Crénothérapie en oto-rhino-laryngologie (Suite)

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Première partie

Indications de la crénothérapie en oto-rhino-laryngologie :

A – INTRODUCTION ET GÉNÉRALITÉS :

Crénothérapie en oto-rhino-laryngologie (Suite)En 1990, l’UNET a chiffré le nombre de cures thermales réalisées en France à 641 225 exactement, chiffre en augmentation de 1,13 % par rapport à 1989 ; mais, en 1999, ce chiffre est de 566 885.

Ainsi, le nombre global de curistes diminue progressivement.

C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les cures réalisées pour des affections des voies aériennes supérieures, chez les enfants. Les raisons de cette décroissance sont difficiles à analyser.

– Raisons financières : le remboursement ne concerne normalement qu’une partie du forfait thermal et des pratiques thermales spécialisées, entraînant des dépenses supplémentaires si une mutuelle complémentaire n’intervient pas.

Ainsi, les difficultés financières sont souvent mises en avant par les parents d’enfants qui auraient besoin d’aller en cure ou par les adultes pour refuser ce traitement ; d’autant que les frais de déplacement et de séjour sont souvent évoqués même si, pour les enfants, les séjours en maison thermale d’enfants diminuent ces frais du fait d’un remboursement par la Sécurité sociale (80 à 100 % du prix de journée).

Une analyse de cette situation a été faite dans une enquête réalisée par le corps médical de Luchon en 1973 (sur 2 855 curistes ORL et auprès de 229 médecins prescripteurs) et, surtout, dans un document d’une importance considérable, malgré son ancienneté, à savoir l’« enquête statistique du suivi d’une cohorte de plus de 3 000 curistes thermaux durant 3 ans ».

Cette enquête diligentée par la Commission de concertation thermale, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et la Fédération thermale et climatique française a été présentée à l’Académie nationale de médecine en octobre 1987 par le professeur Laroche.

Dans cette enquête, la participation était de 3 683 patients dont 2 903 pour les voies respiratoires.

Ce chiffre correspond au nombre de demandes de prise en charge, donc d’indications de cures thermales (1983).

Un certain nombre ont été perdus de vue (24,6 %) au cours des 3 ans de l’étude.

Finalement, l’analyse a pu se faire sur 2 190 patients ; 14,2 % n’ont pas fait de première cure l’année où elle a été prescrite (1983) ; 30,3 % n’ont pas fait de deuxième cure (1984) (19,3 % après la première, 11 % aucune cure) ; 42,2 % n’ont pas fait de troisième cure (15,5 % après deux cures, 16,7 % après une cure et 10 % aucune cure).

L’analyse des motifs de ces abstentions montre que, sept fois sur dix, il s’agit d’un motif personnel indépendant de l’état de santé du patient.

Et les raisons financières ne sont pas seules en cause car les parents sont de plus en plus réticents à « distraire » 21 jours de leurs congés ou de leur temps libre pour amener leurs enfants en cure, car la désaffection actuelle semble surtout atteindre les enfants.

Finalement, 55,3 % des patients, seulement, (statistique nationale) font leurs trois cures convenablement et 72,2 % en font au moins deux.

– Raisons médicales : il est évident que pour poser l’indication d’une cure thermale, il faudrait que le médecin traitant généraliste ou le spécialiste soit convaincu de son efficacité.

Il faudrait pour cela que l’efficacité de la crénothérapie ne soit plus, scientifiquement, discutée afin de convaincre plus sûrement ceux qui n’y « croient pas ».

La formation et l’information médicales concernant la crénothérapie sont jugées insuffisantes par les médecins prescripteurs.

– Raisons thérapeutiques : il semble, en effet, que la mise en jeu de thérapeutiques dites « de terrain » (vaccinothérapie, oligothérapie, thérapie soufrée, etc) permettrait de maîtriser plus efficacement les infections importantes et récidivantes, notamment chez l’enfant, et limiterait ainsi les indications de crénothérapie (surtout soufrée).

B – INDICATIONS DE LA CRÉNOTHÉRAPIE :

L’indication de cure thermale ne semble pas être envisagée d’emblée mais est prescrite dans le cadre d’une stratégie thérapeutique.

Une enquête précise, en effet, que pour 79,1 % des médecins interrogés, la cure thermale fait partie d’emblée de leur « stratégie thérapeutique ».

Dans ces conditions, on peut penser que la prise en charge, notamment des enfants présentant des infections ORL récidivantes, mais aussi des allergies, débute, de façon assez constante, par un ensemble de traitements médicochirurgicaux précédant, de façon volontariste, une éventuelle indication de cure thermale qui n’intervient que si la maîtrise de la déficience du terrain ne paraît pas suffisante.

Le mot stratégie thérapeutique est, probablement, le mieux approprié pour définir le type de prise en charge qui devrait être celui des patients destinés à suivre une cure thermale.

Mais le moment de la cure doit être parfaitement défini dans cette stratégie, ce qui n’est peut-être pas toujours le cas.

Il existe deux grands groupes d’indications en ORL : les indications infectieuses et les indications allergiques.

Ces affections font, en effet, appel à des eaux thermales différentes.

Mais quand on sait la fréquence de l’intrication des infections ORL et de l’allergie, on saisit parfois la difficulté de définir des priorités.

1- Indications en infectiologie oto-rhino-laryngologique :

Les infections ORL sont considérées comme les plus fréquentes en infectiologie générale, chez l’adulte mais surtout chez l’enfant.

C’est le caractère récidivant de ces infections qui est inquiétant.

En effet, les poussées infectieuses épisodiques sont, en général, bien maîtrisées par les thérapeutiques modernes dans la mesure où le traitement est bien adapté.

Parmi les facteurs favorisants de ces récidives, certains sont locaux, surtout si les infections n’apparaissent constamment qu’au même niveau, voire d’un même côté :

– pour les otites : la dysperméabilité tubaire, les infections torpides de la mastoïde ;

– pour les sinus : l’état des ostia et de la respiration nasale ;

– pour les amygdales : la morphologie cryptique, etc.

Les eaux sulfurées ou sulfatées sont les plus adaptées : ce facteur local de récidive peut être traité par :

– insufflations tubaires et aérosols manosoniques, pour la trompe d’Eustache ;

– lavages des fosses nasales et douches nasales ;

– aérosols manosoniques et Proëtz, pour les sinus ; – douches pharyngiennes et aquapuncture au pistolet, pour le cavum, les amygdales et l’oropharynx.

Mais le facteur le plus intéressant, dans le cadre des effets de la crénothérapie, est son rôle sur le facteur régional favorisant ces récidives infectieuses, représenté par un déficit fonctionnel de la muqueuse respiratoire.

Les infections, dans ces cas-là, sont plurifocales, le défaut d’action de la muqueuse respiratoire fragilisant tous les sites ORL (et des voies respiratoires inférieures) en même temps.

La véritable indication de la crénothérapie en ORL est là : réhabiliter les fonctions naturelles de la muqueuse respiratoire.

Ainsi, les indications de la crénothérapie en infectiologie, que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte sont les suivantes.

* Otologie :

– Les otites moyennes aiguës récidivantes : le rôle de la dysperméabilité tubaire est fréquent ; d’où l’intérêt de libérer le cavum afin de rétablir une respiration correcte, par les fosses nasales, grâce à l’adénoïdectomie.

– Mais cela explique aussi l’association fréquente otites séromuqueuses et otites moyennes aiguës.

L’action des gaz et eaux thermaux sur la trompe d’Eustache par insufflation et/ou aérosols manosoniques est donc particulièrement intéressante dans cette indication.

– De même, dans les poches de rétraction souvent générées par une dysperméabilité tubaire et les atélectasies de la caisse (otite adhésive).

Le fait que la cure thermale permette un traitement intensif sur 18 à 21 jours, auquel s’associe, chaque fois que c’est possible, une kinésithérapie adaptée à la dysperméabilité tubaire, représente un temps thérapeutique privilégié qu’il sera difficile de reproduire, ensuite, près du domicile.

Cela est valable, d’ailleurs, pour toutes les autres indications.

– Dans le cas des otites chroniques à tympan ouvert, la crénothérapie peut jouer un rôle important, non seulement par action sur la muqueuse de la caisse, mais aussi sur la trompe d’Eustache.

Elle peut représenter un temps préopératoire très utile.

– Évidement pétromastoïdien dont la cavité peut suppurer.

La cure thermale prépare valablement la muqueuse de la cavité d’évidement, avant une reprise chirurgicale éventuelle, et peut diminuer la suppuration.

De la même manière, en respectant un temps de 3 à 4 mois après la tympanoplastie, la cure thermale, par son action tubaire, peut éviter parfois la rechute.

* Rhinosinusologie :

Il faut, au préalable, que la respiration normale soit rétablie : ablation des végétations adénoïdes obstruantes, d’une polypose floride, rectification d’une déviation de cloison perturbant le passage de l’air, élimination de sécrétions abondantes, parfois purulentes, par lavages de nez à la pipette, irrigations nasales abondantes, aérosols, brumisation, humage, etc.

L’objectif est d’éviter la récidive des rhinopharyngites si fréquentes chez les enfants.

Par ailleurs, l’eau thermale peut pénétrer les sinus de la face : aérosols manosoniques, Proëtz.

Là aussi, il s’agit d’un temps privilégié de traitement, les conditions de la vie quotidienne ne permettant pas toujours l’application suivie de ces pratiques spécialisées en dehors de la cure.

La stagnation de l’eau thermale dans les sinus permet une action plus longue de celle-ci, en prolongeant le contact des éléments composant l’eau thermale avec la muqueuse des sinus.

* Sur le pharynx :

Les pharyngites chroniques diffuses ou granuleuses sont la conséquence d’une irritation tabagique, des infections rhinologiques, ou se voient après amygdalectomie.

Quant aux amygdales elles-mêmes, les angines récidivantes font l’objet d’une amygdalectomie à concevoir dans un schéma thérapeutique où il faut inclure la crénothérapie, afin, comme nous venons de le voir, de traiter le terrain et d’éviter les pharyngites chroniques ou granuleuses postamygdalectomie.

Par ailleurs, en cas de refus de l’amygdalectomie, la prise en charge thermale permet, souvent, d’obtenir une amélioration souvent dès la première cure.

En cas d’échec, l’acceptation de l’amygdalectomie sera plus aisée.

La douche pharyngienne représente la pratique la mieux adaptée à la thérapeutique amygdalienne.

Les amygdalites cryptiques chroniques caséeuses sont aussi une bonne indication, dans le même sens.

Encore que l’amygdalectomie ne se conçoive que s’il existe des poussées inflammatoires et infectieuses.

Quoi qu’il en soit, la crénothérapie peut avoir une action très précise sur les amas caséeux inclus dans les cryptes, par l’utilisation de douche pharyngée et, surtout, d’aquapuncture au pistolet.

Les paresthésies pharyngées et la rhinorrhée postérieure, d’expressions très diverses, et que l’on classe souvent (trop souvent) dans le cadre des manifestations psychosomatiques, sont une indication.

La crénothérapie, par son rôle de régénération de la muqueuse et de meilleur contrôle de la sécrétion des cellules à mucus, et par son action sédative, peut améliorer ces états difficiles à maîtriser.

Par ailleurs la douche pharyngienne répétée entraîne une relaxation musculaire des constricteurs du pharynx.

* Laryngo-trachéo-bronchologie :

Laryngites, trachéites, bronchites sont aussi des indications car elles peuvent être la conséquence d’infections descendantes, ou la conséquence d’infections chroniques pulmonaires (bronchopneumopathie chronique obstructive, séquelle de tabagisme, dilatation des bronches).

Soulignons aussi l’intérêt, au niveau bronchique, du traitement thermal associé à la kinésithérapie (drainante ou rééducative).

2- Indications en pathologie allergique :

S’il existe des indications spécifiques à l’allergie (rhinosinusite allergique associée ou non à d’autres manifestations allergiques : asthme, eczéma, conjonctivite, urticaire, etc), nous avons évoqué la fréquence des associations cliniques infections ORL et allergie ORL.

On a dit que les cures soufrées entraînaient une hyperéosinophilie et joueraient un rôle, expérimentalement, contre le choc histaminique.

Il arrive cependant que les patients allergiques ne « supportent » pas facilement les cures soufrées.

À l’évidence, les cures arsenicales sont les mieux adaptées.

* Rhinosinusite allergique :

La forme apériodique ou à recrudescence hivernale paraît être la meilleure indication.

L’hydrorrhée profuse, les éternuements, l’obstruction nasale parfois très handicapante, accompagnés d’une réaction muqueuse oedémateuse (décolorée, blanchâtre, ou lilas), représentent les signes habituels de cette affection, et nécessitent des eaux qui ne soient pas agressives, isotoniques, à pH proche de la neutralité.

Il convient aussi d’être attentif aux moyens d’hébergement et de s’assurer de l’absence de sites habituels d’acariens (literie, moquette, etc).

Les formes périodiques, comme le « rhume des foins », par exemple, et les sensibilisations botaniques, en général, seraient une moins bonne indication.

Dans ces cas-là, l’hypersensibilisation est, manifestement, prévalente et les cures thermales arsenicales ne sont envisagées qu’en thérapeutique d’appoint.

* Polypose nasale :

Son origine est très controversée, mais les réactions polypoïdes de la muqueuse, qui sont si fréquentes dans les états allergiques, montrent que certaines polyposes peuvent être d’origine allergique ou favorisées par l’allergie.

Il faut, au préalable, contrôler le terrain allergique et, si possible, faire disparaître les polypes pour que la crénothérapie arsenicale ait une chance d’efficacité.

* Rhinites hypertrophiques :

Les rhinites hypertrophiques avec hyperplasie et souvent hyperhémie de la muqueuse entrent dans un cadre nosologique difficile à définir.

L’indication des eaux arsenicales, dans ce cas, se discute, tout comme les cures soufrées d’ailleurs, tant que le facteur initial n’est pas contrôlé.

* Pharyngo-laryngo-trachéites spasmodiques :

C’est l’enfant (ou parfois l’adulte) « tousseur » de jour, mais aussi et surtout de nuit.

Toux quinteuse, sèche, non productive, coqueluchoïde, parfois « aboyante », dont l’origine est souvent difficile à préciser.

L’origine allergique est, souvent, vraisemblable, mais les infections descendantes, le reflux gastro-oesophagien, les causes irritatives (le tabac chez l’adulte) ou, plus vaguement, le « terrain » spasmodique, peuvent être aussi en cause.

* Laryngites striduleuses :

L’origine de ces accidents spectaculaires et inquiétants, constatés en général chez les jeunes enfants, en général la nuit, n’est pas parfaitement définie, même si l’allergie a été souvent évoquée du fait de l’apparition ultérieure, chez ces enfants, d’un asthme franc.

* Facteur adénolymphoïdien :

Hypertrophie, inflammation du tissu lymphoïde, réalisant des hyperplasies de ce tissu en région sous-glottique, rhinopharyngée et pavillon tubaire, laryngée ou de la base de langue, particulièrement après amygdalectomie précoce.

L’arsenic jouerait un rôle « antilymphoïde », agissant aussi sur les adénopathies cervicales chroniques hyperplasiques.

Cette action est sans doute indirecte, par effet d’abord sur la muqueuse.

Un traitement arsenical (comme le traitement soufré) permettrait peutêtre d’éviter une ablation des amygdales dans certains cas et d’activer l’action des lymphocytes.

3- Indications postopératoires de la crénothérapie :

Les interventions chirurgicales ORL entraînent, à des degrés divers, un traumatisme de la muqueuse respiratoire.

Il paraît donc intéressant de chercher à profiter du pouvoir de nettoyage, de drainage, de désobstruction des pratiques thermales tout en réalisant un traitement eutrophique et réparateur par l’eau et les gaz thermaux.

* Chirurgie otologique :

L’indication concerne surtout les chirurgies réalisées pour infection chronique de l’oreille moyenne, que ce soit les cavités d’évidement ou le traitement tubaire après tympanoplastie, afin d’éviter une insuffisance d’aération de la caisse.

De même, dans les otites séromuqueuses avec diabolos ou drains permanents (type tube de Good).

* Chirurgie rhinosinusienne :

Trois éventualités sont à considérer.

– La chirurgie pour infection ou trouble de la ventilation, septorhinoplastie mais surtout chirurgie des sinus.

Le nettoyage, lavage, désobstruction, élimination des suppurations ou de croûtes et, à terme, la recherche d’une régénération muqueuse, représentent d’excellents motifs de cures soufrées (Proëtz, aérosols manosoniques, douches nasales, etc).

– La chirurgie pour polypes avec ou sans ethmoïdectomie : on peut discuter ici, suivant le terrain et le contexte, l’utilisation de cures soufrées ou arsenicales.

Les cures thermales doivent entrer dans le projet thérapeutique de ces cas difficiles où la surinfection le dispute à la récidive dans une succession parfois désespérante.

– La chirurgie des tumeurs dont les séquelles constituent des cavités de la face mal aérées, siège de suppuration chronique et de réparation muqueuse difficile.

C – CONTRE-INDICATIONS DE LA CURE THERMALE :

Il est des contre-indications générales et formelles à la crénothérapie : toutes les grandes insuffisances viscérales (cardiaque, hépatique, rénale, sanguine, pulmonaire) ; le cancer, la tuberculose évolutive, l’infarctus du myocarde récent, l’hypertension artérielle compliquée d’accidents vasculaires ; les états cachectiques et la sénilité avancée, le syndrome de l’immunodéficience acquise (sida).

Doivent faire différer la date de la cure les maladies infectieuses, les affections aiguës, dont les affections allergiques ; notamment, on tient compte du calendrier pollinique et de son décalage suivant l’altitude, afin d’éviter l’exposition des enfants, en particulier, à une stimulation allergique.

Il est admis qu’il est difficile de faire suivre correctement une cure chez un enfant de moins de 3 ans et demi.

Pour réaliser des cures thermales en postopératoire chez les patients ayant subi des interventions chirurgicales, ORL notamment, rhinosinusiennes pour des pathologies infectieuses ou tumorales, ou après chirurgie otologique, il convient d’attendre au moins 1 mois et demi à 2 mois après l’opération pour ne pas risquer de déclencher des saignements.

Bien entendu, si une allergie au soufre ou à l’arsenic est connue, la cure est contre-indiquée.

En règle générale, bien des médecins pensent que la cure thermale est une thérapeutique anodine. L’expérience montre qu’il n’en est rien.

Les crises thermales, par exemple, sont des manifestations paradoxales survenant au cours d’une cure, sous la forme de signes généraux (asthénie, malaise général, contractures, etc) et de manifestations focales.

En dehors de cette classique crise thermale, on constate parfois l’apparition d’asthénie importante, physique et psychique, avec anorexie et perte de poids.

Cela démontre qu’il faut parfois être prudent dans les pratiques thermales, chez les très jeunes enfants, mais, surtout à l’autre extrémité des âges, chez les personnes âgées.

Réglementation et thermalisme social :

La réglementation des cures thermales par les organismes de Sécurité sociale s’est modifiée depuis quelques années.

Elle est régie par une convention nationale instituée par la loi n° 96-452 du 28 mai 1996, article 28 (Code de la Sécurité sociale, article L162.39 à L162- 42).

La convention actuelle a été signée le 5 mars 1997 et a été approuvée par l’arrêté interministériel du 30 avril 1997 (Journal officiel [JO] n° 114 du 17 mai 1957, page 7 466).

Les tarifs sont fixés chaque année par une annexe à cette convention.

Les frais de surveillance et de traitement sont remboursés sans condition de ressources en tant que prestations en nature légales (PN légales).

En revanche, les assurés dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond peuvent bénéficier d’autres avantages en nature (indemnité de déplacement et de séjour) et d’avantages en espèces (indemnités journalières) : ce sont les prestations en nature supplémentaires (PN supplémentaires).

Pour les cas particuliers, il faut se renseigner auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS, 56, avenue du Maine, 75014 Paris, téléphone : 01 42 79 30 30).

Lors de la convention signée le 5 mars 1997, un arrêté interministériel du 12 mars 1997 (JO du 19 mars 1997) a décidé la suspension de l’entente préalable des organismes de Sécurité sociale, entente qui était nécessaire, auparavant, pour ouvrir le droit à remboursement.

Il suffit, aujourd’hui, que le médecin et le patient remplissent le formulaire spécial de la Sécurité sociale, F 3185, pour obtenir le remboursement de la Sécurité sociale.

Ce formulaire doit être envoyé 3 mois au minimum avant la date prévue de la cure thermale. Il est admis qu’une cure thermale dure 18 à 21 jours.

La définition de cette durée est quelque peu empirique et remonte à la plus haute Antiquité, période où la balnéothérapie était prescrite pendant 21 jours.

Si la cure a été interrompue pour raison majeure, un remboursement est possible sur la base du nombre de jours de traitement réellement suivi.

Le mode de remboursement diffère si le curiste est un adulte, un enfant accompagné ou si l’enfant est admis dans une maison d’enfants (arrêté du 25 août 2000).

Si l’enfant est admis en maison d’enfants, les frais de séjour sont fixés par un prix de journée qui couvre l’ensemble des frais d’hospitalisation suivant le tarif de remboursement de la Sécurité sociale (75 à 100 %). Par ailleurs, deux voyages aller-retour par la Société nationale de chemins de fer (SNCF) en deuxième classe (enfant + accompagnant) sont prévus dans le remboursement, sous certaines conditions de ressources.

Toutes les autres prestations font partie des droits normaux de tous les assurés sociaux :

– frais médicaux ou de surveillance médicale : taux de remboursement 70 ou 100 % ;

– soins thermaux ou forfait thermal ou traitement thermal : 65 ou 100 %.

Le forfait thermal, versé à l’établissement thermal, concerne les traitements thermaux courants.

Quant aux frais médicaux, ou surveillance médicale, ils couvrent les consultations thermales médicales de surveillance et les pratiques thermales ORL particulières, essentiellement :

– les douches pharyngiennes (18 au maximum par cure) ;

– les Proëtz (10 maximum par cure) ;

– les insufflations tubaires (15 au maximum par cure).

Il apparaît, d’autre part, qu’une seule cure ne suffit pas pour obtenir un bon résultat, quelle que soit l’indication.

L’intervalle entre chaque cure est, habituellement, de 1 an.

Il semble que trois cures soient nécessaires habituellement pour obtenir un résultat stable satisfaisant dans le cadre des infections ORL récidivantes de l’enfant.

Cependant, la réglementation n’est pas précise dans ce domaine, à juste titre car l’effet du traitement est très variable selon les indications, l’âge, le terrain.

Dans le cadre des infections de l’enfant, il arrive qu’après trois cures, on respecte une pose thérapeutique de 1 an et on renouvelle une quatrième cure l’année suivante si le résultat ne paraît pas satisfaisant.

De même, sur des terrains allergiques, chez l’adulte dans le cas de pathologies chroniques difficiles à contrôler (sinusites, cavités postopératoires, etc), le nombre de cures thermales ne peut pas être déterminé à l’avance.

Pratiques thermales en oto-rhino-laryngologie :

A – PRATIQUES COURANTES :

1- Pratiques à action locale :

– Lavages de nez à la pipette : apprendre à se laver le nez, quel que soit l’âge, est certainement une action éducative, dépendant du médecin comme du personnel de cure et d’une importance considérable pour la suite du traitement, surtout chez les enfants qui ne savent pas ou savent mal se moucher.

Libérer ainsi les fosses nasales est essentiel pour que les autres pratiques thermales soient efficaces.

– L’irrigation nasale est réalisée par une canule nasale branchée sur un flacon d’eau thermale pour permettre un « grand lavage » des fosses nasales (surtout en cas de suppuration).

– La douche rétronasale à la canule de Moure.

– Le gargarisme agit sur la muqueuse de l’oropharynx et n’est pas toujours facile à réaliser s’il existe un important réflexe nauséeux.

– La pulvérisation du pharynx où un jet d’eau thermale tamisée est projeté sur le pharynx.

– Le humage est une inhalation de vapeurs et de gaz réalisant un humage-nébulisation constitué de fines gouttelettes d’eau thermale qui se déposent sur la muqueuse respiratoire depuis les fosses nasales jusqu’aux bronches.

– Les aérosols : on utilise actuellement des aérosols pneumatiques émettant des microparticules de 3 à 10µm qui se déposent sur la muqueuse respiratoire de l’arbre aérien, depuis les fosses nasales jusqu’aux alvéoles.

Les aérosols soniques, par l’action d’infrasons, qui augmentent le mouvement des particules facilitent leur pénétration dans les sinus.

Les aérosols manosoniques ajoutent au dispositif précédent un circuit de compression permettant l’insufflation des trompes d’Eustache.

– La kinésithérapie respiratoire : indispensable à la prise en charge des pathologies bronchopulmonaire souvent associées aux pathologies ORL.

2- Pratiques à action générale :

– La « buvette » : l’absorption d’eau thermale permettrait d’activer les centres germinatifs digestifs des plaques de Peyer et d’utiliser aussi les oligoéléments par voie générale (cf chapitre Mode d’action de la crénothérapie).

– La douche au jet, sédative ou tonifiante.

– La balnéothérapie, pour une détente physique et psychique permettant aussi une inhalation des vapeurs de surface et une pénétration percutanée du soufre.

B – PRATIQUES THERMALES MÉDICALES PARTICULIÈRES :

Elles sont au nombre de trois.

– Le lavage des sinus par la méthode de Proëtz, dite « méthode de déplacement ».

L’aspiration élimine les sécrétions stagnant dans les sinus alors que l’eau thermale y pénètre et agit ainsi sur la muqueuse.

C’est une manière simple de faire pénétrer l’eau thermale dans les sinus.

Le maximum de séances remboursables par la Sécurité sociale est de dix pour une cure.

– Les insufflations tubaires réalisées la plupart du temps avec une sonde d’Itard glissée dans la fosse nasale jusqu’au contact du pavillon tubaire, les gaz thermaux pénétrant, sous pression mesurée, dans la trompe d’Eustache, par l’intermédiaire de la sonde, agissent directement sur la muqueuse de la trompe.

Le maximum de séances remboursables par la Sécurité sociale est de 15 pour une cure.

– La douche pharyngienne et l’aquapuncture phayngée.

On utilise un « pistolet pharyngien » .

La douche, plus ou moins filiforme, est réalisée sous contrôle de la vue.

Elle réalise un nettoyage-décapage du pharynx, un hydromassage de la paroi postérieure, une vasodilatation de la circulation muqueuse et augmente l’imprégnation soufrée.

Elle permet, enfin, le nettoyage des cryptes amygdaliennes en éliminant les amas caséeux qu’elles contiennent.

Résultats :

Comme nous le verrons dans le chapitre suivant sur la recherche, le jugement des résultats n’a pu se faire, jusqu’à aujourd’hui, que grâce à des études cliniques comparatives ou par des études statistiques a posteriori.

Nous ne disposons pas encore aujourd’hui d’études menées selon une méthodologie scientifiquement établie type double insu, car il est très difficile d’adapter de telles méthodes aux cures thermales.

Parmi les maladies de l’appareil respiratoire, celles qui prédominent sont les sinusites et rhinopharyngites, puis, en allergologie, l’asthme, la bronchite chronique.

La pathologie de l’oreille, la rhinite allergique et la laryngite chronique sont moins fréquentes.

Dans l’étude réalisée en 1983-1986 présentée par le professeur Laroche, le résultat a été apprécié en fonction des cures réellement effectuées et sur l’effet des cures thermales sur l’état de santé du malade selon les critères suivants :

– amélioration (importante ou modérée) ;

– stabilité (amélioration faible ou nulle) ;

– aggravation. Les aggravations concernent 8 à 10%des patients qui n’ont pas suivi de cure contre 2 % chez ceux qui l’ont suivie.

De même, la consommation des soins est inversement proportionnelle à l’assiduité des curistes.

A – RÉSULTATS SUR LES INFECTIONS OTO-RHINO-LARYNGOLOGIQUES :

Une enquête, elle aussi assez ancienne (1974) mais importante, portant sur 2 651 curistes, a été réalisée par le corps médical de Luchon ; 229 questionnaires ont, par ailleurs, été envoyés aux médecins prescripteurs.

Les indications sont :

– fosses nasales et sinus représentant la majorité des indications, respectivement 50,9 % et 43 % ;

– 37,5 % concernent les infections amygdaliennes ;

– 30,2 % la pathologie des oreilles (en majorité des enfants bien sûr).

Les résultats, globalement, sont très favorables et favorables, toutes indications confondues, dans 88,6 % après la première cure et 92,5 % après la deuxième cure.

Les soins diminuent après les cures (deuxième cure), 69,4 % des consultations, 72,4 % des traitements.

Ce résultat est particulièrement satisfaisant chez les enfants (moins de 9 ans), 94,3 % de résultats favorables après deux cures.

Une statistique, publiée en 1997, concernant les cures ORL à Uriage, confirme ces résultats.

L’effet des cures thermales sur la pathologie de l’oreille moyenne a été un des sujets d’étude les plus fréquents.

L’otite séromuqueuse (OSM) a fait l’objet d’une analyse récente par Deguine.

Déjà, Comet et Mortagne ont montré que, sur 190 curistes présentant une OSM, 73 % des enfants et 57 % des adultes ne nécessitaient plus de mise en place d’aérateur transtympanique.

L’intérêt de la crénothérapie a été rappelé dans un rapport de la Société française de 1996.

B – RÉSULTATS SUR L’ALLERGIE :

Les résultats spécifiques concernant l’allergie ORL ne sont, généralement, pas étudiés de façon particulière.

La plupart des travaux évoquent les résultats de façon globale sur les « voies respiratoires ».

Les très bons résultats, avec guérison apparente, représentent 46 % des cas mais on sait malheureusement qu’il est souvent plus difficile de faire disparaître une rhinosinusite allergique qu’un asthme dont l’intensité, d’ailleurs, diminue avec l’âge (23 % d’évolution spontanée favorable), ce qui est moins souvent le cas pour la rhinosinusite allergique.

Les bons résultats (forte réduction de la fréquence et de l’intensité des poussées allergiques) représentent 36 % des cas et les résultats médiocres ou nuls 18 %.

Le problème principal est celui de la rechute.

Lorsque les résultats, après trois cures, ont été très bons, voire bons, la rechute survient dans 12 % des cas et, dans la moitié des cas seulement, il s’agit de rechutes graves.

Ce qui légitime la prescription de cures dites « de rappel ».

Au total, il apparaît que les études cliniques réalisées confirment l’appréciation favorable que les médecins, et surtout les spécialistes ORL, ont toujours eue concernant l’efficacité des cures thermales, surtout en infectiologie ORL.

Il n’en reste pas moins vrai que, depuis des années, les chercheurs multiplient les travaux pour comprendre les mécanismes d’action des eaux thermales, et cherchent à mettre en place des protocoles de recherche clinique qui puissent apporter un jugement objectif sur les effets des eaux et gaz thermaux, afin de libérer la crénothérapie de l’impression d’empirisme méthodologique et de subjectivité dans l’appréciation de ces résultats.

C’est donc à la recherche qu’il faut demander d’améliorer la crédibilité de ce traitement.

Recherche en crénothérapie :

Constater l’efficacité clinique de la crénothérapie n’a évidemment pas suffi pour satisfaire l’esprit scientifique des responsables médicaux de ces traitements.

Les recherches sur les eaux thermales existent depuis très longtemps mais se sont particulièrement développées depuis l’après-guerre.

A – ÉTUDES CHIMIQUES :

Ces recherches ont montré qu’on ne peut pas attribuer l’activité de l’eau thermale à un seul élément constitutif.

Les moyens modernes de spectrophotométrie, spectrométrie d’absorption atomique, titrimétrie avec électrodes spécifiques, chromatographie liquide à haute pression (HPLC) anionique, etc, ont permis de multiplier les mesures, d’être plus précis dans l’analyse, notamment entre l’émergence et le lieu de l’utilisation.

B – ÉTUDES PHARMACOLOGIQUES :

Déjà, Billard, dès 1926, a montré le pouvoir antianaphylactique de certaines eaux thermales.

Chevance, Debidour et Hanoun ont montré, chez le lapin, après avoir marqué les cellules lymphoplasmocytaires de la muqueuse nasale, que les cures arsenicales (Le Mont-Dore) provoquent une immunostimulation de cette muqueuse.

Elle peut alors élaborer de grandes quantités d’immunoglobulines susceptibles de devenir spécifiques d’un nouvel antigène.

En France, l’université de Clermont-Ferrand, avec les stations thermales de La Bourboule et du Mont-Dore, a réalisé un travail important dans ce domaine : étude de la pénétration de l’arsenic en fonction des modes d’administration à partir des travaux de Hunter et de Guichard.

D’autres auteurs se sont attachés aussi à étudier le mode d’action de l’arsenic par l’aérosolthérapie, à la suite des travaux de Riu, Renon et Sade (trompe d’Eustache) et Erb.

Tous ces travaux sont difficiles et complexes car, s’il est possible de travailler aujourd’hui expérimentalement sur des cultures stables de muqueuse respiratoire (technique dont la mise au point est récente), cela ne peut concerner que des études de principes actifs simples.

L’instabilité de l’eau thermale explique l’installation de laboratoires sur les sites thermaux et la mise en place de technologies complexes.

Il faut surtout développer la recherche clinique.

L’évolution des techniques d’évaluation scientifique des effets d’un traitement particulier comme la crénothérapie permet d’envisager des essais thérapeutiques d’interprétation fiable et objective.

Conclusion :

La crénothérapie représente aujourd’hui, en infectiologie ORL surtout, mais aussi en allergologie, un moyen thérapeutique efficace au point qu’elle représente la véritable clef de voûte d’une stratégie thérapeutique où son action est destinée à améliorer les conditions régionales (muqueuse respiratoire) et générales (immunologique) de maîtrise de ces affections si fréquentes et préoccupantes chez l’adulte, mais surtout chez l’enfant.

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