Aspects cliniques, physiopathologiques et thérapeutiques de la sclérose en plaques

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Aspects cliniques, physiopathologiques et thérapeutiques de la sclérose en plaques
Introduction :

Les descriptions anatomiques de Cruveilhier (1835-1842) et Carswell (1838) et cliniques de Charcot et Vulpian (1868) ont été affinées par de nombreux auteurs au cours de plus d’un siècle de travaux consacrés à la sclérose en plaques (SEP).

L’importance accordée récemment à l’existence d’une atteinte axonale précoce et la mise en évidence d’une hétérogénéité lésionnelle ont fait porter un éclairage nouveau sur la physiopathologie de la maladie.

Le rôle de l’inflammation qui a été souligné à partir de l’étude de l’encéphalite allergique expérimentale (EAE), modèle introduit par Rivers et Schwenker en 1934, et de la mise en évidence par Kabat en 1942 d’une sécrétion intrathécale d’immunoglobulines (Ig) a été reconsidéré à la lumière de travaux récents montrant l’ambivalence de son effet.

L’application de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) nucléaire, après avoir révolutionné le diagnostic de la SEP, a permis de mieux en appréhender la physiopathologie et d’évaluer in vivo l’influence des thérapeutiques.

L’apparition de thérapeutiques nouvelles a marqué la dernière décennie mais leur impact sur le devenir à long terme des patients reste inconnu.

Clinique. Diagnostic :

La clinique de la SEP est caractérisée par la variété topographique des signes et symptômes rencontrés, liée à la dissémination des lésions dans l’espace, et le profil évolutif récurrent et, à terme tout au moins, cumulatif.

Ces caractéristiques sont à la base des critères diagnostiques de la maladie.

C’est ainsi que les patients atteints de SEP peuvent présenter une très grande variété de symptômes ou signes selon les régions atteintes.

A – SYMPTÔMES ET SIGNES CLINIQUES :

1- Signes inauguraux :

* Fréquence des signes inauguraux :

Les proportions de patients présentant tel ou tel signe ou symptôme au début de la maladie sont connues à partir de séries cliniques hospitalières, rétrospectives, sujettes à différents biais, d’études de population et plus récemment de l’étude ETOMS, essai thérapeutique qui a concerné des formes inaugurales.

Les résultats des études anciennes et récentes ne concordent pas toujours, l’attention se portant sur des signes négligés auparavant comme les troubles sphinctériens, les formes bénignes étant mieux diagnostiquées et le recrutement des centres spécialisés s’élargissant.

Enfin, les signes inauguraux sont différents selon les régions du monde.

La plupart des séries classent aux trois premiers rangs les troubles moteurs, visuels et sensitifs avec une plus grande fréquence pour ces derniers dans les séries récentes.

Dans 30 à 53 % des cas, le début est polysymptomatique, associant le plus souvent un tableau de type myélite et une atteinte du tronc cérébral.

En Asie, les névrites optiques constituent le mode d’entrée le plus habituel.

* Tableaux initiaux évocateurs :

La première poussée de SEP réalise habituellement un des tableaux suivants débutant chez un patient, un peu plus souvent une femme, entre 15 et 40 ans, en moyenne vers 30 ans.

+ Névrite optique rétrobulbaire (NORB) :

Elle débute le plus souvent par une douleur lors des mouvements oculaires, en particulier vers le haut, et l’apparition en quelques heures d’une baisse d’acuité visuelle, parfois jusqu’à une amaurose totale.

Une diminution plus progressive de la vision est possible mais, au-delà de 2 semaines, il faut rechercher d’autres diagnostics.

Au champ visuel, un scotome central ou paracentral est retrouvé et des defects controlatéraux sont présents dans les deux tiers des cas.

Le fond d’oeil peut objectiver un flou du bord nasal et une hyperhémie de la papille (33 % des cas), mais il est souvent normal au début.

La vision des couleurs est classiquement altérée, avec une dyschromatopsie d’axe vert-rouge souvent précoce.

L’atteinte peut être bilatérale mais, dans ces cas, l’atteinte du deuxième oeil débute habituellement 2 à 3 semaines après celle du premier.

La récupération peut être complète ou laisser des séquelles.

Elle semble maximale en 2 mois en moyenne et, après 6 mois, aucune récupération supplémentaire n’est à attendre.

Après 6 mois environ, 5 % des patients, traités ou non par corticoïdes, conservent une acuité visuelle inférieure à 4/10. L’IRM des nerfs optiques peut aider au diagnostic.

Le diagnostic différentiel principal est dans ce cas la NORB idiopathique d’évolution monophasique.

Dans ces cas, il n’y a pas de rechutes dans d’autres régions du système nerveux central (SNC).

On observe, mais rarement, des NORB à rechutes, c’est-à-dire plusieurs épisodes de NORB chez un même patient sans autre atteinte du SNC.

+ Myélite aiguë :

Une paraparésie aiguë s’installe en quelques heures à quelques jours, associée à des troubles sensitifs surtout subjectifs ayant un niveau supérieur métamérique.

En cas de myélite transverse, le tableau réalise une paraplégie d’installation rapide.

Souvent, les troubles sensitifs dominent les symptômes et seul l’examen neurologique peut révéler l’atteinte pyramidale.

Dans ces cas, les diagnostics différentiels principaux sont représentés par les myélites isolées, auto-immunes, qui ont été considérées comme des formes localisées d’encéphalomyélite aiguë disséminée (EAD), les myélites virales, les rares myélites auto-immunes à rechutes et enfin la maladie de Devic.

+ Atteinte du tronc cérébral :

Il s’agit le plus souvent d’une diplopie par atteinte du nerf abducens (VI), ou plus rarement du nerf oculomoteur (III) et exceptionnellement du nerf trochléaire (IV).

Les anomalies du regard volontaire sont fréquentes mais l’ophtalmoplégie internucléaire, classique à un stade évolué, est rare au début.

Plus rarement, il s’agit d’un syndrome vestibulaire.

+ Atteinte hémisphérique (hémiparésie) ou cérébelleuse :

Plus rarement, il s’agit d’une atteinte hémisphérique (hémiparésie) ou cérébelleuse.

La SEP peut débuter dans de rares cas avec une allure pseudovasculaire.

Le tableau s’installe brusquement par une hémiparésie ou une hémiplégie.

Des cas avec aphasie ont été observés.

L’IRM et l’évolution sont essentielles pour établir le diagnostic.

Il existe alors souvent une large plaque.

Ce mode de début ne semble pas constitué un facteur de mauvais pronostic.

Parfois, le tableau est limité à des symptômes isolés : paresthésies, troubles sphinctériens.

Une poussée inaugurale purement sensitive, subjective, ne doit pas faire porter à tort le diagnostic de troubles psychogéniques.

Ces manifestations peuvent être combinées.

Aucune n’est spécifique et rien ne les distingue formellement sur le plan clinique des épisodes démyélinisants isolés idiopathiques correspondants.

2- Signes moteurs déficitaires et atteinte pyramidale :

L’atteinte pyramidale est très fréquente au cours de la SEP.

À un moment ou un autre de l’évolution, plus de 80 % des patients présentent une atteinte pyramidale et l’atteinte est constante dans les formes évoluées progressives ou rémittentes avec séquelles. Plusieurs tableaux sont retrouvés fréquemment.

Lors des phases progressives de la maladie, primaires et secondaires, la constitution insidieuse d’un déficit paraparétique est très fréquente.

C’est le mode de début le plus habituel des formes progressives primaires.

Il peut être précédé d’une véritable claudication intermittente médullaire : le patient ressentant une faiblesse des membres inférieurs après quelques minutes de marche.

Pendant longtemps, le déficit peut prédominer à un membre inférieur, mais des signes pyramidaux sont retrouvés de façon bilatérale.

L’évolution se fait vers une paraplégie spasmodique ou vers une tétraparésie.

Plus rarement, l’atteinte monoparétique inférieure progressive se complète par un déficit du membre supérieur homolatéral, réalisant une hémiplégie progressive.

Au cours des formes rémittentes, les tableaux pyramidaux peuvent être plus variés.

La constitution d’une paraparésie aiguë peut constituer la poussée inaugurale de la maladie.

Lors des poussées ultérieures, les déficits intéressent des combinaisons variées des quatre membres.

Un même patient va souvent présenter le même type de déficit à l’occasion de poussées répétées, associé ou non à d’autres signes. Une claudication médullaire peut persister après régression de la poussée.

La répétition des poussées peut laisser un déficit pyramidal permanent s’enrichissant à chaque épisode qui, s’il s’associe aux signes cérébelleux, réalise l’atteinte cérebellospasmodique décrite par Charcot.

Des troubles respiratoires liés au déficit moteur peuvent aboutir au décès du patient.

Les signes pyramidaux sans déficit sont très fréquents au début et le signe le plus précoce peut être l’abolition des réflexes cutanés abdominaux.

La spasticité peut être associée au déficit à des degrés variables.

Elle peut dominer la gêne fonctionnelle, que ce soit au stade de déficit monoparétique discret avec une marche fauchante, qu’au stade paraparétique, avec des contractures fréquentes et douloureuses.

L’atteinte pyramidale est responsable de l’hyperréflexie qui est le plus souvent présente, mais une aréflexie tendineuse a été notée dans certains cas de SEP.

Elle pourrait être due à l’atteinte des cordons postérieurs.

Une amyotrophie progressive des mains est également parfois observée dans certaines formes progressives évoluées. Une atteinte de la corne antérieure ou l’association à une atteinte périphérique peut être en cause.

3- Atteinte cérébelleuse et autres atteintes motrices :

Moins fréquents que les troubles pyramidaux lors de la poussée inaugurale, les troubles liés à une atteinte cérébelleuse leur sont très fréquemment associés à un stade évolué de la maladie, réalisant la marche cérébellospasmodique, dite en « canard ».

L’analyse de leur fréquence est rendue difficile, car de nombreuses séries ne les distinguent pas de l’ensemble des troubles moteurs ou des troubles vestibulaires.

Il est du reste difficile d’apprécier l’étendue de l’atteinte cérébelleuse chez les patients très déficitaires.

L’atteinte cérébelleuse prédomine parfois sur l’atteinte pyramidale.

L’atteinte statique peut être responsable d’une ataxie à la marche.

Une ataxie du tronc peut être notée de façon isolée.

L’atteinte cinétique prédomine aux membres supérieurs ou y est plus facilement observée.

Elle peut se caractériser par une dysmétrie, une adiadococinésie et une asynergie.

Elle est fréquemment associée au tremblement cérébelleux.

Le tremblement est en effet un signe majeur des atteintes cérébelleuses évoluées de la SEP.

Ces patients, le plus souvent avec une forme progressive secondaire ou rémittente avec séquelles, présentent une ataxie sévère, avec parfois un tremblement axial en position debout, et une atteinte cinétique dominée par le tremblement d’intention, réalisant dans les cas les plus sévères des dyskinésies volitionnelles d’attitude, rendant tout geste balistique impossible.

L’absence de tremblement de repos associé est bien connue depuis Charcot mais des cas associant tremblement de repos et d’attitude sont parfois observés.

Ce tableau est généralement complété par une dysarthrie cérébelleuse, caractérisée par une voix scandée, explosive, qui laisse parfois croire à tort que le patient est euphorique.

Le nystagmus est décrit dans les atteintes du tronc cérébral.

Des tableaux parkinsoniens ont été rapportés mais semblent le fait d’une association fortuite.

La survenue de crises toniques hémicorporelles, décrite par Matthews, est très évocatrice de SEP, constituant le mouvement anormal le plus fréquent, bien que rare dans l’absolu.

La physiopathologie et le siège de la lésion restent l’objet de débat. Bien que des cas de dystonie non paroxystiques associés à des lésions démyélinisantes des noyaux gris aient été rapportés, le lien avec la SEP n’est en revanche pas absolument certain.

Des cas d’hémiballisme associé à une plaque du noyau sousthalamique ont été rapportés.

4- Atteintes du tronc cérébral et nystagmus :

Au cours de l’évolution de la maladie, plus de 75 % des patients présentent des troubles par atteinte du tronc cérébral.

* Troubles oculomoteurs :

La diplopie est fréquente au cours de la SEP : de 5 à 43% des cas dans les séries anciennes.

La diplopie est souvent associée à une poussée. Elle peut persister après celle-ci.

Elle peut être paroxystique, durant quelques secondes, et se répéter irrégulièrement.

Cette diplopie paroxystique, ou claudicante, peut être le premier symptôme.

Les autres symptômes oculomoteurs sont un flou visuel qui disparaît à la fermeture d’un oeil, l’oscillopsie et bien plus rarement le flutter oculaire ou l’opsoclonus.

Ces symptômes sont parfois paroxystiques.

Ces symptômes peuvent être liés à une paralysie isolée d’un nerf crânien, une paralysie de regard ou une anomalie des poursuites. Une atteinte isolée d’un nerf crânien, au niveau de la portion fasciculaire du nerf ou de son noyau, est rapportée dans 10 à 20 % de certaines séries, mais elle serait en fait plus rare, un examen minutieux permettant de révéler des signes associés, comme un nystagmus.

La SEP représenterait 2,7 % des causes d’atteinte isolée d’un nerf oculomoteur et il faut la rechercher en particulier chez un sujet jeune.

Le nerf oculomoteur le plus fréquemment lésé est le VI, puis le III.

L’atteinte isolée du IV semble exceptionnelle.

Les anomalies du regard volontaire sont fréquentes. Elles incluent les anomalies du regard conjugué, soit des saccades volontaires, soit de la poursuite, qui sont souvent infracliniques, détectées à l’électrooculographie (EOG).

Les lésions de la bandelette longitudinale médiane (BLM) sont responsables de l’ophtalmoplégie internucléaire antérieure (OIA), appelée par Larmande paralysie supranucléaire du droit interne.

L’OIA n’est pas responsable de diplopie dans le regard de face ; celle-ci apparaît dans le regard latéral et est liée à une paralysie incomplète de l’adduction, homolatérale à la lésion, associée à un nystagmus ataxique.

L’OIA peut cliniquement ne se traduire que par quelques secousses nystagmiques ataxiques et être révélée par l’EOG qui révèle l’atteinte des saccades.

Elle est souvent bilatérale quand la maladie évolue.

La SEP est la principale cause d’OIA, mais des accidents vasculaires cérébraux, des gliomes et les antiépileptiques peuvent provoquer une OIA.

Des troubles du regard vertical, plus rares, sont aussi attribués à l’atteinte de la BLM.

D’autres atteintes sont plus rarement rencontrées au cours de la SEP :

– paralysie du regard horizontal, par atteinte de la formation réticulée pontine paramédiane (FRPP) homolatérale, du noyau du VI ou des deux ;

– paralysie du regard horizontal associée à une OIA réalisant le syndrome « un et demi » de Miller Fisher par atteinte de la FRPP, du noyau du VI et de la BLM ;

– skew deviation. Les anomalies de la poursuite, que l’on peut étudier par le réflexe optocinétique, seraient présentes dans près de 50 % des cas.

La motricité pupillaire intrinsèque est rarement touchée, mais le phénomène de Marcus Gunn est fréquemment associé aux NORB.

* Nystagmus :

Il est très fréquent au cours de la SEP, mais sa signification est variable et parfois mal comprise.

Le nystagmus pendulaire est particulièrement évocateur de SEP.

Il peut être uni- ou bilatéral, et alors conjugué ou non.

Il peut survenir sur tous les plans. Il est fréquemment associé à l’OIA, ce qui a fait douter de son origine dentato-rubro-olivaire et suggéré une origine proche des noyaux oculomoteurs.

Barton et Cox, en revanche, ont souligné que, si l’OIA est associée dans 65 % des cas, les troubles cérébelleux et une névrite optique sont présents dans 100 % des cas de nystagmus pendulaire.

Une étude IRM a montrée une association avec des lésions du tractus tegmental central, du noyau rouge et des noyaux olivaires inférieurs et a fait suggéré un mécanisme de désafférentation olivaire.

Les nystagmus verticaux sont possibles, mais plus fréquents dans d’autres affections.

On rencontre enfin des nystagmus horizontaux périodiques alternants et des nystagmus positionnels de type central.

Ces derniers sont associés à une atteinte vestibulaire, rarement révélatrice de la SEP.

* Atteinte vestibulaire :

Les vertiges vrais sont exceptionnellement révélateurs.

En revanche, des signes d’instabilité d’origine vestibulaire sont plus fréquents.

La surdité est exceptionnelle, même si quelques cas associant surdité et acouphènes ont été rapportés.

Dans ces cas, l’atteinte semble distale sur le nerf vestibulocochléaire (VIII).

* Autres fonctions des paires crâniennes :

La névralgie du trijumeau (V) peut survenir au cours d’une SEP et parfois être révélatrice : de 2 à 3% des cas de névralgies du V sont liés à une SEP et près de 2 % des SEP ont une névralgie du V.

Le risque est très supérieur à celui de la population générale.

Elle est alors souvent indiscernable d’une névralgie essentielle, tout au moins au début, sauf par son âge de survenue, plus jeune, et son caractère bilatéral dans 14 % des cas.

L’IRM permet de faire la différence si elle montre le conflit vasculonerveux associé à la névralgie essentielle.

La réponse à la thérapeutique est proche de celle des formes idiopathiques.

L’atteinte faciale de type périphérique n’est pas rare, inaugurale dans 4,8 % des cas, et survenant dans 10 % des cas au cours de l’évolution.

La dysarthrie de la SEP peut être d’origine diverse : cérébelleuse, paralytique, mixte, spastique. L’atteinte de la déglutition est rare.

Les troubles olfactifs sont rarement l’objet de plaintes, mais ils seraient fréquents et associés à des lésions frontales inférieures et temporales.

5- Troubles sensitifs :

Ils sont très variés et fréquents dès le début de la maladie.

Les patients décrivent des paresthésies, des dysesthésies, des sensations d’engourdissement, de marche sur du coton, sur des épines, sur des braises, des impressions de peau cartonnée, d’eau qui coule sur la peau…

La topographie peut être distale, aux pieds, aux mains ou de répartition médullaire avec un niveau supérieur variable, souvent thoracique.

Les signes sensitifs objectifs peuvent fréquemment manquer.

Les déficits sensitifs observés au cours de l’évolution de la SEP prédominent aux membres inférieurs et affectent le plus souvent la pallesthésie, la graphesthésie, puis la discrimination épicritique.

Le signe de Lhermitte est un symptôme fréquent de paresthésies à type de décharge électrique ou de piqûres, déclenchées par la flexion du cou. Il s’observe en cas de lésion cervicale haute de toute origine, mais la SEP en est la cause la plus fréquente.

Il surviendrait dans 40 % des cas à un moment ou un autre de l’évolution.

Les douleurs sont très fréquentes au cours de la SEP.

La prévalence est variable selon les méthodologies utilisées, allant de 29 à 55 %.

Ces douleurs sont représentées pour moitié par des douleurs de type neuropathique.

Les contractures et les douleurs lombaires sont également fréquentes.

6- Troubles visuels :

La NORB domine ce chapitre.

On a vu sa grande fréquence au début de la maladie, mais elle peut survenir également au cours de l’évolution, parfois de façon répétée.

L’atteinte infraclinique du nerf optique est fréquente, révélée par les potentiels évoqués visuels (PEV).

Une névrite optique de type antérieur, avec oedème papillaire, est observée dans 10 % des cas.

L’uvéite, bien que plus rare (1 % des cas), est à reconnaître.

La majorité des cas est représentée par des panuvéites ou des pars planitis.

Des tableaux asymptomatiques sont parfois rapportés, caractérisés par un infiltrat cellulaire du vitré et une atteinte périveineuse rétinienne décrite par Rucker en 1944.

Ces observations sont à distinguer des cas présentant un déficit visuel et rapportés à une périphlébite rétinienne sévère, avec occlusion veineuse et hémorragies du vitré, parfois confondus avec la maladie d’Eales.

Ces tableaux sont associés à une atteinte médullaire.

La SEP en est une cause rare, mais la tuberculose, la sarcoïdose et les vascularites sont plus souvent impliquées.

L’association névrite optique et atteinte médullaire définit la neuromyélite optique de Devic, dont la place par rapport à la SEP est discutée.

7- Troubles sphinctériens et génitaux :

Longtemps sous-estimés, les troubles vésicosphinctériens sont actuellement reconnus comme l’une des causes les plus importantes de handicap dans la SEP.

Les troubles les plus fréquents sont la miction impérieuse (85 %) responsable d’une incontinence dans deux tiers des cas, la pollakiurie (82 %), l’incontinence urinaire (63 %), la dysurie (49 %), l’interruption du débit (43 %), une sensation de miction incomplète (34 %) et l’énurésie (14 %) qui surviennent à des degrés divers chez environ 75 % des patients.

Outre la gêne fonctionnelle, ces troubles exposent au risque d’infections urinaires répétées, favorisées parfois par les traitements immunosuppresseurs, et de retentissement sur le haut appareil.

Amarenco et al rapportent 37 % de complications bénignes (infections, diverticules) et 19 % de complications graves (hydronéphrose, pyélonéphrites).

Dans des populations moins sélectionnées, l’incidence des complications du haut appareil semble en fait assez faible.

Ces troubles sont liés à une hyperréflexie du détrusor, par perte des contrôles inhibiteurs spinaux sur les voies sacrées parasympathiques, et/ou une vidange incomplète de la vessie, par contraction insuffisante du détrusor et/ou dyssynergie vésicosphinctérienne.

La contraction insuffisante du détrusor est la conséquence directe de l’atteinte spinale.

La synergie vésicosphinctérienne dépend de centres régulateurs protubérantiels et l’interruption des voies entre ce centre et la moelle sacrée peut provoquer une dyssynergie.

L’hyperréflexie sphinctérienne peut être liée à l’atteinte pyramidale.

Les explorations urodynamiques permettent de mettre en évidence l’hyperréflexie du détrusor et/ou la dyssynergie vésicosphinctérienne.

La mesure du résidu postmictionnel est un moyen simple d’apprécier la vidange vésicale.

Les plaintes urinaires sont significativement associées à la durée de la maladie et au handicap, de même que l’existence d’une hyperactivité du détrusor ou d’une dyssynergie vésicosphinctérienne, alors que l’hypoactivité du détrusor ne l’est pas.

Les troubles de l’évacuation rectale et la constipation sont fréquemment associés aux troubles urinaires dans le cadre des formes spinales.

L’incontinence fécale a été rapportée dans 29 % d’une série non sélectionnée et la constipation dans 51 %.

Les troubles sexuels sont également très fréquents, jusqu’à 82 % chez l’homme et 52 % chez la femme dans la même étude. Les troubles de l’érection sont associés aux troubles urinaires et à une atteinte pyramidale des membres inférieurs.

Ces troubles sont liés à l’atteinte spinale, mais la part des phénomènes psychiques peut être importante.

Chez la femme, les plaintes les plus fréquentes sont représentées par la perte de la libido, une diminution de la lubrification vaginale, une insensibilité locale et l’absence d’orgasme.

8- Troubles psychiatriques et neuropsychologiques :

* Troubles thymiques et psychiatriques :

La dépression est très fréquente au cours de la SEP, de 25 à 55 % des cas selon les séries. Deux conceptions se sont heurtées.

Surridge, dans un travail fameux, a soutenu que la dépression n’est pas plus fréquente dans la SEP que dans d’autres affections invalidantes, la dystrophie musculaire dans son étude, et donc essentiellement réactionnelle.

D’autres considèrent que les patients atteints de SEP sont plus souvent déprimés qu’ils ne devraient l’être, compte tenu de leur handicap.

Plusieurs arguments vont dans ce sens : l’apparition des troubles dépressifs avant les troubles neurologiques, l’existence d’une relation de la dépression avec l’activité de la maladie mais pas avec le niveau de handicap et une corrélation entre les troubles affectifs et la surface des images temporales anormales sur les IRM pondérées en T2.

Une étude en SPECT a montré une association avec une asymétrie de perfusion du cortex limbique suggérant une dysconnexion entre les aires sous-corticales et corticales impliquées dans les fonctions limbiques.

Une étiologie multifactorielle de la dépression associée à la SEP est cependant possible.

La dépression est souvent modérée à sévère, caractérisée plus par l’irritabilité et l’inquiétude que l’autodépréciation et la perte d’intérêt.

Les taux de suicides sont supérieurs à ceux de la population générale.

Les troubles affectifs bipolaires sont plus fréquents dans la SEP, mais un lien génétique n’a pas été fermement établi.

Ces troubles peuvent précéder le début de la SEP. Les dépressions sont plus fréquentes dans les familles de SEP.

L’euphorie décrite classiquement dans la SEP est caractérisée par un état permanent d’optimisme et de satisfaction malgré un état d’invalidité dont le patient est conscient.

Son incidence a été estimée entre 0 et 65 % des cas selon les séries.

Elle est plus fréquente dans les stades évolués de la maladie.

Il a été suspecté un lien entre le degré d’atteinte cérébrale (lésions frontales, limbiques et des ganglions de la base) et l’euphorie.

Parmi les autres troubles, signalons le rire ou le pleurer pathologique.

* Troubles cognitifs :

De nombreuses études ont montré que les troubles cognitifs sont fréquents, atteignant suivant les études de 40 à 70 % des cas.

Ces troubles intéressent la mémoire, le raisonnement, le maniement des concepts, l’abstraction, l’attention, la vitesse de traitement de l’information, les fonctions visuospatiales et le transfert interhémisphérique.

Les troubles mnésiques touchent principalement la mémoire antérograde.

Cette atteinte serait hétérogène, portant sur des troubles plus ou moins marqués du rappel de l’information (retrieval) ou de son acquisition.

On note une grande variabilité interindividuelle concernant le type et la sévérité de l’atteinte cognitive.

Selon les études, 10 % environ des patients présenteraient un véritable tableau de démence affectant plusieurs domaines cognitifs alors que la majorité ne présente que des déficits cognitifs partiels prédominant sur tel ou tel domaine.

Il n’existe qu’une faible corrélation des troubles avec le degré de handicap moteur.

Des cas de SEP d’expression purement cognitive, sans atteinte neurologique, ont été rapportés et, à l’inverse, des patients très handicapés ont un bilan cognitif normal.

Les troubles cognitifs seraient plus fréquents dans les phases avancées de la maladie.

Cependant, certaines études ont prouvé qu’ils pouvaient survenir à des stades très précoces.

Amato et al ont évalué 50 patients, en moyenne 1 an et demi après le début de leur SEP, qu’ils ont comparés à des sujets sains à l’aide d’une batterie de tests neuropsychologiques.

Malgré le stade débutant de la maladie, les patients présentaient des déficits de la mémoire verbale et du raisonnement abstrait.

Ces auteurs ont testé à nouveau ces sujets, 4 ans plus tard, montrant une évolution des troubles cognitifs qui était cependant indépendante de l’évolution des troubles moteurs.

Ceci suggère que les troubles cognitifs et les troubles déficitaires moteurs survenant au début de la maladie lors des poussées n’ont pas le même substratum physiopathologique.

L’hypothèse que les troubles cognitifs puisse partager les mêmes mécanismes que les troubles déficitaires progressifs tardifs a pu être formulée. En effet, l’importance du déficit cognitif serait un facteur prédictif de handicap physique.

Quelques études ont été consacrées aux formes progressives de SEP mais sans faire la distinction entre les différentes formes progressives, ce qui en rend l’analyse difficile.

L’étude européenne MAGNIMS a étudié une population de patients ayant une forme progressive primaire ou transitionnelle. Une atteinte cognitive significative était définie par l’obtention de scores inférieurs à la normale pour trois tests.

Près de 30 % des sujets avaient une déficience cognitive significative.

Suivant les tâches cognitives étudiées, de 5 à 43% des sujets présentaient des scores inférieurs aux valeurs normales.

Les tests le plus fréquemment anormaux concernaient l’attention complexe, la concentration, l’attention soutenue et le raisonnement (domaine spatial).

La mémoire verbale et la fluence verbale étaient également atteintes, mais dans une moindre mesure. Une corrélation modérée mais significative a été établie dans diverses études avec certaines variables morphologiques mesurées sur l’IRM, la charge lésionnelle, en particulier temporale ou frontale, l’atrophie calleuse et le volume cérébral.

L’implication d’une atteinte cérébrale plus diffuse à type de perte axonale dans la genèse de ces troubles a été évoquée.

L’utilisation des histogrammes de transfert de magnétisation, qui permet d’apprécier l’atteinte tissulaire au sein et en dehors des lésions macroscopiques, a permis de montrer que l’atteinte cognitive, de différentes formes de SEP dépendait à la fois de ces lésions multifocales et de l’atteinte diffuse de la substance blanche d’apparence normale (SBAN), en particulier frontale.

* Aphasie. Alexie :

Peu de cas d’aphasie ont été rapportés dans la SEP, le plus souvent de survenue aiguë lors de poussées d’allure pseudovasculaire, après ou à l’occasion de crises comitiales partielles.

La localisation de larges lésions sur les voies de connexion entre les centres du langage peut expliquer ces aphasies.

9- Troubles paroxystiques. Autres troubles :

Nous avons déjà évoqué plusieurs manifestations pouvant évoluer de façon paroxystique : la névralgie essentielle du V, la diplopie paroxystique, le signe de Lhermitte et les crises toniques.

D’autres manifestations peuvent évoluer de façon paroxystique : dysarthrie, ataxie, paresthésies, douleur, en particulier pelvienne, démangeaisons, incontinence urinaire, akinésie, sensation de chaleur…

Curieusement, certains patients décrivent également des améliorations paroxystiques de leurs troubles moteurs.

Ces manifestations durent quelques dizaines de secondes et sont très évocatrices de la SEP.

Elles doivent être distinguées de crises comitiales.

La dysarthrie paroxystique est souvent associée à une ataxie et des troubles sensitifs.

La pathogénie de ces troubles paroxystiques est inconnue mais il a été évoqué l’implication de communications éphaptiques entre fibres démyélinisées.

La fréquence des crises comitiales varie de 1 à 8% des cas selon les séries, alors que la prévalence de l’épilepsie dans la population générale est de 0,5 à 1 %.

C’est pourquoi, même si des associations fortuites sont possibles, la survenue de crises est considérée comme un symptôme de SEP.

Cette hypothèse a été confortée par la mise en évidence des lésions corticales ou à la limite du cortex prenant le contraste sur les IRM de patients ayant « crisé » quelques jours auparavant.

Des troubles dysautonomiques, vasomoteurs, sudation et même fibrillation auriculaire paroxystiques sont possibles.

Enfin, des cas de coma régressifs sans autre cause ont été observés.

10- Effet de la température :

En 1890, Uhthoff a étudié des patients atteints de SEP présentant une amblyopie à l’effort.

Ce phénomène a été attribué par la suite à une élévation de la température corporelle.

De nombreux patients (80 % selon certains auteurs) signalent une aggravation de leurs troubles ou la réapparition de symptômes de poussées antérieures à l’occasion de poussées de chaleur.

D’autres rapportent une accentuation de la fatigue.

Le mécanisme supposé est celui d’un bloc de conduction favorisé par la chaleur.

Des études de PEV vont dans ce sens. Pendant longtemps, le test au bain chaud a été proposé pour « sensibiliser » la recherche de signes cliniques dans la SEP.

Une élévation de la température corporelle de 1,1 à 2,2 °C induit l’aggravation des signes présents et l’apparition de nouveaux signes dans 60 % des cas.

La dangerosité de ce test qui peut induire des déficits permanents l’a fait abandonner.

Les effets de la chaleur peuvent en effet être dramatiques. Des décès ont été rapportés à une exposition au soleil dans la SEP.

L’exposition au froid peut améliorer certains patients, mais d’autres sont aggravés par le froid.

11- Fatigue :

Longtemps sous-estimée et négligée, la fatigue a fait l’objet de nombreuses études récentes.

Elle toucherait près de 75 à 95 % des patients à un moment ou un autre.

Elle a été définie par un panel d’experts nord-américains comme « une perte subjective d’énergie physique et/ou mentale qui est perçue par l’individu ou les personnes la prenant en charge comme interférant avec ses activités habituelles et souhaitées ».

Deux types ont été définis : la fatigue aiguë apparue depuis moins de 6 semaines et la fatigue chronique persistante, qui est présente plus de 50 % du temps depuis plus de 6 semaines.

Les résultats des diverses études sont contradictoires quand à l’indépendance de ce symptôme par rapport au handicap, à la forme clinique et à la dépression.

Ces résultats contradictoires sont en grande partie dus à des différences de définition et des problèmes méthodologiques, en particulier à des biais de recrutement.

La fatigue liée à la SEP, contrairement à la fatigue des sujets normaux, retentit notablement sur les activités quotidiennes.

Sa physiopathologie est mal connue.

Des troubles de la conduction des fibres nerveuses myélinisées, une diminution du métabolisme oxydatif musculaire, des facteurs psychiques et une libération de cytokines pro-inflammatoires ont été évoqués.

B – FORMES ÉVOLUTIVES HABITUELLES, HISTOIRE NATURELLE ET PRONOSTIC :

1- Formes évolutives :

L’âge de début habituel de la SEP est entre 20 et 40 ans et il y a 1,7 femmes atteintes pour un homme.

Mais il a été décrit des formes à début très précoce dans l’enfance et, à l’opposé, des formes de début très tardif.

La classification des formes évolutives de SEP sur laquelle repose les indications des traitements de fond, a fait l’objet d’une tentative de consensus international.

Il a été proposé de retenir quatre formes :

– la forme rémittente (SEP-R), la plus fréquente, caractérisée par des poussées et des rémissions avec ou sans séquelles ;

– la forme progressive secondaire (SEP-SP) caractérisée par une évolution progressive du déficit neurologique, après une phase rémittente ; des poussées surajoutées sont possibles ;

– la forme progressive primaire (SEP-PP), caractérisée par une évolution progressive d’emblée sans poussée associée ni avant ni pendant cette progression ; des phases de plateau sont admises ;

– la forme progressive à rechutes (SEP-PR), caractérisée par une évolution progressive d’emblée émaillée de poussées.

L’individualisation de cette dernière forme est discutée. L’étude d’histoire naturelle réalisée en Ontario a en effet montré que son individualisation par rapport aux formes PP n’était pas justifiée.

D’autres formes cliniques, comme les formes transitionnelles, ont du reste été caractérisées en fonction de la séquence poussées/progression mais n’ont pas été intégrées dans ces définitions.

Les patients n’ayant eu qu’une poussée ne peuvent pas être classés dans une des quatre formes, alors qu’une majorité d’entre eux présente une SEP et que la répétition des IRM permet d’établir le diagnostic en montrant l’apparition de nouvelles lésions.

Au terme habituellement utilisé de « syndrome clinique isolé », on peut préférer celui de SEP confirmée par l’IRM. D’autres types de classification sont parfois proposés (selon la charge lésionnelle en IRM, selon le tableau clinique prédominant etc).

L’objectif de ces classifications évolutives est d’adapter le traitement à la physiopathologie supposée. Une classification reposant sur la mise en évidence par l’IRM de l’importance respective des mécanismes supposés (démyélinisation inflammatoire multifocales et axonopathie diffuse) de ces phases progressives et par poussées, remplacera probablement ces classifications cliniques.

Nous exposons les caractéristiques évolutives selon le mode de début : rémittent ou progressif.

Les formes aiguës d’évolution monophasique fatales, décrites par Marburg, ne rentrent pas dans cette classification.

* Formes de début rémittent :

Entre 85 et 90 % des patients débutent leur maladie par la phase rémittente.

L’âge de début moyen est 29 ans.

La maladie est caractérisée au début par des poussées cliniques et des rémissions.

La poussée est définie comme une période d’apparition ou d’aggravation de signes ou symptômes neurologiques, durant plus de 24 à 48 heures, et séparée de la précédente d’au moins 1 mois.

Les symptômes peuvent être nouveaux, mais il peut s’agir de la réapparition d’un symptôme déjà vécu lors d’une poussée antérieure.

Dans ce cas, et en particulier s’il s’agit de l’aggravation de séquelles acquises lors d’un épisode précédent, il faut être prudent avant de retenir le diagnostic de nouvelle poussée. Les symptômes neurologiques doivent durer au moins depuis 48 heures.

Il faut en effet les distinguer des manifestations paroxystiques parfois rencontrées dans la maladie et des troubles liés à la chaleur ou à une fatigue après un effort inhabituel.

Bien entendu, les symptômes doivent être compatibles avec une atteinte de la substance blanche.

Il faut aussi distinguer une poussée du début, de la phase progressive de la maladie.

Enfin, certains symptômes de la maladie semblent évoluer indépendamment de poussées chez des patients ayant une forme apparemment rémittente : il en est ainsi de la fatigue, des douleurs neurologiques, des troubles sphinctériens, des troubles thymiques, des troubles du sommeil et des troubles cognitifs, même s’ils surviennent parfois à l’occasion d’une poussée.

Les crises comitiales surviennent habituellement en dehors des poussées.

Cette définition clinique est cependant arbitraire, les études en IRM ayant montré que des lésions inflammatoires pouvaient apparaître en dehors des poussées et qu’une rechute quelques jours après une poussée pouvait correspondre à une nouvelle lésion.

Les premières poussées régressent souvent sans séquelles, alors que les suivantes laissent un déficit permanent mais qui ne s’aggrave pas avant la poussée suivante.

Certaines poussées très sévères du début de la maladie ne régressent quasiment pas, laissant le patient paraplégique ou hémiplégique.

La majorité des poussées dure une quinzaine de jours avant de régresser sous traitement, alors que la durée moyenne des poussées sévères serait d’environ 100 jours sans traitement.

Le délai entre les poussées est très variable, mais est généralement plus court au début de la maladie que par la suite.

La fréquence des poussées diminue pendant la grossesse, surtout au troisième trimestre, mais réaugmente dans les 3 mois du postpartum pour rejoindre le taux qui existait avant la grossesse.

Un certain nombre de patients conserve une évolution sans séquelles, ou avec des séquelles modestes, ce qui a fait parler de formes bénignes.

Différentes définitions en ont été proposées.

La définition la plus utilisée est celle d’un déficit minime selon l’échelle (expanded) disability scale ([E]DSS), inférieur à 3 ou 4 après 10 ans d’évolution.

La fréquence des formes bénignes est estimée de 5 à 40 %, selon la définition qui en est donnée et la durée des études longitudinales. Une série nord-irlandaise de 36 sujets ayant une forme bénigne ainsi définie sur un total de 181 patients ayant une SEP depuis au moins 10 ans (19 %) a fait l’objet d’un suivi à long terme.

Après environ 10 ans de suivi supplémentaire, seuls huit patients continuaient à remplir les critères de bénignité, alors que 13 étaient rentrés dans la phase progressive.

Cependant, l’évolution moyenne de ce groupe était moins sévère que celle des patients ayant eu un début moins bénin.

L’évolution bénigne est corrélée à une faible activité de la maladie en IRM, c’est-à-dire un nombre faible de lésions nouvelles.

* Formes progressives secondaires :

La très grande majorité des patients ayant une évolution initiale rémittente évoluent secondairement sur un mode progressif : 50 % dans les 10 ans, 70 % dans les 20 ans et jusqu’à 90 à 95 % durant leur vie.

Cette phase fait habituellement suite à la phase de poussées avec séquelles, mais débute parfois alors que le patient ne gardait aucune séquelle objective des poussées antérieures.

Le passage à la phase progressive survient en moyenne après 7 ans d’évolution rémittente, vers l’âge de 39 ans en moyenne.

La phase progressive secondaire peut être émaillée de poussées surajoutées, qui tendent à être plus rares lorsque la maladie évolue.

Un certain nombre de symptômes et de signes apparus lors de la phase rémittente, en dehors des poussées, pourrait constituer les premiers signes de la phase progressive (troubles sphinctériens, troubles cognitifs…).

* Formes progressives primaires et progressives à rechutes :

Environ 10 à 20 % des patients débutent leur SEP par une évolution progressive d’emblée.

Ils représentent 20 % des 1 044 patients de l’étude faite en Ontario, dont 15 % de formes progressives primaires pures et 5 % de formes avec poussées surajoutées (progressives à rechutes).

Le tableau est habituellement celui d’une atteinte médullaire progressive isolée auquel se surajoutent ultérieurement d’autres signes.

Dans d’autres cas, on observe un tableau cérébelleux progressif.

L’âge de début se situe vers 39 ans.

L’évolutivité de la phase progressive est un peu plus lente que celle des formes progressives secondaires, même si ces patients atteignent plus rapidement les niveaux élevés de handicap par rapport à la date de début de la maladie.

Ces patients présentent moins de lésions focales en IRM encéphalique et ces lésions sont très peu rehaussées par le gadolinium (Gd).

En revanche, il existe une atrophie importante.

2- Facteurs pronostiques :

Devant un patient débutant une SEP, peut-on établir un pronostic ?

Les études de suivi ont établi que la moitié des patients atteignent le degré 3-4 de la DSS (handicap pour la marche) en 7,5 à 7,7 ans et le niveau 6 (aide pour la marche) en 15 ans.

Ces données générales ne sont cependant pas applicables à l’échelon individuel, étant donné la grande variabilité interindividuelle. Certains paramètres sont retrouvés comme liés au pronostic.

L’âge de début et la forme de début sont des paramètres interdépendants.

En effet, les patients ayant un début progressif d’emblée, habituellement plus tardif, atteignent les stades 6 et 8 de la DSS après 8 et 18 ans de délai médian.

Par ailleurs, si la maladie a débuté avant 25 ans, il faut respectivement 12,5 et 35 ans (en médiane, c’est-à-dire pour la moitié des cas) pour atteindre respectivement les stades 3 et 7 de DSS, alors que 1 et 21 ans seulement sont nécessaires si la maladie a débuté après 39 ans.

Certaines caractéristiques du début de la maladie semblent conditionner, dans une certaine mesure, l’évolution initiale, c’est-à-dire jusqu’à un DSS de 4.

Un délai plus long séparant les deux premières poussées et une symptomatologie initiale à type de névrite optique ou de troubles sensitifs sont associés à une évolution plus lente au début.

Le sexe, les vaccinations et les infections ne semblent pas influencer le pronostic.

L’apport de l’IRM dans l’établissement du pronostic est probablement déterminant.

Il a été clairement établi une valeur pronostique initiale au nombre de lésions cérébrales.

L’estimation de la perte axonale, de son importance et de son évolution par les nouvelles techniques, permettra probablement d’affiner le pronostic.

La durée de survie médiane a été estimée, dans le registre danois, après le diagnostic à 22 ans pour les hommes et 28 ans pour les femmes versus 37 ans et 42 ans chez les sujets normaux.

Plus de la moitié des patients décèdent de leur maladie ou de l’une de ses complications.

3- SEP de l’enfant :

L’incidence des SEP avant 16 ans a été estimée entre 1,2 et 6 % des cas.

L’âge de début le plus précoce d’un cas prouvé à l’autopsie a été de 10 mois.

Le début est souvent comparable à celui des formes de l’adulte mais, dans certains cas, il prend la forme d’un tableau évocateur d’EAD ou de maladie de Schilder avec des lésions extensives ou pseudotumorales.

Bien que peu d’études sur le pronostic soient disponibles, il semble que l’évolution de ces formes précoces soit moins rapide que celle des formes de l’adulte.

C – ÉVALUATION CLINIQUE :

De nombreuses échelles ont été proposées pour évaluer les patients atteints de SEP.

D – EXPLORATIONS COMPLÉMENTAIRES :

1- Imagerie par résonance magnétique nucléaire :

L’IRM est sensible au contenu en eau du parenchyme, ce qui permet de mettre en évidence les lésions oedémateuses, démyélinisées ou gliotiques sous la forme d’hypersignaux sur les séquences FLAIR pondérées en T2.

Certaines lésions, surtout celles qui sont très démyélinisées, apparaissent en hyposignal sur les séquences pondérées en T1.

L’IRM peut aider au diagnostic en montrant une dissémination dans le temps et dans l’espace de lésions inflammatoires démyélinisantes du SNC à condition de correctement interpréter les informations qu’elle fournit.

* Diagnostic de lésions inflammatoires démyélinisantes :

Les hypersignaux ne sont pas spécifiques, et il faut les distinguer d’autres lésions multiples de la substance blanche comme des lésions de collagénoses, de granulomatoses ou des images vasculaires, en particulier des « patchys », banals après 45 ans, et fréquents chez les hypertendus et les migraineux.

La fréquence des « patchys » non spécifiques est d’environ 5 % avant 50 ans, 30 % entre 50 et 60 ans et 54 % après 60 ans et ils sont donc surtout discutés dans les formes PP de début plus tardif. Les lésions périventriculaires, sous-tentorielles, en particulier du cervelet, médullaires ou du corps calleux sont plus évocatrices.

Les lésions de petite taille (< 6 mm) sont moins évocatrices.

Les lésions de la substance grise (cortex, noyaux gris) sont possibles mais habituellement mal visibles.

L’atteinte de la jonction gris-blanc est fréquente ne respectant pas les fibres en « U ».

Le caractère inflammatoire peut être suggéré par l’existence d’une prise de contraste après injection de Gd qui n’est cependant pas spécifique, puisqu’elle s’observe également sur des lésions infectieuses ou tumorales.

* Dissémination dans l’espace :

L’IRM permet facilement de montrer l’existence de lésions multiples, et il a été montré que l’existence d’au moins neuf lésions encéphaliques était très évocatrice du diagnostic (Barkhoff), même si les critères moins spécifiques de Paty (au moins quatre lésions ou trois lésions dont une périventriculaire) ou de Fazekas (une lésion de plus de 6 mm et une lésion sous-tentorielle) étaient plus fréquemment retrouvés au début.

L’IRM de la moelle peut être essentielle pour affirmer cette dissémination spatiale.

* Dissémination dans le temps :

L’existence de lésions multiples et prenant le contraste ne suffit pas pour affirmer un diagnostic de SEP.

Devant un épisode clinique unique, l’IRM peut démontrer qu’il s’agit d’une maladie chronique à condition de répéter les examens.

L’existence de lésions d’âges différents, dont seules quelques-unes prennent le contraste, ne suffit pas puisque la durée des prises de contraste peut varier d’une lésion à l’autre.

En revanche, l’apparition de nouvelles lésions sur deux examens IRM réalisés dans des conditions identiques (même champs, mêmes séquences, même positionnement) à 3 mois d’intervalle permet d’affirmer l’existence d’une maladie évolutive.

La nécessité d’un traitement précoce justifie un diagnostic précoce.

2- Étude du liquide céphalorachidien :

L’apport de l’IRM au diagnostic de SEP ne doit pas faire négliger l’étude du liquide céphalorachidien (LCR) qui apporte deux types de renseignements essentiels au diagnostic de SEP : l’affirmation d’une réaction inflammatoire dans le SNC et l’élimination d’un processus infectieux ou malin.

Le diagnostic de réaction inflammatoire repose essentiellement sur la mise en évidence d’une distribution oligoclonale des immunoglobulines G (IgG) du LCR et d’une augmentation de l’index IgG, qui est cependant moins sensible (70 à 88 % contre 92 à 95 %).

La mise en évidence d’une distribution oligoclonale des IgG (supérieure à deux bandes) doit reposer sur la focalisation isoélectrique.

Les bandes ne doivent pas être présentes dans le sérum ou être présentes en nombre inférieur.

La distribution oligoclonale n’est cependant pas spécifique puisque possible dans les atteintes neurologiques du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), la neurosyphilis, la parencéphalite sclérosante subaiguë (PESS), les méningites, les neuroborrélioses, les neurobrucelloses, la trypanosomiase etc.

Le contexte clinique et biologique fait la différence.

La mise en évidence de chaînes légères libres oligoclonales a la même signification.

L’absence de distribution oligoclonale peut être due à une méthode défaillante.

Sinon, il faut approfondir la recherche d’un diagnostic différentiel, les SEP sans distribution oligoclonale étant rares.

Quand elles sont prouvées, elles seraient de bon pronostic.

L’index IgG est un moyen précis d’apprécier l’existence d’une synthèse intrathécale d’IgG et d’une rupture de la barrière hématoencéphalique (BHE).

Il représente le rapport entre le quotient IgG LCR/sérum et le quotient albumine LCR/sérum. Le quotient albumine est déterminé par l’existence d’une rupture de la barrière sang-LCR.

Il est dépendant de l’âge.

La plupart des patients atteints de SEP ont des valeurs normales de ce quotient (6,5/1 000 entre 16 et 40 ans et 8/1 000 entre 40 et 60 ans). Des valeurs supérieures évoquent d’autres diagnostics.

Le quotient IgG reflète l’existence d’une synthèse intrathécale d’IgG.

Le quotient IgG est anormal dans 70 à 80 % des cas de SEP.

Les quotients IgM et IgA sont peu utilisés.

Le nombre de cellules dans le LCR est augmenté (> 4/µL) dans 50 % des cas mais dépasse rarement 35.

Un chiffre supérieur doit faire rechercher activement un autre diagnostic.

L’étude des cellules après cytocentrifugation est nécessaire pour éliminer la présence de cellules lymphomateuses.

Les cultures et sérodiagnostics éliminent les pathologies infectieuses.

3- Électrophysiologie :

L’IRM a supplanté les potentiels évoqués dans la recherche d’une dissémination des lésions dans l’espace. Ils peuvent être utiles quand la réalité de l’atteinte d’une voie de conduction n’est pas établie par la clinique.

Les PEV permettent d’objectiver l’atteinte du nerf optique quand il existe une latence allongée de l’onde P100.

Leur étude est utile dans les formes PP, quand l’IRM n’est pas suffisante pour établir le diagnostic.

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