Cytopathies mitochondriales

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Introduction :

Les cytopathies mitochondriales regroupent une grande variété de pathologies dont le dénominateur commun est un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale.

La chaîne respiratoire a pour rôle essentiel la synthèse d’acide adénosine triphosphate (ATP) nécessaire à toutes les cellules de l’organisme.

Cette synthèse se fait à partir de cinq complexes multienzymatiques localisés dans la membrane interne de la mitochondrie.

Le rôle central des mitochondries et la complexité de leur organisation faisant intervenir de multiples enzymes et plusieurs centaines de gènes, expliquent la sévérité et la grande fréquence des cytopathies mitochondriales parmi les maladies métaboliques.

Physiologie :

Cytopathies mitochondrialesLa mitochondrie occupe une place centrale dans le métabolisme intermédiaire.

D’une part, elle est le siège des nombreuses réactions du catabolisme cellulaire, telles celles conduisant à l’oxydation des acides gras (B-oxydation), des acides carboxyliques dérivant des sucres (cycle de Krebs) ou des acides aminés.

D’autre part, elle contrôle les réactions anaboliques (synthèse) de la cellule par l’intermédiaire de la synthèse d’énergie sous forme d’ATP.

Ces réactions d’oxydation et de synthèse d’ATP sont étroitement couplées à travers les processus de la phosphorylation oxydative.

La phosphorylation oxydative a lieu au niveau de la chaîne respiratoire située dans la membrane mitochondriale interne.

Elle fait intervenir d’une part des réactions d’oxydation qui aboutissent à une consommation d’oxygène, d’autre part une réaction de phosphorylation de l’acide désoxyribonucléique (ADP) intramitochondrial en ATP.

La chaîne respiratoire est composée de cinq complexes multienzymatiques qui fonctionnent comme transporteurs d’électrons : le complexe I (NADH-CoQ réductase, près de 40 sous-unités), le complexe II (succinate-CoQ réductase, quatre sous-unités), le complexe III (ubiquinone-cytochrome c réductase, 11 sous-unités) et le complexe IV (cytochrome c oxydase, 13 sous-unités).

Enfin, le complexe V, ou ATPase (14 sous-unités), assure la synthèse de l’ATP à partir de l’ADP et du phosphate inorganique dans la matrice mitochondriale.

En outre, la mitochondrie intervient de façon déterminante dans l’homéostasie cellulaire de nombreux cations, en particulier du calcium, mais également dans les phénomènes primaires contrôlant l’entrée des cellules dans les voies de l’apoptose et de la nécrose.

Les symptômes observés au cours d’une anomalie de la chaîne respiratoire mitochondriale peuvent être rapportés d’une part à la carence en ATP nécessaire à toutes les cellules de l’organisme, insuffisamment compensée par la production énergétique de la glycolyse anaérobie, d’autre part à la formation de radicaux libres et à l’accumulation de substrats en amont du blocage métabolique, responsables de l’acidose.

Les radicaux libres ont une toxicité sur les membranes lipidiques et une action mutagène sur l’ADN mitochondrial (ADNmt).

Chaque cellule humaine possédant plusieurs dizaines à plusieurs milliers de mitochondries et chaque mitochondrie plusieurs copies d’ADNmt, une même cellule peut contenir à la fois des molécules normales et des molécules mutées : on parle d’hétéroplasmie.

Au cours des divisions cellulaires, les molécules mutées et normales sont distribuées au hasard dans les cellules filles et leur proportion peut être très variable d’une cellule à l’autre, d’un organe à l’autre, et peut varier également au cours du temps au sein d’un même organe : c’est la ségrégation mitotique.

Le génotype d’une cytopathie mitochondriale liée à un défaut de l’ADNmt se définit d’une part par la présence de la mutation, d’autre part par le pourcentage de molécules mutées dans un tissu.

Ce pourcentage variant d’un tissu à l’autre et au cours du temps, l’hétéroplasmie est à la base de l’hétérogénéité clinique observée chez ces patients.

Ainsi, dans le syndrome de Pearson, lié à une délétion de l’ADNmt, les patients non décédés d’infections ou de leur atteinte hépatique et digestive évoluent vers une encéphalopathie.

Le pourcentage de molécules délétées diminue au cours du temps dans les tissus sanguins et augmente dans le muscle.

Cependant, les différentes protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale sont codées en partie par le génome mitochondrial et en partie par des gènes nucléaires, un déficit de la phosphorylation oxydative peut avoir une origine soit mitochondriale, soit nucléaire.

La molécule d’ADNmt est circulaire, bicaténaire, très compacte et elle possède son propre code génétique.

Les gènes qui la composent sont sans introns : 13 gènes codant des protéines de la chaîne respiratoire, 22 gènes d’acide ribonucléique de transfert (ARNt) et deux gènes d’ARN ribosomaux (ARNr).

Avec le recul du temps, il apparaît que l’ADNmt ne rend compte que d’une fraction minoritaire des mitochondriopathies : pas plus de 10 % en moyenne.

Aussi, la variabilité clinique des cytopathies mitochondriales n’est pas tant due à l’hétéroplasmie qu’au caractère ubiquitaire de la chaîne respiratoire mitochondriale.

Curieusement, les cytopathies mitochondriales qui ont leur origine dans le génome nucléaire ne se présentent pas toutes avec une atteinte multiviscérale, alors que l’anomalie génétique est portée par toutes les cellules et que celles-ci nécessitent une respiration cellulaire mitochondriale.

Présentations cliniques :

A – PRÉSENTATIONS CLINIQUES EXTRÊMEMENT VARIABLES :

Le diagnostic de cytopathie mitochondriale était évoqué initialement pour des maladies neurologiques ou dans des syndromes variés, le plus souvent à expression neuromusculaire : syndrome de Leigh, maladie d’Alpers, myoclonus epilepsy associated with ragged red fibers (MERRF), mitochondrial myopathy, encephalomyopathy, lactic acidosis, strokes-like episodes (MELAS), syndrome de Kearns-Sayre, chronic progressive external ophthalmoplegia (CPEO).

Elles étaient alors connues sous le nom de myopathies mitochondriales.

Très vite, ce diagnostic a été évoqué devant des atteintes multiviscérales, associant des organes apparemment sans relation (association illégitime de symptômes), ce qui a amené à parler de cytopathies mitochondriales.

Actuellement, ce diagnostic est également évoqué devant des atteintes d’organe isolées telles une myocardiopathie ou une insuffisance hépatique.

Ces atteintes sont d’évolution le plus souvent rapidement évolutive.

Cependant, dans de rares cas, des patients ont vu leurs symptômes régresser, voire guérir. L’évolution de la maladie est donc imprévisible, mais le plus souvent de mauvais pronostic.

Bien que la maladie puisse commencer à n’importe quel âge et qu’il existe des présentations de l’adulte, les débuts sont le plus souvent précoces, avant l’âge de 1 an.

B – SYNDROMES D’ORIGINE MITOCHONDRIALE :

Des délétions de l’ADNmt ont été identifiées dans des syndromes caractéristiques cliniquement.

Il s’agit :

– du syndrome de Kearns-Sayre, associant une ophtalmoplégie externe et une rétinite pigmentaire, éventuellement un bloc auriculoventriculaire, une protéinorachie et une ataxie cérébelleuse ;

– du syndrome de Pearson, associant une insuffisance pancréatique externe et une anémie sidéroblastique néonatale avec neutropénie et parfois thrombopénie ;

– du syndrome de Wolfram, associant un diabète insulinodépendant à début précoce, un diabète insipide, une atrophie optique et une surdité ;

– d’une atrophie villositaire et/ou d’une néphropathie tubulo-interstitielle.

Ces délétions sont de grande taille, le plus souvent sporadiques, et emportent des gènes codant pour des protéines de la chaîne respiratoire, des gènes d’ARNt, mais rarement des gènes d’ARNr.

Elles sont toujours hétéroplasmiques et elles se retrouvent en quantité variable selon les tissus, surtout dans les tissus qui sont cliniquement affectés.

Une même délétion peut donner des tableaux cliniques très variés comme le syndrome de Kearns-Sayre et le syndrome de Pearson.

De rares cas de délétions de transmission maternelle et de transmission autosomique dominante indiquant l’intervention d’un gène nucléaire ont été décrits.

Différentes mutations ponctuelles sont aussi à l’origine de syndromes, parfois cliniquement caractéristiques.

Ces mutations sont de transmission maternelle et les atteintes cliniques dépendent du nombre de molécules mutées dans chaque tissu.

Le phénotype clinique s’exprime en général à partir de 80 % de molécules mutées.

Les mutations peuvent toucher soit des gènes d’ARNt, soit des gènes d’ARNr, soit des gènes codant pour des protéines de la chaîne respiratoire.

– Plusieurs mutations ont été rapportées dans l’atrophie optique de Leber, caractérisée par une perte rapide de la vision centrale par dégénérescence du nerf optique, en moyenne vers 20 ans de vie.

Des dysarythmies cardiaques peuvent être associées.

L’une de ces mutations est majoritairement observée.

– Le syndrome MERRF est dû à une mutation touchant l’ARNtLys au nucléotide 8344.

– Le syndrome MELAS associe une encéphalomyopathie avec acidose lactique et pseudoaccidents vasculaires débutant par des migraines au cours de l’adolescence.

La mutation au nucléotide 3243 dans le gène d’ARNtLeu est retrouvée dans 80 % des syndromes MELAS.

Cette mutation a également été retrouvée dans des tableaux de diabète et surdité de transmission maternelle.

– Le syndrome neurogenic ataxia-retinitis pigmentosa (NARP) associe une neuropathie, une ataxie, une rétinite pigmentaire, des convulsions et un retard mental ou une démence.

Il est lié à une mutation ponctuelle au nt8993 dans le gène ATPase 6.

Cette mutation a également été décrite dans des syndromes de Leigh.

– Deux mutations de l’ADNmt ont été décrites dans des tableaux de myocardiopathie.

Des déplétions de l’ADNmt, correspondant à une réduction majeure du nombre de molécules d’ADNmt, ont été décrites dans des tableaux de défaillance multiviscérale néonatale avec acidose lactique et des tableaux d’insuffisance hépatocellulaire.

Ces déplétions sont parfois de transmission autosomique récessive, indiquant la présence de gènes nucléaires intervenant dans la réplication de l’ADNmt.

Des déplétions sont également décrites dans des myopathies mitochondriales induites par l’AZT chez les malades atteints du syndrome d’immunodéficience acquise (sida).

Enfin, une acidose lactique a été rapportée chez des nouveau-nés de mères traitées par l’AZT.

C – MANIFESTATIONS CLINIQUES RAPPORTÉES AU GÉNOME NUCLÉAIRE :

La plupart des gènes codant pour les différentes sous-unités de la chaîne respiratoire sont connus.

Cependant, des mutations de ces gènes ont été rapportées, à ce jour uniquement dans les déficits en complexe I et II de la chaîne respiratoire.

Aucune mutation n’a été rapportée dans les gènes nucléaires codant les différentes sousunités du complexe IV, alors que ces gènes ont été séquencés par différentes équipes.

En revanche, des mutations de plusieurs gènes d’assemblage de ce même complexe viennent d’être identifiées.

Il est probable que bien d’autres gènes nucléaires soient impliqués dans des déficits de la chaîne respiratoire, qu’il s’agisse de gènes d’assemblage ou de gènes codant pour des protéines chaperonnes ou d’import mitochondrial.

Le premier gène nucléaire retrouvé muté dans un déficit de la chaîne respiratoire est le gène codant pour la succinate déshydrogénase, sous-unité catalytique du complexe II, chez deux soeurs nées de parents consanguins et présentant un syndrome de Leigh.

D’autres patients décrits présentaient une encéphalopathie et une atrophie optique.

Des mutations sur des gènes nucléaires codant pour des sous-unités du complexe I ont également été identifiées récemment dans un petit nombre de déficits en complexe I [Loeffen J et al. Mutations in the complex I NDUFS2 gene of patients with cardiomyopathy and encephalomyopathy. Ann Neurol 2001 ; 49 : 195-201].

Il s’agit des gènes codant pour les sous-unités NDUFV1, NDUFS8, NDUFS7, NDUFS1, NDUFS2 et NDUFS4.

Les présentations cliniques sont essentiellement neurologiques, le plus souvent avec un syndrome de Leigh.

Les matients mutés pour NDUFS2 présentaient une myocardiopathie.

Si aucun gène codant pour les sous-unités du complexe IV n’a été impliqué jusqu’à présent dans des déficits en complexe IV, des mutations sur quatre gènes d’assemblage de ce même complexe ont été identifiées : SURF1 (méthode de complémentation fonctionnelle), COX10 (méthode de cartographie par homozygotie), SCO2 (méthode des gènes candidats) puis SCO1 (méthode de cartographie génétique).

Le gène SURF1 serait muté dans près de 50 % des syndromes de Leigh rapportés à un déficit en complexe IV.

Si les présentations cliniques sont essentiellement neurologiques et apparaissent dans les 2 premières années de vie, nous avons un patient déficitaire du complexe IV avec mutation SURF1 dont la présentation clinique n’était pas celle d’un Leigh : il présentait une cassure staturopondérale à l’âge de 6 mois avec atrophie villositaire et acidose lactique.

Le gène COX10, impliqué dans la farnésylation de l’hème, a été retrouvé muté dans une famille consanguine.

La présentation clinique était celle d’un rachitisme vitaminodépendant par tubulopathie dans la première année de vie puis d’une régression psychomotrice avec atteinte sévère de la substance blanche.

Le gène SCO2 a été retrouvé muté dans huit familles non apparentées.

Les patients présentaient tous une myocardiopathie précoce et un syndrome de Leigh.

Enfin, le gène SCO1 a été retrouvé muté chez quatre enfants d’une même famille présentant une insuffisance hépatocellulaire néonatale.

Seule l’étude systématique de ces gènes dans tous les déficits en complexe IV, sans préjuger des présentations cliniques, pourrait préciser l’éventuelle tissu-spécificité de l’expression de ces gènes.

Les gènes SCO1 et SCO2 sont impliqués dans l’import mitochondrial du cuivre.

On peut s’étonner que deux gènes de fonctions proches puissent donner, à l’état muté, des tableaux cliniques aussi différents qu’une myocardiopathie et une insuffisance hépatocellulaire chez l’homme.

Des mutations sur les gènes codant pour les sous-unités SDHd et SDHc ont été décrites dans des familles de paragangliomes de transmission autosomique dominante et dans les phéochomocytomes [Astuti D et al. Germline SDHD mutation in familial phaeochromocytoma. Lancet 2001 ; 357 : 1181-1182. Gimm O et al. Somatic and occult germ-line mutations in SDHD, a mitochondrial complex II gene, in non familial pheochromacystoma. Cancer Res 2000 ; 60 : 6822-6825. Niemann S; Muller U. Mutations in SDHC cause autosomal dominant paraganglioma, type 3. Nat Genet 2000 ; 26 : 268-270].

C’est la première fois qu’un déficit de la chaîne respiratoire est aussi directement impliqué dans une pathologie tumorale.

D’autres gènes ont été décrits dans des déficits de la chaîne respiratoire : le gène Tafazzin dans le syndrome de Barth, qui associe une myocardiopathie précoce et une neutropénie chez le jeune garçon (syndrome lié à l’X), le gène Thymidine phosphorylase dans le syndrome myo-neuro-gastro intestinal encephalopathy (MNGIE), qui associe une myopathie mitochondriale, une neuropathie, une encéphalopathie et une maladie gastro-intestinale avec des diarrhées intermittentes et des pseudo-obstructions intestinales, le gène DDP codant pour une protéine d’import mitochondrial dans un tableau de surdité-dystonie, le gène codant pour la paraplégine dans un tableau de paraplégie spastique de transmission autosomique récessive et le gène Hsp60 codant pour une protéine chaperonne dans un tableau de défaillance métabolique néonatale.

Enfin, le gène ANT1, impliqué dans l’import mitochondrial de l’ATP/ADP, a été impliqué dans plusieurs tableaux de myopathie mitochondriale et d’ophtalmoplégie externe avec délétions multiples de l’ADNmt de transmission autosomique dominante [Kaukonen J et al. Role of adenine nucleotide translocator 1 in mtDNA maintenance. Science 2000 ; 289 : 782-785].

D – MALADIES ET DÉFICITS SECONDAIRES DE LA CHAÎNE RESPIRATOIRE MITOCHONDRIALE :

Enfin, il apparaît de plus en plus d’exemples montrant l’implication de la chaîne respiratoire dans certaines maladies génétiques.

L’exemple le plus frappant est celui de l’ataxie de Friedreich, maladie autosomique récessive dont le gène a été identifié par clonage positionnel et qui code pour une protéine, la frataxine, dont la fonction était incomprise.

Des travaux entrepris chez la levure et dans des homogénats de coeurs humains ont permis de montrer que la frataxine aurait un rôle dans le métabolisme du fer mitochondrial et que son absence conduit à un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale.

L’autre exemple est celui des déficits de synthèse des quinones entraînant un déficit de la chaîne respiratoire.

E – MANIFESTATIONS ANTÉNATALES :

Les manifestations anténatales sont peu rapportées dans la littérature.

Pourtant, compte tenu du caractère ubiquitaire de la chaîne respiratoire, celle-ci joue probablement un rôle crucial dans le développement foetal.

Le symptôme de loin le plus fréquent touche la croissance intra-utérine : un retard de croissance intrautérin (RCIU) est identifié dans 20 % des cytopathies mitochondriales , le plus souvent isolé (taille et périmètre crânien normaux pour l’âge gestationnel à la naissance).

Les grossesses sont le plus souvent menées à terme. Rarement, les mères perçoivent des mouvements foetaux diminués pendant le troisième trimestre.

Les autres manifestations anténatales sont de deux types : dysfonctionnements d’organe (myocardiopathie, troubles du rythme cardiaque, ascite en cas d’insuffisance hépatique qui se révèle dans les toutes premières heures de vie, hydrops foetal par anémie) et anomalies malformatives (malformations cérébrales avec agénésie du corps calleux, leucomalacie périventriculaire, calcifications intracérébrales et ventricules élargis, malformations squelettiques avec brachydactylie, hypoplasie des phalanges, association VATER, malformations digestives avec atrésie duodénale (et polyhydramnios), duplication du cholédoque, agénésie de la vésicule biliaire, malformations urologiques avec dilatation des cavités pyélocalicielles et de la vessie (avec polyhydramnios), microkystes, dysmorphies faciales.

Néanmoins, ni le RCIU ni les autres anomalies ne sont spécifiques d’une maladie mitochondriale. Seuls les antécédents familiaux permettent actuellement de craindre une récidive de la maladie.

F – CORRÉLATION GÉNOTYPE-PHÉNOTYPE ?

Aucune corrélation entre la clinique et les données moléculaires n’est possible.

En effet, une même délétion de l’ADNmt peut donner des tableaux cliniques très différents (comme le syndrome de Kearns-Sayre et le syndrome de Pearson), ou un même tableau clinique peut être dû à plusieurs anomalies moléculaires.

C’est le cas du syndrome de Leigh qui peut être rapporté à une mutation de l’ADNmt ou à une mutation de plusieurs gènes nucléaires (SURF1, SDH…), des associations diabète-surdité (mutations NARP, MELAS, délétion de l’ADNmt, ou mutations du génome nucléaire).

Les présentations cliniques pour un même gène nucléaire semblent homogènes à l’exception de quelques cas.

On ne peut cependant tirer aucune conclusion car l’homogénéité clinique n’est peut-être que le reflet d’un biais de sélection.

L’exemple en est donné par les gènes de structure du complexe I de la chaîne respiratoire qui n’ont été étudiés que chez des patients venant d’un service de neurologie.

Notre exemple de patient avec présentation gastroentérologique et mutation SURF1 semble aller contre cette homogénéité clinique.

Enfin, peu de gènes nucléaires ont été trouvés mutés à l’heure actuelle.

Signes biologiques :

Les signes biologiques observés dans une cytopathie mitochondriale peuvent traduire l’atteinte d’un organe liée au déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale, comme une tubulopathie ou une insuffisance hépatocellulaire.

Ils peuvent être également la conséquence du blocage de la voie métabolique de synthèse mitochondriale de l’ATP et être liés à l’accumulation de métabolites en amont de ce déficit.

Aussi, lorsqu’une cytopathie mitochondriale est suspectée devant une ou plusieurs atteintes d’organe, le bilan d’investigation doit comporter l’exploration systématique des autres organes à la recherche d’une atteinte multiviscérale et un bilan métabolique à la recherche d’une acidose métabolique et d’une accumulation de substrats en amont de la chaîne respiratoire, tels que les intermédiaires du cycle de Krebs.

L’acidose est due à l’accumulation d’équivalents réduits comme le nicotinamide adénosine dinucléotide (NADH) qui pousse à la transformation de l’acétoacétate en 3-hydroxybutyrate, entraînant une élévation du rapport 3-hydroxybutyrate sur acétoacétate dans la mitochondrie.

De la même façon, dans le cytoplasme, la transformation du pyruvate en lactate est favorisée et le rapport lactate/pyruvate s’élève.

Ceci est particulièrement vrai en période postprandiale quand l’oxydation des substrats glycolytiques conduit à une production accrue de pyruvate.

De façon similaire, le cycle de Krebs en amont de la chaîne respiratoire a une activité diminuée, conduisant à une accumulation des corps cétoniques après les repas, alors que ceux-ci devraient normalement diminuer en période postprandiale sous l’action de l’insuline.

On parle alors de cétogenèse paradoxale.

Ces perturbations biochimiques qui doivent conduire à l’étude de la chaîne respiratoire mitochondriale peuvent cependant manquer et leur absence n’élimine en rien le diagnostic de cytopathie mitochondriale.

Diagnostic :

L’investigation des maladies mitochondriales se fait à trois niveaux : métabolique, biochimique et génétique.

L’investigation métabolique apporte des arguments en faveur ou non d’une cytopathie mitochondriale.

Seules les investigations enzymatiques et moléculaires confirment le diagnostic.

A – INVESTIGATION ENZYMOLOGIQUE :

Le diagnostic des cytopathies mitochondriales repose sur l’étude enzymatique des différents complexes de la chaîne respiratoire à partir de mitochondries isolées du ou des tissus atteints.

L’étude de la chaîne respiratoire mitochondriale se fait par des techniques de polarographie et de spectrophotométrie, à partir de mitochondries isolées de muscle, de lymphocytes entiers et de fibroblastes.

Grâce à une miniaturisation poussée des techniques d’analyse, l’étude spectrophotométrique est également possible à partir de microbiopsies de tissu myocardique, hépatique, rénal et intestinal.

B – POLAROGRAPHIE :

Les études polarographiques permettent de mesurer la consommation d’oxygène par des fractions enrichies en mitochondries à l’aide d’une électrode de Clark en présence de différents substrats (malate + pyruvate, malate + glutamate, succinate, palmitate…).

Un déficit du complexe I se traduit par une oxydation diminuée du NADH, tandis que l’oxydation de substrats produisant du FADH2 (succinate) est normale.

La situation opposée s’observe dans le cas d’un déficit du complexe II, alors qu’un déficit du complexe III ou du complexe IV affecte l’oxydation de tous les substrats.

De façon similaire, dans le cas d’un déficit du complexe V, l’oxydation de tous les substrats, en présence d’ADP, est déficitaire.

Cependant, dans ce dernier cas, l’addition d’un agent découplant tel que le cyanure de carbonyle m-chlorophénylhydrazone (m-Cl-CCP) stimule fortement les oxydations, indiquant que la phosphorylation de l’ADP en ATP est l’étape limitative.

Les études polarographiques permettent de détecter non seulement des déficits de la phosphorylation oxydative, mais aussi des déficits en pyruvate déshydrogénase, en enzyme du cycle de Krebs, des défauts des transporteurs, de cofacteurs d’oxydation (coenzyme A, NAD+), puisque toutes ces anomalies conduisent également à une diminution de la production des équivalents réduits utilisés par la mitochondrie.

Ces études requéraient, il y a encore quelques années, des quantités de muscle de l’ordre du gramme (environ 2 g), mais des miniaturisations permettent maintenant d’obtenir des préparations enrichies en mitochondries à partir de petites biopsies musculaires (100-200 mg de muscle, prélevés sous anesthésie locale), ce qui permet des études polarographiques chez de très jeunes enfants.

Il est également possible de faire ce type d’étude sur des lymphocytes circulants (isolés sur coussin de Ficoll à partir de 10 mL de sang) ou sur des cellules en culture perméabilisées par un détergent (lignées lymphoblastoïdes, fibroblastes).

Une limite importante est d’avoir du matériel frais car les études polarographiques sont impossibles sur tissu congelé.

C – SPECTROPHOTOMÉTRIE :

Les études spectrophotométriques permettent de mesurer les activités des complexes de la chaîne respiratoire seuls ou par groupe, en utilisant des donneurs ou des accepteurs d’électrons spécifiques.

Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’isoler des mitochondries.

En conséquence, la quantité de matériel nécessaire est beaucoup moins importante (10-20 mg) et peut être obtenue par biopsie à l’aiguille (foie, rein) ou même par biopsie endomyocardique.

Il est cependant indispensable que les prélèvements soient immédiatement congelés et maintenus en permanence dans l’azote liquide (ou au pire à – 80 °C), les enzymes de la chaîne respiratoire étant très rapidement dégradées au cours d’une mauvaise conservation.

D – INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS :

Si les investigations de la chaîne respiratoire sont délicates techniquement, leur interprétation pose également des problèmes.

Une activité normale de la chaîne respiratoire ne permet pas totalement d’exclure un déficit, même si le tissu étudié est celui qui exprime la maladie.

Il est possible d’être en présence d’une anomalie touchant les propriétés cinétiques d’une enzyme (non décelable par les techniques utilisées) ou d’une hétérogénéité tissulaire.

Il est alors indispensable de tester d’autres tissus et, éventuellement, de renouveler plus tard ces investigations.

Une anomalie des activités respiratoires n’implique pas forcément que le déficit de la phosphorylation oxydative soit primaire.

En effet, des activités déficitaires de la chaîne respiratoire peuvent être secondaires à des anomalies de la b-oxydation.

Il est donc utile d’étudier in vitro l’oxydation des acides gras quand la présentation clinique est compatible avec une erreur innée de cette oxydation (myocardiopathie, défaillance hépatique).

L’identification de déficits de la chaîne respiratoire est devenue de plus en plus fiable depuis l’introduction de la notion de rapport des différentes activités enzymatiques entre elles.

En effet, si les valeurs absolues de l’activité des différents complexes sont très variables, en revanche les rapports de ces valeurs absolues entre elles restent très constants quel que soit le tissu étudié (foie, muscle, coeur, lymphocytes, fibroblastes).

Ceci a permis d’identifier certains déficits partiels d’un des complexes de la chaîne respiratoire dans des cas où les valeurs absolues des activités enzymatiques ne permettaient pas de le faire.

L’activité du complexe I dans les cellules entières (lymphocytes circulants ou cellules en culture) est difficile à mesurer en raison d’une importante activité NADH-cytochrome c réductase contaminante dans ces cellules.

L’expression des déficits de la chaîne respiratoire dans des cellules en culture est instable et les activités reviennent à la normale quand les cellules sont cultivées dans des conditions classiques.

La présence d’uridine (200 µM) et de pyruvate (5 mM) dans le milieu de culture empêche une contre-sélection des cellules déficitaires et leur permet donc de pousser normalement.

Il y a alors stabilisation du phénotype mutant (l’uridine, indispensable à la synthèse des acides nucléiques, serait en quantité limitative en raison d’un déficit secondaire de la dihydro-orotate-déshydrogénase couplée à la chaîne respiratoire).

De mauvaises conditions de congélation se traduisent par des pertes d’activité de la chaîne respiratoire qui peuvent mimer un déficit. Enfin, les tissus fixés pour des études de morphologie ne peuvent pas être utilisés pour l’étude enzymologique de la chaîne respiratoire.

E – CHOIX DU TISSU À ÉTUDIER :

Pour chaque malade, la question se pose de savoir quel tissu doit être étudié.

A priori, il s’agit du tissu cliniquement atteint.

Ainsi, si le tissu atteint est le muscle squelettique, l’étude enzymologique se fait sur une microbiopsie de deltoïde.

Dans le cas où c’est le système hématopoïétique qui est affecté (syndrome de Pearson), la chaîne respiratoire est étudiée sur les lymphocytes circulants.

Des atteintes s’exprimant de façon prédominante dans le foie ou le coeur peuvent être étudiées sur des biopsies hépatiques à l’aiguille ou des biopsies endomyocardiques.

Cependant, quand des organes d’accès difficile sont touchés (cerveau, rétine, système endocrinien, muscle lisse), les investigations ne peuvent se faire que sur des tissus périphériques (muscle squelettique, lymphocytes, fibroblastes en culture).

Quel que soit l’organe atteint, il est essentiel de prélever une biopsie de peau des patients (même en post mortem immédiat) pour de futures investigations enzymologiques ou moléculaires sur fibroblastes en culture.

En effet, de cette étude sur fibroblastes en culture dépend la possibilité d’un futur diagnostic prénatal pour les grossesses suivantes.

Il faut cependant rappeler que dans la moitié des cas environ les déficits de la chaîne respiratoire s’expriment dans les fibroblastes.

F – ÉTUDES HISTOPATHOLOGIQUES ET IMMUNOHISTOCHIMIQUES :

La caractéristique histologique des myopathies mitochondriales est la présence de fibres rouges déchiquetées (ragged red fibers [RRF]), mises en évidence par coloration au trichrome de Gomori qui montre l’accumulation de mitochondries anormales à la périphérie des fibres musculaires.

Cependant, l’absence de RRF n’élimine pas le diagnostic et inversement, la présence de RRF ne semble pas spécifique d’un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale.

Par ailleurs, des études histoenzymologiques du tissu atteint au moyen d’anticorps contre des sous-unités de la succinate déshydrogénase ou de la cytochrome oxydase constituent un critère diagnostique de cytopathie mitochondriale plus fiable que la présence de RRF.

G – IMAGERIE PAR SPECTROSCOPIE DE RÉSONANCE MAGNÉTIQUE DU MUSCLE ET DU CERVEAU :

La spectroscopie de résonance magnétique permet d’étudier in vivo le métabolisme énergétique dans le muscle et le cerveau.

Le phosphate inorganique (Pi), la phosphacréatine (Pcr), l’adénosine mono-, di- ou triphosphate et le pH intracellulaire peuvent être suivis. Le rapport Pi/Pcr, le plus utilisé, est augmenté chez les patients.

Ces anomalies deviennent un outil diagnostique et de l’évolution de la maladie mais ne sont pas spécifiques des déficits de la chaîne respiratoire.

H – INVESTIGATION MOLÉCULAIRE :

Les différentes protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale étant codées en partie par le génome mitochondrial et en partie par des gènes nucléaires, un déficit de la phosphorylation oxydative peut avoir une origine soit mitochondriale, soit nucléaire.

Dans la plupart des cas, malheureusement, les études enzymologiques ne permettent pas de définir la sous-unité déficitaire dans ces grands complexes multiprotéiques et il est donc impossible de connaître l’origine génétique des déficits observés chez les malades.

Il peut s’agir soit de mutations ponctuelles ou de délétions de l’ADNmt, soit de mutations siégeant dans des gènes nucléaires codant pour des sous-unités de la chaîne respiratoire, soit encore de mutations dans des gènes participant à la mise en place et au contrôle de la chaîne respiratoire et de l’ADNmt.

Les premières bases génétiques des maladies mitochondriales ont été mises en évidence à la fin des années 1980 avec l’identification de délétions puis de mutations de l’ADNmt dans plusieurs syndromes ou associations.

Ce n’est que très récemment que des mutations dans des gènes nucléaires de la chaîne respiratoire ont été identifiées.

Dans l’euphorie des premières trouvailles sur l’ADNmt, de nombreux groupes ont entrepris de rechercher systématiquement des remaniements de l’ADNmt dans les déficits de la chaîne respiratoire.

Avec le recul du temps, il apparaît que l’ADNmt ne rend compte que d’une fraction minoritaire des mitochondriopathies : pas plus de 10 % en moyenne.

 Le rendement du diagnostic est naturellement fonction de l’intensité des efforts consentis en matière de séquençage systématique de l’ADNmt des patients.

L’évaluation du rendement du séquençage systématique des 16,5 kb reste à faire.

Cette exploration est compliquée par le nombre élevé de polymorphismes de l’ADNmt.

En pratique, seule la recherche des grandes délétions et des mutations les plus fréquentes de l’ADNmt est mise en oeuvre de façon systématique chez tout patient investigué à l’hôpital Necker-Enfants Malades.

Ceci a permis d’identifier, chez 10 à 15 % des patients de notre cohorte, les mutations responsables de la maladie.

La place, somme toute très modeste, des remaniements de l’ADNmt dans les mitochondriopathies n’était pas véritablement une surprise, dans la mesure où l’immense majorité des sous-unités de la chaîne respiratoire est codée par le génome nucléaire.

Ces gènes (environ 90) sont maintenant tous localisés et leurs séquences codantes sont disponibles.

En revanche, la régulation et la mise en place de la chaîne respiratoire sont contrôlées par de nombreux gènes encore peu connus chez l’homme.

Chez la levure, environ 300 gènes ont été répertoriés, mais leurs homologues humains sont encore à identifier.

Ainsi, le nombre total de gènes éventuellement impliqués de façon directe ou indirecte dans les maladies mitochondriales est de plusieurs centaines.

La présence de plusieurs enfants atteints d’un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale dans une même famille, le grand nombre de familles consanguines, et tous les modes de transmission de l’hérédité mendélienne observés dans ces familles sont des arguments génétiques pour l’origine nucléaire d’un grand nombre de cytopathies mitochondriales.

La recherche de mutations sur le génome nucléaire reste du domaine de la recherche.

L’hétérogénéité génétique des mitochondriopathies risque fort d’être considérable, et il se pourrait bien qu’à chaque famille correspondent un gène ou une mutation différente sans prévalence d’aucune sorte.

Face à une telle situation et dans un but de recherche, comme de conseil génétique, il faut imaginer une stratégie adaptée à la complexité de la situation.

Notre stratégie actuelle consiste à identifier le compartiment porteur de la mutation par complémentation des cellules déficientes du patient au moyen de cellules témoins Rho0 vides d’ADNmt et qui n’apportent donc que leurs noyaux.

L’échec de la complémentation signe l’origine mitochondriale de la mutation, son succès et son origine nucléaire. Dès lors, plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour tenter d’identifier ces gènes nucléaires.

I – ÉTUDE DE GÈNES CANDIDATS :

Plusieurs mutations de gènes codant soit pour des protéines de la chaîne respiratoire, soit pour des protéines d’assemblage ou de régulation, ont été décrites, en association à divers syndromes.

Des mutations de ces gènes doivent donc être recherchées devant des patients présentant de tels tableaux cliniques.

De la même façon, l’homologue humain d’un gène dont la fonction est connue chez la levure est candidat chez les patients dont le dysfonctionnement porte sur le territoire d’expression de ce gène.

La méthode de gènes candidats a permis de rapporter des mutations du gène SCO2 dans plusieurs familles avec déficit en complexe IV.

J – ÉTUDE DE LIAISON GÉNÉTIQUE :

Dans des familles comprenant plusieurs enfants atteints, et qui plus est, dans le cas de familles consanguines, des études de liaison génétique peuvent être entreprises pour identifier le gène responsable de la maladie.

Ces études restent cependant difficiles à mettre en oeuvre dans le contexte des maladies mitochondriales.

En effet, la variabilité clinique des malades laisse augurer une très grande hétérogénéité génétique de ces déficits de la chaîne respiratoire.

Il est alors impossible de regrouper plusieurs familles pour ce type d’étude.

Ainsi, seules les grandes familles consanguines peuvent être étudiées.

Dans ce cas, l’étude de la ségrégation de marqueurs microsatellites répartis sur l’ensemble du génome permet d’identifier des loci et éventuellement des gènes candidats par leur fonction dans les régions sélectionnées.

Cette approche demande d’avoir à notre disposition les prélèvements de tous les membres atteints et sains de la famille.

Elle a permis d’identifier les gènes COX10 et SCO1 dans des déficits en complexe IV.

K – COMPLÉMENTATION FONCTIONNELLE :

En tirant parti de l’expression des déficits enzymatiques dans les cellules en culture des patients et de la possibilité de les complémenter fonctionnellement, nous devrions pouvoir localiser puis identifier les gènes responsables par transfert de chromosomes.

Des cellules hybrides homme/rongeur ne comportant qu’un seul chromosome humain sont disponibles dans le commerce. Les microcells, minicellules ne contenant que le chromosome humain, obtenues à partir des hybrides homme/rongeur sont fusionnées avec les cellules de patients.

Après le transfert des microcells dans les cellules de patients, le phénotype biochimique de celles-ci est estimé par l’étude enzymologique de la chaîne respiratoire et comparé au phénotype avant le transfert.

La restauration d’un phénotype normal indique que le chromosome humain exogène porte le gène muté chez le patient.

L’étude des gènes portés par ce chromosome devrait alors permettre d’avancer dans l’identification du gène responsable du déficit.

La démonstration en a été faite par l’identification du gène SURF1 dans certains déficits en complexe IV.

Traitement :

Jusqu’à présent, il n’y a aucun traitement spécifique des déficits de la chaîne respiratoire à l’exception de l’ataxie de Friedreich et du déficit en quinone.

Dans l’ataxie de Friedreich, l’administration d’idébénone (analogue des quinones) apparaît agir efficacement sur l’atteinte myocardique.

Son action est liée essentiellement au caractère antioxydant des quinones.

Dans le déficit en quinone, l’administration orale de quinones constitue un traitement substitutif du déficit.

Ainsi, la détermination du mécanisme d’une maladie peut permettre de définir une stratégie thérapeutique jusqu’alors inconnue et doit conduire le clinicien à conduire jusqu’au bout les investigations métaboliques.

En dehors de ces deux cas, les traitements sont symptomatiques et ne modifient que très peu l’évolution de la maladie.

Des améliorations ont cependant été notées par l’administration de ménadione (vitamine K3, 40-160 mg/j) dans des déficits en CIII, coenzyme Q10 (80-300 mg/j) dans divers déficits et mutations de l’ADNmt, et riboflavine (vitamine B2, 100 mg/j) dans des déficits en CII.

L’administration de carnitine est à proposer chez les patients qui présentent un déficit secondaire en carnitine.

Les recommandations diététiques comprennent un régime pauvre en carbohydrates et riche en lipides dans les cas de déficits en CI et les grandes hyperlactacidémies.

Un traitement par dichloroacétate ou 2-chloropropionate peut maintenir en activité maximale la pyruvate déshydrogénase et réduire l’hyperlactacidémie.

De même, dans les déficits en CI, l’administration de succinate a été parfois préconisé, ce substrat étant oxydé par le CII.

Le traitement symptomatique consiste surtout à éviter certains médicaments connus pour avoir un effet délétère : valproate de sodium et barbituriques qui inhibent la chaîne respiratoire et ont entraîné une insuffisance hépatocellulaire dans certains déficits, les tétracyclines et le chloramphénicol qui inhibent la synthèse protéique mitochondriale.

Les autres traitements symptomatiques comprennent l’administration de bicarbonate de sodium au cours des accès d’acidose lactique et au long cours si le taux plasmatique de bicarbonate est inférieur à 18 mmol/L, l’administration d’extraits pancréatiques dans le cas d’insuffisance pancréatique externe, et des transfusions répétées dans les cas d’anémie sévère et de thrombopénie.

Conseil génétique et diagnostic anténatal :

La transmission de la maladie peut être maternelle dans les cas de mutations de l’ADNmt, ou autosomique récessive le plus souvent, mais aussi dominante et liée à l’X dans les cas (les plus fréquents) où le génome nucléaire est impliqué.

La possibilité d’un diagnostic prénatal se présente uniquement pour des familles dans lesquelles le diagnostic de cytopathie mitochondriale a été formellement établi chez le cas index, soit par mise en évidence d’un déficit enzymatique, soit par identification de la mutation en cause.

Il reste cependant difficile, tant sur le plan biochimique que sur le plan moléculaire.

La mesure des activités de la chaîne respiratoire se fait sur villosités choriales entre 9 et 11 semaines d’aménorrhée (SA) et sur amniocytes en culture à 16 SA.

Cependant, ces analyses ne sont faisables que dans la mesure où les fibroblastes du proposant expriment le déficit, ce qui est loin d’être toujours le cas. Un résultat positif révèle une récidive de la maladie.

En revanche, un résultat normal n’exclut en aucun cas la possibilité d’une expression ultérieure du déficit au cours de la grossesse ou même en période postnatale.

En effet, l’expression des gènes de la chaîne respiratoire et la demande énergétique au cours du développement foetal sont encore inconnues.

Un résultat normal ne peut être complètement rassurant et demande impérativement un contrôle ultérieur sur amniocytes.

Enfin, le diagnostic anténatal (DAN) enzymologique ne peut être proposé dans le cas de déficits du complexe I de la chaîne respiratoire, car la mesure du complexe I est difficile à effectuer sur des cellules entières, en particulier les fibroblastes ou les amniocytes.

Le diagnostic anténatal moléculaire concernait jusque-là les mutations de l’ADNmt puisque les gènes nucléaires n’étaient pas connus.

Les remaniements de grande taille de l’ADNmt, délétions ou duplications partielles, sont le plus souvent sporadiques.

Le conseil génétique peut donc être a priori rassurant, surtout si la mère n’a pas de remaniement de l’ADNmt.

Il est cependant possible, dans le but essentiellement de rassurer la famille, de rechercher ces remaniements dans les villosités choriales du prochain foetus. Les cas de transmission maternelle ou autosomique dominante de délétions de l’ADNmt sont extrêmement rares et n’ont jamais fait jusqu’à présent l’objet de demande de DAN.

Les mutations ponctuelles de l’ADNmt, transmises selon un mode maternel et dans la grande majorité des cas retrouvées chez les mères, sont presque toujours à l’état hétéroplasmique (coexistence de molécules normales et de molécules mutées).

Il est ainsi toujours très difficile de se prononcer dans ce type de DAN.

En effet, la proportion de molécules d’ADNmt mutées dans les villosités choriales ne permet pas d’estimer sa proportion dans d’autres tissus foetaux, ni son évolution au cours du développement embryonnaire.

La présence de moins de 20 % ou plus de 80 % de molécules mutées chez le foetus est respectivement de bon et de mauvais pronostic.

En revanche, des résultats intermédiaires sont extrêmement difficiles à interpréter.

Ce n’est que dans les cas où une mutation d’un gène nucléaire a été identifiée qu’il est possible de proposer un DAN moléculaire fiable, qui ne repose pas uniquement sur l’investigation enzymologique mal connue chez le foetus, et qui n’est pas soumis à l’incertitude de l’hétéroplasmie comme c’est le cas pour les mutations de l’ADNmt.

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