Contractures musculaires

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Contractures musculaires :

Contractures musculairesLa définition d’une contracture musculaire est nécessairement arbitraire ou tout au moins conventionnelle compte tenu de l’usage souvent peu rigoriste de ce terme dans la littérature française et également anglo-américaine.

Elle est aussi imprécise en raison des multiples causes qui en sont l’origine.

On peut néanmoins admettre que la contracture est un raccourcissement involontaire, transitoire ou durable, douloureux ou non, d’un ou plusieurs muscles striés.

Ceci ne résout pas pour autant les difficultés terminologiques liées à la confusion qui règne dans la littérature internationale quant à l’emploi de ce terme, les mêmes mots étant souvent utilisés avec un sens différent, ne serait-ce que le terme de « contracture » lui-même correspondant souvent mais pas toujours pour la langue anglaise qui conserve le terme de « contracture métabolique »  à l’appellation française de « rétraction ».

Avant d’examiner une nomenclature plus stricte et dans le but d’apporter un peu de clarté à la classification des contractures, il est nécessaire de les répertorier selon leur sémiologie et leur mécanisme.

Trois groupes se séparent :

– les contractures antalgiques sont secondaires à la douleur qu’elles compensent en partie.

Leur signification est celle d’un réflexe nociceptif ;

– les contractures algiques sont au contraire primitives et sont à l’origine de la douleur.

Leur mécanisme physiopathologique est à la fois périphérique et central ;

– les contractures analgiques ne comportent pas de douleur.

Elles correspondent pour une grande part à la contracture myostatique et aux rétractions musculaires dites à tort « tendineuses ».

Contractures antalgiques :

Modèles de contractures compensatrices, elles répondent à des caractères communs.

Leur sémiologie varie selon la localisation. Leur physiopathologie est commune.

Les contractures peuvent être qualifiées de « secondaires » puisque la douleur précède habituellement la contracture.

Les muscles se contractent pour créer une attitude posturale réduisant cette douleur.

Les muscles contracturés sont visibles et forment une masse palpable.

Le point de départ est local, le plus souvent une lésion articulaire, ce qui fait que la topographie est propre à chaque articulation.

La contracture est transitoire et s’atténue ou disparaît temporairement lorsque l’articulation lésée est relâchée ou réduite.

Inversement, la contracture est provoquée ou exacerbée par toute action mécanique exercée sur l’articulation.

Ainsi, une activité électrique survient dans les muscles paravertébraux contracturés en position assise, mais disparaît avec l’hyperextension du rachis.

Un des meilleurs exemples de contracture antalgique est celui des atteintes lombaires discales.

Les articulations vertébrales atteintes sont immobilisées par la contracture qui est susceptible de s’atténuer dans certaines positions.

Parfois cependant, cette contracture devient chronique, créant une hyperlordose.

Le signe de Lasègue est attribué à une douleur dont le départ est une tension d’une racine nerveuse provoquant une contracture transitoire et localisée des muscles paravertébraux et des muscles postérieurs de la cuisse.

D’autres exemples se trouvent dans le signe de la « corde de l’arc » témoignant d’une contracture paraspinale unilatérale dans la spondylarthrite ankylosante, dans certains torticolis douloureux, dans la contracture dorsale de certaines dorsalgies fonctionnelles.

Les muscles des ceintures sont également le siège de contractures : adducteurs dans la pathologie de la hanche, trapèze dans certaines professions chez les dessinateurs ou les guichetiers.

Les contractures des muscles plantaires sont également professionnelles, surtout chez les danseuses.

La physiopathologie de la contracture antalgique doit être comprise comme ayant la signification d’un réflexe nociceptif correspondant à une variété de réflexe en flexion.

Le point de départ du réflexe se situe dans l’articulation lésée avec une douleur associée née dans les récepteurs tendineux et les insertions aponévrotiques.

Le réflexe passe par voie polysynaptique dans la moelle épinière.

Les fibres afférentes font synapse avec le motoneurone alpha dans la moelle épinière.

Ce type de contracture est étroitement dépendant de l’articulation affectée.

En cas de contracture paravertébrale, les influx afférents et efférents du circuit polysynaptique passent par le même nerf mixte.

La contracture prend son départ dans les articulations interapophysaires, l’influx passe par la branche postérieure des nerfs mixtes des nerfs rachidiens puis, après un circuit polysynaptique, fait retour aux muscles paravertébraux par la même branche des nerfs mixtes des nerfs rachidiens.

Un autre exemple est celui de la contracture des adducteurs qui prend son point de départ dans l’articulation de la hanche, puis suit la branche articulaire sensitive du nerf obturateur.

Après un circuit polysynaptique dans le deuxième et quatrième segment lombaire de la moelle épinière, elle repasse par la branche obturatrice par l’intermédiaire du nerf moteur qui innerve les adducteurs.

Contractures algiques :

Elles diffèrent fondamentalement des précédentes dans laquelle la douleur est le stimulus primaire créant la contracture.

Ici, la contracture est le phénomène primitif et est à l’origine de la douleur.

Le point de départ n’est pas une articulation mais soit le muscle lui-même, soit une activité anormale du système nerveux central induisant la contraction musculaire.

Une seconde différence tient à la variabilité des signes, tenant aux points de départ multiples, à l’origine de crampes, de contractures métaboliques ou de sémiologie plus élaborée comme le syndrome de « l’homme raide ».

Enfin, ce type de contracture est également variable.

Mais autant la contracture antalgique pouvait être considérée comme variable selon les positions, donc selon l’espace, autant ici la variabilité dépend plus du temps car l’évolution se fait souvent par paroxysmes, avec ou sans fond continu.

A – CRAMPES MUSCULAIRES :

La forme la plus commune de contracture algique est la crampe.

Le mot « crampe » est parfois utilisé avec une certaine confusion.

Il doit être réservé aux crampes « vraies », aux crampes communes, brèves, durant quelques secondes ou quelques minutes, et accompagnées d’une activité électromyographique.

Or, on qualifie souvent à tort de « crampes » les contractures d’origine métabolique qui, en fait, ne s’accompagnent d’aucune traduction électrique et restent silencieuses.

Il convient de les nommer « contractures métaboliques » plutôt que « crampes ».

Les crampes vraies sont considérées comme neurogènes avec des décharges électromyographiques de haute fréquence de 200 à 300 Hz et des potentiels d’action de haut voltage.

Deux groupes de crampes vraies sont à séparer : les crampes communes, bénignes, et les crampes pathologiques.

Les crampes communes, bénignes, sont très fréquentes et affecteraient 90 % de la population.

Elles sont particulièrement observées chez le sujet âgé et dans le troisième trimestre de la grossesse.

Parmi les crampes pathologiques, les unes sont primitives, d’autres sont secondaires.

Les premières sont habituelles dans les maladies du neurone moteur et prennent sans doute leur origine dans le péricaryon, bien que le point de départ soit parfois focal dans le nerf périphérique.

Ces crampes sont souvent en relation avec des fasciculations, dans la sclérose latérale amyotrophique, dans le syndrome crampes-fasciculations bénignes, dans les neuropathies multifocales avec blocs de conduction, dans le syndrome de Kennedy.

Des crampes surviennent aussi dans les neuropathies diabétiques, associées à un syndrome des « jambes sans repos ».

Les crampes secondaires surviennent dans des circonstances diverses, qu’elles soient dues à une déplétion, une endocrinopathie, une cause médicamenteuse. Parmi les variétés précédentes sont à individualiser :

– le syndrome crampes et fasciculations bénignes. Ces formes fréquentes, notamment chez des sujets anxieux, associent des crampes, des fasciculations, des myokymies.

Cependant, aucune faiblesse musculaire n’est présente, ni aucune anomalie neurologique.

L’électromyogramme (EMG) ne montre pas de signes de dénervation et les vitesses de conduction nerveuse sont normales.

L’évolution est parfois assez prolongée mais reste stable, sans aggravation ;

– une variante, douloureuse, le syndrome douleur-fasciculations musculaires comporterait des diminutions modérées des vitesses de conduction nerveuse, mais sans dénervation.

Le pronostic est également favorable ;

– une forme également bénigne, survenant chez des sujets ayant eu précédemment une poliomyélite antérieure aiguë, a pour intérêt d’indiquer qu’un dysfonctionnement mineur du motoneurone peut être à l’origine de crampes et de fasciculations sans gravité ;

– la rare « maladie des crampes » de Wernicke et Wilder est un véritable état de mal survenant chez des hommes adultes après un épisode de surmenage.

Les crampes sont localisées aux membres inférieurs et à la paroi abdominale et évoluent pendant plusieurs mois ou plusieurs années.

Elles s’accompagnent parfois de signes neuropathiques frustes : paresthésies, hyporéflexie ;

– le syndrome de Satoyoshi associe des spasmes musculaires douloureux remontant à l’enfance, des anomalies osseuses avec destruction épiphysaire, une diarrhée avec malabsorption intestinale et une alopécie.

Les crampes intermittentes sont groupées en accès diffus, créant un opisthotonos.

Elles sont déclenchées par stimulation électrique, sauf si celle-ci est distale après bloc nerveux.

L’origine serait une hyperexcitabilité du motoneurone. Le diazépam est sans effet.

L’association de phénytoïne, de quinine et de chlorpromazine est active.

La physiopathologie des crampes est mal comprise. Une origine dans le péricaryon est plausible en raison de la fréquence des crampes au cours de la sclérose latérale amyotrophique, de la coexistence de fasciculations, de l’abolition de certaines crampes par rachianesthésie.

Cependant, un point de départ périphérique est également possible dans les rameaux nerveux distaux intramusculaires, car d’autres crampes sont déclenchées par stimulation distale à un bloc nerveux périphérique, alors qu’elles ne surviennent pas sur un muscle curarisé.

Le rôle des afférences amyéliniques est également soupçonné.

La libération périphérique de substances algogènes (potassium, lactates) stimulerait les fibres de petit calibre, ce qui faciliterait les motoneurones correspondants et créerait une contraction soutenue.

Celle-ci consomme de l’acide adénosine triphosphate (ATP) dont l’épuisement est à l’origine d’une contracture qui, par un effet de garrot interne, entraînerait une ischémie, créant une sorte de cercle vicieux.

D’ailleurs, certaines crampes sont améliorées par stimulation transcutanée, parfois même subliminaire, des fïbres I nées des récepteurs de Golgi, ce qui inhiberait la décharge responsable de la crampe.

Ce fait expliquerait que certaines crampes soient déclenchées lorsque le muscle est en position raccourcie, les fuseaux étant silencieux, et que d’autres crampes soient améliorées par étirement ou massage.

Quant aux crampes secondaires, d’origine métabolique ou toxique, leur point de départ nerveux ou musculaire n’est pas déterminé.

B – SYNDROME D’HYPERACTIVITÉ NEUROMUSCULAIRE :

Les syndromes d’hyperactivité neuromusculaire sont hétérogènes, autant dans leur expression sémiologique associant à des degrés divers douleurs, rigidité, crampes, myokimies, fasciculations, postures anormales que dans leur évolution tantôt bénigne, tantôt sévère.

Un mécanisme dysimmun apparaît probable dans les variétés les mieux individualisées.

1- Syndrome de « l’homme raide » :

Le début est fait de rigidité musculaire et de spasmes intermittents de groupes musculaires isolés (muscles abdominaux, muscles proximaux des membres) chez un adulte jeune.

Puis le tableau clinique associe une rigidité progressive généralisée intense, cédant plus ou moins au diazépam, et des accès de spasmes hyperalgiques déclenchés par des facteurs multiples, émotions, mouvements.

L’EMG montre une activité continue synchrone dans les agonistes et les antagonistes. Un diabète sucré de type I et diverses maladies auto-immunes coexistent souvent.

Des anticorps anti-GAD (acide glutamique décarboxylase, enzyme synthétisant l’acide gamma-aminobutyrique [GABA] en transformant l’acide glutamique en GABA) sont présents dans le sang et le liquide céphalorachidien (LCR).

De même, des anticorps anticellules pancréatiques sont trouvés chez des patients non diabétiques et leur antigène est commun à celui du GAD.

D’ailleurs, les cellules bêta du pancréas endocrine contiennent de grandes concentrations de GABA).

Les anticorps anti-GAD sont absents dans les formes idiopathiques et dans les formes paranéoplasiques.

Le syndrome de « l’homme raide » paraît dû à une hyperactivité d’origine centrale, spinale ou supraspinale.

Un point de départ spinal dépendrait d’une altération du circuit de Renshaw réduisant l’inhibition récurrente des motoneurones alpha et produisant une hyperactivité motrice.

Cependant, les études neuropharmacologiques, en particulier de la transmission cholinergique, ont infirmé cette hypothèse.

Une hyperactivité gamma expliquerait l’effet des blocs anesthésiques, réduisant l’hyperactivité sans entraîner de paralysie, ce qui serait lié à la sensibilité plus importante des neurones gamma que celle des neurones alpha aux anesthésiques locaux.

Une origine supraspinale est suspectée en raison de la diminution de la rigidité lors du sommeil, de l’altération des tracés de sommeil, de désordres de la personnalité et d’altération des neurotransmetteurs.

Un déséquilibre entre système catécholaminergique hyperfonctionnel et système GABAergique normal du tronc cérébral est invoqué. Un argument est l’aggravation sous l’action de la dopamine et l’amélioration par le diazépam.

Enfin, l’excrétion urinaire du 3-méthoxy-4-hydroxyphénylglycol est augmentée, ce qui témoigne d’un métabolisme cérébral augmenté de la norépinéphrine.

Ces deux hypothèses, d’hyperfonction spinale du système gamma et d’hyperfonction supraspinale, ne s’excluent pas obligatoirement.

On a proposé un désordre central des voies contrôlant et modifiant l’activité gamma et les systèmes d’alarme nociceptifs, par désinhibition due à une diminution d’activité des circuits supraspinaux utilisant des médiateurs GABAergiques.

Une origine auto-immune d’un certain nombre de cas justifie, en plus du diazépam, l’utilisation de plasmaphérèse, d’immunoglobulines ou de thérapeutiques immunosuppressives.

2- Encéphalomyélite paranéoplasique avec crampes intermittentes et rigidité progressive :

Proche du syndrome de « l’homme raide », elle associe une atteinte des nerfs crâniens, une hyperprotéinorachie ou une hypercytose, elle évolue vers la mort en 1 à 3 ans.

La rigidité serait due à l’atteinte des interneurones. Des anticorps antiamphyphysine sont présents.

3- Hyperactivités d’origine périphérique :

Décrites sous des appellations multiples : chorée fibrillaire de Morvan, syndrome de myokymies, myotonie, hyperhidrose de Gamstorp et Wohlfart (1959), syndrome d’activité continue des fibres musculaires d’Isaacs (1961), neuromyotonie de Mertens et Zschocke (1965), pseudomyotonie, Amardillo syndrome ou syndrome du « tatou », « quanta squander » ou gaspillage des quanta dans la jonction neuromusculaire, leur survenue est habituellement sporadique, rarement héréditaire, transmise sur le mode autosomique dominant.

L’élément sémiologique commun est une contracture ou une contraction musculaire permanente persistant pendant le sommeil.

Au début surviennent des fasciculations, des myokimies diffuses, des crampes distales de localisation carpopédieuse à l’origine du terme impropre de « tétanie normocalcémique ».

Puis se constitue une raideur d’abord intermittente après une contraction musculaire normale, puis permanente prédominant sur les membres inférieurs, associée à une hyperhidrose en partie due à une hypercholinergie centrale.

La contracture devient globale et intense créant une posture anormale, parfois comparée à celle d’un « chevalier en armure ».

L’EMG enregistre des décharges neuromyotoniques (bouffées de potentiels d’unité motrice pulsant à une fréquence élevée de 130 à 300 Hz, à début et fin abrupts, durant de 0,1 à quelques secondes).

Le point de départ paraît une atteinte axonale, plutôt terminale comme l’indiquent la provocation de postdécharges par stimulation électrique ou percussion du nerf électivement sensible aux stimuli mécaniques, l’aspect des décharges spontanées identique à celui des potentiels d’unités motrices normaux.

Toutefois, dans quelques cas, les blocs nerveux périphériques font disparaître l’activité musculaire.

Ce fait indiquerait que le générateur de l’activité musculaire se situerait tout au long du nerf et probablement aussi dans la corne antérieure de la moelle épinière.

Une origine auto-immune est probable en raison de certains arguments : association fréquente à des maladies auto-immunes (thymomes avec ou sans myasthénie, neuropathies avec anticorps antigangliosides, cancer bronchique, traitement par D-pénicillamine) ; anomalies immunologiques (anticorps antithyroïdiens, bandes oligoclonales dans le LCR avec taux élevé d’immunoglobulines G [IgG]) ; augmentation de la résistance à la tubocurarine de la jonction neuromusculaire et libération de neurotransmetteurs par les canaux potassium après injection, chez l’animal, d’IgG des patients ; effet des plasmaphérèses.

Les anticorps auraient un effet sur les canaux potassiques voltagedépendants qui n’assureraient plus la stabilisation des potentiels membranaires, en particulier les canaux potassium d’activation lente de localisation présynaptique.

La prolongation des potentiels d’action créerait des décharges répétitives et une augmentation de libération des quanta d’acétylcholine.

4- Hyperactivités musculaires localisées :

Le syndrome de la « fossette hypothénarienne » est fait d’une empreinte spontanée et intermittente, souvent bilatérale, des muscles du bord cubital de la main, spécialement du muscle petit palmaire. L’EMG montre des décharges intermittentes de potentiels battant entre 1,5 et 13 Hz durant 1 à 2 minutes.

Cette activité est abolie par bloc nerveux cubital au poignet.

L’étiologie est inconnue.

Le point de départ se ferait dans la branche superficielle terminale du nerf cubital au poignet.

Les myokimies postradiques sont fréquentes après irradiation du plexus brachial.

Le plus souvent, la lésion est une plexopathie, non seulement brachiale mais lombosacrée.

Parfois, il s’agit d’une myélopathie ou d’une polyradiculopathie postradique.

La présence de myokimies est un élément de différenciation avec les plexopathies secondaires à des métastases de cancer du sein.

L’hyperactivité et les myokimies accompagnant certaines hypertrophies de dénervation s’observent surtout dans le territoire du nerf sciatique.

C – CONTRACTURES MÉTABOLIQUES :

Les contractures métaboliques qui ne sont donc pas des crampes puisque électriquement silencieuses surviennent souvent lors de l’exercice musculaire.

Les mieux connues sont celles des glycogénoses.

Les contractures vraies sont plus rares au cours des troubles du métabolisme lipidique ou mitochondrial au sein desquels l’intolérance à l’effort se traduit plutôt par des myalgies et une faiblesse musculaire.

1- Déficit en enzymes glycolytiques :

Lors de la maladie de Mac Ardle, déficit en phosphorylase par anomalie génique du chromosome 11 (11q13) de transmission autosomique récessive, les épisodes de contracture (terme utilisé par Mac Ardle dans sa description princeps) apparaissent, chez l’adulte jeune, lors d’exercices importants accompagnés de myalgies et, dans 50 % des cas, de myoglobinurie.

La lactacidémie ne s’élève pas après effort sous ischémie.

La biopsie musculaire montre la glycogénose et l’absence de phosphorylase par rapport à un témoin.

Le mécanisme de la contracture électriquement silencieuse survenant à l’exercice est mal connu.

On admettait jadis un phénomène analogue à la rigidité cadavérique : l’exercice provoque une déplétion en ATP, qui n’est pas régénéré en glycogénolyse anaérobie, cette absence d’ATP entraînant un arrêt de fonctionnement des protéines contractiles qui se fixent, ce qui crée la rigidité.

En fait, aucune déplétion en ATP ne se produit, comme cela a été confirmé en spectroscopie de résonance magnétique nucléaire.

La concentration de la pompe Na+/K+-ATPase (étudiée par liaison à l’ouabaïne) est nettement diminuée au cours de la maladie de Mac Ardle par rapport à des témoins.

Normalement, cette pompe maintient l’activité sarcolemmique grâce à une régulation de la concentration de sodium intracellulaire et de potassium extracellulaire.

Cette faible densité des pompes est à l’origine d’une augmentation de concentration du potassium extracellulaire autour de la fibre.

Ceci réduit l’excitabilité membranaire et la force musculaire diminue parallèlement.

Le déficit en phosphofructokinase, maladie de Tarui, dû à une anomalie du chromosome 1 (1q32), comporte également des contractures à l’effort, de même que les plus rares déficits de la chaîne terminale (phosphoglycérate kinase, phosphoglycérate mutase, lactate déshydrogénase).

2- Maladie de Brody :

La maladie de Brody est à l’origine de contractures liée à un défaut de relaxation des muscles des mains, des paupières et aussi de l’abdomen, sans activité électrique s’exagérant à l’exercice.

Le relâchement musculaire insuffisant est dû à une insuffisance de recapture du calcium par le réticulum sarcoplasmique après exercice.

Dans un certain nombre de cas, une mutation génique est présente sur le chromosome 16 (16q12) qui code pour l’ATPase1 du réticulum sarcoplasmique des fibres de type II.

La concentration du calcium augmente dans le cytosol.

La stimulation de la glycolyse aérobie est à l’origine des contractures.

3- Rigidité de l’hyperthermie maligne :

L’hyperthermie maligne est à l’origine d’une contracture diffuse majeure débutant par une contracture des masséters avec hyperthermie progressive fatale, bien connue des anesthésistes.

La maladie, familiale, répond à une transmission autosomique dominante.

Dans 50 % des cas existe une mutation du gène du récepteur à la ryanodine du chromosome 19.

Le temps d’ouverture du récepteur à la ryanodine est anormalement prolongé, d’où une libération excessive de calcium par le réticulum sarcoplasmique et une cascade d’événements dont le résultat est une production calorique excessive et une rigidité musculaire progressive (due à la non-dissociation de l’actomyosine), elle-même facteur d’hyperthermie.

On rapproche de ces formes des cas sporadiques de contractures d’effort avec hyperthermie survenant lors d’exercices violents inhabituels au cours desquels les tests à la caféine ou à l’halothane sont en faveur d’une susceptibilité à l’hyperthermie maligne.

4- Contracture abdominocrurale de l’insuffisance surrénale :

Ce phénomène, rare, est fait d’une contracture proximale des membres inférieurs, fixant les cuisses en adduction et en flexion, permanente avec quelques recrudescences parfois douloureuses.

Il s’observe surtout dans la maladie d’Addison et régresse sous corticothérapie substitutive.

Son mécanisme, qui a jadis été très discuté, est ignoré. Les termes « tendomyose », « myogélose », « points gâchette », « tension musculaire », « cordons indurés », « zones nodulaires », « fibromyosite », non utilisés par les neurologues, tendent à définir un état douloureux de muscles qui sont normaux cliniquement, mais aussi du point de vue électromyographique et biopsique.

Ces termes s’appliquent souvent à des états psychogéniques.

Contractures analgiques :

La contracture analgique réunit des formes assez diverses se situant entre la contracture myostatique et la contracture myotatique.

A – CONTRACTURE MYOSTATIQUE DE MOLL :

Elle est expérimentale.

L’immobilisation de pièces osseuses fixe les muscles qui s’y insèrent à la même longueur. Une contracture, initialement réversible, devient irréversible après quelques semaines, secondaire à des réflexes locaux courts.

Les sarcomères se raccourcissent et diminuent de nombre, proportionnellement à la distance imposée entre les insertions tendineuses.

Ce type de contracture caractérise celles des séquelles de traumatismes ostéoarticulaires, du syndrome de Volkmann et, pour une part, de la contracture physiopathique de Babinski-Froment dans laquelle les facteurs psychologiques sont cependant prédominants. Tardivement, une fibrose locale se constitue.

B – ARTHROGRYPOSE :

L’arthrogrypose multiple est une maladie congénitale au cours de laquelle les articulations sont fixées et les muscles, enserrés par la fibrose, sont le siège d’une contracture irréversible.

L’arthrogrypose survient dans des conditions diverses : dystrophies musculaires congénitales, en particulier avec déficit en mérosine, amyotrophies spinales progressives.

C – RÉTRACTIONS DES DYSTROPHIES MUSCULAIRES (CONTRACTURES DES AUTEURS ANGLO-AMÉRICAINS) :

Les rétractions musculaires, dans l’acception française, sont des raccourcissements fixés des muscles s’observant dans deux conditions au cours des myopathies.

Les rétractions sont habituelles dans les dystrophies musculaires, portant le plus souvent sur le triceps sural, le biceps brachial, les muscles de la nuque, les extenseurs du poignet, les ischiojambiers.

Les principales myopathies à l’origine de rétractions musculaires sont les dystrophinopathies, les myopathies congénitales, ainsi que diverses maladies neuromusculaires.

La contracture est due à une rupture d’équilibre entre les muscles agonistes normaux et les muscles antagonistes faibles.

Une fibrose secondaire se constitue et fixe les muscles dans une attitude vicieuse.

Les rétractions des dermatomyosites de l’enfant relèvent sans doute d’un mécanisme analogue.

Inversement les contractures, au premier plan cliniquement dans la myopathie d’Emery-Dreifuss et dans la myopathie de Bethlem, ne relèvent sans doute pas d’un tel mécanisme car les muscles insérés au voisinage des articulations ne sont pas déficitaires.

Au cours de la myopathie de Bethlem, de transmission de type autosomique dominant, a été mise en évidence une mutation du gène du collagène de type VI expliquant la fibrose et les rétractions.

La brachymyomie est une maladie exceptionnelle définie comme une contracture généralisée en relation avec une brièveté congénitale des muscles.

La tête est fléchie en avant, les membres sont en demiflexion.

Une scoliose est fréquente.

Les troubles sont plus apparents à l’adolescence lorsque les os ont grandi.

Les mouvements d’extension du tronc et des membres sont impossibles, bien que diminués, et tendent les muscles comme des cordes.

L’EMG et la biopsie musculaire sont normaux.

L’évolution générale est relativement progressive pendant l’adolescence, mais se stabilise à l’âge adulte.

La cause de la maladie est inconnue, bien qu’un facteur génétique soit possible.

Son origine est vraisemblablement une brièveté musculaire anormale dont la nature fondamentale est soit une rétraction, soit une anomalie anatomique.

Certaines myasthénies congénitales sont associées à d’importantes rétractions.

D – CONTRACTURES LOCALISÉES :

Le torticolis congénital est une contracture d’un des deux muscles sterno-cléido-mastoïdiens.

La sémiologie est faite d’une attitude anormale de la tête, isolée ou associée à d’autres contractures congénitales, parfois familiale et de transmission autosomique dominante.

Parfois, il s’agit d’une pseudotumeur de ce muscle découverte chez un nouveau-né dont l’attitude est caractéristique, comportant une inclinaison de l’occiput du côté atteint, une projection du menton en avant et en haut du côté opposé.

La rétraction musculaire empêche la mobilisation passive de replacer la tête dans une position normale.

La rotation de la tête, normale du côté opposé, est limitée du côté atteint.

Le muscle est ferme à la palpation et, dans le premier mois de la vie, une véritable tuméfaction musculaire, dure, fusiforme, indolore, devient palpable.

Histologiquement, une prolifération du tissu connectif est associée à des néoformations vasculaires, à quelques fibres musculaires résiduelles montrant les aspects de divers stades de la dégénérescence ou de la régénération.

La fibrose envahissante prédomine et son importance rend malaisée toute interprétation.

Il peut s’agir d’une atteinte musculaire primitive, ou encore du résultat d’un infarctus veineux ou d’une ischémie, de séquelles de traumatisme néonatal, encore que nombre d’enfants soient nés après intervention de césarienne.

L’évolution est variable : retour à la normale, torticolis permanent, mais aussi fibrose résiduelle.

Le syndrome de la « colonne vertébrale rigide » (rigid spine syndrome de Dubowitz) est fait d’une contracture permanente, sans déficit, des muscles extenseurs du rachis, surtout cervical, accompagnée de limitation du jeu de certaines articulations et de faiblesse musculaire modérée plus ou moins diffuse.

Les malades sont souvent de sexe masculin.

L’âge de début est malaisé à fixer, en général entre 3 et 8 ans, rarement plus tard.

La rigidité rachidienne est l’élément prédominant. Elle se traduit au maximum sur la portion cervicale.

La flexion du rachis sur le sternum est considérablement limitée.

La raison en est une rétraction des muscles extenseurs de la nuque dont la force est cependant normale.

La rotation du rachis cervical est également d’amplitude diminuée.

Le dos est souvent plat et une scoliose est également d’amplitude diminuée.

En revanche, l’extension du rachis cervical est tout à fait normale.

Les rétractions s’étendent souvent à d’autres articulations.

L’évolution, mal connue, paraît dans l’ensemble lente et bénigne, sauf en cas d’atteinte cardiaque sévère.

En effet, des manifestations cardiovasculaires sont parfois signalées : tachycardies, extrasystoles, prolapsus de la valve mitrale, anomalies électrocardiographiques.

Elles sont parfois suivies de décès.

La biopsie musculaire montre souvent une fibrose importante.

Le syndrome de la colonne vertébrale rigide est tantôt isolé, tantôt intégré dans une maladie : en particulier la myopathie d’Emery-Dreifuss liée à l’X (Xq28) avec rétractions précoces et troubles secondaires de la conduction cardiaque, la maladie d’Ullrich associant myopathie proximale et hyperlaxité distale ou le groupe imprécis des myoscléroses.

La contracture congénitale du quadriceps est une appellation souvent abusive car, dans beaucoup de cas, il ne s’agit pas véritablement d’une contracture primitive mais d’une atteinte secondaire à des injections intramusculaires, en particulier à des injections multiples de pénicilline.

Le quadriceps est le siège d’une contracture progressive limitant l’extension de la jambe sur la cuisse et à l’origine de troubles de la marche.

La force est cependant normale.

L’électrocardiogramme (ECG) est normal.

La biopsie musculaire montre des aspects de dégénérescence et de fibrose.

L’existence de quelques cas familiaux peut cependant être en faveur de l’origine dystrophique de la maladie.

Le pied bot congénital est une variété fréquente de contracture congénitale.

Il est souvent isolé.

Il réalise surtout un pied en varus équin modéré et réductible, parfois bilatéral.

Un facteur familial est fréquent.

Il est important de rappeler que la constatation d’un pied bot congénital nécessite la recherche d’un facteur neurogène, en particulier par un examen clinique complet, mais aussi par un EMG et, éventuellement, par une biopsie nerveuse ou musculaire, ou une étude de biologie moléculaire.

E – CONTRACTURE MYOTATIQUE :

Elle caractérise la rigidité de la spasticité.

La spasticité est étymologiquement une contracture, le verbe grec « spao » signifiant contracter.

Elle est définie par un trouble moteur dû à l’exagération du réflexe tonique d’étirement, accompagné d’une hyperexcitabilité des réflexes tendineux résultant d’une hyperactivité de l’arc réflexe myotatique (étymologiquement, l’adjectif grec « tatos » signifiant étiré).

Conclusion :

Le chapitre des contractures musculaires illustre la confusion qui peut régner dans l’utilisation des dénominations.

Le terme de contracture reste néanmoins un terme général correspondant au raccourcissement involontaire d’un ou plusieurs muscles, durant souvent plus longtemps que quelques minutes.

De sorte que ce terme couvre une série d’anomalies de la « contraction » musculaire pour lesquelles une dénomination plus stricte apporterait plus de clarté, mais se heurte à des difficultés non seulement d’usage, mais de définition.

La contracture métabolique est un raccourcissement du muscle ne générant pas de potentiels d’action (électriquement silencieux) survenant au cours des myopathies métaboliques.

À l’extrême, et dans une certaine mesure, elle recouvre la grande rigidité de l’hyperthermie maligne dont le caractère inéluctable la rend autonome, bien que le terme de rigidité soit plutôt réservé à la contraction des agonistes et des antagonistes dans le parkinsonisme et d’autres atteintes des noyaux gris centraux.

En revanche, la contracture métabolique diffère de la crampe, raccourcissement soudain, involontaire et douloureux d’un muscle, avec un durcissement visible et palpable de celui-ci, accompagné de décharges de haute fréquence sur l’EMG.

Elle doit également être séparée de la tétanie, état intermittent de contraction et de spasmes des muscles, surtout carpopédieux, exprimant une irritabilité nerveuse favorisée par l’alcalose et l’ischémie.

Elle diffère enfin de la contraction tétanique due à des décharges de haute fréquence produisant une sommation des secousses musculaires maximales successives.

Le spasme est une contraction brutale, brève, indolore, involontaire d’un muscle, souvent due à une activité nerveuse comme dans le spasme de la face ou le blépharospasme, bien que dans les syndromes d’hyperactivité nerveuse des secousses de spasmes soient fréquents.

La contracture antalgique est une posture anormale née d’une activité nerveuse visant à atténuer la douleur dans la colonne vertébrale ou dans les membres, en relation avec un réflexe polysynaptique.

La contracture myostatique, correspondant donc à la rétraction musculaire, est un raccourcissement permanent et indolore du muscle, attribué essentiellement à l’immobilisation statique de ce dernier.

La contracture myotatique est une contracture chronique des muscles spastiques liée à l’exagération d’un réflexe monosynaptique d’origine centrale.

On voit ainsi les difficultés d’une uniformisation de la nomenclature, difficultés qui découlent normalement de la complexité de la physiopathologie des contractures.

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