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Consultation d’anesthésie

Consultation d'anesthésieObligatoire depuis 1994, la consultation d’anesthésie est un moment fondamental du processus de prise en charge des patients chirurgicaux.

C’est en effet à l’issue de cette consultation que sont déterminés non seulement la stratégie anesthésique mais aussi les autres volets du champ d’action des anesthésistes : la maîtrise de certains risques opératoires (hémorragique, thrombotique, septique), l’analgésie postopératoire, mais aussi l’anticipation de la phase postopératoire et de ses complications éventuelles.

Une telle planification ne peut être envisagée qu’après une évaluation préopératoire rigoureuse et éventuellement une préparation spécifique de certains patients.

Enfin, une information précise et un consentement éclairé sur les modalités de l’anesthésie et ses suites ne peuvent être fournis qu’une fois l’état préopératoire du patient exactement évalué et la période périopératoire planifiée.

Introduction :

Si le but de la consultation chirurgicale est d’obtenir la suppression d’une pathologie donnée, celui de la consultation d’anesthésie reste plus confus tant dans l’esprit des patients que dans celui des autres praticiens.

Ceci d’autant plus que l’anesthésie n’est pas un but en soi mais n’est qu’une action réversible destinée à rendre possible un acte médical ou chirurgical.

Dans cette optique, le but de cette consultation devrait donc être de planifier les modalités pratiques de la technique anesthésique la plus adaptée à la réalisation de l’acte chirurgical tout en préservant la sécurité du patient au cours de cet acte.

Ce souci de sécurité a conduit à la réalisation de très nombreuses études sur la mortalité « liée à l’anesthésie » ; ces études ont permis d’une part d’identifier un certain nombre de « morts évitables » liées à certaines complications de l’acte anesthésique et d’autre part ont conduit à une réflexion poussée sur le devenir des patients dans les suites des actes chirurgicaux. De cette démarche, trois conclusions majeures ressortent :

– les complications graves peropératoires peuvent être réduites par un environnement technique performant et une planification des difficultés anesthésiques et chirurgicales ;

– le devenir des patients « à risque » est intimement lié au déroulement de la période périopératoire, à la survenue de complications postopératoires et à leur gestion médicale ;

– la mortalité et la morbidité survenant dans les heures ou les jours après un acte chirurgical (c’est-à-dire précoces) sont en partie déterminées à l’avance par une évaluation préopératoire rigoureuse.

Plus récemment, des travaux encourageants ont laissé entrevoir que les patients opérés et à haut risque chez lesquels les complications périopératoires avaient été évitées maintenaient cet avantage en termes de survie, également à moyen et long terme.

Ces conclusions ont conduit à l’élaboration d’un cadre réglementaire définissant les conditions de déroulement de l’anesthésie et notamment l’organisation de la consultation d’anesthésie.

Elles ont également introduit l’idée que si la portée d’un acte chirurgical ne peut être évaluée indépendamment de l’état de santé du patient, son devenir est intimement lié au déroulement de la période périopératoire.

Le concept de « médecine périopératoire » découle de cette nécessité d’optimiser l’état des patients tant en pré- qu’en postopératoire.

Les médecins anesthésistes en sont les principaux acteurs et la consultation d’anesthésie en est l’une des pierres angulaires.

Pourquoi une consultation d’anesthésie ?

La consultation d’anesthésie a pour but de planifier les tâches de l’anesthésiste et d’anticiper ses difficultés.

Les buts de la consultation d’anesthésie correspondent donc à ce que l’on est en droit d’attendre d’un anesthésiste en 2002 : assurer non seulement la sécurité anesthésique mais aussi la sécurité opératoire, organiser et surveiller l’analgésie, prévenir et gérer les complications postopératoires, et enfin réaliser l’information du patient.

Réduire les risques :

La sécurité du patient au bloc opératoire est en partie sous la responsabilité du médecin anesthésiste.

Celle-ci comprend tout autant l’anticipation et la maîtrise des complications des techniques anesthésiques ou chirurgicales (en particulier hémorragie) que le traitement d’un état pathologique intercurrent.

A – Risques liés à l’anesthésie :

On désigne par accident d’anesthésie une complication directement due à l’acte anesthésique et non imputable à une pathologie préexistante.

Ces accidents surviennent pendant ou peu de temps après l’anesthésie et sont principalement dus à deux types d’étiologie : défaillance respiratoire et allergie.

Le dépistage de l’intubation difficile et l’évaluation du statut allergique sont donc deux éléments fondamentaux de la consultation d’anesthésie.

1- Accès aux voies aériennes supérieures Dépistage de l’intubation difficile :

Les accidents respiratoires représentent les deux tiers des accidents peranesthésiques.

Ces complications conduisent à la mort ou à des séquelles neurologiques postanoxiques dans 85% des cas.

Ces accidents graves sont dus la plupart du temps à une ventilation inadaptée ou à un défaut de contrôle des voies aériennes.

Ainsi, en France, la responsabilité directe ou indirecte de l’intubation difficile est retrouvée dans un tiers des accidents d’anesthésie, ce qui en fait la première cause de morbidité et de mortalité peranesthésiques.

De plus, dans 15 à 30% de ces accidents, cette intubation difficile n’avait pas été prévue. La prédiction de l’intubation difficile est donc le préalable indispensable à la stratégie de prise en charge des voies aériennes supérieures car elle permet de prévoir une technique anesthésique adaptée (anesthésie locorégionale, anesthésie avec maintien d’une ventilation spontanée…) ou une technique de contrôle des voies aériennes supérieures particulière (fibroscopie, ventilation transtrachéale…).

À l’anamnèse, les conditions d’intubation lors des précédentes anesthésies sont recherchées, de même que les pathologies ou antécédents pouvant modifier l’exposition glottique : antécédents de chirurgie maxillofaciale, maladie rhumatismale limitant la mobilité de l’articulation atloïdo-occipitale, cancer otorhinolaryngologique…

Une sténose trachéale est évoquée en cas d’antécédents d’intubation prolongée ou de trachéotomie.

Outre des séquelles de chirurgie maxillofaciale ou une dysmorphie faciale, l’examen clinique recherche les éléments validés comme étant prédictifs d’une intubation difficile : un cou court, une proéminence des incisives, une petite ouverture de bouche ou une obésité.

Un examen oropharyngé est pratiqué afin de déterminer la classe de Mallampati du patient.

Modifiée par Samsoon et al, la classification de Mallampati permet de prédire la qualité de la laryngoscopie en fonction de la visualisation des structures oropharyngées.

La mobilité du rachis cervical est appréciée de même que celle de l’articulation atloïdo-occipitale par la mesure de la distance thyromentonnière.

Les performances de ces différents signes varient selon la population étudiée.

Ainsi, le plus usité d’entre eux, le signe de Mallampati, a une sensibilité et une valeur prédictive positive élevées dans l’étude princeps qui n’ont pas été retrouvées par la suite dans d’autres études. Malgré tout, ces études retrouvaient une bonne sensibilité et une bonne spécificité au signe de Mallampati.

L’association de plusieurs signes prédictifs d’intubation difficile permet d’améliorer la spécificité de l’examen clinique, expliquant pourquoi certains ont mis au point des scores incluant plusieurs critères.

Ces scores ne semblent cependant pas plus performants que la combinaison de la classification de Mallampati avec la distance thyromentonnière et l’ouverture de bouche.

Les examens paracliniques (en particulier les radiographies de la face et du cou) ne font pas partie des examens de routine de dépistage de l’intubation difficile.

Ces examens morphologiques peuvent être utiles dans la pathologie rhumatologique ou neurochirurgicale.

Certains contextes cliniques particuliers rendent plus fréquente l’intubation difficile.

C’est le cas, par exemple, du diabète qui peut entraîner une ankylose de l’articulation temporomaxillaire.

Celle-ci est prévisible par le « signe du prieur », c’est-à-dire par l’impossibilité d’étendre les mains lors du signe de la prière en raison d’une ankylose des articulations interphalangiennes.

Une pathologie cervicofaciale peut modifier les rapports anatomiques et provoquer une immobilité, désirée ou non, du rachis cervical, comme dans le cas du polytraumatisé porteur d’un collier cervical.

2- Prédiction du risque allergique :

Les curares sont les principales substances mises en cause lors des accidents allergiques et sont responsables d’environ deux tiers des chocs anaphylactiques.

Le latex est la deuxième substance la plus fréquemment mise en cause, et la fréquence des accidents allergiques dus à cette substance a significativement augmenté au cours des dix dernières années.

La fréquence des accidents allergiques aux morphiniques et aux hypnotiques est très faible malgré une très large utilisation.

La consultation d’anesthésie permet de rechercher un antécédent d’allergie vraie, mais aussi de reconnaître des groupes à risque.

Cette enquête allergique ne permet de proposer une conduite préventive que dans de très rares cas mais peut conduire à la réalisation d’un bilan allergologique afin d’identifier avec certitude le ou les allergènes.

Si le produit en cause est connu, il doit naturellement être écarté du protocole anesthésique.

Dans le cas contraire, une consultation d’allergoanesthésie permet de tester les produits suspects. En cas d’urgence, il est recommandé d’éliminer les curarisants, d’opter si possible pour une technique d’anesthésie locorégionale et d’utiliser du matériel sans latex naturel.

L’allergie aux curares peut être observée même en l’absence d’antécédents anesthésiques, donc de contact avec un curarisant.

Ceci est retrouvé chez 30% des patients ayant fait un choc anaphylactique aux curares.

On pense que ces patients se sont sensibilisés lors de contacts répétés avec des produits contenant des radicaux ammoniums quaternaires tels que les produits ménagers.

C’est ainsi qu’un patient allergique aux curares conservera sa vie durant un taux d’anticorps élevé et des tests cutanés positifs, confirmant ainsi que son système immunitaire est perpétuellement stimulé.

L’existence de signes cliniques d’intolérance au latex (prurit de contact, oedème…) doit faire réaliser un bilan allergologique.

L’exposition professionnelle au latex (professions médicales) conduit à une prévalence d’allergie au latex estimée entre 6 à 10 %.

Des signes cliniques d’intolérance doivent donc toujours être recherchés dans ce cas.

Une prévalence de 40 à 60% de sensibilisation au latex a été retrouvée chez les enfants atteints de malformations urogénitales (spina bifida) en raison des sondages multiples et des interventions itératives dont ils ont été l’objet .

Certaines allergies croisées sont évocatrices d’une allergie au latex.

En effet, certaines protéines allergisantes (hévamines A et B) sont des lysozymes trouvés dans de nombreux végétaux (pollens, ficus) et certains fruits exotiques (banane, avocat, kiwi, châtaigne…).

Ces réactions croisées existeraient dans 50%des cas d’allergie au latex.

B – Risques liés à l’acte opératoire :

1- Risque hémorragique :

Dans une enquête récente réalisée dans un centre hospitalier pluridisciplinaire français, les hémorragies peropératoires étaient responsables de 30% de la mortalité précoce liée à l’anesthésie.

Pour être traitées efficacement, les complications hémorragiques doivent être anticipées lors de la consultation d’anesthésie.

Il est en effet possible d’estimer le saignement prévisible pour une intervention donnée, de déterminer pour chaque patient un seuil transfusionnel, de rechercher des troubles de coagulation et de planifier la transfusion.

L’estimation du saignement périopératoire prévisible est basée au mieux sur des enquêtes réalisées dans l’établissement ou à défaut sur l’expérience de l’anesthésiste.

Le praticien, en décidant d’un seuil transfusionnel adapté à l’état de santé du patient et en connaissant son hématocrite, peut déterminer le saignement maximal envisageable sans recours à la transfusion.

Ainsi, en appliquant la formule de Mercuriali, un homme de 80 kg entrant à l’hôpital avec un hématocrite de 45 %, chez lequel on admet pouvoir tolérer un hématocrite de 30 %, peut perdre, sans nécessiter de transfusion : saignement tolérable (en mL de globules rouges) = VST  {Hte% initial (j-1) – Hte% final (j+5)}où VST est le volume sanguin total (70 mL/kg chez l’homme et 65 mL/kg chez la femme) saignement tolérable = (70 mL ´ 80) ´ [(45-30)/100] = 840 mL de globules rouges Un concentré de globules rouges (CGR) ayant un volume moyen de 250 mL et un hématocrite moyen de 60 % ; 1 CGR = (250 ´ 60 %) = 150 mL de globules rouges ; le patient peut donc tolérer sans nécessiter de transfusion à peu près 2 500 mL de sang à 30% d’hématocrite ou encore entre 5 et 6 CGR.

Si l’on estime le saignement périopératoire supérieur à ce chiffre et si le patient peut le tolérer, il faut envisager une transfusion autologue programmée (TAP).

Dans certaines situations, l’injection d’érythropoïétine recombinante peut améliorer le nombre et les possibilités de prélèvements d’un programme de TAP, voire être mise en oeuvre sans TAP.

Dès qu’une transfusion périopératoire paraît possible, un bilan prétransfusionnel minimal doit être prescrit (détermination du groupe sanguin et recherche d’agglutinines irrégulières) ; ce bilan ne doit en aucun cas être systématique, un grand nombre d’actes chirurgicaux chez des patients sans antécédents ne comportant aucun risque hémorragique.

La recherche d’un trouble de coagulation est basée sur l’interrogatoire bien plus que sur la prescription de tests de coagulation, ceux-ci étant réservés à des situations particulières (pathologie connue de l’hémostase, traitement anticoagulant, enfant avant l’âge de la marche…).

En effet, la prescription systématique de tests biologiques ne permet pas de prédire les complications hémorragiques périopératoires chez des patients dont ni l’interrogatoire ni l’examen clinique ne sont évocateurs d’une anomalie de l’hémostase.

L’arrêt des médicaments interférant avec l’hémostase est une situation délicate devant être discutée au cas par cas selon le potentiel hémorragique de l’intervention et le risque lié à l’arrêt du traitement.

L’anesthésiste joue alors souvent le rôle d’intermédiaire entre le patient, le chirurgien et le cardiologue et est en général conduit à prendre la décision en cas de situation difficile.

2- Risque thrombotique :

La période périopératoire est à haut risque thrombotique.

À chaque acte chirurgical correspond un niveau de risque différent (risque chirurgical).

Le risque chirurgical peut de plus varier selon l’opérateur et le centre.

Ces différences sont d’ordre technique, comme la durée et le degré de luxation de hanche lors de l’arthroplastie de hanche ou la pose et la repose du garrot en fin d’arthroplastie de genou.

À ce risque thrombotique lié à l’acte opératoire, s’ajoute le risque lié à la pathologie du patient.

En orthopédie, seul l’âge apparaît comme facteur indépendant, parfois associé au sexe et à l’obésité. En revanche, en chirurgie digestive, les facteurs liés au patient tels le cancer, l’âge, les antécédents de thrombose et l’obésité prennent un poids particulier.

La connaissance des facteurs de risque thrombotique permet d’estimer le besoin de prévention et de choisir la meilleure option préventive.

Les héparines et surtout les héparines de bas poids moléculaires sont aujourd’hui le principal élément de la prévention.

3- Risque septique :

Le risque infectieux est permanent en chirurgie.

On retrouve, dans plus de 90 % des plaies opératoires, des germes pathogènes lors de la fermeture mais certains actes opératoires exposent à un risque accru, soit par les conséquences très graves de l’infection postopératoire (prothèse), soit par la fréquence des complications infectieuses (chirurgie digestive).

L’antibioprophylaxie a largement démontré son efficacité à diminuer le risque d’infection postopératoire et doit être prescrite dès la consultation préanesthésique car son efficacité est maximale lorsque l’antibiotique est injecté en préopératoire immédiat.

La consultation d’anesthésie représente un moment privilégié pour décider de la prescription d’une antibioprophylaxie en chirurgie.

En fonction du type d’acte chirurgical prévu et du risque infectieux qui s’y rapporte, il est décidé de la nécessité ou non d’une antibioprophylaxie et de sa nature.

D’éventuels antécédents allergiques pouvant modifier le choix de la molécule antibiotique sont recherchés.

C – Risques liés au terrain :

Complications postopératoires

De nombreuses complications peuvent survenir en phase postopératoire.

Elles peuvent être dues aux aléas des techniques chirurgicales, comme un lâchage de suture, ou à l’évolution d’une pathologie préexistante telle qu’une néoplasie ou une insuffisance cardiaque.

Enfin, certaines d’entre elles surviennent, sans rapport avec un échec de la technique chirurgicale, sous forme d’une défaillance d’organe favorisée par la combinaison de l’anesthésie et de la chirurgie.

La probabilité de survenue de ce type de complications est prévisible par un examen préopératoire et définit, en chirurgie réglée, le risque opératoire.

La consultation d’anesthésie ne peut plus, en 2002, se contenter d’envisager le devenir du patient pour les 24 ou 48 premières heures postopératoires.

En effet, d’une part les complications peuvent survenir dans un délai plus long et d’autre part, le déroulement de la période périopératoire peut conditionner le devenir du patient dans les années à venir.

Ainsi, la survenue d’une insuffisance coronarienne aiguë postopératoire multiplie par 14 la probabilité de complications cardiovasculaires dans les 2 ans.

La prévention des complications postopératoires est donc un double enjeu, à la fois de prévention précoce et à long terme.

Des moyens efficaces existent dans ce cadre. Ainsi, l’instauration préopératoire d’un traitement anti-ischémique spécifique chez le patient à risque, poursuivi en per et postopératoire immédiat, diminue par deux la fréquence des ischémies myocardiques postopératoires ainsi que la mortalité à moyen et long terme.

De la même manière, la survenue d’une complication respiratoire postopératoire multiplie par 30 la mortalité hospitalière et une préparation du patient à risque est en mesure de diminuer la fréquence de ces complications.

L’acte opératoire est donc, pour certains patients, un tournant évolutif dans l’histoire de leur maladie.

Ils doivent donc bénéficier d’un suivi spécifique durant toute leur hospitalisation.

Au cours de la consultation d’anesthésie, une évaluation du patient est réalisée, éventuellement complétée par des explorations paracliniques.

La période périopératoire est planifiée et le délai préopératoire est éventuellement mis à profit pour préparer le patient à l’intervention.

1- Évaluation :

La probabilité de survenue des différentes complications postopératoires est prévisible par un examen préopératoire, et définit, en chirurgie réglée, le risque opératoire.

Elle est conditionnée d’une part par l’état de santé du patient et d’autre part par la nature de l’acte chirurgical envisagé.

Connaître cette probabilité permet de définir un niveau de risque associé à l’acte chirurgical envisagé.

Ceci conduit parfois à reconsidérer l’indication chirurgicale. Mais cela permet également d’abaisser ce niveau de risque en optimisant le traitement d’une pathologie préexistante et peut nécessiter parfois de différer l’intervention chirurgicale.

Enfin, connaître le niveau de risque et sa nature permet de choisir la technique anesthésique et le mode de surveillance per- et postanesthésique les mieux adaptés au patient.

Toutes les décisions qui sont prises au terme de l’évaluation préopératoire le sont en fonction du rapport bénéfice/risque estimé, ce qui explique que la contre-indication absolue à l’anesthésie générale n’existe pas.

Tout patient, quel que soit son état de santé, peut être anesthésié pour un acte chirurgical d’intérêt vital ; et inversement, un risque modéré peut suffire à contre-indiquer une chirurgie à objectif fonctionnel ou esthétique.

* Déterminants du risque opératoire

De nombreuses études épidémiologiques sur de larges cohortes de malades se sont attachées à identifier les grands cadres pathologiques associés à une surmortalité postopératoire.

Toutes concordent sur les déterminants majeurs du risque opératoire.

L’âge avancé est un facteur de risque retrouvé par la totalité des études épidémiologiques l’ayant analysé, et ce même après ajustement en fonction des pathologies associées.

La vieillesse est donc un facteur de risque majeur, même en l’absence de toute pathologie associée.

La cardiopathie ischémique est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, particulièrement après un infarctus du myocarde, et ce d’autant plus que cet infarctus est récent.

L’angor stable peu invalidant ou la suspicion de coronaropathie ischémique sont des situations complexes pour lesquelles des recommandations pour l’évaluation préopératoire ont été établies par l’American Heart Association et l’American College of Cardiology.

L’évaluation et la préparation du patient se font en fonction du type de chirurgie, de l’existence d’un geste de revascularisation dans les 5 ans et d’indicateurs cliniques classés en majeurs, intermédiaires ou mineurs.

L’insuffisance cardiaque est un facteur de risque cardiovasculaire majeur retrouvé par toutes les études portant sur l’analyse de ce risque L’insuffisance cardiaque est également un facteur de risque de complications respiratoires, ainsi que d’insuffisance rénale postopératoire.

L’insuffisance rénale est un facteur de risque de mortalité toutes causes confondues ainsi que d’insuffisance rénale postopératoire.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est un facteur de risque de morbidité respiratoire postopératoire majeur retrouvé par toutes les études portant sur l’analyse de ce risque.

Le diagnostic de cette affection est clinique ; en effet, l’existence préopératoire d’une expectoration purulente est mieux corrélée au risque de complications postopératoires que ne le sont les données des épreuves fonctionnelles respiratoires, ou des gaz du sang.

Le type de chirurgie est un élément fondamental du risque opératoire.

Trois types de chirurgie sont associés à une mortalité et une morbidité postopératoire significativement plus élevées : les chirurgies vasculaires, thoraciques et abdominales.

La chirurgie en urgence est également assortie d’un risque accru.

L’existence d’une pathologie évolutive est un facteur de risque de mortalité majeur qui est bien mis en évidence par l’étude sur le risque chirurgical dans les hôpitaux nord-américains de la Veterans Administration portant sur le suivi à 30 jours de 87 078 actes de chirurgie non cardiaque.

Parmi les dix variables les plus significatives du risque de mortalité postopératoire apparaissent trois marqueurs d’une pathologie évolutive : l’hypoalbuminémie, retrouvée comme facteur de risque dans les neuf types de chirurgie étudiés, un cancer métastasé retrouvé dans huit types de chirurgie sur neuf et enfin la perte de poids récente retrouvée dans six types de chirurgie sur neuf.

D’autres facteurs déterminent à un moindre degré le risque opératoire.

Le diabète n’est pas identifié comme facteur de risque indépendant par toutes les études portant sur la morbidité périopératoire.

Pedersen l’identifie comme facteur de risque de mortalité en chirurgie majeure, mais ne le retient pas dans son modèle final.

Lee le retient parmi les six indicateurs du score de Goldman révisé. Novis, reprenant six études recherchant le diabète comme facteur de risque d’insuffisance rénale, ne le retrouve identifié comme tel que dans une seule étude.

Cependant, il est maintenant admis que le diabète est un facteur de mortalité quand il s’accompagne d’une dysautonomie ; celle-ci doit donc être recherchée en préopératoire.

L’obésité est un facteur de risque retrouvé par une seule étude, avec un impact sur la morbidité qualifié de faible.

L’étude de la Veterans Administration, qui est la plus large étude de morbidité et de mortalité postopératoires, n’identifie pas l’obésité comme un facteur de risque.

Néanmoins, l’anesthésie de l’obèse pose un certain nombre de problèmes techniques qui méritent d’être planifiés à l’avance.

Notamment, l’obésité rend la ventilation et l’intubation plus difficiles et a des conséquences majeures sur la mécanique ventilatoire.

Le tabagisme est un facteur de risque retrouvé par une seule étude, avec un impact sur la morbidité respiratoire qualifié de faible.

Cette même étude l’identifie comme un facteur de risque de morbidité cardiaque quand il existe des antécédents d’infarctus du myocarde, même anciens.

L’hypertension artérielle est identifiée par certaines études comme un facteur de risque d’insuffisance rénale.

Elle est dans certains travaux un facteur de risque de morbidité cardiovasculaire.

* Classifications et scores

La classification ASA est un score introduit en 1941 et adopté par l’American Society of Anesthesiologists en 1962 pour faciliter les statistiques en anesthésie, et non pour estimer le risque opératoire.

Elle est cependant largement utilisée pour appréhender le risque de façon globale, car elle est corrélée au risque par la totalité des études épidémiologiques l’ayant analysée, quels que soient les types de complications étudiés.

Chez le bronchopathe chronique, la classification ASA est un meilleur prédicteur du risque opératoire que les épreuves fonctionnelles respiratoires.

De même, la classification ASA semble être plus à même de prédire la mortalité postopératoire que des scores complexes, prévus à cet effet.

L’index de Goldman est l’un des plus anciens scores utilisés pour prédire les complications cardiovasculaires graves, c’est aussi le plus utilisé.

Il a été créé après l’analyse des données recueillies chez 1 001 opérés de plus de 40 ans en chirurgie non cardiaque au Massachusetts General Hospital de Boston.

Neuf variables sont nécessaires, une importance relative leur étant attribuée sous forme de points.

Le total des points permet d’attribuer au patient une des quatre classes depuis la classe 1 (entre 0-5 points) à la classe 4 (> 25 points) avec un risque de morbidité périopératoire de nature cardiaque inférieur à 1% en classe 1 et atteignant 78%en classe 4.

Cet index a été validé par plusieurs études prospectives en Amérique du Nord et en Europe avec des variations de morbidité observées selon les centres.

Une étude portant sur 474 opérés à haut risque cardiovasculaire ne l’identifie pas comme facteur de risque indépendant après analyse multivariée.

L’index de Detsky est une modification de l’index original de risque cardiaque de Goldman obtenue en 1986 en incorporant d’autres variables comme l’angor classes III et IV de la classification de la Société cardiovasculaire canadienne, l’angor instable et les antécédents d’oedème pulmonaire.

Enfin, le score de Goldman a été modifié en 1987 en compilant les observations de quatre études, puis révisé et simplifié en 1999 après une vaste démarche d’analyse sur 4 315 patients puis de validation sur 2 893 patients.

Ces scores sont les plus répandus et les plus usités.

Un grand nombre d’autres ont été proposés ; tous présentent les mêmes défauts : une morbidité variable selon les centres et les types de chirurgie et une inaptitude à quantifier les niveaux de risque faible.

2- Préparation :

Une préparation du patient préalablement à l’acte chirurgical permet de réduire la durée d’hospitalisation et la durée de séjour en soins intensifs et de prévenir des complications postopératoires graves.

* Préparation des patients avec bronchopathie chronique obstructive

Chez le patient ayant une BPCO, les manoeuvres d’expansion pulmonaire préopératoire comme la kinésithérapie respiratoire ou une ventilation non invasive réduisent le risque de complications respiratoires postopératoires.

Un traitement bronchodilatateur doit être institué chez les patients présentant un syndrome obstructif, et une surinfection bronchique doit être traitée.

Le sevrage tabagique n’a d’intérêt que s’il est débuté au moins 8 semaines avant la date de l’intervention car paradoxalement, les complications respiratoires sont plus fréquentes lorsque la durée de sevrage est inférieure à cette durée.

* Préparation des asthmatiques

L’hyperréactivité bronchique est un problème constant chez l’asthmatique.

Elle peut être à l’origine d’un bronchospasme peranesthésique qui est une crise d’asthme particulière en raison de sa sévérité et de son mode de déclenchement.

Bien que cette complication puisse également survenir de façon inopinée chez des patients asymptomatiques, son intensité est globalement corrélée à la gravité symptomatique de l’asthme.

Enfin, la technique anesthésique peut avoir un effet sur la bronchomotricité et interagir avec les médicaments antiasthmatiques.

L’évaluation préopératoire d’un asthmatique est essentiellement clinique et cherche à répondre à deux questions principales : existe-t-il une obstruction bronchique intercritique ?

À quel niveau de réactivité se situe l’arbre aérien du patient ?

La conclusion de cette évaluation permet de décider ou non de l’intensification d’un traitement dans les jours précédant l’intervention (corticothérapie inhalée ou orale), d’une médication spécifique dans les instants précédant l’induction anesthésique, et enfin guide le choix de la technique anesthésique (choix préférentiel de l’anesthésie locorégionale).

* Optimisation des coronariens

La revascularisation myocardique avant un acte chirurgical diminue le risque cardiovasculaire.

Il n’est cependant pas légitime d’entreprendre une revascularisation dans le seul souci de réduire le risque car elle expose à un risque propre qui s’additionne à celui de la chirurgie non coronarienne.

Elle ne doit être effectuée que lorsqu’elle est de toute façon nécessaire, même en l’absence de tout acte chirurgical.

L’intensification de la prise en charge périopératoire après réévaluation est l’attitude recommandée.

L’utilisation périopératoire des bêtabloquants a prouvé son efficacité chez le patient à risque.

* Optimisation des thérapeutiques intercurrentes

La consultation d’anesthésie a également pour rôle de recenser les traitements pris par le patient et pouvant interférer avec l’anesthésie.

Deux types d’interactions sont principalement décrits : les interactions pharmacocinétiques liées à une modification de l’absorption, de la distribution, de la transformation ou de l’excrétion d’un médicament par un autre et des interactions pharmacodynamiques liées aux modifications des paramètres physiologiques par le traitement de fond du patient.

Les interactions les plus fréquentes sont d’ordre pharmacodynamique et portent essentiellement sur le système cardiovasculaire.

C’est ainsi que la prise d’inhibiteur de l’enzyme de conversion augmente le risque d’hypotension artérielle induite par les agents anesthésiques.

Les médicaments présentant des risques d’interaction pharmacocinétique agissent principalement au niveau de la biotransformation hépatique et de l’élimination urinaire.

3- Envisager la période postopératoire :

L’analgésie postopératoire, notamment par voie péridurale, réduit la survenue de complications pulmonaires et pourrait jouer un rôle dans la survenue des ischémies myocardiques chez les malades à risque.

De plus, pour un certain nombre d’actes chirurgicaux, l’incidence des douleurs chroniques dans la zone opératoire peut être diminuée par une analgésie per- et postopératoire adaptée.

Le choix de l’analgésie postopératoire est donc conditionné par une parfaite connaissance de la chirurgie envisagée et du terrain du patient.

De plus, une bonne information du patient est nécessaire pour une bonne adhésion à la technique employée (analgésie autocontrôlée, anesthésie locorégionale).

La consultation d’anesthésie est donc le meilleur moment pour planifier et expliquer l’analgésie postopératoire.

L’éventualité d’un séjour en soins intensifs ou en réanimation doit être planifiée pour des raisons évidentes de disponibilité de place et une information appropriée doit être délivrée au patient.

Information :

L’information est un devoir de tout praticien envers son patient.

Ceci étant, il est difficile de délivrer une information exhaustive de tous les risques possibles.

Il paraît donc cohérent de s’intéresser à deux types de risques : les risques liés à des événements fréquents, fussent-ils bénins (nausées/vomissements postopératoires, frissons postanesthésiques) mais également les risques d’événements rares, mais d’une gravité particulière et ce, paradoxalement, d’autant plus que l’acte chirurgical et l’anesthésie qui l’accompagne comportent un risque faible.

Le but est de bien faire percevoir au patient le rapport bénéfice/risque ; moins l’acte envisagé a de bénéfice thérapeutique, plus il importe que le patient ait conscience de l’impossibilité du « risque 0 ».

Enfin, un risque doit être signalé lorsqu’il existe une alternative ne comportant pas les mêmes risques.

L’information ne doit pas se limiter au risque opératoire mais doit donner au patient une idée précise du déroulement de l’anesthésie, ainsi que des renseignements sur l’analgésie postopératoire.

S’il existe un risque que le patient soit transfusé, il doit en être informé et une information spécifique doit lui être délivrée.

La question de la meilleure manière de délivrer l’information n’est pas tranchée (orale, écrite, voire assistée par une vidéo) mais il existe des documents (par exemple ceux rédigés par la Société française d’anesthésie et de réanimation [SFAR] sur l’anesthésie, la transfusion sanguine et l’analgésie postopératoire auxquels de nombreuses institutions ont ajouté des documents adaptés à leurs activités spécifiques).

Implications pour le médecin traitant :

A – Avant l’intervention :

Le médecin traitant peut être consulté pour donner des indications sur l’état de santé d’un patient dont il connaît mieux que quiconque l’histoire et l’évolution.

Il peut également être impliqué dans l’évaluation lorsque l’intervention justifie des examens spécialisés chez un patient pourtant stabilisé par son traitement dans la vie courante.

C’est le cas notamment du coronarien qui, pour une intervention majeure, va parfois devoir bénéficier d’une réévaluation.

Certains traitements habituels doivent être interrompus si l’état du patient le permet.

C’est le cas notamment de l’aspirine et des antiagrégants avant une chirurgie hémorragique ou une anesthésie locorégionale de type péridurale ou rachianesthésie. L’aide du médecin traitant est là encore primordiale car de nombreux patients sont incapables de dire à la consultation d’anesthésie quels médicaments ils prennent.

C’est encore le cas des médicaments interagissant avec les effets hémodynamiques de l’anesthésie comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

D’autres traitements, au contraire, peuvent être introduits à l’occasion d’un acte chirurgical, comme un bêtabloquant chez un patient à risque cardiovasculaire élevé ou un corticoïde chez un bronchitique ou un asthmatique.

B – Après l’intervention :

Le médecin traitant doit savoir que certains types de chirurgie et certains événements périopératoires rendent leurs patients plus sujets que d’autres à des complications cardiovasculaires graves, et la prise en charge ultérieure doit être adaptée en conséquence.

Après hospitalisation courte et notamment après chirurgie ambulatoire, le médecin traitant peut être confronté à des patients présentant encore des douleurs postopératoires.

Enfin, le médecin traitant peut avoir à reconnaître des effets secondaires de l’anesthésie comme les brèches de la dure-mère ou les mémorisations postopératoires.

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