme antioxydants dans les produits de dermopharmacie et de cosmétologie et plus particulièrement dans les rouges à lèvres.

Les arômes susceptibles d’être utilisés en boulangerie se rencontrent aussi en cosmétologie.

Il ne faut pas oublier leur utilisation dans les dentifrices (menthol par exemple), dans les produits d’entretien (limonène, etc).

Parfois les utilisations sont plus surprenantes comme dans certains jouets, pâtes à modeler, etc.

D – SÉRIE DE COIFFURE :

Les coiffeurs sont particulièrement exposés à différents allergènes puissants dont le chef de file est sûrement la paraphénylènediamine et ses dérivés utilisés pour les colorations (paratoluène diamine, etc).

Le persulfate d’ammonium utilisé pour décolorer le cheveu avant de le colorer est non seulement à l’origine d’eczéma mais peut aussi provoquer de l’urticaire et de l’asthme.

Les produits utilisés pour les permanentes et surtout pour les permanentes « acides » (glycéryl monothioglycolate) sont aussi incriminés.

De plus, les dermatites d’irritation entretenues par l’utilisation continuelle de shampooings font le lit de nouvelles sensibilisations.

Classiquement, on peut encore s’attendre à des allergies au nickel favorisées par le largage de celui-ci au contact des produits de permanentes.

Bien entendu, les allergies aux parfums ou à la cocamidopropylbétaïne utilisée comme base lavante ne sont pas rares.

La prévention passe par une connaissance minimale des produits utilisés et de leurs risques.

Celle-ci fait malheureusement défaut. Les gants sont très peu utilisés et, lorsqu’ils le sont, c’est de manière empirique, sans notion de la contamination des objets de travail par les produits allergisants. Nous avons vu de nombreux coiffeurs utiliser la même paire de gants tout au long de la journée, voire de la semaine !

La plupart des coiffeurs ignorent que les produits de permanentes acides traversent les gants en quelques secondes !

Les gants ne sont donc que très brièvement protecteurs s’ils sont en vinyle ou mieux, en nitrile. Une amélioration pourrait déjà être obtenue en apprenant à travailler proprement et méticuleusement.

La présence d’une allergie de contact à un produit de coloration ou de permanente pousse souvent le coiffeur ou l’apprenti coiffeur à abandonner son activité.

Son allergie risque en effet de s’aggraver inexorablement et pourrait faciliter des allergisations ultérieures.

Lorsque des tests sont réalisés chez un coiffeur, il faut toujours suspecter une allergie aux gants de caoutchouc.

La réalisation de prick tests au latex n’est pas superflue.

E – SÉRIE DES COLLES ET PLASTIQUES :

Les allergènes des colles et les plastiques peuvent se répartir en quelques grandes classes.

On peut citer les époxy, les isocyanates, les phtalates, les résines phénoliques (formaldéhyde), les acrylates. Les phtalates sont classiques dans les plastiques cellulosiques (lunettes, etc).

En plus des produits de base pour les colles et plastiques, il ne faut pas oublier les nombreux additifs nécessaires à leur synthèse (catalyseurs, absorbeurs d’ultraviolets, etc).

Les résines époxy sont souvent basées sur le bisphénol A et l’épichlorhydrine.

Les oligomères de petit poids moléculaire sont plus sensibilisants que les oligomères plus volumineux.

Leur utilisation est très diversifiée puisqu’elles sont utilisées comme colles, comme isolant électrique, ou encore comme stabilisant.

On les trouve aussi dans les laminés, les peintures, les encres, les produits de finition, les produits de PVC, la construction, la microscopie électronique, etc.

Le test époxy de la batterie standard ne suffit pas à détecter toutes les allergies aux différentes résines époxy.

Il est toujours utile de tester avec les produits du patient.

Les isocyanates servent à la synthèse du polyuréthane, que ce soit en mousse ou dans les peintures et les laques.

Les résines phénoliques (à base de formaldéhyde) ne donnent pas nécessairement des réactions croisées entre elles et il faut donc tester celles qui sont manipulées par le patient en plus de celles qui sont habituellement proposées.

F – SÉRIE DE CONSERVATEURS :

Les conservateurs sont très nombreux bien qu’on ne considère pas les conservateurs alimentaires.

Il s’agit de conservateurs de cosmétiques, de médicaments topiques, de produits d’entretien mais aussi de produits industriels.

Il peut s’agir d’huiles industrielles, de peintures, de produits de nettoyage, etc.

Les différents conservateurs se trouvent donc parfois regroupés avec d’autres séries de tests.

Les conservateurs habituellement en jeu, en dehors de la batterie standard, sont, entre autres, l’imidazolidinyl urée et le diazolidinyl urée, tous deux libérateurs de formol, pouvant donner lieu à des réactions allergiques par le formol qu’ils libèrent ou par leur molécule propre.

Des réactions croisées semblent possibles entre ces deux molécules.

Le bromonitropropane diol (Bronopolt) et le DMDM hydantoïne sont deux autres libérateurs de formol.

On peut aussi citer le méthyldibromoglutaronitrile, utilisé avec le phénoxyéthanol dans l’Euxyl K 400y.

Celui-ci tend à remplacer le méthylchloro-isothiazolinone/ méthylisothiazolinone.

Le chloracétamide est aussi utilisé.

On peut encore citer la chlorhexidine (digluconate et diacétate) qui peut être à l’origine de réactions retardées mais aussi de réactions immédiates. L’hexamidine (iséthionate) est également utilisée.

Les réactions allergiques se caractérisent souvent par des réactions folliculaires qui nécessitent un temps particulièrement long pour disparaître.

Le chlorure de benzalkonium appartient à la classe des ammoniums quaternaires.

Il ne donne que rarement de réelles réactions d’allergie de contact et, lorsqu’il en donne, il existe souvent des réactions croisées avec d’autres ammoniums quaternaires comme le bromure de cetrimonium, par exemple.

En revanche, il occasionne facilement une sensation de picotement des yeux lorsqu’il est utilisé dans les collyres.

Citons encore l’alcool benzylique, l’acide sorbique, le chlorocrésol, le chloroxylénol, le triclosan.

G – SÉRIE COSMÉTIQUE :

Bien souvent les séries cosmétiques intègrent des conservateurs, des émulsifiants et les véhicules eux-mêmes.

Les cosmétiques renferment souvent des antioxydants comme les gallates (propyl, octyl dodécyl [lauryl]), la vitamine E (tocophéryl acétate) ou le butylhydroxyanisole (BHA) ou le butylhydroxytoluène (BHT)

Les émulsifiants et les surfactants le plus souvent en cause sont probablement la cocamidopropylbétaïne, le sorbitan sesquioléate qui se trouve aussi dans certains médicaments topiques (dans le Dermovalt onguent par exemple) et le nonoxynol 9 (ainsi que les autres nonoxynols et octoxynols).

Ce dernier se trouve aussi dans certaines formes de Bétadinet et d’autres désinfectants.

La cocamidopropylbétaïne est un surfactant considéré comme très doux et donc largement utilisé dans les produits lavants pour bébés et enfants.

Les démaquillants pour les yeux, les savons liquides doux et même les produits de vaisselle y font facilement appel.

Malheureusement, les réactions allergiques ne sont pas rares.

La lecture de ce test est souvent rendue très difficile par une irritation donnant souvent lieu à un oedème et un érythème.

Les véhicules sont, entre autres, l’Amerchol L101 (dérivé de la lanoline), l’alcool cétylique et l’alcool stéarylique (le mélange de ces deux alcools était connu sous le nom d’alcool cétylstéarylique mais ce nom est abandonné depuis l’adoption de la nomenclature INCI en 1997), le polyéthylène glycol, le propylène glycol. Retenons encore ces autres allergènes de cosmétologie : l’isopropyl myristate, la triéthanolamine, le polysorbate 80 (Tween 80), le sorbitan oléate (Span 80), l’hydroquinone, le salicylate de benzyle.

H – SÉRIE DE CORTICOSTÉROÏDES :

Depuis quelques années, l’allergie aux corticostéroïdes se rencontre de plus en plus.

La voie cutanée semble permettre relativement facilement une sensibilisation de par sa richesse en cellules de Langerhans.

On répartit les corticostéroïdes en quatre groupes, en fonction de leur structure tridimensionnelle.

Le premier groupe (A) est celui de l’hydrocortisone, de la cortisone et de ses sels, de la prednisone, de la prednisolone et de la méthylprednisolone.

Le pivalate de tixocortol qui s’hydrolyse extrêmement rapidement en hydrocortisone sert de détecteur pour cette allergie.

Le second groupe (B) est celui du budésonide.

Il comporte encore le désonide, l’amcinonide, la triamcinolone et ses sels.

Utilisé par voie muqueuse (nasale ou pulmonaire), ce médicament ne semble pas donner lieu à des réactions fréquentes alors que sur le plan cutané, les réactions sont plus courantes.

Dans certains cas, une allergie au budésonide lui-même peut donner lieu à une réaction croisée avec des molécules du groupe D.

En effet, la molécule de budésonide peut se présenter sous deux formes différentes.

L’une de celles-ci l’apparente aux molécules du groupe D.

Le troisième groupe (C) rassemble les molécules qui ne font pas partie des trois autres groupes et, à l’heure actuelle, ces molécules peuvent être considérées comme plus sûres.

Font partie de ce groupe la bêtaméthasone non substituée, la dexaméthasone, la flucortolone et encore d’autres.

Le quatrième groupe (D) est représenté par l’hydrocortisone-17- butyrate.

Il comporte d’autres molécules comme, entre autres, le clobétasol dipropionate, la bêtaméthasone valérate et la bêtaméthasone dipropionate.

Certains testent systématiquement les représentants des trois premières classes pour ne pas passer à côté d’un tel diagnostic.

Il faut savoir que ce sont des tests qui donnent un érythème réactionnel sans signification à 48-72 heures et qu’ils ne se positivent que tardivement, vers le quatrième jusqu’au septième jour, étant donné le caractère anti-inflammatoire intrinsèque des corticostéroïdes !

Des lectures tardives s’imposent donc. La sensibilisation par voie topique entraîne dans un certain nombre de cas une sensibilisation locale et/ou systémique à la classe dont la molécule fait partie.

I – SÉRIE DU FRAGRANCE MIX :

Le fragrance mix comporte huit substances différentes très présentes dans l’industrie du parfum.

Pour faciliter la biodisponibilité de ces substances, on y a adjoint du sorbitan sesquioléate.

En cas de positivité du fragrance mix, il convient de s’assurer de la négativité de ce test.

L’identification des autres composants peut paraître inutile puisque les parfumeurs ne sont pas tenus de mentionner la composition de leurs parfums mais, dans certains cas, cela peut s’avérer utile.

Par exemple, l’eugénol est plus spécifiquement utilisé en dentisterie et peut donner lieu à des réactions croisées avec l’isoeugénol également utilisé en dentisterie ; la mousse de chêne s’utilise comme fixateur de parfums, presque exclusivement dans les gammes de produits pour hommes.

J – SÉRIE DES FILTRES SOLAIRES :

Les filtres solaires protègent du rayonnement ultraviolet en absorbant l’énergie lumineuse qui modifie alors la molécule.

Ceci les différencie donc des pigments minéraux dont le mécanisme photoprotecteur principal est basé sur la réfraction du rayonnement.

Les séries d’écrans proposées actuellement comportent les substances admises lorsque leur rôle est de protéger la peau.

Les écrans peuvent cependant aussi être utilisés pour protéger le produit fini d’une photodégradation.

C’est ainsi que l’on peut trouver des filtres solaires dans des parfums, des déodorants, des plastiques et autres produits industriels.

Il y a quelques années, l’oxybenzone (benzophénone-3) a beaucoup fait parler d’elle non seulement dans les crèmes solaires, mais aussi dans les crèmes antirides, par exemple.

L’acide para-aminobenzoïque, fort utilisé aux États-Unis, l’est beaucoup plus rarement chez nous.

Une allergie croisée est possible avec la paraphénylènediamine.

K – SÉRIE DES HUILES INDUSTRIELLES :

On distingue essentiellement deux types d’huiles, les huiles minérales (neat oil) et les huiles solubles (eaux blanches).

Ces huiles peuvent servir de lubrifiants, de liquides de coupe ou de liquides de refroidissement.

Le principal reproche fait aux huiles minérales était qu’elles provoquaient de l’acné là où elles imprégnaient la peau. Les huiles solubles, en revanche, sont plus facilement irritantes.

Étant donné leur phase aqueuse, des conservateurs sont nécessaires et peuvent être à l’origine de réactions allergiques.

Les huiles peuvent être testées elles-mêmes.

Pour les eaux blanches (huiles solubles diluées), la concentration en conservateur risque d’être très faible et il vaudrait mieux les tester telles quelles pour autant que le pH le permette.

L – SÉRIE MÉDICAMENTEUSE :

Elles sont assez rarement utiles telles quelles et doivent être adaptées selon l’anamnèse.

Ce sont principalement les topiques qui sont retenus ici. On peut citer par exemple la gentamycine, la framycétine, la virginiamycine, l’érythromycine, le minoxidil, l’iode, le chloramphénicol, la chloramine, l’hexamidine, la méphénésine, les anesthésiques locaux, les anti-inflammatoires locaux, etc.

Lorsque des tests sont réalisés chez des infirmières, par exemple, les substances sont choisies d’après ce que la patiente manipule réellement.

Ces toutes dernières années, le propacétamol (Prodafalgant) a provoqué un certain nombre d’allergies professionnelles chez les infirmières qui en manipulaient les flacons.

Les antibiotiques doivent aussi retenir notre attention.

Lorsque de nouvelles allergies sont détectées, il est utile d’en faire la déclaration au Centre de pharmacovigilance afin de permettre la prise de mesures adéquates.

Celles-ci ne consistent pas nécessairement à supprimer la molécule. Une meilleure utilisation ou une transformation de celle-ci suffit parfois.

M – SÉRIE DE PESTICIDES :

Cette série peut être utile chez les agriculteurs, les viticulteurs, les jardiniers professionnels ou amateurs.

Certaines substances sont des carbamates, des dérivés thiurame ou mercaptobenzothiazole et peuvent donner lieu à des réactions croisées dans la batterie standard ou la batterie des caoutchoucs.

Les dérivés du pyrèthre peuvent donner lieu à des réactions croisées avec certaines lactones sesquiterpéniques.

N – SÉRIE DE PHOTOGRAPHIE :

Un certain nombre de substances, plus particulièrement dans la photographie couleur, peuvent donner des réactions eczématiformes, voire lichénoïdes.

O – AUTRES SÉRIES :

On peut varier à l’infini des séries comme des séries de plantes, de chaussures, de colorants et d’apprêts textiles.

Allergie de contact se présentant autrement que par un eczéma :

A – LÉSIONS ÉVOCATRICES D’ÉRYTHÈME POLYMORPHE :

Certaines substances peuvent déclencher une réaction de contact apparentée à l’érythème polymorphe.

Les lésions en « cocarde » sont cependant généralement incomplètes avec une nécrose centrale souvent absente.

Ceci a été décrit pour certaines plantes (Toxicodendron radicans ou poison ivy), pour des médicaments (sulfonamides, prométhazine, méphénésine), pour le formaldéhyde, l’oxybenzone, etc.

B – DERMATITE LICHÉNOÏDE DE CONTACT :

Des produits de développement photographique pour films couleur de même que la paraphénylènediamine ont été incriminés dans ce genre de lésions.

Celles-ci se développent dans la zone du contact avec le produit.

L’histologie peut, soit être celle d’un eczéma de contact (spongiose), soit être plutôt celle d’un lichen plan ou encore être mixte. D’autres substances ont aussi été à l’origine de telles manifestations.

C – ECZÉMA DE CONTACT LYMPHOMATOÏDE :

Les lésions sont, dans ce cas, fort infiltrées et évoquent un lymphome et même l’histologie confirme cette impression.

Cependant, on note un test épicutané positif pertinent et son éviction avec administration de corticoïdes permet la guérison.

Ceci a été décrit pour les colorants azoïques, les lactones sesquiterpéniques, le mercaptobenzothiazole et quelques autres allergènes.

Traitement des eczémas allergiques :

Il est évident que la connaissance de l’allergène en cause est primordiale puisqu’une éviction aussi complète que possible de celui-ci est, en règle générale, indispensable.

A – ECZÉMA AIGU :

Il convient avant tout d’éliminer la substance allergisante de la peau par rinçage.

Il faut cependant garder à l’esprit que le contact a eu lieu 2 ou 3 jours plus tôt, voire plus lors d’une primosensibilisation.

Au stade suintant de l’eczéma, ce sont les bains ou les compresses humides qui soulagent le mieux le patient.

Classiquement, on prescrit des solutions diluées d’eau de Dalibour. L’eau boriquée est parfois utilisée.

Lorsque la réaction est très intense, il est classique d’avoir recours aux corticostéroïdes par voie générale.

L’administration orale est toujours préférée puisqu’elle permet un meilleur contrôle de la durée du traitement. Une dose orale moyenne serait de 20 mg de prednisolone ou équivalent par exemple. Lorsque l’eczéma s’assèche quelque peu, on prescrit une crème corticoïde.

Selon l’intensité de la réaction, un corticoïde de classe moyenne, forte ou très forte sera prescrit pour une durée d’environ 1 semaine. Parfois le traitement devra être beaucoup plus long.

B – ECZÉMA CHRONIQUE :

Lorsqu’un eczéma chronique subsiste, les onguents cortisonés remplacent avantageusement les crèmes.

C – IDENTIFICATION DE L’ALLERGÈNE :

La réalisation de tests épicutanés s’impose avec, non seulement, la batterie standard mais également des séries de tests plus précises, orientées selon l’anamnèse.

Il peut être nécessaire d’y associer des prick tests lors d’une suspicion de dermatite de contact aux protéines.

L’anamnèse doit surtout porter sur les activités récentes, professionnelles, occasionnelles, récréatives, sur les produits d’hygiène et de cosmétologie.

Il faut aussi tester les produits suspects utilisés par le patient en les diluant de façon appropriée pour éviter des réactions d’irritation intempestives.

D – CONSEILS :

Une fois la recherche de pertinence effectuée, il s’agit d’expliquer au patient les sources possibles des différents allergènes.

Selon leur nature, leur éviction est plus ou moins drastique.

Des feuillets reprenant les sources principales peuvent s’avérer utiles pour autant qu’ils soient accompagnés d’explications adaptées au patient et au mode de présentation de son eczéma de contact.

E – ÉVICTION :

Selon l’allergène, l’éviction est parfois très facile ou, au contraire très difficile.

La difficulté peut provenir de l’ubiquité de la substance ou de la spécificité de la tâche professionnelle accomplie, par exemple.

Dans certains cas, une protection peut être envisagée.

Il peut s’agir de gants, de vêtements de protection, de hottes aspirantes.

En ce qui concerne les gants, ceux-ci doivent être adaptés à la tâche, tant quant à leur résistance mécanique que chimique.

Le glycéryl monothioglycolate utilisé par les coiffeurs traverse aisément les gants de PVC (vinyle) ou de latex.

Ils peuvent donner un faux sentiment de protection.

Il en va de même pour les acrylates manipulés, entre autres, par les dentistes.

Pour ces substances, les gants de nitrile (sans latex ni thiurames ni cabamates) peuvent être utiles pour autant qu’ils soient rapidement changés, surtout s’il y a une contamination.

En ce qui concerne les cosmétiques, une directive européenne récente oblige les fabricants à noter la composition des produits sur les emballages depuis le premier janvier 1997.

Cela facilite donc grandement les conseils de prévention et leur application par les patients.

Prévention :

La prévention est évidemment essentielle dans tous les domaines mais elle s’inscrit tout particulièrement dans le milieu professionnel.

Elle peut faire appel à des protections de type vestimentaire (gants adaptés aux types de produits manipulés et aux types de tâches accomplies, vêtements, lunettes, masques, bottes, etc).

Il peut s’agir de crèmes barrières, d’agents de chélation, de ventilation adéquate, de hottes d’aspiration. Il peut aussi s’agir d’automatisation de manipulation, de remplacement de substances allergéniques par d’autres moins allergisantes.

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