Corps étrangers de l’oesophage

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Corps étrangers de l’oesophage
Introduction :

Malgré les progrès réalisés dans le domaine du diagnostic et de la prise en charge en médecine d’urgence, les corps étrangers de l’oesophage restent un véritable challenge du fait de leur fréquence et du coût du traitement.

Si la mortalité a considérablement diminué au cours des cinquante dernières années, ils restent source de morbidité, soit du fait de leur nature, soit du fait qu’ils sont méconnus.

Historique :

Il y a un siècle environ, la mortalité liée à l’ingestion d’un corps étranger était de 57 %.

Depuis le travail publié par Chevalier-Jackson, en 1957, qui faisait état de 2 % de mortalité après extraction par voie endoscopique, toutes les publications récentes s’accordent pour dire que le risque est actuellement très faible, inférieur à 1 %.

Cet excellent pronostic est lié à l’amélioration de la prise en charge par les urgentistes et des techniques d’extraction, quelles qu’elles soient, même si l’oesophagoscopie reste encore la plus utilisée.

Épidémiologie :

A – FRÉQUENCE :

Parmi les corps étrangers des voies aérodigestives supérieures, les corps étrangers de l’oesophage représentent environ 60 % des cas, soit deux fois plus fréquents que les corps étrangers bronchiques en particulier chez l’enfant.

Cependant, 80 à 90 % des corps étrangers de la voie digestive migrent spontanément dans l’estomac ; seuls 10 à 20 % d’entre eux nécessitent une extraction endoscopique et 1 % une ablation par voie chirurgicale.

B – ÂGE :

Les corps étrangers concernent avant tout l’enfant de moins de 6 ans, 76 % sur 663 cas et l’adulte de plus de 50 ans.

Chez l’enfant, la moyenne d’âge de survenue est de 2,6 ans sur une étude portant sur 1 269 cas ; ils restent exceptionnels chez le nourrisson.

Chez l’adulte, le pic de fréquence se situe dans la 70e année et les auteurs soulignent le rôle favorisant d’une prothèse dentaire du fait de l’absence de contact alimentaire avec la muqueuse du palais.

C – NATURE DES CORPS ÉTRANGERS :

La nature des corps étrangers varie selon l’âge.

1- Pièces de monnaie :

Elles représentent le corps étranger le plus fréquent chez l’enfant : 50 à 86,5 % des cas. Elles sont à l’origine de rares complications.

2- Petits jouets métalliques ou plastiques :

Ils sont plus rares du fait des normes de sécurité actuellement appliquées dans la fabrication des jouets pour les enfants de moins de 36 mois : leurs dimensions doivent être d’un diamètre supérieur à 3 cm.

3- Corps étrangers alimentaires :

Ils sont plus volontiers l’apanage de l’adulte dans 68 à 84 % des cas.

Chez l’enfant, ils sont rarement responsables d’une obstruction, en dehors de conditions anatomiques prédisposantes telles qu’une atrésie de l’oesophage opérée en période néonatale.

Chez l’adulte, en règle de plus de 60 ans, Brossard retrouve 61 % d’arêtes ou d’os, 26 % de conglomérat alimentaire et 4 % de dentiers.

Ces derniers, certes rares, représentent un réel danger en raison du risque de perforation notamment chez un sujet âgé.

Selon les habitudes alimentaires, le type de corps étranger varie : 40 % d’arêtes de poisson dans une étude asiatique, contre 4 % dans une étude européenne.

4- Autres :

Certains corps étrangers doivent être mentionnés à part en raison du risque sur le plan local ou général : les piles « bouton » ou cylindriques, utilisées dans les jouets électroniques, appareils photo ou vidéo, voire les prothèses auditives comme le souligne Litovitz notamment chez l’enfant (40 % des cas).

Leur fréquence est multipliée par quatre ; 153 cas en 1983 contre 528 en 1989 mais la création d’une étude nationale aux États-Unis devrait permettre de développer une action préventive efficace.

Elles constituent une urgence vitale en raison du risque de perforation oesophagienne.

Le body bagger syndrome est un phénomène de société : les trafiquants ou les drogués peuvent ainsi véhiculer des paquets de 3 à 5 g de cocaïne en les avalant ; toutefois, la rupture accidentelle du sachet libère brutalement une dose massive de cocaïne, mortelle.

L’ablation d’un tel corps étranger nécessite un opérateur entraîné et un matériel adapté ainsi que la présence des réanimateurs.

5- Corps étrangers multiples :

Ils ne sont pas exceptionnels : 3 à 6% des cas selon les auteurs.

D – TERRAIN :

De grandes variations sont également observées selon le terrain :

– fréquence des corps étrangers métalliques lors des ingestions volontaires chez l’adulte, notamment en milieu carcéral ;

– fréquence des corps étrangers accidentels chez des patients neurologiques, psychiatriques ou de vigilance réduite, risque des hypnotiques ;

– fréquence des bézoards (lactobézoard, phytobézoard, trichobézoard) chez des adolescents ou de jeunes patients aux antécédents d’oesophagite corrosive ou d’atrésie ou atteints de retard mental, voire psychiatriques.

Physiopathologie :

A – SIÈGE DU CORPS ÉTRANGER :

Trois rétrécissements physiologiques de l’oesophage, l’un supérieur au niveau de la bouche de l’oesophage, l’autre au tiers moyen lié à l’empreinte aortique à hauteur de D3-D4, le dernier inférieur au cardia, conditionnent le siège des corps étrangers ; 78 % d’entre eux restent bloqués à la bouche de l’oesophage, contre 13 % au tiers moyen et 18 % au cardia.

D’après Giordano, le siège du corps étranger est lié en partie à sa nature : si les pièces sont essentiellement retrouvées sous la bouche de l’oesophage, les fragments de viande sont plus volontiers enclavés au cardia.

B – ATTEINTE OESOPHAGIENNE :

En cas d’enclavement du corps étranger sous la bouche de l’oesophage, il faut rechercher une pathologie préexistante telle une sténose quelle qu’en soit l’origine, congénitale ou acquise, peptique, caustique ou néoplasique.

Chez l’enfant, une pathologie oesophagienne est retrouvée dans 14 % des cas ; l’étiologie la plus fréquente est une atrésie de l’oesophage opérée en période néonatale.

Pour Lemberg, les corps étrangers alimentaires sont plus fréquents chez le grand enfant : 7 % pour les moins de 5 ans, 31 % pour les enfants âgés de plus de 5 ans ; chez ces derniers, il retrouve une pathologie préexistante dans 79 % des cas, qu’il s’agisse d’une anomalie congénitale ou d’une sténose acquise.

Dans l’étude de McPherson, 17 % des enfants avaient été opérés d’une sténose d’origine caustique et deux cas avaient subi une fundoplicature.

Ces antécédents sont soulignés chez l’adulte par d’autres auteurs.

Chez l’adulte, le travail de Robbins met en évidence un trouble de la motricité de l’oesophage dans 69 % des cas avec sténose ; de cette étude sont exclus les diverticules et la pathologie néoplasique.

Le risque lésionnel au niveau de l’oesophage est fonction du type de corps étranger.

Les pièces de monnaie, les médailles, même de gros diamètre, sont en règle peu agressives sauf en cas de diagnostic tardif : Doolin rapporte le cas d’un enfant où le diagnostic a été porté 1 an après l’ingestion d’une pièce, sur des signes respiratoires ; il a développé ultérieurement une sténose ; de même, Cass décrit le cas d’un enfant ayant présenté une perforation de l’oesophage.

Gilchrist rapporte des complications perforatives après ingestion de pièces (deux cas) et d’une médaille.

Dans l’étude de Crysdale, bien qu’il s’agisse dans la plupart des cas de corps étrangers contondants, on retrouve un oesophage normal dans 50 % des cas ; un aspect érythémateux est constaté dans 7 %, un oedème dans 6,5 % et une ulcération dans 6 % des cas.

Les corps étrangers contondants peuvent être responsables de lésions de gravité variable allant de la simple érosion muqueuse à la perforation ; le délai écoulé entre l’ingestion et le diagnostic supérieur à 24 heures pour Singh est un facteur aggravant de même que les tentatives d’extraction aveugles infructueuses.

Le risque de perforation prédomine au niveau de l’oesophage cervical.

Sur une étude de 2 394 cas, Nandi retrouve une médiastinite et 25 perforations oesophagiennes lors du diagnostic initial.

L’âge est un facteur prédisposant : ces complications sont plus fréquentes de façon significative chez les patients âgés.

Les corps étrangers alimentaires (os, arêtes) ou dentaires comportent en outre un risque infectieux avec formation d’un abcès sousmuqueux, responsable d’une cellulite, voire d’une médiastinite.

La migration du corps étranger au travers de la muqueuse oesophagienne, réalisant un corps étranger intramural, est exceptionnelle ; quatre cas dans l’étude de Crysdale ont nécessité une laparotomie ou une thoracotomie.

Harihar en rapporte un cas.

Certaines complications exceptionnelles doivent être mentionnées telles que : une fistule oesoaortique (86 cas dans la littérature mondiale), oesocarotidienne (deux cas), dans la veine azygos, dans l’artère sous-clavière, ou encore bronchooesoaortique.

Les piles « bouton » provoquent quant à elles des brûlures de l’oesophage ; le risque est fonction de la composition de la pile et de l’étanchéité de son contenant ; la solution ainsi libérée, alcaline, corrosive, entraîne une nécrose si la pile reste enclavée au niveau de l’oesophage ; cependant près de 90 % des piles transitent spontanément dans l’estomac, voire au-delà, en 2 à 3 jours.

Les piles au mercure comportent un risque supplémentaire du fait de la toxicité associée.

Diagnostic :

A – SUR LE PLAN CLINIQUE :

Soixante à 80 % des patients se présentent dès les 24 premières heures après l’ingestion.

1- Interrogatoire :

Il recherche la notion d’un syndrome de pénétration, d’une gêne douloureuse à la déglutition, d’une dysphagie, voire d’une aphagie, d’apparition brutale.

Le siège de la douleur, sus-sternal, rétrosternal ou épigastrique n’a aucune valeur localisatrice ; l’aggravation de la douleur à chaque mouvement de déglutition est, en revanche, symptomatique.

Chez l’enfant, la symptomatologie est beaucoup plus trompeuse : il faut être attentif aux observations de l’entourage : notion de vomissements, de refus alimentaire, d’hypersialorrhée.

Ils sont volontiers asymptomatiques dans 8 à 20% des cas.

Webb rapporte 16 % de corps étrangers de découverte radiologique.

Certains signes respiratoires doivent alerter tels que : quintes de toux, dyspnée, stridor témoignant d’une compression respiratoire notamment chez le petit enfant, 33 % des cas pour McPherson.

Healy souligne la nécessité de réaliser de principe une endoscopie oesophagienne en cas de trachéobronchoscopie négative devant une suspicion de corps étranger des voies aériennes.

La fréquence des signes respiratoires augmente avec la durée de séjour du corps étranger du fait de la compression trachéale chez l’enfant, de la dilatation oesophagienne ou de l’inflammation tissulaire de proximité.

C’est dire l’importance de l’interrogatoire et de la symptomatologie clinique aussi fruste soit-elle, pour poser l’indication d’une endoscopie.

2- Examen clinique buccopharyngé :

Il doit être précis, explorant les loges amygdaliennes, la base de langue et les vallécules à la recherche d’un corps étranger alimentaire ou d’une plaie muqueuse.

La palpation cervicale peut mettre en évidence une douleur à la mobilisation du squelette laryngé, liée à une lésion du sinus piriforme, ou un emphysème sous-cutané cervical, témoin d’une complication à type de perforation.

L’auscultation pulmonaire doit être systématique, de même que la recherche d’une défense abdominale ou d’un syndrome fébrile.

B – BILAN D’IMAGERIE :

Le diagnostic d’un corps étranger radio-opaque est en principe aisé sur des clichés standards : ce bilan est positif dans 84 % des cas chez l’enfant.

Le bilan d’imagerie reste d’interprétation difficile pour les corps étrangers de petite taille chez l’adulte, en raison des calcifications des structures cartilagineuses : 30 % de diagnostic radiologique.

Il est nécessaire de réaliser des clichés de face et de profil et de visualiser toute la région cervicale et thoracique, voire abdominale chez l’enfant.

En cas d’ingestion d’une pile « bouton », l’examen radiologique doit être réalisé dès que possible pour situer le corps étranger et procéder à son extraction dans les plus brefs délais du fait du risque corrosif qui survient 4 heures après l’ingestion ou de perforation dès la sixième heure.

L’utilité de l’examen radiologique réside aussi dans le dépistage des complications : pneumothorax et pneumomédiastin sont facilement mis en évidence ; le décollement des parties molles rétropharyngées avec espace clair prévertébral, signe de Minnigerode, est souvent discret et doit être minutieusement recherché.

Ces aspects témoignent d’une perforation.

En cas de doute, certains auteurs proposent de réaliser une opacification barytée de l’oesophage en cas de corps étranger non radio-opaque.

Cette attitude est discutable : si la présomption est forte, il semble licite de proposer d’emblée une exploration endoscopique.

Le transit baryté retarde et gêne l’oesophagoscopie ; il représente d’autre part un risque infectieux en cas de perforation non diagnostiquée.

Enfin Watanabe propose une étude tomodensitométrique pour certains corps étrangers alimentaires tels les arêtes de poisson fichées dans la paroi oesophagienne ; cet examen visualise un corps étranger de petite taille et les lésions inflammatoires muqueuses associées.

Attitude thérapeutique :

A – MÉTHODES ENDOSCOPIQUES :

Elles restent les plus utilisées.

1- OEsophagoscopie :

Le matériel d’oesophagoscopie rigide est particulièrement performant.

L’éclairage fourni par le générateur de lumière froide est puissant et peut être complété d’optiques grossissantes à éclairage distal ; les tubes sont de longueur et de calibre adaptés à l’âge, au morphotype du patient, au type et au siège du corps étranger.

L’instrumentation comporte une aspiration rigide ou souple et un jeu de pinces à griffes, à mors, à double cuillère permettant la préhension correcte de tous les types de corps étranger, sans pour autant les effriter ; des pinces biopsiques ou des cisailles peuvent parfois être utilisées pour fragmenter sur place un corps étranger volumineux ou enclavé avant de l’extraire sous contrôle de la vue et en introduisant son extrémité acérée dans l’endoscope.

Une anesthésie générale avec intubation est nécessaire ; la myorelaxation est importante pour éviter le spasme de la bouche de l’oesophage lors du passage du tube ou lors du retrait du corps étranger.

Un jeûne de 6 heures doit être respecté pour l’anesthésie, sauf en cas de signes respiratoires, en particulier chez le petit enfant.

Une coopération étroite entre l’opérateur et l’anesthésisteréanimateur est impérative pour éviter tout laryngospasme car l’endoscopie est un geste très réflexogène.

Toute l’exploration endoscopique et l’extraction doivent être effectuées sous contrôle visuel pour localiser le corps étranger et apprécier sa forme, sa consistance et le degré d’enclavement dans la muqueuse.

Le choix de la pince adaptée permet alors l’extraction prudente, si possible au travers du tube d’endoscopie.

Un contrôle complet de l’oesophage est réalisé afin de mettre en évidence des lésions muqueuses ou un éventuel corps étranger résiduel.

Si nécessaire, en fonction de l’état de la muqueuse, une sonde nasogastrique est mise en place sous contrôle de la vue.

La surveillance postopératoire est fonction du type de corps étranger et des difficultés d’extraction : la prise du pouls, de la tension artérielle, de la température est habituelle ; la recherche d’un emphysème sous-cutané cervical, ou médiastinal, ainsi que la palpation de l’abdomen sont impératives.

Les avantages de cette technique, bien connue des oto-rhinolaryngologistes, ne sont plus à démontrer.

Le contrôle visuel constant est une sécurité et sa fiabilité est grande, évaluée à 79 voire 98 % selon les auteurs.

Ses inconvénients sont liés à la nécessité d’une anesthésie générale, à ses risques propres, et à son coût : ouverture d’un bloc opératoire, hospitalisation.

Les risques propres sont en règle mineurs : oedème laryngé, toux et stridor à l’extubation dans 13 % des cas.

2- Fibroscopie :

L’endoscopie au tube souple nécessite un jeu de fibroscopes de calibres et de longueurs variables adaptés au poids et à l’âge. Il doit comporter idéalement un double canal opérateur pour permettre à la fois l’insufflation ou l’aspiration et le passage des instruments d’extraction. Le béquillage de l’extrémité permet de suivre la lumière de l’oesophage et de contrôler la prise du corps étranger.

Chez l’enfant de moins de 5 kg, on dispose d’un fibroscope d’un diamètre de 5,9 mm, d’une longueur de 605 mm, le béquillage étant bidirectionnel avec un seul canal opérateur.

Au-delà de 5 kg, le fibroscope utilisé a un calibre externe de 9 mm, une longueur de 1,10 m, un béquillage quadridirectionnel et un double canal opérateur.

Chez l’adulte, du fait d’un diamètre plus élevé (9,8 mm), le fibroscope, à béquillage multiple, comporte un canal opérateur d’un diamètre de 2,8 mm ce qui autorise le passage d’autres instruments de préhension.

L’instrumentation comprend un jeu de pinces, une anse diathermique, un extracteur tripode ou en « panier ».

La fibroscopie est effectuée le plus souvent sous prémédication et anesthésie locale.

Le fibroscope est introduit dans la cavité buccale au travers d’un cale-bouche pour éviter la morsure accidentelle des fibres optiques et, une fois franchie la bouche oesophagienne, contrôle la lumière de l’oesophage distendu par l’insufflation, ce qui facilite l’exploration des parois et le désenclavement du corps étranger.

Les avantages de cette technique sont certains, l’absence d’anesthésie générale en particulier et la possibilité de réaliser une exploration complète de la cavité gastrique sont un réel bénéfice pour le patient.

La morbidité pour Webb est moindre avec un taux de succès de 98 % et son coût est inférieur à l’oesophagoscopie au tube rigide qui serait jusqu’à 72 % plus onéreuse en cas d’hospitalisation.

Ses inconvénients sont liés au passage aveugle de la bouche oesophagienne, à l’impossibilité d’extraire le corps étranger de manière protégée au travers du canal opérateur donc un risque plus important de blessures muqueuses selon le type de corps étranger.

B – TECHNIQUE RADIOLOGIQUE :

Cette technique, préconisée par les radiologues et les pédiatres, utilise un cathéter de Foley de calibre 12 à 16 muni d’un ballonnet de 5 mL.

Après repérage sous scopie du corps étranger, la sonde est introduite par le nez ou par voie buccale puis placée sous contrôle radiologique sous le corps étranger ; le ballonnet est gonflé avec un produit de contraste hydrosoluble et la sonde est retirée prudemment, entraînant avec elle le corps étranger qui sera récupéré dans la cavité buccale.

Cette technique nécessite une parfaite immobilisation du patient non anesthésié en position de décubitus latéral droit et en Trendelenburg pour éviter l’enclavement laryngé du corps étranger lors de l’extraction.

Une variante de cette technique utilise la sonde panier de Dormia introduite au travers d’une sonde alimentaire, analogue à celle utilisée en fibroscopie, pour les corps étrangers mousses ou sphériques.

L’avantage essentiel réside dans l’absence d’anesthésie et même de prémédication.

Le taux de succès est de 91 % pour Schunk avec un coût réduit.

Le risque de complication mineure est de 2 % à type d’épistaxis ou de vomissements.

Les auteurs notent 1 % de complications graves, soit quatre cas sur 378 tous liés à des corps étrangers datant de plus de 3 jours.

L’inconvénient essentiel est l’absence de contrôle de l’oesophage et donc la méconnaissance d’un corps étranger résiduel ou de lésions muqueuses.

Enfin, Towbin propose l’utilisation d’une sonde munie d’un aimant distal pour l’extraction des corps étrangers métalliques mousses.

C – BOUGIRAGE :

Cette technique, décrite initialement par Bonadio, est effectuée sans anesthésie, à l’aide d’une bougie dilatatrice de Hurst de calibre 28 à 40 selon l’âge du patient.

Le but est de pousser le corps étranger dans la cavité gastrique pour suivre ensuite un transit spontané.

Le coût de cette technique représente un avantage certain avec une efficacité de 93 %.

Ses indications sont strictes pour l’auteur : il s’agit d’un premier corps étranger, à type de pièce de monnaie, unique, ingéré depuis 24 heures au plus, localisé à l’oesophage, chez un enfant sans antécédent médical ou chirurgical, ne présentant pas de signe respiratoire.

Les auteurs insistent sur l’entraînement préalable de l’opérateur.

Les indications sont donc très limitées ; il n’existe aucun contrôle de la muqueuse en dehors de deux cas qui ont subi une endoscopie secondaire nécessitée par la persistance du corps étranger dans l’estomac.

D – TRAITEMENT MÉDICAL :

Depuis la première publication de Richardson en 1945, on retrouve dans la littérature 90 cas de corps étrangers alimentaires traités par absorption d’une solution aqueuse de papaïne.

Cette technique est abandonnée à l’exception de rares cas depuis le travail d’Andersen chez le chien, en raison du risque de complications hémorragiques ou d’oedème pulmonaire.

L’utilisation de glucagon a été proposée par Ferrucci puis Trenker et Rice.

Dans l’étude rétrospective de Zimmers, on observe l’élimination du corps étranger dans 65 % des cas.

Le glucagon est administré par voie veineuse lente à la dose de 0,5 à 2 mg ; il diminue la pression du sphincter cardial en préservant la motricité de l’oesophage et permet ainsi le transit spontané d’un corps étranger alimentaire.

L’adjonction d’un agent effervescent et l’absorption d’eau augmentent son efficacité en distendant l’oesophage et en augmentant la pression hydrostatique liée à la colonne d’eau chez un patient en orthostatisme.

Un contrôle radiologique préalable et postopératoire avec opacification barytée est nécessaire.

Ce traitement est contre-indiqué en cas de phéochromocytome, d’insulinome ou d’intolérance connue au glucagon.

Il ne peut être proposé en cas de corps étranger acéré, ingéré depuis plus de 24 heures, localisé dans le tiers supérieur de l’oesophage, chez un patient porteur d’une sténose oesophagienne qu’elle soit d’origine congénitale ou acquise, néoplasique en particulier, ou d’un diverticule de l’oesophage avec hypertrophie du muscle cricopharyngien.

Le taux de succès est de 69 % pour Robbins qui n’observe qu’une complication dans sa série avec hématémèse chez un patient porteur d’une sténose méconnue.

Certains auteurs ont même proposé d’administrer du Coca-Colat pour dissoudre une impaction alimentaire !

E – TRAITEMENT ATTENTISTE :

Conners préconise, chez l’enfant ayant ingéré une pièce de monnaie depuis moins de 24 heures et en l’absence d’antécédent pathologique digestif, une surveillance simple, pendant 12 à 24 heures, dans la mesure où, dans son expérience, 60 % de ces corps étrangers sont spontanément déglutis.

Au-delà de ce délai, ou si des signes respiratoires apparaissent, il réalise l’extraction du corps étranger intraoesophagien.

F – TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Il s’impose dans deux circonstances :

– soit parce que l’extraction endoscopique n’a pu être efficace notamment en cas de corps étranger ancien ;

– soit en cas de complication, perforation notamment.

Cette éventualité est rare, moins de 1 % pour Crysdale ; elle est due avant tout au corps étranger lui-même, exceptionnellement aux manoeuvres d’extraction.

G – INDICATIONS :

La surveillance simple ne s’adresse qu’à des cas bien précis ; les pièces de monnaie sont certes les corps étrangers les plus fréquents chez l’enfant en bas âge, toutefois elles entraînent volontiers des signes respiratoires et on a rarement la certitude qu’il s’agisse d’une pièce unique.

La technique de la sonde de Foley ne s’applique qu’aux corps étrangers récents, mousses, radio-opaques dans un oesophage sain.

Les conditions de sécurité requièrent un monitoring cardiaque et la présence d’un endoscopiste au moindre doute.

Le bougirage a des indications très limitées.

Le traitement médical n’est utilisable qu’en cas d’impaction alimentaire en respectant strictement les contre-indications.

L’endoscopie reste la technique de référence pour la grande majorité des corps étrangers, en particulier s’ils sont acérés, volumineux, les piles « bouton », ou dès qu’il existe des signes respiratoires, un risque de complication ou un antécédent pathologique de l’oesophage.

Le débat reste ouvert entre partisans de l’oesophagoscopie au tube rigide et fibroscopistes ; en fait, ces deux techniques sont complémentaires.

Le choix est fonction des équipes de prise en charge mais ce qui importe avant tout c’est la dextérité de l’opérateur, un matériel adapté à l’âge et au type de corps étranger, une technique rigoureuse pour que l’extraction du corps étranger soit effectuée dans des conditions optimales de sécurité.

Conclusion :

Le meilleur traitement reste la prévention et l’information des parents pour les enfants : le risque est maximal entre 9 et 24 mois, mais reste présent jusqu’à 6 ans, âge de la préhension et de l’alimentation de type adulte.

Un diagnostic précoce et la prise en charge immédiate par une équipe spécialisée sont indispensables pour garantir un traitement approprié, le plus souvent endoscopique, sans risque de complication.

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