Signes et symptômes comportementaux et psychologiques de la démence

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Signes et symptômes comportementaux et psychologiques de la démence
Introduction :

La recherche pharmacologique en matière de démences a porté jusque récemment presque exclusivement sur le déclin cognitif et la perte d’autonomie.

Pourtant, ce sont plus souvent les symptômes dits « non cognitifs », et en particulier comportementaux, qui obligent le patient à quitter précocement son domicile, qui compromettent la qualité de vie du patient comme celle de ses proches, qui aggravent les risques de maltraitance et qui favorisent l’épuisement affectif et physique du soignant principal.

Récemment, la nécessité de définir la sémiologie des modifications comportementales au cours des démences a soulevé un intérêt international.

La recherche d’un consensus est née en 1995 au cours d’une réunion de l’International Psychogeriatric Association à Sydney, qui s’est poursuivie par une réunion de 16 experts, d’origine géographique différente, enVirginie.

La dénomination de « signes et symptômes comportementaux et psychologiques de la démence » a été proposée pour remplacer le terme de « troubles du comportement » considéré comme trop vague.

La conférence de consensus a porté sur la définition des différents signes et symptômes, en les distinguant de ceux du syndrome confusionnel, leurs méthodes de quantification, leur substrat neurobiologique, leurs liens psychologiques, leur retentissement sur les proches, leurs aspects transculturels et les possibilités thérapeutiques.

Aujourd’hui, de nombreuses années après la caractérisation du noyau neuropsychologique, se dessine une nouvelle sémiologie dans le domaine des démences, pouvant faire espérer la détermination proche de règles thérapeutiques.

Historique :

Les symptômes comportementaux des déments ont été abordés de façon variée suivant les époques et les pays.

Une des premières observations de patients déments par Alois Alzheimer relate la présence d’une apathie, de repas absorbés goulûment, de rires, d’occupation des mains, d’idées délirantes à thème de persécution, d’hallucinations ou d’agitation sévère.

En France, dans des ouvrages récents de psychiatrie générale, les symptômes sont rapportés comme des « bizarreries du comportement » étonnant l’entourage par leur caractère récent et inhabituel : épisodes de turbulence nocturne, troubles de la conscience oniroïde, épisodes d’exhibitionnisme ou actes agressifs dont les motivations paraissent obscures.

Dans d’autres ouvrages, le patient qualifié de vieillard dément est décrit avec des vêtements malpropres, pouvant collectionner des objets hétéroclites, faire des actes absurdes et dangereux, somnoler dans la journée et être turbulent la nuit.

En revanche, dans des livres de neurologie générale, les symptômes non cognitifs ne sont pas même mentionnés.

Ainsi, suivant les auteurs et les périodes, les symptômes comportementaux de la démence ont fait l’objet d’interprétation, de confusion avec la confusion, ou même d’oublis ou d’ignorance.

Aux États-Unis, le premier manuel de statistiques diagnostiques (DSM) publié en 1918 retenait six sous-types de psychoses séniles : la détérioration simple, la presbyophrénie, la confusion, les types déprimé et agité, le type paranoïde et le type présénile.

La sémiologie psychiatrique prédominait dans la distinction des sous-types.

En 1952, avec la révision des critères, le terme de « psychose associée à un syndrome cérébral organique » fut utilisé. Il y en avait deux types, le chronique associé à une maladie sénile et le chronique associé à d’autres troubles.

Avec le DSM II, on distingua les démences séniles et préséniles.

Le DSM III décrivit, en fonction des manifestations non cognitives, quatre types de démence dégénérative primaire : non compliquée, avec confusion, avec idées délirantes ou dépression.

Les changements dans le comportement et la personnalité apparaissaient comme des symptômes associés à la démence.

En 1984, les critères du NINCDS-ADRDA donnèrent une définition internationale de la maladie d’Alzheimer (MA) en vue de l’élaboration de protocoles thérapeutiques à visée cognitive.

Les symptômes comportementaux n’y sont que signalés.

L’ICD (Classification internationale pour le diagnostic) 10 (1993) permit de classer en sous-types certaines manifestations psychiatriques, dépressives, hallucinatoires ou délirantes et distingua les deux classes de manifestations psychotiques tandis que le DSM IV (1996) apporta, par rapport au DSM III, d’autres précisions dans la description des troubles du comportement comme l’errance.

Les dénominations de ces symptômes ont été multiples : troubles du comportement, symptômes psychiatriques, neuropsychiatriques, manifestations non cognitives.

L’inadéquation des termes est liée à l’origine multifactorielle de ces symptômes.

Épidémiologie :

A – Prévalence :

La fréquence des SSCPD retrouvée dans les données de la littérature dépend des méthodes d’évaluation, hétérogènes jusqu’à ces dernières années.

D’autre part, rares sont les études ayant exclu les épisodes confusionnels et les manifestations comportementales iatrogènes.

Les données sont donc approximatives.

Plus de 50 % des patients déments auraient des signes comportementaux significatifs.

Si, selon les nouvelles définitions, l’on prend en compte les signes négatifs, l’apathie est observée dans 72 % des patients.

Dans des études ayant exclu les patients ayant reçu des neuroleptiques dans les 2 semaines précédant l’évaluation et ceux répondant aux critères de démence frontotemporale (DFT), la fréquence de l’apathie est moindre (16 %).

B – Âge :

Dans plusieurs études, l’âge ne modifie pas la fréquence des SSCPD, mais Swearer et al ont pourtant montré que le jeune âge était un facteur prédictif de survenue de symptômes psychotiques.

C – Sexe :

Les comportements agressifs seraient plus fréquents chez les hommes que chez les femmes.

D – Niveau d’éducation :

Le niveau d’éducation pourrait influencer la survenue de manifestations délirantes et de troubles thymiques.

Un lien avec le niveau d’éducation n’a pas été retrouvé dans les études récentes utilisant le NPI (Neuropsychiatric Inventory).

E – Autres facteurs de risques :

Leur fréquence et leur type dépendent du stade de l’état démentiel mais aussi de l’étiopathogénie de la démence.

L’agitation et la passivité ont été rapportées comme liées à la sévérité de la démence, alors que la suspicion et les comportements égoïstes sont des manifestations observées en début de MA.

Les manifestations dépressives sont plus fréquentes dans la démence vasculaire que dans la MA alors que les hallucinations sont rares dans les DFT.

L’influence de la personnalité antérieure du patient sur la symptomatologie comportementale au cours de la démence fait encore l’objet de controverses.

Le mélange des pathologies démentielles contribue certainement à la discordance entre les études.

Les résultats peuvent aussi varier en fonction du choix de l’outil de mesure et du symptôme comportemental étudié.

Kolanowski et al mirent en évidence un lien entre l’agressivité et une personnalité névrotique alors que les traits de personnalité ne semblaient pas influencer l’agitation.

Les manifestations dépressives présentées par les patients déments seraient plus spécifiquement influencées par les traits de personnalité : anxiété, tristesse et impulsivité antérieures au déclin cognitif ont souvent été rapportées dans les démences avec dépression.

Les différents symptômes thymiques observés dans la DFT ne sont pas liés aux traits de personnalité des patients, mais sont des manifestations de la maladie dégénérative.

D’un point de vue quantitatif, les traits de personnalité ne paraissent pas favoriser non plus l’existence d’un score plus élevé de SSCPD.

Le typage apoE a aussi été réalisé parallèlement à l’évaluation comportementale.

L’anxiété et les manifestations psychotiques ont été trouvées ou observées plus fréquemment dans le génotype ApoE-3/3 et la prévalence de la dépression diminue avec l’augmentation de l’ApoE-4, mais de façon non significative.

F – Pronostic :

Les SSCPD sont la première raison de l’institutionnalisation des patients déments, surtout l’agressivité.

Ils favorisent la maltraitance. Les manifestations psychotiques sont considérées comme facteur prédictif de rapidité de déclin cognitif, ainsi que l’agitation.

Définition. Diagnostic :

Les SSCPD ont été définis comme les signes et les symptômes de distorsion de perception, de contenu de pensée, d’humeur ou de comportement survenant fréquemment chez les patients déments.

Ils se distinguent des manifestations du syndrome confusionnel pouvant être associées à une démence.

Ils peuvent être groupés soit en entités psychopathologiques (dépression, psychose…), soit par fonction (comme le sommeil), soit par comportement modifié ou encore en différenciant les manifestations exprimées des manifestations observées.

Différents symptômes ont été étudiés : les délires, les hallucinations, les troubles de l’identification, l’agitation, la déambulation, l’instabilité psychomotrice, les compulsions, la désinhibition, l’apathie, l’indifférence, la fatigabilité, les plaintes, le négativisme, l’hyperémotivité, les réactions catastrophes, les comportements intrusifs, la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil, les troubles des conduites alimentaires et la désinhibition sexuelle.

Ce consensus est le point de départ d’une comparaison transculturelle des SSCPD, d’une réflexion sur l’influence de l’environnement, d’un suivi longitudinal des SSCPD, de la caractérisation de leur fréquence, d’une approche étiopathogénique, dans l’objectif d’arriver à un consensus afin d’envisager des perspectives thérapeutiques.

1- Délires et troubles de l’identification :

Il s’agit de croyances paranoïdes souvent simples et non systématisées comme des accusations temporaires de vol ou d’infidélité du conjoint.

Certains délires sont sous-tendus par un trouble de perception visuelle perturbant la reconnaissance et pouvant conduire à de fausses reconnaissances. Burns les classe en quatre types : le phénomène du fantôme, dans lequel la distinction entre un trouble de l’identification et une hallucination est difficile, le trouble de la reconnaissance de sa propre image dans le miroir, le trouble de l’identification d’une autre personne, la conviction que les personnes observées sur l’écran de télévision sont dans la pièce et peuvent entendre ses propres propos.

D’autre part, il peut exister des phénomènes délirants plus complexes prenant leur origine aussi dans les troubles de l’identification mais pas exclusivement perceptuelle.

Ellis etYoung ont distingué trois types : le délire de Capgras (non-reconnaissance d’un proche alors que la ressemblance est soulignée, identification d’un sosie), le délire de Fregoli (fausses reconnaissances de plusieurs personnes sans ressemblance comme étant la même personne), le délire d’intermétamorphose (plusieurs individus différents sont reconnus comme incarnés dans le même corps).

Ces délires sont rares dans les états démentiels, excepté le délire de Capgras.

Toutefois, ce délire est réduit à l’essentiel, c’est-à-dire que, contrairement au patient psychotique, il ne fait pas l’objet d’un travail secondaire d’élaboration pour le rendre crédible avec invention de détails pour distinguer le sosie de l’original.

2- Hallucinations :

Elles peuvent être définies comme des expériences sensorielles (visuelles, auditives ou tactiles) sans perceptions, ce qui les différencie des illusions qui sont la conséquence d’une erreur perceptive pouvant être favorisée par une agnosie visuelle.

3- Agitation :

L’agitation du sujet dément a été définie comme une activité verbale, vocale ou motrice inappropriée par sa fréquence ou par sa survenue dans le contexte social.

On en distingue trois types : l’agitation verbale, physique non agressive et l’agitation agressive.

4- Instabilité psychomotrice :

Plusieurs types peuvent être distingués : la déambulation qui définit le comportement du patient explorant les lieux, la tasikinésie qui est l’incapacité de rester assis ou allongé et le syndrome de Godot, manifestation anxieuse qui consiste à suivre l’aidant principal dans ses déplacements.

5- Compulsions :

Certaines manifestations peuvent faire évoquer les mécanismes compulsifs comme des comptages à voix haute, des répétitions gestuelles (frottements…) ou verbales (répétition incessante de la même question ou du même refrain).

La distinction avec les stéréotypies est parfois difficile.

6- Désinhibition :

Elle est souvent associée à un certain nombre de troubles du contrôle de soi comme l’impulsivité, la distractibilité, les troubles du contrôle de l’émotion.

7- Apathie :

L’apathie est définie par Marin et al comme un trouble de la motivation qui ne peut être attribué à un trouble de conscience, à un déficit intellectuel ou à un stress émotionnel.

L’apathie a trois composantes, une diminution de l’initiation motrice, une diminution de l’initiation cognitive et une diminution du ressenti affectif.

8- Hyperémotivité et réactions catastrophes :

L’hyperémotivité est définie par Allman comme une forte tendance à pleurer, plus fréquemment, plus facilement, ou de façon plus intense, dans des circonstances précipitantes comme des pensées (famille, maladie…), des expressions de sympathie, l’arrivée ou le départ d’un proche, la présence d’un étranger, l’incapacité à réaliser une tâche, regarder des événements tristes à la télévision, écouter de la musique…

Elle se distingue des réactions catastrophes qui sont habituellement indépendantes du contexte extérieur et du vécu affectif du patient.

9- Manifestations dépressives :

La tristesse de l’humeur peut s’observer à différents stades de démence.

Au début, elle serait plus réactionnelle à la conscience de la perte cognitive alors que, avec l’évolution, elle serait l’expression d’un dysfonctionnement neurobiologique peu modulé par l’environnement.

Contrairement à ce qui est observé dans la dépression, la tristesse est de courte durée dans une journée, survenant par moments.

Ces moments peuvent être réactionnels à la prise de conscience fugace du déclin cognitif, en particulier lors de mise en échec. Les idées suicidaires ne sont pas habituelles.

10- Anxiété :

L’anxiété chez le patient dément n’est pas liée à l’état cognitif, ni aux paramètres démographiques.

Ballard en distingue trois catégories : l’anxiété liée à la dépression, l’anxiété liée à des manifestations psychotiques et l’anxiété liée à des situations interpersonnelles.

Cohen distingue les types d’anxiété en fonction de la situation ; il individualise par exemple l’anxiété « challenge », l’anxiété par absence de familiarité et l’anxiété d’isolement.

11- Troubles du sommeil et du rythme circadien :

Une fragmentation du rythme de sommeil peut être observée chez les patients déments.

Des états d’hyperactivité peuvent être présents seulement à des horaires précis.

La période après 16 heures est la plus fréquente et est appelée phénomène du « coucher de soleil » (sundowning).

12- Troubles des conduites alimentaires :

L’hyperphagie est fréquente avec augmentation de la ration alimentaire.

Elle se distingue de l’hyperoralité par la mise à la bouche d’objets seulement alimentaires.

Sa survenue est liée à l’évolution de la maladie. Elle est souvent associée à une déambulation.

Une des caractéristiques de la prise d’aliments chez les patients déments serait l’absence de décélération de la vitesse à avaler les aliments au cours du repas.

Un trouble de la satiété serait fréquent chez les sujets déments.

L’augmentation de la ration alimentaire peut se faire aussi, dans certains cas, par une prise entre les repas, qualifiable de grignotage, le plus souvent sucré.

13- Troubles des conduites sexuelles :

Ces troubles seraient fréquents, et particulièrement la réduction.

Il peut exister une certaine perte de la décence, manifestation surtout de désinhibition.

Diagnostics différentiels :

Toute manifestation comportementale survenant chez un patient dément ne doit pas être considérée comme appartenant aux SSCPD.

A – Syndrome confusionnel :

C’est une cause très fréquente de modifications comportementales lors de démence.

L’état démentiel est en effet un état favorisant la survenue d’une confusion.

La distinction est particulièrement difficile lors de symptômes délirants par troubles de perception et d’un phénomène du « coucher de soleil ».

Certains signes comme l’inversion nycthémérale et la brutalité de survenue sont des caractéristiques assez spécifiques de la confusion.

B – Effets indésirables des thérapeutiques :

Les thérapeutiques peuvent avoir une expression comportementale et pas seulement comme inducteur de confusion.

Toutefois, l’imputabilité est souvent difficile à prouver, en particulier avec les psychotropes prescrits déjà pour des troubles du comportement.

La relation temporelle, l’amélioration à l’arrêt de la thérapeutique sont importants, mais pas constants comme avec l’utilisation des neuroleptiques lors de démence à corps de Lewy (DCL) où la réversibilité n’est qu’inconstante.

Paradoxalement, les effets secondaires non psychiques sont mieux connus que les effets secondaires neuropsychiatriques, en particulier dans la démence.

L’apathie est un des effets indésirables les plus fréquents, en particulier des neuroleptiques, mais aussi de certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.

Les troubles de vigilance diurnes sont fréquents lors de l’utilisation d’hypnotiques à demi-vie longue.

Des manifestations dépressives ont été rapportées avec la réserpine, les anabolisants stéroïdiens et les glucocorticoïdes.

L’effet dépressogène des bêtabloquants est contesté.

En revanche, des virages maniaques peuvent être en relation avec une association d’agents sérotoninergiques comme la fluoxétine à de la buspirone lors de démence.

L’instabilité psychomotrice à type d’akathisie peut aussi être observée avec les neuroleptiques et la fluoxétine.

Des hallucinations ont été rapportées avec les agents dopaminergiques, les anticholinergiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les corticoïdes, certains antiarythmiques, les anti-H2, la fluoxétine, le zolpidem, les androgènes.

C – Pathologie psychiatrique :

1- Dépression :

Si les symptômes dépressifs sont fréquents dans la démence, il est rare que les patients répondent aux critères d’épisode dépressif.

Lors de démence, la tristesse de l’humeur est habituellement inconstante, il n’y a pas de sentiment de culpabilité et rarement d’idées suicidaires.

Les troubles du sommeil et de l’appétit sont très inhabituels.

La connaissance du profil neuropsychologique dans la dépression est une aide précieuse au diagnostic.

Les mémoires épisodiques et déclaratives sont altérées par le processus dépressif.

L’attention, l’encodage et le rappel, les fluences catégorielles peuvent être déficitaires.

Les tâches effortful sont particulièrement sensibles à la dépression.

Une épreuve comme le California verbal learning test a montré sa sensibilité pour distinguer un état dépressif d’une démence.

2- Manie :

Les critères d’épisode maniaque des DSM sont assez spécifiques pour distinguer les symptômes maniaques de démence d’un épisode maniaque.

Si l’exaltation peut se voir lors de démence, elle ne s’accompagne généralement ni de fuite des idées, ni d’idées mégalomaniaques, ni de troubles du sommeil et d’hyperactivisme productif.

3- Psychoses tardives :

Le diagnostic de psychose est assez simple quand les manifestations débutent à l’âge de l’adolescence ou de jeune adulte.

En revanche, la nosographie des psychoses à début tardif fait l’objet de controverses, en France comme à l’étranger.

Ce diagnostic n’élimine pas une étiopathogénie neurologique, mais ne peut être retenu qu’en cas de préservation intellectuelle et sûrement pas lors d’état démentiel.

Le terme de psychose hallucinatoire chronique est d’usage en France, celui de paraphrénie tardive est utilisé en Europe, alors que les Américains parlent de schizophrénie à début tardif.

Certaines caractéristiques sémiologiques sont évocatrices de psychoses tardives plutôt que de manifestations psychotiques, accompagnant ou associées à une démence, comme les hallucinations auditives et la présence d’un syndrome d’influence.

L’examen neurologique peut aussi contribuer au diagnostic psychiatrique.

Des signes extrapyramidaux sont fréquemment associés aux manifestations psychotiques du sujet âgé et seraient différents selon la nature des manifestations psychotiques : allongement de la durée des mouvements dans la MA, tremblement postural dans la psychose.

Les données comparant la DCL avec hallucinations précoces et la psychose hallucinatoire chronique sont trop rares pour en connaître la pertinence clinique.

D – Déficits perceptifs :

Le syndrome de Charles Bonnet se caractérise par la présence d’hallucinations visuelles formées et complexes, persistantes ou répétitives avec une conscience au minimum partielle, sans idées délirantes et sans hallucinations dans d’autres modalités.

Les scènes complexes avec défilés de personnage sont les contenus rapportés dans la littérature, mais des hallucinations plus simples peuvent aussi exister.

Le risque de survenue de ce syndrome est lié à l’existence d’une baisse d’acuité des deux yeux et à l’âge avancé.

Signes et symptômes comportementaux et psychologiques dans les différentes démences :

A – Maladie d’Alzheimer :

Les SSCPD sont plus fréquents avec l’évolution de la maladie qu’au tout début, certains symptômes sont liés à la sévérité de la démence comme l’anxiété, les manifestations délirantes, la désinhibition et les comportements aberrants.

Tous les SSCPD décrits peuvent s’observer individuellement au cours de la MA.

Certains symptômes peuvent spontanément disparaître au cours de l’évolution.

B – Démences frontotemporales :

Les SSCPD sont les premiers symptômes de la DFT.

Certains symptômes sont beaucoup plus fréquents que dans la MA comme la désinhibition et l’apathie, mais ils ne sont pas spécifiques.

Les hallucinations sont en revanche exceptionnelles.

Ce qui est spécifique aux DFT à un stade léger de démence serait une association syndromique.

L’hétérogénéité clinique des DFT à l’origine de profils comportementaux différents, parfois même opposés, rend les comparaisons comportementales avec d’autres maladies difficiles.

Cette difficulté peut être contournée en regroupant les manifestations par classe.

La Frontotemporal Scale a été construite suivant ce principe.

Elle regroupe les manifestations habituelles des DFT en quatre classes : troubles du « contrôle de soi », manifestations d’une baisse d’intérêt, troubles de l’humeur et manifestations d’une négligence physique.

Le seuil des trois quarts des classes de troubles du comportement présents est un marqueur sensible et spécifique de DFT.

C – Démence à corps de Lewy :

Les hallucinations visuelles persistantes sont un des trois symptômes cardinaux de la DCL. Ces hallucinations sont récurrentes, formées et détaillées.

Il s’agit souvent d’hallucinations de personnes ou d’animaux.

Elles ont peu de caractéristiques distinctives de celles de la MA, à l’exception que les patients ayant une DCL peuvent entendre parler les hallucinations.

Les hallucinations auditives peuvent aussi être observées mais plus rarement.

Les manifestations dépressives sont aussi fréquentes et peuvent être inaugurales.

D – Démence vasculaire :

La survenue de troubles de l’humeur au début d’un état démentiel est un élément en faveur du diagnostic de démence vasculaire selon les critères du NINCDS-AIREN.

Les troubles de l’humeur comme l’hyperémotivité, l’émoussement affectif ou encore l’apathie sont très fréquents alors que les patients répondent rarement aux critères d’épisode dépressif.

La symptomatologie thymique est un reflet de la localisation des lésions, expliquant l’hétérogénéité des données de la littérature.

Au contraire, une exaltation peut s’observer.

Des SSCPD peuvent être présents, même à un stade modéré de démence.

Délire et hallucinations sont fréquents, et même plus fréquents que dans la MA.

Des modifications des conduites alimentaires à type de grignotage sucré ont été rapportées.

La déambulation serait moins fréquente que dans la MA.

E – Maladie de Huntington :

Les manifestations psychiatriques peuvent être inaugurales, en particulier psychotiques, avec des formes pseudoschizophréniques, des manifestations paranoïaques, des manifestations dépressives avec impulsivité et conduites suicidaires, mais aussi des troubles obsessionnels compulsifs, ou survenir au cours de la maladie avec des épisodes d’agressivité pouvant aller jusqu’à l’acte médicolégal.

F – Paralysie supranucléaire progressive :

Peu d’études portent sur les manifestations psychiatriques mais elles trouvent toutes une fréquence élevée des SSCPD, avec des manifestations pouvant précéder les symptômes cardinaux.

Ce sont habituellement des manifestations dépressives, parfois même avec idées suicidaires, des manifestations anxieuses, un trouble du contrôle émotionnel.

G – Hydrocéphalie à pression normale :

Si les SSCPD ne font pas partie de la triade diagnostique, ils sont fréquents.

Il peut s’agir de manifestations psychotiques, dépressives, d’apathie ou de symptômes maniaques. Parfois, ils peuvent précéder les signes neurologiques et sont améliorés aussi par une dérivation.

H – Maladie de Creutzfeldt-Jakob :

Des manifestations psychiatriques peuvent précéder les troubles neurologiques, comme un délire de persécution, des manifestations dépressives ou hypocondriaques.

Outils d’évaluation et de mesure :

Le terme d’échelle de comportement est adapté car, lors de démence, il s’agit plus de quantifier des manifestations observées que des symptômes ressentis, contrairement aux maladies psychiatriques.

L’autoévaluation des troubles a ainsi un intérêt moindre par rapport aux informations recueillies auprès des proches, en raison des troubles mnésiques, de l’anosognosie et du refus des déficits.

La fiabilité des proches est à prendre en compte avant d’affirmer la présence de troubles et le suivi nécessite que le patient soit toujours accompagné par la même personne.

Des rencontres une fois par semaine sont considérées comme étant le minimum pour qu’un proche puisse avoir une idée du comportement du patient.

Un questionnaire ou un entretien structuré permet de relever des symptômes non rapportés spontanément par les proches car peu gênants socialement.

A – Outils non spécifiques aux états démentiels :

Parmi les échelles référencées aujourd’hui dans la littérature, la Stockton Geriatric Rating Scale paraît être une des plus anciennes.

Elle était utilisée en psychogériatrie, indistinctement chez des patients dits organiques ou fonctionnels. Les premières échelles d’évaluation du comportement dans les démences ont surtout été développées par des services de psychiatrie afin d’évaluer, d’une part, les limites du maintien à domicile, le meilleur moment de l’entrée en hôpital de jour, le retentissement sur l’entourage et, d’autre part, l’importance des états d’agitation dans les structures « long séjour » et leurs conséquences sur la charge en soins en psychiatrie.

Dans les années 1980, les troubles du comportement étaient considérés comme des manifestations des stades sévères des démences et leur évaluation fut associée à celle de la perte d’autonomie dans plusieurs outils comme dans l’échelle de Zarit.

Les travaux de Teri ont corrigé cette idée en montrant que les troubles du comportement n’étaient pas liés à la sévérité du syndrome démentiel. Rubin et al ont ensuite montré qu’au contraire les modifications comportementales pouvaient faire partie des premiers symptômes de la MA.

L’évaluation du comportement se repositionnait alors comme moyen diagnostique pour éliminer une maladie psychiatrique.

C’est dans cet esprit que Wells avait déjà défini des critères voulant distinguer la démence au sens organique de la pseudodémence dépressive.

Les troubles du comportement furent aussi l’objet d’une interrogation sur leurs conséquences pronostiques.

Baumgarten et al ont souligné l’intérêt d’entretiens structurés et rappelé que l’évaluation ne se limitait pas à l’entretien avec le malade comme habituellement en psychiatrie, mais comprenait un entretien avec un membre de l’entourage proche.

La perspective d’études pharmacologiques a probablement incité à l’utilisation d’échelles psychiatriques déjà validées et connues des pharmacologues avant que soient créés récemment des outils spécifiques à l’évaluation des effets pharmacologiques sur le comportement.

Certains items des échelles classiques manquent de pertinence pour évaluer la sévérité d’une dépression lors de déficits cognitifs comme la perte d’intérêt, les difficultés de concentration, la réduction de l’appétit pouvant être liée à bien d’autres raisons comme le fait d’oublier de manger, de ne pas avoir une hygiène buccale correcte ou de ne plus savoir préparer les aliments achetés, ou encore la présence de troubles du sommeil pouvant être expliqués par une désorientation temporelle ou spatiale au réveil.

Et pourtant, ces items appartiennent à des outils souvent utilisés dans les démences comme l’échelle de dépression d’Hamilton, ou de Montgomery et Asberg (MADRS).

Dans les échelles de manifestations psychotiques comme la SANS (Scale Affective Negative Symptoms) ou la BPRS (Brief Psychiatric Rating Scale), certains symptômes comme le maniérisme, la mégalomanie, ne sont jamais présents lors de démence alors que les symptômes cognitifs comme la désorganisation conceptuelle, les difficultés d’abstraction, peuvent être observés dans les démences comme dans les psychoses.

La création d’outils spécifiques aux sujets âgés comme laGDS(Geriatric Depression Screening Scale) a amélioré le dépistage des dépressions avec l’avance en âge, mais ils sont d’utilisation difficile lors de la présence de troubles cognitifs.

Quelle valeur peut-on accorder à la réponse à une question comme « est-il satisfait de sa vie ? » lorsque le patient présente un syndrome démentiel ?

Des outils dimensionnels transnologiques comme l’échelle de Jouvent ou l’échelle d’Aubin sont plus adaptés à l’évaluation de troubles de l’humeur lors de déficits cognitifs, même s’ils n’ont pas été spécifiquement validés dans la démence.

B – Outils spécifiques aux états démentiels :

1- Échelles de dépression :

Deux échelles ont été spécifiquement développées pour évaluer la dépression dans la démence.

L’échelle de Cornell, qui a l’avantage d’avoir été validée en français, n’évalue pas seulement des symptômes dépressifs mais aussi des troubles du comportement comme l’impatience avec mouvements de frottements de mains ou d’étirement des cheveux.

De plus, la formulation de certains items peut porter à confusion, comme pour la recherche d’une diminution de l’appétit : « s’alimente moins que d’habitude ».

Au contraire, l’échelle DMAS (Dementia Mood Assessment Scale) de Sunderland insiste sur la recherche des signes cardinaux inhabituels de la dépression lors de démence que sont la culpabilité, le désespoir.

Elle précise pour l’appétit la notion de « perte de l’intérêt pour les repas » permettant mieux de faire la distinction avec une maladie anorexigène surajoutée.

Cette échelle est cotée après un entretien avec le patient et avec un proche.

La DMAS permet d’évaluer différents aspects de l’humeur comme l’apathie, l’irritabilité, la tonalité de l’humeur, l’émotion, et d’apprécier la différence entre l’humeur observée et le sentiment ressenti.

Elle a aussi fait l’objet d’une validation française.

2- Outils évaluant spécifiquement les troubles du comportement dans la démence :

Les outils peuvent être classés en quatre catégories.

A – Les échelles spécifiques à un type de trouble du comportement, en particulier à l’agitation, à l’agressivité ou à l’apathie sont :

– l’échelle RAGE (Rating Aggressive in Elderly), l’échelle de Cohen- Mansfield analysant 29 types différents d’agitation et même 36 dans une seconde version, la Pittsburgh Agitation Scale ;

– les échelles Irritability and Apathy Scales, Apathy Scale ;

– la partie comportementale de l’échelle de Gottfries, Brane et Steen (GBS) ; elle prend en compte surtout les troubles émotionnels, en plus des deux autres axes cognitif et moteur ;

– la Behave-AD, très orientée sur les signes productifs psychotiques et sur l’évaluation de l’agitation ; elle est un outil créé pour mesurer une charge en soins psychiatriques ; dans les réponses, la possibilité de tolérance par les proches est prise en compte ; en revanche, l’évaluation de l’humeur et des signes déficitaires sont de faible importance dans cette échelle.

B – Échelles plus globales des troubles du comportement :

– L’échelle ADAS-nonCOG : l’évaluation prend en compte surtout le comportement durant l’entretien.

Elle comprend des items qui ne sont pas comportementaux comme les tremblements.

Certains items ne sont pas toujours très distincts comme déambulation et agitation motrice.

D’autre part, l’évaluation comportementale est limitée à quelques items.

– L’échelle COBRA (Caretaker Obstreperous Behavior Rating Assessment) : cette échelle n’a pas été construite que sur l’observation de patients Alzheimer, mais aussi de patients qui présentaient une démence vasculaire ou une autre démence.

Certains symptômes ne sont pas pris en compte comme l’apathie, l’anxiété ou la dépression.

En revanche, elle évalue des signes végétatifs comme la tolérance à la douleur, les modifications de poids.

C – Outils structurés (entretiens ou questionnaires) :

– L’échelle BRSD (Behavior Rating Scale for Dementia) est un entretien qui comprend une cinquantaine de questions recherchant les symptômes comportementaux fréquents chez les patients Alzheimer.

La désorientation temporelle est assimilée à un trouble du comportement.

Cet entretien a été construit avec des patients présentant une démence légère ou modérée rendant l’outil pertinent dès le début de la maladie.

– L’inventaire neuropsychiatrique (NPI) recueille beaucoup des manifestations spécifiques à la MA.

La description des différents troubles de l’humeur est assez limitée.

La définition de l’apathie diffère de celle de Marin, ne prenant pas en compte la composante psychomotrice.

Certains troubles ont été abandonnés comme ceux des conduites alimentaires ou du sommeil et de la vigilance par rapport à la version à dix items.

La passation est assez longue et nécessite une habitude des entretiens psychiatriques (40 minutes).

Une traduction française est disponible.

– L’échelle Columbia University Scale for Psychopathology est assez proche de la Behave-AD.

Elle ne prend pas en compte l’anxiété, les modifications de poids, les idées suicidaires, alors que les différentes manifestations délirantes sont bien détaillées.

– L’échelle RMBPCL (Revised Memory and Bebavior Problems Cheklist) est un questionnaire de dépistage des troubles chez les sujets âgés déments ou non, destiné au proche.

– Le questionnaire de dyscontrôle comportemental (QDC) est un questionnaire destiné au plus proche accompagnant pour apprécier qualitativement le type de troubles du comportement.

Il comporte 15 questions à réponse binaire.

C’est un outil d’aide au diagnostic et à la prise en charge.

Un questionnaire est particulièrement nécessaire en France où les consultations pluridisciplinaires sont encore assez rares et l’entretien psychiatrique peu répandu.

D – Outils d’aide au diagnostic :

Parmi les outils aidant au diagnostic, un des premiers fut celui de Gustafson et Nilsson.

Cet outil n’est pas purement comportemental et cherche à différencier les démences à tous stades de sévérité confondus, alors que la pertinence de certains symptômes ne l’est qu’à un stade évolué de la maladie comme les hallucinations.

Ce reproche peut être fait à d’autres études sur l’évaluation comportementale comme celle de Gregory.

Le NPI a été proposé pour différencier MA et DFT, mais les résultats obtenus par deux équipes différentes ne sont pas concordants pour la majorité des symptômes discriminants.

La pertinence du NPI pour différencier les deux pathologies reste à confirmer.

L’hétérogénéité clinique des DFT qui réalise des profils comportementaux différents, parfois même opposés, rend difficiles les comparaisons comportementales avec d’autres maladies.

Cette difficulté peut être contournée en regroupant les manifestations par classe.

La Fronto Temporal Scale a été construite suivant ce principe.

Elle regroupe les manifestations habituelles des DFTen quatre classes : troubles du self-control (contrôle de soi), manifestations d’une baisse d’intérêt, troubles de l’humeur et manifestations d’une négligence physique.

Après une validation sur 92 patients présentant une démence légère ou modérée, en lien avec une MA, soit d’une démence vasculaire (DV) ou d’une DFT, un seuil de trois sur quatre classes de troubles du comportement présents est sensible et spécifique pour confirmer un diagnostic de DFT.

De la neurobiologie à la thérapeutique :

Les données neurobiologiques sur les SSCPD sont encore fragmentaires et incertaines, mais peu à peu différentes hypothèses se confirment.

Chaque symptôme semble être lié à des caractères ou caractéristiques neurobiologiques spécifiques.

Les symptômes psychotiques ont été plus spécifiquement étudiés.

Mais cette classe est hétérogène et il est logique de penser que les illusions visuelles favorisées par un trouble de perception ont un support neurobiologique différent de celui des hallucinations.

L’absence de précision du type de symptôme psychotique ou dépressif doit rendre provisoire certaines conclusions.

La première approche neurobiologique des SSCPD est « localisationiste ».

Les données sont le fruit des analyses neuropathologiques ou de l’imagerie morphologique.

L’imagerie fonctionnelle apporte des informations intermédiaires avant d’aborder les données biologiques, second mode d’approche de la compréhension des symptômes.

A – Modèles localisationistes :

– Hallucinations : les manifestations visuelles ont été étudiées au sens large, en incluant à la fois l’agnosie visuelle, le syndrome de Balint, mais aussi les hallucinations.

Les plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires ont été retrouvées de façon plus intense dans les aires visuelles dans la MA lors de manifestations visuelles, en particulier dans les aires associatives.

Lors d’hallucinations, d’autres régions seraient impliquées, le prosubiculum et le cortex frontal moyen.

Le gyrus parahippocampique serait relativement épargné lors d’hallucinations auditives.

La présence de corps de Lewy dans les régions corticales contribuerait à la persistance et à la sévérité des hallucinations lors de DCL.

En SPECT (single photon emission computed tomography), un hypométabolisme des régions pariétales a été montré lors d’hallucinations dans la MA.

– Illusions-délire : les manifestations délirantes sont associées à un relatif respect de la région parahippocampique et à une nette diminution des cellules du raphé.

Les troubles de l’identification comme dans le syndrome de Capgras sont eux liés à une réduction importante des neurones de la région CA1 de l’hippocampe.

La dégénérescence neurofibrillaire est plus importante au niveau du cortex frontal et les plaques séniles dans la région du présubiculum.

Burns et al montrèrent que les patients ayant une MAet une symptomatologie délirante avaient une moindre atrophie en CT-scan.

En imagerie fonctionnelle, un hypométabolisme frontal est observé par plusieurs équipes lors de manifestations délirantes, alors que Starkstein rapporte un hypométabolisme plutôt temporal.

Toutes ces données sont en faveur d’un dysfonctionnement du système limbique lors de manifestations psychotiques survenant lors de MA.

– Manifestations dépressives : la dégénérescence des noyaux du système aminergique est apparue accentuée dans plusieurs études alors que le noyau de Meynert semblait mieux préservé.

Ni les plaques séniles, ni la dégénérescence neurofibrillaire ne sont plus intenses lors de manifestations dépressives.

La présence de leucoaraïose favorise le syndrome apathique. La localisation des hypométabolismes diffère suivant le type de symptôme dépressif.

L’apathie est en relation avec un hypométabolisme frontal, les symptômes subjectifs de la dépression sont associés à un hypométabolisme pariétal alors que les symptômes neurovégétatifs n’étaient pas en relation avec un profil métabolique spécifique.

Mais les résultats pourraient différer suivant les démences dans lesquelles surviennent les SSCPD.

Dans la maladie de Huntington, on observe un hypométabolisme frontal lors de dépression.

– Exaltation de l’humeur : un hypométabolisme frontal observé en SPECT a été rapporté lors d’exaltation de l’humeur survenant dans la MA.

– Troubles des conduites alimentaires : l’appétence pour des aliments sucrés mangés entre les repas qualifiée de grignotage sucré est fréquent dans la MA.

Un hypodébit dans la région frontale interne gauche a été rapporté chez les patients ayant un grignotage sucré comparativement à ceux qui n’en présentaient pas.

Le grignotage sucré fait partie des troubles des conduites alimentaires rapportés dans la DFT pour lesquels l’hypothèse d’un hypométabolisme sérotoninergique a été émis.

– Troubles du rythme veille-sommeil : ces troubles pourraient être expliqués par une altération du système hypothalamique, en particulier des noyaux suprachiasmatiques.

Les troubles du sommeil seraient liés à une diminution des cellules à vasopressine.

B – Modèles des neuromédiateurs :

Une légère augmentation de la norépinéphrine dans les régions souscorticales a été mise en évidence lors de manifestations psychotiques.

Mais le système le plus impliqué dans la survenue d’hallucinations pourrait être le système cholinergique.

Cette idée est née de l’observation des effets psychogènes des substances anticholinergiques et de l’efficacité nouvellement rapportée des thérapeutiques cholinomimétiques, comme la néostigmine (Prostigminet), la tacrine, le donépézil, la xanomeline, le metrifonate… sur les manifestations psychotiques lors de MA.

Le déficit cholinergique participerait aussi de façon importante à la survenue d’hallucinations dans la DCL, la sévérité des manifestations psychotiques étant liée à la sévérité du déficit cholinergique dans les aires temporales et pariétales.

D’autres neuromédiateurs pourraient être impliqués indirectement comme le système sérotoninergique.

En effet, le ratio 5-HIAA sur taux de choline acétyl transférase serait significativement plus élevé dans le groupe des patients ayant une DCL avec hallucinations que dans celui des patients avec DCL sans hallucinations.

L’hypocholinergie est aussi génératrice d’hyperdopaminergie relative qui pourrait aussi contribuer aux manifestations psychotiques.

La baisse de glutamate impliquée dans le circuit cortico-thalamo-striatal observée dans la MA pourrait aussi favoriser une hyperdopaminergie relative propice aux hallucinations.

La norépinéphrine est diminuée dans le cortex lors de dépression.

Les taux de sérotonine et de 5-HIAA eux sont peu modifiés.

La choline acétyl transférase est relativement préservée dans les régions sous-corticales lors de manifestations dépressives.

L’amélioration des troubles du contrôle de l’émotion par différents inhibiteurs de la recapture de la sérotonine confirme l’implication du système sérotoninergique dans les troubles de l’humeur survenant lors de MA.

C – Conséquences thérapeutiques :

– Les agents sérotoninergiques sont indiqués lors de démence en cas de troubles du contrôle de l’émotion, de manifestations anxieuses, mais aussi d’instabilité psychomotrice et de certains troubles des conduites alimentaires.

– Les anticonvulsivants, par leur action régulatrice sur le système limbique, sont indiqués dans l’agressivité.

– Si les neuroleptiques ne peuvent plus faire partie de l’arsenal thérapeutique, en raison de leurs effets délétères, en particulier cognitifs, les nouveaux antipsychotiques à action sérotoninergique prédominante devraient être une arme contre les manifestations hallucinatoires dans l’avenir.

– Les anticholinestérasiques développés pour agir sur les troubles cognitifs de la MA pourraient voir élargir leur indication dans l’avenir à des manifestations comportementales comme l’apathie, les hallucinations visuelles.

Prise en charge comportementale :

Les expériences de prise en charge de type comportemental dans les démences avec troubles du comportement sont relativement rares et réalisées sur de petits groupes.

Les techniques peuvent être des activités simples, un aménagement des lieux de vie avec de la musique relaxante ou des techniques de renforcements positifs.

Les résultats sont souvent partagés et il n’existe pas encore de règle de prescription dans ce domaine.

Certains patients avec troubles du comportement peuvent être aggravés par une intense stimulation.

Analyse psychopathologique :

L’analyse psychiatrique des troubles du comportement en France a été longtemps et particulièrement marquée par l’interprétation psychanalytique, plus rare dans les pays anglo-saxons.

Les troubles du comportement, aussi différents que l’agitation ou l’opposition silencieuse, ont été interprétés comme la conséquence de la mise en situation d’échec de la personne âgée.

Dans cette situation, l’appareil psychique fragilisé avec l’âge est débordé par les excitations.

L’incapacité d’adaptation aux relations du moment pourrait nécessiter la reviviscence de situations révolues avec fausses reconnaissances, évocation du passé comme s’il était présent et même des êtres décédés.

Dias Cordeiro parle du délire du compagnon tardif repris par Léger et Clément lors d’hallucinations visuelles considérées comme une réaction psychotique narcissique, en réaction à la position dépressive.

Pour Leboucher et Legoues, les délires tardifs sont un compromis pour rétablir l’équilibre libidinal.

L’appauvrissement psychique avec apathie est expliqué comme un mécanisme de défense psychique utilisé inconsciemment par une personne âgée pour lutter contre l’angoisse suscitée par l’appauvrissement de sa vie extérieure.

Retentissement sur l’entourage proche :

La souffrance morale est la conséquence habituelle de la survenue d’un état démentiel chez le proche, conduisant souvent à un état dépressif.

La présence de SSCPD accroît ces difficultés, car ils favorisent l’épuisement et l’isolement.

Ils sont un facteur de risque de la survenue de maltraitance lors de démence.

Kaufer et al ont récemment rapporté que les SSCPD étaient un facteur de stress du proche plus important que le déclin cognitif.

En effet, certains SSCPD nécessitent une extrême vigilance de l’entourage, à toute heure du jour et de la nuit, pour les limiter et aider les malades à les contrôler avec des moments d’angoisse et même de peur. Cette lutte de l’aidant principal se fait souvent dans la solitude car les SSCPD ne permettent plus une intégration acceptable socialement.

Certains symptômes sont rapportés plus spécifiquement chez les malades des proches ayant un score de stress élevé : irritabilité, dysphorie, délire et agitation.

Les manifestations dépressives du patient sont fréquemment associées à un stress élevé du proche.

Les hallucinations ne sont, en revanche, pas rapportées comme important générateur de stress.

L’euphorie et la désinhibition semblent être les symptômes comportementaux les mieux vécus.

Les conséquences familiales sont au moins de quatre ordres : psychologiques, physiques, sociales et économiques.

L’écoute est indispensable, elle permet le recueil des SSCPD et l’identification des symptômes vécus le plus difficilement.

L’acceptation de ces SSCPD nécessite la compréhension qui permet le rejet des fausses croyances dont il faut favoriser la verbalisation. Le vocabulaire choisi pour l’explication doit être simple et des illustrations visuelles utilisées.

Les explications ne doivent pas s’adresser qu’à l’aidant principal, mais aussi aux autres proches par le biais de rencontres ou de bulletins d’informations sur la maladie.

Les patients sont souvent très sensibles à l’ambiance. Il faut apprendre aux proches à maîtriser leurs paroles, à éviter les bruits trop violents et les lumières trop vives.

Se faire aider est souvent vécu comme un renoncement à une obligation morale, un abandon affectif que certains repoussent jusqu’à l’épuisement.

Le rôle du médecin est aussi de prendre soin de l’aidant principal pour éviter qu’il devienne aussi un malade.

La nosographie comportementale paraît aujourd’hui prête à guider le clinicien dans son diagnostic, à apporter des explications sur l’origine des troubles aux familles en détresse et à évaluer l’efficacité de nouvelles thérapeutiques, pharmacologiques ou non.

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