Chimiothérapie en oncologie thoracique

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Notions générales :

Chimiothérapie en oncologie thoraciqueLe cancer bronchique primitif est la première cause de mortalité par cancer dans l’ensemble du monde développé chez l’homme.

Chez la femme, il a dépassé le cancer du sein en Amérique du Nord alors qu’en France, l’augmentation d’incidence n’est que très récente et il ne vient qu’au quatrième rang des causes de mortalité par cancer.

Les cancers bronchiques se résument à quatre types histologiques principaux : les carcinomes malpighiens, les adénocarcinomes, les carcinomes indifférenciés à grandes cellules et les cancers à petites cellules.

Les trois premiers (75 % des cas) sont regroupés sous l’appellation de cancers bronchiques non à petites cellules par opposition aux cancers bronchiques à petites cellules (25 % des cas).

Cette séparation en deux grands groupes se justifie par une approche thérapeutique radicalement différente, centrée sur la chirurgie lorsqu’elle est possible dans le cas des non à petites cellules et sur la chimiothérapie dans le cas des petites cellules.

A – ÉPIDÉMIOLOGIE :

On observe une augmentation de l’incidence des adénocarcinomes bronchiques en France au détriment des carcinomes malpighiens 20 ans après les États-Unis.

La prédominance d’adénocarcinomes au détriment des malpighiens est probablement liée à la présence de nitrosamines dans les cigarettes à faible contenu en goudron et à l’inhalation plus profonde de la fumée de cigarettes entraînée par cette diminution en goudron et l’usage de filtre.

B – APPRÉCIATION DE LA RÉPONSE AU TRAITEMENT :

L’appréciation de la réponse est un élément très important à prendre en compte, notamment dans les essais de phase II dont l’objectif principal est d’établir un taux de réponse.

Jusqu’à présent, cette évaluation se faisait de façon bidimensionnelle en prenant le produit des deux plus grands diamètres perpendiculaires.

Le critère de réponse était la diminution d’au moins 50 % du produit de ces diamètres.

Lorsqu’il y avait plusieurs cibles tumorales, c’est la somme de l’ensemble des produits qui devait avoir diminué de moitié étant entendu qu’aucune lésion n’avait progressé (augmentation de plus de 25 % du produit des deux plus grands diamètres) et qu’aucune autre localisation n’était apparue.

Un peu curieusement à l’ère du scanner permettant des mesures volumétriques, c’est une mesure unidimensionnelle qui est proposée, à savoir le plus grand diamètre.

Le critère de réponse est alors la diminution de 30 % au moins de ce plus grand diamètre ou de la somme des plus grands diamètres en cas de lésions multiples (étant toujours entendu qu’aucune lésion n’ait progressé et qu’aucune autre lésion ne soit apparue).

La définition de la progression devient une augmentation de plus de 20 % du plus grand diamètre ou de la somme des plus grands diamètres. Ces nouveaux critères de réponse et de progression appelés critères RECIST sont parfois utilisés et semblent destinés à remplacer les anciens critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Actualités thérapeutiques dans le cancer bronchique non à petites cellules :

Les stratégies thérapeutiques se sont considérablement modifiées au cours de ces dernières années avec notamment une augmentation de la place de la chimiothérapie.

Après la réalisation de plusieurs essais randomisés dans les années 1980 comparant une chimiothérapie à un traitement purement symptomatique dans les formes métastatiques de cancer bronchique non à petites cellules, il est amplement prouvé par plusieurs méta-analyses que la chimiothérapie apporte un bénéfice réel bien que modeste en durée de survie aux patients.

Il n’existe pas réellement de chimiothérapie standard, néanmoins c’est une chimiothérapie à base de cisplatine qui est généralement réalisée.

La vinorelbine est l’alcaloïde de la pervenche qui est le plus souvent associé en France au cisplatine.

Cependant, depuis quelques années, plusieurs drogues ont été développées et se sont révélées actives dans le cancer bronchique non à petites cellules telles que la gemcitabine (Gemzart), le paclitaxel (Taxolt), le docétaxel (Taxotèret).

Avec ces nouveaux agents, en monothérapie, le taux de réponse est aux environs de 20 %, la médiane de survie aux environs de 8-9 mois et le taux de survie à 1 an à 40%.

D’autres drogues plus récentes sont également actives : le topotécan (Hycamtint), le premetrexed (Alimtat), la tirapazamine.

Récemment, un essai mené par l’Eastern Oncology Group a comparé trois bras de chimiothérapie à savoir cisplatinegemcitabine, cisplatine-docétaxel, carboplatine-paclitaxel à celui considéré comme «standard» à savoir cisplatine-placlitaxel.

Les résultats très attendus par la communauté internationale de cet essai ayant inclus plus de 1 200 patients n’ont montré aucune différence significative entre chacun des bras expérimentaux et le bras standard.

La médiane de survie était de 8 mois.

Le Southwest Onxology Group de son côté avait comparé l’association carboplatinetaxol très utilisée en Amérique du Nord avec l’association cisplatine-vinorelbine.

Là aussi, la médiane de survie était comparable, à 8 mois dans les deux bras et la probabilité de survie à 1 an de 36 et 38% respectivement.

Le choix d’une chimiothérapie doit donc essentiellement tenir compte des toxicités attendues… mais aussi des données comptables.

En ce qui concerne les formes localement avancées non résécables de cancer bronchique non à petites cellules, s’il ne fait plus de doute que l’adjonction d’une chimiothérapie à la radiothérapie est supérieure à la radiothérapie seule, le moment de la radiothérapie fait encore l’objet de controverses.

La chimiothérapie d’induction suivie de radiothérapie est la seule séquence actuellement validée.

Il y a beaucoup d’arguments théoriques en faveur d’une administration concurrente ; néanmoins, la toxicité, notamment oesophagienne, est importante.

Les essais de phase III récemment publiés le confirment et un seul est en faveur d’une supériorité du bras concomitant.

Une approche mixte, chimiothérapie d’induction suivie d’une radiothérapie sensibilisée par un sel de platine ou une autre drogue à faible dose, est également l’objet d’essais randomisés en cours dont l’un publié récemment est négatif.

Les stades IIIA (N2) font l’objet de stratégies thérapeutiques très variées selon que le diagnostic de N2 est fait en préopératoire ou non.

Deux essais comportant un très faible nombre de patients ont montré l’intérêt d’une chimiothérapie préopératoire.

Un essai français terminé récemment ne confirme pas cet intérêt d’une chimiothérapie préopératoire pour les N2.

De plus, beaucoup d’équipes évaluent plutôt le rôle de la chirurgie : apporte-t-elle réellement quelque chose par rapport à une chimioradiothérapie ?

Les résultats ne sont pas encore disponibles. Dans les formes résécables de cancer bronchique non à petites cellules, deux questions principales sont posées et concernent la chimiothérapie.

Une chimiothérapie d’induction suivie de chirurgie est-elle bénéfique ?

L’essai français le démontre mais d’autres essais actuellement en cours vont permettre de confirmer ou non ces résultats.

La place d’une chimiothérapie postopératoire fait également l’objet de plusieurs essais dont on attend les résultats (essais IALT, ANITA).

Actualités thérapeutiques dans le cancer bronchique à petites cellules :

La place de l’irradiation prophylactique de l’encéphale (IPC) est à présent établie chez les patients mis en réponse complète à l’issue d’un traitement d’induction.

Il était connu de longue date que l’IPC diminuait l’incidence des métastases cérébrales.

Cette méta-analyse a confirmé une réduction du taux cumulé de métastases cérébrales à 3 ans de 59 % à 33 % et mis de plus en évidence un bénéfice de survie de 5 % à 3 ans.

Le rôle de l’irradiation médiastinotumorale en sus de la chimiothérapie a été bien établi dans les formes liées à l’hémithorax à la suite d’une méta-analyse publiée en 1992.

De nombreuses questions étaient soulevées concernant le moment de la radiothérapie, le volume à irradier, le fractionnement et la dose.

Un consensus se dégage en faveur d’une radiothérapie précoce et contre une administration séquentielle. Un essai randomisé récent est en faveur d’une radiothérapie bifractionnée plutôt que monofractionnée à la dose de 45 grays.

L’administration concomitante de la chimiothérapie, très utilisée outre-Atlantique et en alternance précoce (développée à l’Institut Gustave Roussy), a très probablement une efficacité identique bien qu’elle n’ait pas fait l’objet d’essais randomisés pour comparer les deux. En ce qui concerne la chimiothérapie, la place du cisplatine semble incontournable dans l’immédiat.

L’association cisplatine-VP 16 reste la plus utilisée mais une étude française récente a montré la supériorité du quadruplet cisplatine-VP 16-cyclophosphamide-épirubicine sur le doublet cisplatine-VP 16.

Parmi les nouvelles drogues, le topotécan et le paclitaxel semblent particulièrement intéressants et font l’objet, après l’étude de leur efficacité en deuxième ligne, d’essais en première ligne.

Enfin, signalons une étude récemment parue montrant qu’il y a eu d’authentiques progrès dans la survie des cancers bronchiques à petites cellules à partir non seulement des essais thérapeutiques mais aussi de bases de données de populations.

Innovations thérapeutiques :

Les modificateurs biologiques tels que l’interféron, les inhibiteurs des métalloprotéinases font l’objet d’essais portant surtout sur la maladie résiduelle.

Les tumeurs malignes ont la capacité d’envahir les tissus avoisinants et de disséminer.

Les métalloprotéinases sont une famille d’enzymes protéolytiques facilitant ce processus d’invasion.

Ces protéines sont synthétisées par les tumeurs, les cellules du stroma et par les cellules endothéliales.

Les inhibiteurs des métalloprotéinases ne semblent pas capables d’induire par euxmêmes une réponse tumorale mais ils sont susceptibles de renforcer l’activité des agents cytotoxiques.

Les cancers bronchiques ont une expression accrue du récepteur à l’epithelial growth factor (EGF) et du vascular endothelial growth factor (VEGF), de même que celui de Her2 dans 20 % des cas de cancers bronchiques non à petites cellules.

Plusieurs essais sont actuellement développés associant à la chimiothérapie un anticorps monoclonal anti-VEGF ou encore à un inhibiteur de l’EGFR ou d’Her2/Neu.

Les résultats en sont bien sûr très attendus.

Conclusion :

Les deux dernières années ont été essentiellement marquées par une meilleure codification des stratégies thérapeutiques par l’utilisation de nouvelles drogues dont l’activité n’est pas forcément supérieure aux précédentes mais qui ont des profils de toxicité différents et qui permettent d’envisager des thérapies de deuxième ligne.

Les modificateurs biologiques qui tentent de s’adresser spécifiquement à la cellule tumorale font l’objet d’essais nombreux dont les résultats devraient être disponibles pour certains d’entre eux dès l’an prochain.

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