Curiethérapie des cancers oto-rhino-laryngologiques

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Curiethérapie des cancers oto-rhino-laryngologiques
Introduction :

La curiethérapie a un rôle primordial dans le traitement local des cancers otorhino- laryngologiques (ORL).

Elle délivre la dose d’irradiation nécessaire à l’éradication de la tumeur, dans un volume préalablement défini, et préserve les structures normales adjacentes.

Utilisée seule ou en association avec la chirurgie dans les petits cancers de la cavité buccale, elle complète la radiothérapie externe (RTE) pour les tumeurs volumineuses ou présentant un envahissement ganglionnaire clinique et pour les cancers de l’oropharynx.

En 1995, 73 centres de radiothérapie ont réalisé plus d’un millier d’applications de curiethérapie ORL.

L’environnement spécifique, technique et logistique (bloc opératoire, chambres protégées, personnel qualifié…) en a limité l’accès.

Les bons résultats actuels et l’apparition de nouvelles technologies relancent l’intérêt de cette technique moderne, dont la réputation souffre encore de celle des anciennes techniques d’« aiguillage » au radium.

Objectifs. Intérêts :

A – Objectifs :

La curiethérapie comprend l’ensemble des techniques d’irradiation utilisant la mise en place de radioéléments artificiels au contact ou dans le volume cible anatomoclinique à traiter.

Son but est de délivrer, dans ce volume cible, une dose absorbée capable d’entraîner la mort de toutes les cellules cancéreuses qui s’y trouvent.

La mort cellulaire est différée, induite par les cassures non réparables des deux brins d’acide désoxyribonucléique (ADN), qui empêchent la division cellulaire.

La dose délivrée aux tissus et aux organes situés au-delà du volume cible ne doit pas dépasser la dose tolérable spécifique de chaque organe.

La curiethérapie délivre une dose élevée d’irradiation, dans un volume réduit à quelques centimètres cubes, à proximité des sources radioactives.

La décroissance exponentielle de la dose en périphérie des sources épargne les tissus sains de voisinage.

B – Intérêts :

Les fonctions de déglutition, mastication, phonation, salivation et occlusion labiale, ainsi que les possibilités d’appareillage dentaire et le résultat esthétique, doivent être considérées au-delà du contrôle local.

L’évaluation repose souvent sur le contrôle local et la survie, mais rarement sur les résultats fonctionnels qui justifient l’utilisation de la curiethérapie.

Par rapport à la RTE, elle délivre une dose plus élevée, dans un faible volume, en un temps court contribuant au meilleur contrôle local.

Elle épargne de plus les glandes salivaires et la mandibule. Par rapport à la chirurgie, le contrôle local est comparable, mais l’anatomie et la fonction sont mieux respectées.

La décroissance de dose en périphérie réalise une irradiation prophylactique sur une « marge de sécurité » à haut risque de récidive. Utilisée après la chirurgie, la curiethérapie irradie à dose élevée une zone limitée à haut risque de récidive, sans grever le pronostic fonctionnel lié à une reprise d’exérèse large, d’autant plus difficile après reconstruction par lambeau.

Ainsi, la curiethérapie doit être envisagée pour chaque cas, en collaboration avec le chirurgien ORL et le patient, afin de choisir le traitement le mieux adapté à la situation.

Principes. Méthodes :

A – Principes :

La curiethérapie interstitielle, qualifiée de « radiothérapie interventionnelle », consiste à implanter de façon judicieuse des sources radioactives au sein des tissus afin d’obtenir une répartition homogène de l’irradiation.

Les règles d’implantation, simples et rigoureuses, du « système de Paris » consistent à placer des lignes radioactives rectilignes (fils) d’activité identique, parallèles et équidistantes, en un ou plusieurs plans (en carré ou en triangle).

L’irradiation résultante délivre une dose relativement uniforme entre ces lignes (appelée dose de base) et à la proche périphérie de l’implantation.

L’isodose correspondant à 85 %de la dose de base, appelée isodose de référence, entoure généralement bien le volume cible.

Elle est le plus souvent choisie pour exprimer la dose.

Au-delà, la décroissance de la dose est très rapide.

À proximité immédiate des fils, la dose croît, constituant un « manchon d’hyperdosage » délivrant le double de la dose de référence, à l’origine de complications s’il est important.

Ses dimensions dépendent de la qualité de l’application (parallélisme et espacement).

L’espacement de 1,2 à 1,4 cm entre les fils permet la répartition optimale de la dose.

Ces règles déterminent la meilleure géométrie à apporter à chaque implantation, tenant compte des données tumorales et de la situation des tissus sains, et aboutissent à des techniques opératoires adaptées aux conditions anatomiques.

B – Méthodes :

La curiethérapie ORL délivre la dose d’irradiation à bas débit (en moyenne 10 Gy/j), en 2 à 6 jours.

Les aiguilles de radium 226, abandonnées dans les années 1970, sont remplacées par des fils ou des épingles d’iridium 192, de 0,3 mm de diamètre, souples, maniables et sécables.

Leur demi-vie est de 74 jours, l’énergie moyenne des photons de 0,38 MeV, et l’activité comprise entre 1 et 2 mCi/cm.

Les sources radioactives sont rapidement glissées dans les tubes plastiques souples ou des aiguilles creuses rigides, préalablement implantés en l’absence de radioactivité, sous contrôle du toucher, de la vue et de la radioscopie.

Le respect des règles du système de Paris, au millimètre près, permet d’obtenir une implantation optimale.

Des sources fictives non radioactives et radioopaques assurent la radioprotection du personnel, depuis l’implantation jusqu’à la réalisation des contrôles radiographiques de l’implantation définitive.

La reconstruction spatiale des sources depuis les clichés orthogonaux permet le calcul informatisé de la répartition de la dose (dosimétrie), représentée par des courbes isodoses.Après validation physique et médicale, le patient est « chargé » en quelques minutes avec des fils radioactifs de dimension adaptée.

L’implantation réalisée au bloc opératoire, sous anesthésie générale avec intubation nasale, dure 1 à 2 heures.

Le patient est installé semi-assis pour les implantations du plancher de bouche, de la langue et de l’arche véloamygdalienne.

Les structures anatomiques sont ainsi mieux individualisables pendant l’application, et plus proches de leur position habituelle après le réveil et durant le traitement.

Le patient est en décubitus dorsal pour les implantations de la base de langue, de la face interne de joue, des parois postérieure et latérales de l’oropharynx et les tumeurs périorificielles.

Le volume cible clinique est constitué par la tumeur visible et palpable lors du bilan initial, avec une marge de sécurité de 5 mm de part et d’autre, tenant compte des extensions infracliniques péritumorales.

Le nombre, la longueur, l’écartement et la disposition des lignes radioactives sont déterminés en fonction du volume cible, des organes critiques et des contraintes anatomiques.

Le parallélisme et l’équidistance des vecteurs sont vérifiés par radioscopie.

Prise en charge globale :

A – Bilan initial :

Le bilan carcinologique n’est pas spécifique, mais il est indispensable que le curiethérapeute examine le patient avant tout traitement.

Il élimine une contre-indication à la technique, et réalise un schéma initial de la tumeur avec ses mensurations et ses rapports avec les structures anatomiques visibles et palpables.

B – Soins buccodentaires et prévention de l’ostéroradionécrose de la mandibule :

La curiethérapie peut suivre une RTE pour laquelle la cavité buccale a déjà été mise en état.

Les faisceaux d’irradiation, la qualité des dents, ainsi que la motivation du patient à une hygiène buccale rigoureuse, conditionnent la conservation des dents, et le patient se présente pour la curiethérapie avec une bouche saine et entretenue.

En cas de curiethérapie exclusive, la remise en état supprime toute cause dentaire pouvant expliquer ou entretenir la lésion, et élimine les dents présentant un foyer infectieux ou un mauvais état coronaire et parodontal.

Après extraction proche du site d’implantation, un délai de cicatrisation gingivale d’au moins 15 jours est nécessaire, sans lequel le patient est exposé à un risque important d’ostéoradionécrose.

Le risque d’ostéonécrose est minimisé par l’interposition, entre les fils radioactifs et la mandibule, d’un écran plombé de 2 mmd’épaisseur.

Il éloigne les sources radioactives de l’os et réduit de 50 %la dose qui lui est transmise.

Le plomb est recouvert de 1 mm de résine qui empêche la contamination et absorbe les électrons engendrés à sa surface.

Cet appareil de protection plombée doit être de poids et de volume tolérables, afin d’être porté pendant toute la durée de la curiethérapie.

Une copie fidèle radiotransparente de la protection utilisée pendant l’implantation permet les contrôles en fluoroscopie et la réalisation des films orthogonaux destinés au calcul de dose.

C – Durant l’irradiation :

Le malade reste hospitalisé dans une chambre individuelle dédiée à la curiethérapie, d’apparence normale, si possible munie d’une large fenêtre, mais adaptée aux normes de radioprotection par un revêtement plombé ou équivalent des murs et de la porte.

Des paravents mobiles en plomb, de 3 cm d’épaisseur, absorbant 99 % de la dose transmise, sont disposés à l’entrée de la chambre et protègent le personnel lorsqu’il côtoie le patient (soins, repas, nursing).

L’alimentation est administrée par sonde nasogastrique.

Un traitement corticoïde, et parfois antibiotique, est délivré, ainsi qu’un traitement antalgique adapté.

D – Désappareillage :

Le retrait des sources radioactives des vecteurs à la fin du traitement est indolore.

L’ablation du matériel vecteur, peu douloureuse, est effectuée après préparation, sans anesthésie, au bloc opératoire, en s’assurant de la bonne hémostase.

Des soins de bouche et cutanés réalisés pendant les 2 jours suivants, en hospitalisation, vérifient l’absence d’hémorragie ou d’infection et sont poursuivis pendant 3 à 6 semaines à domicile.

E – Réactions aiguës :

Dix à 15 jours après le traitement, une radiomucite exsudative confluente avec fausses membranes apparaît en regard de la zone irradiée, se prolonge pendant 3 à 4 semaines, puis s’estompe rapidement.

Son intensité dépend de la dose délivrée et du volume traité, et d’une susceptibilité individuelle imprévisible.

Les soins locaux adaptés en réduisent l’intensité et le retentissement fonctionnel : ils associent des bains de bouche et des gargarismes alcalins (Glyco-thymoline 55) fréquents (dix fois par jour), des antalgiques et des anti-inflammatoires.

L’alimentation liquide ou mixée est généralement possible.

Les réactions aiguës et la tumeur laissent place à une muqueuse fine, ou dépapillée, blanchâtre en particulier à la pression, pouvant précéder l’apparition de télangiectasies.

La mucite régresse totalement en quelques mois, après curiethérapie exclusive, sans laisser de séquelles.

En cas de RTE associée, la sécheresse de bouche résiduelle s’estompe lentement jusqu’à la deuxième année.

F – Complications tardives :

Elles sont le fait de la fibrose et de la dévascularisation par endartérite oblitérante de zones ayant reçu une forte dose d’irradiation, dans les manchons de surdosage autour des fils radioactifs.

La proximité de la mandibule et la fragilité de certaines zones exposent les patients à des complications quelquefois sévères et mutilantes, l’ostéoradionécrose étant la plus redoutée.

Elles surviennent le plus souvent 6 à 18 mois après la curiethérapie, mais sont parfois tardives.

La nécrose des tissus mous débute brutalement par une érosion muqueuse superficielle douloureuse, dans une zone surdosée ou fragilisée par des frottements (jonction linguale, frein de langue, appareil dentaire mal adapté).

La surinfection accélère la nécrose qui s’étend rapidement, en « tache d’huile ».

L’examen montre une nécrose centrale, entourée d’un anneau inflammatoire et d’une induration pouvant faire craindre une évolution tumorale.

Ces nécroses évoluent le plus souvent favorablement, en 3 à 6 mois, vers une cicatrice étoilée ou une perte de substance réépithélialisée, et rarement vers une nécrose étendue et mutilante.

L’ostéoradionécrose de la mandibule débute par une érosion superficielle gingivale, en regard de l’implantation, aboutissant à une mise à nu du périoste, parfois déclenchée par une brèche muqueuse (appareil dentaire mal adapté, extraction dentaire sans prophylaxie).

L’évolution est favorable vers une réépithélialisation, ou défavorable avec constitution d’une nécrose osseuse mandibulaire superficielle.

L’expulsion d’un séquestre osseux nécessite parfois 1 à 2 ans, puis permet la réépithélialisation rapide et la cicatrisation.

En revanche, la nécrose étendue à toute l’épaisseur de la mandibule évolue vers un abcès, une fistule ou une fracture, nécessitant une résection mandibulaire.

Le diagnostic différentiel est la récidive tumorale pour les lésions ne cicatrisant pas 1 mois après un traitement médical local et général bien conduit.

Dans cette éventualité, le patient est réadressé au curiethérapeute, qui réalise un examen clinique soigneux, parfois sous anesthésie générale, et prend la décision de conforter le diagnostic par des biopsies.

Le traitement associe le sevrage alcoolotabagique, une désinfection locale, une antibiothérapie, des vasodilatateurs, et une oxygénothérapie hyperbare.

Les formes évolutives ou résistantes au traitement médical peuvent nécessiter une résection chirurgicale.

Les facteurs favorisants sont liés à l’état général du patient (artériosclérose, cirrhose, amaigrissement), à une mauvaise remise en état dentaire, à la poursuite de l’intoxication alcoolotabagique et à des biopsies intempestives.

L’ajustement des crêtes osseuses et l’obtention d’une cicatrisation gingivale complète avant le traitement sont impératifs.

Des mesures prophylactiques doivent être prises en cas d’extraction de dents laissées en place en regard des zones irradiées (antibioprophylaxie, sutures gingivales, sonde alimentaire, oxygénothérapie hyperbare).

Le risque de nécrose est plus élevé pour les tumeurs évoluées nécessitant de traiter de gros volumes, ainsi que pour les tumeurs du plancher.

L’utilisation d’une protection plombée de la mandibule réduit de deux tiers le risque d’ostéonécrose.

Des facteurs radiobiologiques liés à la qualité de l’implantation (parallélisme, espacement des sources) et au débit de dose élevé (supérieur à 0,5 Gy/h) ont été identifiés.

E – Stratégies thérapeutiques et pluridisciplinarité :

La préférence est donnée aux stratégies permettant de délivrer la dose la plus élevée de curiethérapie sur le volume tumoral primaire.

Les contre-indications à la curiethérapie sont les extensions osseuses à la mandibule, au palais dur et à la base du crâne, les extensions périosseuses à la gencive, au parapharynx, au trigone rétromolaire, à la commissure intermaxillaire, l’union des trois replis et le nasopharynx.

1- Traitement local de la tumeur primitive :

La curiethérapie exclusive est réservée aux tumeurs T1 T2 N0 de la cavité buccale, modérément lymphophiles.

Elle est utilisée en complément d’une RTE locorégionale (associée à une chimiothérapie concomitante pour les stades III-IV), après 40 à 50Gy pour les tumeurs lymphophiles (oropharynx), ou en cas d’envahissement ganglionnaire.

Enfin, elle peut intervenir en complément d’une exérèse chirurgicale, devant un risque de récidive locale élevé.

2- Traitements ganglionnaires et curiethérapie :

La curiethérapie ne contribue aucunement au traitement ganglionnaire.

Celui-ci est choisi selon la localisation de la tumeur, l’extension clinique locale et régionale, et l’état général du patient.

Le curage ganglionnaire a les mêmes indications que lorsqu’il est associé aux chirurgies d’exérèse tumorale à stade équivalent, et il peut être effectué avant ou après la curiethérapie.

La chirurgie ganglionnaire première effectuée en terrain non irradié et non cicatriciel, facilite la dissection des tissus cervicaux et confirme le statut ganglionnaire avant la curiethérapie.

Elle retarde cependant le traitement de la tumeur primitive, et modifie le drainage lymphatique local, alors que la lésion est toujours en place.

La chirurgie ganglionnaire finale s’envisage dans deux situations.

Après curiethérapie exclusive, elle permet d’éviter une RTE complémentaire des aires ganglionnaires en l’absence d’envahissement histologique.

Après une radiocuriethérapie première, elle complète le traitement ganglionnaire du patient avec adénopathie clinique initiale.

L’intervention tient compte de l’inflammation liée à l’irradiation et du trajet cicatriciel des fils d’iridium.

Une fragilisation vasculaire, avec risque de nécrose tissulaire cutanée, contreindique formellement l’utilisation de drogues vasoconstrictrices dans la zone d’incision.

De plus, l’électrocoagulation doit être prudente et la dévascularisation des tissus minimale.

F – Chirurgie de rattrapage après échec local de la curiethérapie :

Cette situation, rarement individualisée dans la littérature, regroupe les rattrapages pour récidive ou non stérilisation et pour deuxième localisation, survenant après RTE ou radiocuriethérapie.

Cette chirurgie, à visée curative, tient compte des éléments ci-après. Le diagnostic clinique de récidive impose une preuve histologique, afin d’exclure une nécrose post-thérapeutique.

L’état général, la classification TNM (tumeur maligne [T], nodes [N], métastases [M]) initiale, la « reclassification TN » de la récidive, la localisation tumorale, permettent de sélectionner rigoureusement les malades.

Finalement, le rattrapage chirurgical ne peut être proposé que dans 25 à 35 % des cas d’échecs après irradiation.

Dans toutes les séries, 90 %des rechutes locorégionales surviennent dans les 2 ans suivant le traitement initial.

Le diagnostic précoce de récidive est important, majorant les taux de succès du rattrapage chirurgical.

La préparation du patient à l’intervention est toujours nécessaire : renutrition, mais aussi désinfection locale, antibiotiques et anti-inflammatoires.

Ceci limite l’oedème et la surinfection, et permet d’apprécier plus précisément les limites de la récidive lors de l’intervention.

Le contrôle histologique extemporané des limites de résection en rattrapage est peu fiable.

L’exérèse chirurgicale doit être le plus large possible, mais il n’existe aucun argument impératif imposant une résection en fonction du schéma tumoral initial.

Toutes les techniques sont possibles, à condition de respecter impérativement la notion d’exérèse en zone saine : chirurgie par voie endobuccale, utilisation du laser ou de la cryochirurgie, mandibulotomie.

L’utilisation de lambeaux musculaires est fréquente, souvent recommandée, surtout pour les tumeurs classées T3, T4 et localisées à l’oropharynx.

Elle permet de réaliser des marges de résection plus importantes, limite la morbidité, et permet parfois une restauration morphologique satisfaisante.

La survie moyenne à 5 ans après rattrapage est médiocre, 10 à 40 % des cas seulement.

La localisation basilinguale est plus péjorative.

Les échecs locaux et locorégionaux sont les principales causes de décès et sont en relation avec les marges de résection chirurgicale.

En conclusion, la chirurgie de rattrapage ne doit s’adresser qu’à des patients sélectionnés.

Elle reste une chirurgie difficile, nécessitant une équipe entraînée à cette pratique.

G – Nouvelles technologies et débit de dose :

La curiethérapie « classique » délivre une irradiation continue, sur plusieurs jours, à bas débit de dose.

Des innovations technologiques, apparues il y a une dizaine d’années, permettent de réaliser une curiethérapie à haut débit de dose (plus de 12 Gy/h), grâce à la miniaturisation de sources ponctuelles d’activité élevée (10 Ci), pilotées par un projecteur de source informatisé.

La radioprotection du personnel est complète, la durée d’hospitalisation peut être réduite, et la distribution de dose être optimisée.

Cependant, des inconvénients radiobiologiques majeurs ont été décrits par les radiobiologistes et les cliniciens.

Augmenter le débit de dose revient au même qu’augmenter la dose par fraction pour une RTE.

Il en résulte une diminution de l’effet différentiel entre les populations tumorales et les tissus sains, avec un accroissement du risque de complications pour un même contrôle de la tumeur.

Il est donc nécessaire de fractionner et d’étaler la dose en curiethérapie à haut débit de dose, donc, bien souvent, de refaire plusieurs fois l’implantation.

Les résultats préliminaires recommandent la plus grande méfiance vis-à-vis de cette technique qui reste du domaine de la recherche.

Une équipe a montré, dans une étude rétrospective, une perte de contrôle local significative par rapport à la curiethérapie à bas débit de dose, associée à une augmentation des complications tardives.

Une série contemporaine ne retrouve pas ces inconvénients.

La recherche actuelle s’oriente vers la réalisation d’une curiethérapie radiobiologiquement proche du bas débit de dose, utilisant les avantages de la technologie de haut débit.

Cette curiethérapie, dite « à bas débit pulsé », délivre de multiples fractions quotidiennes (de 4 à 24) de plusieurs minutes chacune, pendant plusieurs jours.

Sa faisabilité est en cours d’évaluation.

Indications. Résultats :

A – Cavité buccale :

1- Langue mobile :

La curiethérapie des cancers de la langue mobile est historiquement la plus utilisée, en raison de son accessibilité et de son efficacité.

Les fils sont placés à distance de la mandibule et une protection plombée minimise le risque d’ostéonécrose.

Par ailleurs, les cancers de la langue présentent souvent des extensions infracliniques éloignées du site primitif, à l’origine de marges proches ou limites en cas de chirurgie endobuccale.

La curiethérapie réalise un traitement conservateur et délivre la dose nécessaire et suffisante au volume cible, avec une décroissance de dose en périphérie adaptée à ce type de dissémination.

Des épingles doubles d’iridium sont mises en place par des gouttières vectrices, ou plus souvent des fils d’iridium dans des tubes plastiques en forme de boucle.

Le volume cible comporte la tumeur initiale visible et palpable, avec une marge de sécurité de 0,5 à 1 cm.

Le sommet des boucles est chargé, afin d’irradier la face dorsale de la langue.

Deux ou trois boucles (ou épingles) sont placées perpendiculairement à la mandibule, parallèles et équidistantes, espacées de 1,2 à 1,4 cm.

L’extension à la zone de jonction nécessite un fil supplémentaire dans le pilier antérieur.

Les tumeurs très infiltrantes, proches de la ligne médiane, nécessitent une boucle antéropostérieure paramédiane faisant barrage à l’extension tumorale controlatérale.

L’extension vers la base de langue et le sillon amygdaloglosse fait rajouter une ou deux boucles antéropostérieures ou obliques dans la base et les piliers amygdaliens.

Ainsi, jusque six boucles peuvent être nécessaires au traitement des tumeurs volumineuses.

Les fils restent enfouis à 3 mmsous la muqueuse du sillon pelvilingual, afin d’éviter une ulcération trophique tardive de cette région fragile.

Le contrôle tumoral local est supérieur à 90 % pour les tumeurs T1, T2 N0 après curiethérapie exclusive.

En revanche, la combinaison d’une RTE locorégionale à 45 ou 50 Gy et d’une curiethérapie de 25 à 30 Gy aboutit à une réduction du contrôle local et, plus modérément, de la survie par rapport à la curiethérapie exclusive.

Cette attitude, adoptée après l’apparition des bombes au cobalt dans les années 1970 afin d’améliorer le contrôle ganglionnaire, est aujourd’hui abandonnée pour les tumeurs T1, T2 N0, pour lesquelles la totalité de l’irradiation de la tumeur primitive est délivrée par la curiethérapie.

Le curage ganglionnaire s’assure de l’absence d’envahissement infraclinique et, dans le cas contraire, fait envisager l’indication d’une irradiation complémentaire.

Le risque de complications tardives prédomine pour les tissus musculoaponévrotiques et la muqueuse dorsale.

Il dépend du volume traité, de la dose totale et des paramètres techniques (débit de dose, espacement des fils).

Le port systématique de la protection plombée, depuis les années 1980, rend exceptionnelles les ostéoradionécroses après curiethérapie des cancers de la langue mobile.

2- Plancher de bouche :

Les tumeurs situées à moins de 5 mmde la gencive sont contre-indiquées à la curiethérapie, en raison du risque d’ostéonécrose.

Le volume cible comprend la tumeur visible et palpable, et une marge de 5 mm.

L’extension au sillon pelvilingual fait élargir le volume à la langue. Les boucles ou épingles sont implantées perpendiculairement à l’axe de la mandibule, selon la technique précédemment décrite pour les tumeurs de la langue mobile.

Les tumeurs confinées au plancher sont traitées sans charger le sommet des boucles, évitant ainsi l’irradiation de la muqueuse dorsale linguale.

Le contrôle local est supérieur à 90 % pour les tumeurs T1 et les T2 inférieures à 3 cm, traitées par curiethérapie exclusive.

Le risque d’ostéoradionécrose est supérieur à celui survenant après curiethérapie des cancers de langue mobile, en raison de la proximité des fils de la mandibule.

Par ailleurs, il dépend du volume traité, de la dose totale et de paramètres techniques (débit de dose > 0,7 Gy/h, espacement ³ 1,5 cm, absence de protection plombée de la mandibule).

Le taux de contrôle local des tumeurs T2 N0 est meilleur après curiethérapie exclusive qu’en cas d’association à une RTE.

3- Face interne de joue :

Les carcinomes épidermoïdes de la face interne de joue sont accessibles à une curiethérapie lorsque la tumeur n’excède pas 5 cm de diamètre et 1,5 cm d’épaisseur.

Les contre-indications locales sont l’extension aux sillons gingivojugaux et l’atteinte de la commissure intermaxillaire.

Une boucle antéropostérieure, dont les extrémités libres ressortent de part et d’autre de la commissure labiale, est placée à 3 mm de profondeur de la muqueuse.

Le volume cible comporte 1 cm de muqueuse saine autour de la tumeur.

L’écart entre les branches de la boucle est de 1,2 à 1,5 cm, nécessitant, pour les tumeurs volumineuses, de rajouter un tube médian.

L’épaisseur traitée par un plan est de 6 mm, une épaisseur plus importante nécessitant un deuxième plan.

La protection plombée protège la mandibule et le maxillaire.

Le contrôle local atteint 91 % pour les T1, T2, T3.

Les échecs locaux compromettent la survie.

La technique en boucles a permis d’augmenter le contrôle local par rapport à la technique des fils parallèles (91 % versus 50 %, p = 0,01).

Suite

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