Cavernomes encéphaliques

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Cavernomes encéphaliques
Introduction :

Lésion cérébrale longtemps ignorée in vivo, le cavernome encéphalique est devenu, de nos jours, de découverte fréquente grâce à l’IRM dont la spécificité est presque absolue et la sensibilité extrême.

L’IRM en assure le diagnostic positif, elle permet, dans les cas non opérés,

de montrer que le cavernome est, dans environ 50 % des cas, une lésion dynamique subissant au fil du temps des modifications structurelles et volumétriques ; elle met en évidence, avant tout dans les formes familiales, les localisations multiples et celles qui apparaissent de novo, ouvrant ainsi la voie à des études génétiques actuellement en plein développement.

Avec l’essor de l’IRM, l’histoire naturelle de l’affection est de mieux en mieux cernée.

Les études neuropathologiques ont gagné en précision au cours de ces dernières années, montrant que la plupart des malformations vasculaires cérébrales, dites angiographiquement occultes, étaient en fait des cavernomes, et mettant en exergue l’existence de formes histologiquement complexes ou mixtes.

Alors qu’autrefois il n’était que rarement confronté à ce problème, le neurochirurgien est de plus en plus souvent sollicité pour donner son avis sur les indications opératoires d’une affection devenue d’actualité.

L’exérèse des cavernomes, quand elle est anatomiquement possible sans risque iatrogène rédhibitoire, est la plupart du temps à recommander.

Considérations générales :

A – Terminologie :

Les termes d’angiome caverneux, d’hémangiome caverneux, de malformation caverneuse ont été utilisés pour désigner une lésion qu’il est plus simple et plus judicieux, à notre avis, d’appeler cavernome, montrant par là qu’il s’agit d’une entité pathologique bien définie, le suffixe « ome » n’étant pas abusif dans la mesure où, comme nous le verrons, il peut s’agir d’une lésion douée d’un potentiel de croissance autonome.

B – Historique :

Décrit par Virchow en 1863, le cavernome sera diagnostiqué pendant plus d’un siècle presque exclusivement au cours d’examens neuropathologiques faits post mortem.

C’est ainsi qu’en 1976Voigt etYasargil, ne retenant que les 164 cas « bien documentés » de la littérature, relèvent que seulement 24 d’entre eux ont été diagnostiqués sur une pièce opératoire.

L’avènement de la tomodensitométrie (TDM), à la fin des années 1970, ouvre l’ère du diagnostic in vivo du cavernome, ayant pour conséquence une augmentation considérable des indications opératoires (166 cas opérés sont colligés par Herter en seulement 12 ans).

L’ère de l’IRM amplifiera cette tendance de façon considérable.

C – Prévalence :

Les séries étudiées in vivo par IRM ont confirmé les études autopsiques précédentes montrant que la prévalence du cavernome s’établissait entre 0,39 et 0,53 %.

D – Âge et sexe :

Le cavernome s’exprime surtout à l’âge adulte avant la sixième décennie, mais il peut s’observer à tout âge et spécialement chez l’enfant (environ 20 % des cas) chez qui existent deux pics d’incidence, l’un entre 0 et 2 ans (26,8 % des cas) et l’autre entre 13 et 16 ans (35,7 %).

Si la symptomatologie est fonction, comme chez l’adulte, du siège lésionnel et est dominée par l’épilepsie, Nakasu, à propos de 16 cas observés avant l’âge de 1 an, assigne quelques spécificités à ce sous-groupe : fréquence de l’augmentation du périmètre crânien, de la localisation dans un ventricule latéral et de kystes volumineux.

Enfin, d’exceptionnels cavernomes ont été décrits dans la période néonatale.

Malgré quelques discordances selon les séries, la répartition du cavernome entre les deux sexes est égale.

Pour Robinson, le risque hémorragique serait plus important chez la femme, et surtout pendant la grossesse.

E – Nosologie :

Russel et Rubinstein, dont la classification simple est universellement adoptée, désignent sous le vocable d’« hamartomes vasculaires cérébraux » (HVC) les malformations artérioveineuses (MAV), les malformations veineuses (MV), les cavernomes et les télangiectasies. Pour tenir compte des acquisitions d’ordre multifactoriel récentes, et spécialement de l’imagerie moderne, nous tenons à faire les remarques suivantes :

– le terme de malformation cryptique (qui signifie « cachée ») ne doit plus être utilisé : toutes les variétés d’hamartomes vasculaires sont directement visibles sur un examen IRM ;

– le terme de malformation vasculaire cérébrale angiographiquement occulte (MVCAO) est également devenu caduc depuis l’IRM, l’angio-IRM et l’angioscanner.

Ce sont l’angioarchitecture propre à chaque lésion et les conditions hémodynamiques qui en sont la conséquence, qui sont les éléments discriminatifs fondamentaux entre les quatre variétés d’hamartomes vasculaires cérébraux.

– La MAV est formée d’un réseau de vaisseaux dysplasiques (le nidus) formant des shunts artérioveineux de basse résistance, interposés entre des artères et des veines initialement normales, qui deviennent pathologiques secondairement du fait des conditions hémodynamiques particulières du nidus.

– LaMV, qualifiée aussi d’« anomalie veineuse de développement » (AVD), est une lésion structurellement bien individualisée qui se présente en imagerie, sous forme d’une base constituée de veines médullaires (caput medusae) qui convergent vers un tronc veineux collecteur qui lui-même, après un trajet transparenchymateux, se jette dans un sinus veineux intracrânien.

Les travaux les plus récents insistent sur le caractère pauci-, si ce n’est non pathogène, de laMVouAVD elle-même.

Quand existe une hémorragie à son contact, celle-ci est généralement due à un cavernome ou à des télangiectasies associées ; ainsi est-il de la plus extrême importance, pour le neurochirurgien qui aura à évacuer une hémorragie observée dans de telles circonstances, de faire l’exérèse du cavernome ou des télangiectasies, mais de laisser en place la MV qui n’est pas la voie de drainage exclusive du cavernome, mais également celle d’une partie plus ou moins importante du parenchyme cérébral voisin.

– Les cavernomes et télangiectasies forment un groupe structurellement et hémodynamiquement à part.

Si l’on s’en tient à de stricts critères neuropathologiques, les cavernomes représentent la quasi-exclusivité des ex-MVCAO.

Dans une série homogène de 34 cas, on relève ainsi 21 cavernomes, deux télangiectasies, troisMAV, deuxMVet cinq lésions mixtes sur l’importance desquelles nous reviendrons.

Ainsi, en tenant compte des données récentes et avec un objectif de clarification, il convient, d’une part, d’isoler les MAV et les MV dont les caractères structuraux et hémodynamiques ainsi que les problèmes thérapeutiques sont spécifiques et, d’autre part, de réserver le terme d’hamartomes vasculaires cérébraux aux seuls cavernomes et télangiectasies qui, pour beaucoup de neuropathologistes, représentent en réalité un continuum pathologique.

Compte tenu de la très grande prévalence des cavernomes, la classification la plus simple et la plus pratique se résume donc entre cavernomes purs et cavernomes mixtes (lorsqu’il existe une association, soit avec des foyers de télangiectasies, soit avec des structures évoquant de façon plus ou moins évidente des artères et/ou des veines les rapprochant des MAV).

F – Hémodynamique :

Ce n’est pas parce qu’il n’est pas opacifié par une angiographie cérébrale habituelle qu’il faudrait en déduire que le cavernome est une lésion dénuée de flux sanguin.

En usant de techniques particulières (injection prolongée de produit de contraste, cathétérisme artériel suprasélectif), il est possible d’obtenir un blush vasculaire tardif.

En réalité, le cavernome ne s’injecte pas, parce que ses artérioles nourricières sont de très petit calibre (elles ne sont visibles qu’au microscope opératoire).

Son angioarchitecture est structurellement très différente du nidus d’une MAV.

Elle est, de plus, souvent modifiée par des hémorragies et thromboses éventuelles.

De la conjonction de ces facteurs, il résulte qu’à l’opposé des MAV le flux sanguin intracavernomateux est lent et sous faible pression, expliquant que les hémorragies, quand elles surviennent, sont plus limitées et surtout moins brutales et immédiatement dévastatrices que celles qui tirent leur origine d’une MAV.

Neuropathologie :

A – Aspects macroscopiques :

À l’oeil nu, le cavernome apparaît sous forme d’une masse rougeâtre, multilobulée, parfois kystique, d’un diamètre moyen de 2 à 3 cm.

Il existe aussi de très petites lésions de l’ordre du millimètre, en particulier dans les formes multiples et, à l’inverse, il a été rapporté des cas de cavernomes géants (5 à 9 cm de diamètre) répondant à des faits anatomopathologiques différents : volumineux kystes ; importantes hémorragies ; développement particulièrement exubérant de la matrice lésionnelle elle-même.

Quels que soient leur volume et leur localisation, les cavernomes sont des lésions bien délimitées par rapport au tissu cérébral de voisinage qui lui même est modifié dans sa couleur, devenue jaune verdâtre par diffusion hématique chronique, et souvent dans sa texture, devenue plus dure que le tissu cérébral normal quand le phénomène hémorragique est ancien.

Fait très important en ce qui concerne les possibilités d’exérèse chirurgicale atraumatique : en dehors des localisations profondes (noyaux gris centraux, structures profondes du tronc cérébral), le cavernome se développe électivement dans le cortex cérébral lui-même ou dans le tissu cérébral souscortical, c’est-à-dire en superficie.

B – Topographie :

Le cavernome est une lésion particulièrement ubiquitaire qui peut se rencontrer en tout point du névraxe et de ses annexes, selon une fréquence de répartition très inégale.

Quand une série n’est pas biaisée par un mode de recrutement particulier, environ 75 % des cavernomes sont en situation supratentorielle, comme le montre notre série personnelle de 77 patients opérés de 85 cavernomes.

Des localisations rares (ventricules latéraux, région pinéale, sinus caverneux et espaces extraduraux temporaux, espaces sousduraux), que nous n’avons pas rencontrées dans notre expérience, seront décrites au chapitre concernant la chirurgie des cavernomes.

C – Aspects microscopiques :

1- Cavernomes purs :

Ce sont des lésions formées de cavités hématiques (ou cavernes) contiguës, sans interposition de parenchyme cérébral, dont les parois sont tapissées d’une couche de cellules endothéliales sous-tendues par du tissu conjonctif d’abondance variable, réalisant des aires en « dentelle » d’épaisseur variable.

Il est fréquent d’observer des phénomènes de thrombose intracavitaire remplissant parfois complètement certaines cavernes (« mottes » conjonctives).

On observe souvent, dans les parois, des amas de cellules inflammatoires lymphoplasmocytaires, des dépôts d’hémosidérine et sidérophages, des silhouettes de cristaux d’acides gras, des dépôts calciques ou des zones d’ossification.

Dans cette forme pure de cavernome, il n’existe ni fibre élastique, ni cellule musculaire dans les parois des cavernes.

Le parenchyme périlésionnel comporte une gliose astrocytaire contenant éventuellement les mêmes anomalies que les parois sus-décrites associées à des dilatations axonales.

La présence de petits cavernomes satellites n’est pas exceptionnelle.

Il est parfois possible d’observer des travées conjonctives qui pénètrent le tissu cérébral de façon radiaire et constituent vraisemblablement des zones d’extension future de la lésion.

Ces travées enserrent souvent des vaisseaux sanguins dont les parois présentent des épaississements hyalins et des dépôts calciques.

2- Cavernomes mixtes :

Dans une série personnelle récente de 17 cavernomes mixtes, il existait 13 cas d’association lésionnelle avec des formations vasculaires, dont cinq évoquaient une MAV vraie.

Six de ces 15 cas présentaient également des télangiectasies.

Les deux patients résiduels étaient porteurs d’association cavernome/télangiectasie.

Il est à noter que les cavernomes mixtes étaient deux fois plus fréquents dans le tronc cérébral que dans la région supratentorielle, constatation histologique qui pourrait expliquer le plus grand risque hémorragique dans la première de ces localisations.

Il faut souligner que le diagnostic histologique est parfois difficile : devant une lésion très hémorragique ou une très grande caverne qui peuvent masquer les aspects typiques et devant des lésions mixtes mal différenciées.

C’est dire la nécessité de confier au neuropathologiste l’intégralité des pièces opératoires, afin qu’il puisse les examiner en coupes sériées et en utilisant au besoin coloration et réactions complémentaires.

Neuroradiologie :

A – Scanner cérébral :

Si la scintigraphie cérébrale au technétium 99 a été le premier examen complémentaire apte à montrer de façon directe les cavernomes et même, sous sa forme dite « dynamique », à évoquer la lenteur de circulation qui y règne en montrant l’apparition progressive de la captation isotopique, c’est la TDM qui a été l’examen clef du diagnostic extensif du cavernome.

Les caractéristiques TDM du cavernome sont les suivantes : zone d’hyperintensité spontanée d’un diamètre moyen de 2 à 3 cmne se rehaussant pas ou très modérément après injection de produit de contraste, n’exerçant pas ou peu d’effet de masse sur leurs structures avoisinantes et contenant des calcifications dans environ 40 % des cas.

Des aspects moins caractéristiques de la lésion peuvent s’observer beaucoup plus rarement : kyste dont la capsule se rehausse après contraste, hémorragie importante, oedème périlésionnel, effet de masse.

La TDM est inapte à déceler des lésions d’un diamètre inférieur à 5 mm.

Sa spécificité est médiocre, pouvant faire évoquer d’autres diagnostics, en particulier celui d’oligodendrogliome calcifié.

B – Imagerie par résonance magnétique :

Cette technique a supplanté la TDM, à la fois sur le plan de la sensibilité (possibilité de détecter des lésions de 1 à 2 mm de diamètre) et de la spécificité.

1- Interprétation des signaux :

Dans leur forme typique, les cavernomes contiennent des épanchements sanguins d’âges différents, qui s’expriment de façon particulière en IRM, suivant en cela les stades de la dégradation de l’hémoglobine.

Quand celle-ci ne circule plus, elle se transforme en désoxyhémoglobine par perte de sa charge en oxygène.

Ce phénomène, qui se produit dans les premiers jours suivant l’hémorragie, s’exprime par un isosignal, sur les séquences pondérées en T1 et en T2.

Ultérieurement apparaît de la méthémoglobine qui acquiert des propriétés paramagnétiques responsables d’un hypersignal.

L’hémosidérine, produit de dégradation final de l’hémoglobine, est responsable d’un effet de susceptibilité magnétique qui apparaîtra sous forme d’un hyposignal, particulièrement net sur les séquences pondérées en T2.

Les calcifications, quand elles existent, apparaissent également en hyposignal.

Les effets de susceptibilité magnétique influencent fortement les séquences d’imagerie rapide (séquences dites en écho de gradient).

Ce phénomène est mis à profit pour détecter les lésions de très petit volume (diagnostic des formes multiples).

2- Aspects IRM typiques :

Les caractères précédents permettent de décrire un aspect typique, si ce n’est pathognomonique, du cavernome en IRM : zone centrale hétérogène (association d’hyper- et d’hyposignaux) entourée d’un halo d’hyposignal .

Comme en TDM, l’effet de masse est très généralement inexistant ou modéré.

3- Diagnostics différentiels :

Tumeurs hémorragiques et métastases peuvent être discutées, mais, en pratique, c’est la distinction entre hémorragie intraparenchymateuse essentielle (par hypertension artérielle par exemple) et hémorragie abondante d’origine cavernomateuse qui peut être la plus délicate à trancher.

En effet, un saignement abondant, quelle qu’en soit l’origine, déterminera, passé la période initiale d’isosignal, un hypersignal homogène en T1 et en T2.

Si le patient doit être opéré rapidement, du fait d’une hypertension intracrânienne menaçante, le neurochirurgien doit inspecter soigneusement les parois de la cavité hématique à l’aide du microscope opératoire, à la recherche d’une malformation causale : cavernome, mais éventuellement aussi malformation artérioveineuse partiellement thrombosée, ou comprimée par l’hématome luimême.

Si, au contraire, le patient n’est pas opéré, le cavernome se démasquera sur les examens IRM ultérieurs.

4- Cavernomes non hémorragiques :

Un cavernome n’ayant jamais saigné se présente sous forme d’un piqueté hétérogène sans couronne d’hyposignal. Il peut atteindre parfois un volume très important.

Association cavernome et malformation veineuse (15 à 20 % des cas) :

Elle justifie l’intérêt d’une angio-IRM peropératoire.

À côté de l’image typique de MV, il faut savoir aussi prendre en considération la présence de simples veines plus ou moins tortueuses situées au pourtour du cavernome, vis-à-vis desquelles le neurochirurgien devra observer la même prudence que s’il s’agissait d’une malformation veineuse typique.

Dynamique du cavernome. Corrélations radioanatomiques. Bases biologiques

Plus que tout autre examen, l’IRM a montré le caractère dynamique du cavernome.

Lorsque cette lésion est suivie sur le long terme, les modifications IRM s’observeraient dans environ 50 % des cas.

Deux types d’évolution (non exclusives l’une de l’autre) peuvent alors se démasquer.

Des modifications régressives peuvent être observées, le suivi IRM montrant au fil du temps une diminution des zones d’hypersignal au profit d’un hyposignal.

En fait, le plus souvent, les modifications régressives sont transitoires et l’on observera des modifications dues, d’une part, à des hémorragies récidivantes et à leur propre évolution et, d’autre part, à un phénomène de croissance de la matrice cavernomateuse elle-même, l’apparition plus rare de lésion de novo étant la troisième preuve du caractère dynamique du cavernome.

A – Hémorragies :

Celles-ci sont soit extra-, soit intralésionnelles, parfois mixtes ; elles peuvent aussi être limitées à une simple diapédèse péricavernomateuse.

Elles peuvent enfin s’extérioriser dans les espaces sous-arachnoïdiens.

1- Hémorragies extracavernomateuses :

Elles résultent de la rupture de cavernes périphériques, aux parois fines, donc fragiles.

Leur expression sémiologique et leur gravité sont fonction de leur siège, mais, comme nous l’avons noté plus haut, ces hémorragies sont beaucoup mieux tolérées et s’expriment sur un mode beaucoup moins aigu que les hémorragies par rupture de MAV.

Si le malade n’est pas opéré, on observera une tendance naturelle à la résorption progressive avec, dans les meilleurs des cas mais ceci est généralement difficile à prouver même à l’ère de l’IRM, disparition plus ou moins complète du cavernome qui lui a donné naissance et qui se serait alors, totalement ou partiellement, autodétruit.

En fait, c’est plus souvent par la répétition des hémorragies que par leur aspect initial qu’un cavernome est dangereux pour l’avenir du patient.

2- Hémorragies intracavernomateuses :

Elles paraissent être dues à la rupture de cavernes adjacentes aboutissant à l’augmentation de volume global de la lésion, effaçant sur l’IRM l’aspect typique du cavernome.

Non opérées, de telles hémorragies ont tendance à se transformer en lésions kystiques par un mécanisme osmotique à travers une capsule organisée, analogue à ce qui est observé dans les hématomes sousduraux chroniques.

Les hémorragies intracavernomateuses paraissent être à l’origine de destruction du cavernome qui leur a donné naissance, dans une proportion de cas plus importante que les hémorragies extracavernomateuses.

En réalité, dans bien des cas, il est difficile pour le neurochirurgien de confier au neuropathologiste autre chose que des caillots indistincts qui se confondent morphologiquement avec un cavernome plus ou moins détruit.

Que l’hémorragie soit extra- ou intralésionnelle, il est toujours nécessaire de faire un examen IRM postopératoire afin de vérifier s’il persiste ou non un reliquat lésionnel dont l’éventuelle existence justifierait une réintervention du fait du risque de récidive hémorragique (à l’instar d’une MAV).

3- Diapédèse périlésionnelle des hématies :

Le halo d’hémosidérine visible en IRM, sous forme d’une hypo-intensité entourant le cavernome lui-même, est considéré classiquement comme le témoin de saignements antérieurs.

En réalité, après avoir observé des cas où rien, ni dans l’histoire clinique, ni dans les constatations opératoires, n’indiquait l’existence d’une hémorragie patente, en constatant également l’encerclement en tout point de la lésion par le halo d’hémosidérine, nous pensons que celui-ci est plutôt la conséquence d’un phénomène de diapédèse des globules rouges à travers la capsule du cavernome.

Cette hypothèse nous paraît rendre mieux compte de la présence d’une zone gliotique, de coloration ocrée, qui entoure les cavernomes et dans laquelle le neuropathologiste découvre fréquemment des pertes neuronales préludant à certaines atrophies péricavernomateuses visibles en IRM et/ou lors de l’intervention chirurgicale, que nous avons rencontrées dans des cas d’évolution particulièrement longues et dans lesquels rien ne permet d’évoquer un ou plusieurs épisodes hémorragiques.

4- Hémorragies sous-arachnoïdiennes (HSA) :

Un cavernome extériorisé dans une citerne peut, en se rompant, être à l’origine d’une HSA.

Cette éventualité peut poser un problème de diagnostic différentiel avec une rupture d’anévrisme (intérêt de faire une IRM dans les HSA où l’angiographie cérébrale est normale).

B – Croissance de la matrice cavernomateuse :

1- Données de la littérature :

Il est couramment admis que l’accroissement progressif du volume de certains cavernomes est sous la dépendance directe de la survenue d’hémorragies répétées, au sein desquelles se développerait un phénomène de réendothélialisation, et/ou qui stimuleraient une prolifération du tissu conjonctif avec néovascularisation.

En fait, les auteurs qui se réfèrent à ces mécanismes n’apportent pas d’observations scientifiquement très convaincantes.

Si, comme nous le reverrons, le rôle des hémorragies récidivantes ne peut être nié dans son développement, nous pensons que le cavernome est doué d’une capacité autonome de croissance.

Cushing et Bailey avaient déjà évoqué l’existence d’un « blastème prolifératif » responsable de la croissance des tumeurs vasculaires, sans que les auteurs aient clairement fait la distinction entre hémangioblastomes et cavernomes.

Penfield etWard ont décrit l’haemangioma calcifians, volumineuse lésion calcifiée d’évolution pseudotumorale non hémorragique qui, selon ces auteurs, siégerait toujours dans le lobe temporal.

2- Expérience personnelle :

Nous avons rencontré deux cas d’haemangioma calcifians du lobe temporal chez des sujets âgés respectivement de 14 et 21 ans.

Aucun ne présentait de stigmate d’hémorragie intralésionnelle.

Une autre de nos observations concerne une jeune femme âgée de 20 ans dont le volumineux cavernome pariétorolandique était responsable d’une monoparésie crurale progressive, puis d’une épilepsie.

Cette lésion était peu calcifiée et ne comportait aucune trace d’hémorragie.

3- Bases biologiques :

Des travaux expérimentaux récents confortent l’hypothèse d’une croissance autonome des cavernomes, en apportant, d’une part, la preuve de la prolifération des cellules endothéliales qui tapissent les parois des cavernes et en montrant, d’autre part, le rôle des facteurs de croissance vasculaire dans le déterminisme d’une angiogenèse pathologique.

La mise en évidence de la prolifération des cellules endothéliales est apportée par l’étude de Notelet qui utilise un anticorps monoclonal de l’antigène de prolifération cellulaire nucléaire (proliferating cell nuclear antigen [PCNA]).

Un indice de marquage (PCNA labelling index) correspond au pourcentage de cellules marquées dans la zone étudiée.

Dans l’étude citée, 36 cas (86 %) d’une série de 42 cavernomes étaient marqués par le PCNA, avec une nette prépondérance dans les zones de cavernome pur (zones en « dentelles ») ; le PCNA LI étant corrélé de façon significative (p < 0,05) avec l’étendue de celles-ci, il est à noter que le PCNA LI le plus élevé (48 % de cellules marquées) a été retrouvé dans un de nos deux cas d’haemangioma calcifians.

De rares études sur les facteurs angiogéniques ont été effectuées.

Rotbart a mis en évidence un marquage par un anticorps anti vascular endothelial growth factor (VEGF) dans les cellules endothéliales, fait confirmé par Notelet qui a montré que ce marquage existait dans le cytoplasme des cellules endothéliales de 17 cavernomes sur une série de 20, et qu’il était particulièrement net dans les aires en « dentelle » de la lésion.

Le même auteur a montré que 7 cavernomes parmi 11 étudiés étaient marqués par un anticorps anti-bFGF (basic fibroblast growth factor), marquage visible essentiellement dans les cellules gliales périlésionnelles.

Ces travaux mettent donc en évidence l’existence d’une angiogenèse pathologique dans les cavernomes cérébraux, angiogenèse liée à des anomalies des cellules endothéliales d’origine indéterminée dans la majorité des cas, mais peuvant être liées à des désordres d’ordre génétique ou à une radiothérapie cérébrale antérieure.

Il est probable que les phénomènes hémorragiques et prolifératifs s’intriquent, l’hémorragie provoquant l’expression de facteurs de croissance vasculaire qui stimulent l’angiogenèse pathologique qui, elle-même, accroît la matrice lésionnelle.

Ainsi, à la lumière des constatations IRM et des travaux expérimentaux qui demandent à être développés, nous considérons que le cavernome n’est pas une malformation vasculaire proprement dite, mais plutôt une tumeur vasculaire bénigne dans la marche évolutive de laquelle interviennent les phénomènes hémorragiques, et à laquelle s’applique la définition de l’hamartome selonAlbrecht (1904) : «Anomalie congénitale qui, bien qu’elle ne soit pas une véritable tumeur, s’en rapproche par ses caractères cliniques et macroscopiques. »

Il en découle une conséquence pratique : il faut non seulement conseiller l’ablation des cavernomes quand celle-ci est justifiée, mais viser aussi à en faire l’éradication complète faute de laquelle la croissance lésionnelle continuera avec ses risques propres.

4- Cavernomes « de novo » :

C’est également grâce aux suivis IRM qu’a été établie de façon formelle l’existence de cavernome apparaissant au cours de la vie.

Ceux-ci étaient jusqu’à présent considérés comme spécifiques des formes familiales, mais récemment il a été démontré qu’ils pouvaient aussi apparaître à la suite de traitements radiothérapiques administrés dans l’enfance.

Les cavernomes apparus dans ces circonstances permettent de supposer qu’à côté d’anomalies cellulaires d’origine génétique, certains agents physiques peuvent induire une angiogenèse pathologique à l’origine de la formation et du développement ultérieur de certains cavernomes.

Formes familiales. Études génétiques :

Les formes familiales de cavernomes s’observent dans environ 10 % des cas.

Elles se distinguent des cas sporadiques par la multiplicité des lésions (cinq à sept en moyenne) affectant plus des trois quarts des sujets ; l’apparition de cavernomes de novo et une plus grande propension à saigner.

Les IRM des sujets issus d’un parent affecté montrent des cavernomes asymptomatiques dans la moitié des cas.

La transmission est de type autosomique dominant.

La pénétrance clinique est incomplète, mais paraît complète en IRM.

Un premier gène (CCM1) a été localisé sur le bras long du chromosome 7, les études génétiques ultérieures permettant de réduire l’intervalle de positionnement à 4 centimorgans entre les marqueurs D7S2410 et D75689.

Dans les 16 familles étudiées dans la littérature, deux ne sont pas liées au chromosome 7, impliquant par là l’existence d’un deuxième gène.

Histoire naturelle :

À travers les chapitres précédents, nous avons vu que le cavernome n’était pas une lésion rare, ni obligatoirement présente à la naissance et que c’était surtout une lésion dynamique dont le cours était émaillé de phénomènes hémorragiques qui en constituent le risque majeur.

Peut-on évaluer ce risque ?

Robinson a examiné 14 065 examens IRM pratiqués en 5 ans dans la même institution : 76 lésions ayant l’aspect typique d’un cavernome ont été découvertes chez 66 patients, dont 14 furent opérés ; le diagnostic de cavernome fut confirmé dans tous les cas ; 86 % des patients ont été suivis pendant une période moyenne de 26 mois (146 lésions-année dans cette série).

Le risque hémorragique annuel a été de 0,7 %.

Del Curling, à partir de 8 138 examens IRM pratiqués en 4 ans et montrant également 76 lésions chez 32 patients, estime le risque hémorragique annuel à 0,25 %, tandis que le risque épileptique est de 1,51 % par personne et par an.

De séries plus récentes, il ressort que le risque hémorragique annuel passe de 0,5 % à 4,5 % en cas de saignement préalable (analogie avec l’histoire naturelle des MAV).

Pour Willinski, c’est surtout le siège lésionnel qui joue un rôle dans le risque hémorragique qui, dans sa série de 156 cas dont 60 ont été suivis par IRM pendant une durée moyenne de 1,9 an, est de 1,7 % dans les localisations supratentorielles et de 10,9 % dans les localisations sous-tentorielles (tronc cérébral).

Ces différents travaux permettent de conclure que le risque hémorragique est l’élément majeur de l’évolutivité des cavernomes ; que ce risque est peu élevé dans les cavernomes qui n’ont pas saigné, mais qu’il devient important lorsqu’un premier saignement a eu lieu, et tout particulièrement dans les localisations au tronc cérébral.

Il faut donc tenir compte de ces données dans la discussion des indications opératoires, avec toutefois à nos yeux une nuance critique : quelle sera l’importance et donc la gravité des hémorragies ultérieures ?

Cette question, cruciale dans certaines localisations à risque chirurgical majeur, reste actuellement sans réponse.

Présentation clinique :

Les cavernomes n’ont pas d’expression clinique qui leur soit propre.

Celle-ci dépend de leur localisation et de leur évolutivité.

La très large prédominance anatomique des cavernomes situés dans le cortex ou le sous-cortex des hémisphères cérébraux explique que leur mode de révélation de loin le plus fréquent soit l’épilepsie, sous toutes ses formes d’expression clinique.

Il peut s’y associer des signes neurologiques déficitaires, en fonction du site lésionnel précis.

À l’inverse, les localisations profondes, en particulier celles du tronc cérébral, se manifestent principalement par des déficits neurologiques souvent régressifs, ce qui peut faire hésiter à proposer une intervention non dénuée de risque chez un patient qui a vu disparaître sa symptomatologie et dont on ne peut prévoir avec certitude ni la date, ni l’importance d’un éventuel resaignement, malgré les données statistiques générales.

Une classification clinique doit à notre sens être homogène, établie sur des données purement symptomatiques et non, comme ce fut longtemps le cas, sur des critères hétérogènes (formes « épileptiques », « hémorragiques » et « pseudotumorales » qui faisaient référence respectivement à un critère clinique, à un critère anatomopathologique et à un critère évolutif).

En réalité, il existe des formes épileptiques, des formes déficitaires et des formes céphalalgiques (ces dernières ne préjugeant pas de la cause exacte des céphalées).

Dans notre expérience personnelle, les formes épileptiques repésentent 66 % des cas, les formes déficitaires 24 %, les formes céphalalgiques 10 %.

Dans un tiers des cas, il existe une association symptomatique survenant de façon simultanée ou dissociée dans le temps.

Chirurgie des cavernomes :

Pour juger de l’opérabilité d’un cavernome, il est nécessaire que le neurochirurgien en détermine la localisation avec la plus extrême précision.

Ainsi pourra-t-il juger de la meilleure voie d’abord qui est toujours celle qui respecte au maximum le parenchyme cérébral périlésionnel, l’idéal étant de pouvoir faire l’exérèse du cavernome sans avoir à inciser le cerveau luimême ou, à défaut de cela, à ne devoir reséquer qu’un mince couvercle cortical présumé sans valeur fonctionnelle.

Le deuxième objectif à prendre en compte est celui de juger des possibilités de faire une exérèse lésionnelle complète.

Comme il a déjà été noté précédemment, l’exérèse partielle d’un cavernome ne met pas le patient à l’abri d’une récidive hémorragique.

À quoi bon lui faire prendre le risque d’une intervention si celle-ci n’est pas radicale ?

La topographie lésionnelle sera le fil conducteur de notre exposé chirurgical.

A – Cavernomes supratentoriels :

Il faut distinguer les formes superficielles et les formes profondes.

1- Cavernomes superficiels :

L’analyse IRM démontre que, même en situation apparemment profonde, les cavernomes hémisphériques peuvent souvent être abordés de façon atraumatique, en disséquant sous contrôle du microscope opératoire un sillon ou une citerne, tout particulièrement celle qui occupe la fissure latérale (scissure de Sylvius), là où les circonvolutions sont tout simplement cachées dans la profondeur.

* Technique chirurgicale :

Le repérage stéréotaxique à partir des données de la TDM, ou mieux de l’IRM, est indispensable dans la majorité des cas, afin de centrer parfaitement le volet crânien en regard de la lésion, les dimensions de ce volet étant adaptées au volume de celle-ci.

Avant d’ouvrir la dure-mère, nous utilisons personnellement systématiquement un deuxième moyen de repérage : l’échographie peropératoire qui a de plus l’avantage, en balayant le champ opératoire, de montrer précisément la zone où le cavernome est le plus proche de la superficie du cortex s’il n’est pas extériorisé.

Le cavernome est toujours une structure échogène dont les éventuelles zones de densité différentes sont parfaitement visualisées sur l’écran de l’appareil d’échographie.

En cas de volumineuse lésion, de forme éventuellement irrégulière, l’échographie permettra aussi de s’assurer du caractère total ou non de l’exérèse qui devra donc éventuellement être complétée.

Le soulèvement du feuillet dure-mérien doit toujours être fait avec précaution, car il existe des cavernomes extériorisés contractant des adhérences intimes avec sa face profonde et qui risqueraient donc d’être effractés lors d’une manoeuvre brutale, alors qu’ils peuvent en être séparés par une dissection douce et contrôlée.

Lorsque le cavernome est en situation sous-corticale, il est habituel qu’une coloration vert ocre du cortex sus-jacent correspondant à la présence d’hémosidérine signale sa présence.

Si le cavernome est enfoui au fond d’un sillon séparant deux circonvolutions, il convient de l’ouvrir pour aborder la lésion au plus près ; dans le cas contraire, il faut faire une cortectomie (soit par simple incision, soit par résection d’un couvercle cortical) de taille suffisante, pour exposer la lésion sans avoir à exercer une pression importante par les écarteurs sur les berges cérébrales adjacentes.

La dissection d’un cavernome, qui est une lésion aux limites nettes, doit être menée progressivement en suivant le plan de clivage que procure la présence d’une zone de gliose périlésionnelle.

Ce faisant, le neurochirurgien découvre pas à pas les artérioles nourricières qui doivent être coagulées, puis sectionnées une à une (elles sont généralement peu nombreuses et très grêles).

Le système de drainage veineux doit être examiné de façon très attentive, surtout quand coexiste une malformation veineuse.

L’attitude à adopter vis-à-vis du tissu cérébral péricavernomateux est décidée en fonction du site lésionnel.

D’une façon générale, il faut avoir pour objectif d’en faire l’exérèse complète pour deux raisons principales : l’ablation d’éventuelles malformations satellites qui pourraient être le point de départ de récidives ultérieures et la résection d’un tissu cérébral pathologique contenant des ions ferriques qui jouent un rôle majeur dans le déterminisme des crises d’épilepsie.

Ces objectifs sont facilement atteints en cas de cavernome situé en zone fonctionnellement mineure.

En cas de localisation en zone hautement fonctionnelle, il convient d’être plus mesuré dans l’étendue de la résection parenchymateuse, mais l’expérience prouve que l’on peut reséquer la zone de gliose périlésionnelle tant que l’on est certain, par une inspection rigoureuse, que l’on reste en son sein, c’est-à-dire quand elle se différencie nettement du tissu cérébral normal adjacent.

Dans nos six cas de localisation strictement rolandique opérés selon ces principes, nous n’avons eu à déplorer aucune séquelle motrice et tous les patients ont vu disparaître l’épilepsie qui avait été la cause de leur exploration neuroradiologique et l’indication d’une exérèse chirurgicale.

Récemment, la pratique de l’IRM fonctionnelle est venue apporter une information neurophysiologique précieuse, quoique non spécifique, au cavernome.

Il est très probable que, couplée à une intervention faite sous contrôle électrophysiologique, elle permettra, comme pour toute tumeur située en zone fonctionnelle, de rendre l’exérèse lésionnelle encore plus sûre.

Les difficultés rencontrées par le neurochirurgien dans l’exérèse d’un cavernome superficiel sont relativement rares, mais doivent néanmoins être rappelées :

– existence d’une branche artérielle importante contractant des rapports étroits et éventuellement initialement masquée entre des diverticules lésionnels.

Cette éventualité est avant tout le fait des cavernomes volumineux situés dans la vallée sylvienne ;

– cavernomes géants, dont le diamètre excède 35 mm, dont il serait dangereux de vouloir faire l’exérèse en une seule masse, technique qui nécessiterait de trop importantes tractions sur le parenchyme cérébral adjacent.

Dans de tels cas, nous avons apprécié l’aide du CUSA (cerebral ultra sonic aspirator) qui permet de fragmenter la lésion de l’intérieur, mais peut avoir le désavantage de laisser en place des fragments périphériques de cavernome dont, du fait même de la technique employée, on n’a pas pu « faire le tour » ;

– cavernomes à la fois géants et très calcifiés (haemangioma calcifians) où il serait plus dangereux encore de vouloir faire l’exérèse en masse, du fait de leur incompressibilité et parce qu’ils contractent des rapports étroits avec l’artère cérébrale moyenne quand ils sont localisés dans le lobe temporal.

Le CUSA, ici encore, est un instrument très utile, car il permet de fragmenter progressivement les zones charnues et d’exposer les zones calcifiées qui sont alors écrasées in situ à l’aide de la pince gouge.

* Résultats opératoires :

En dehors du fait qu’un patient ayant subi l’exérèse complète d’un cavernome sera définitivement à l’abri d’une récidive hémorragique et/ou d’un accroissement lésionnel ce qui est valable pour toute localisation, les résultats de la chirurgie sur l’épilepsie apparaissent satisfaisants (bien que les séries rapportées soient très hétérogènes sur le plan méthodologique).

Environ 60 % des patients voient disparaître leurs crises.

Dans une série pédiatrique, cette proportion est de 65 %, tandis que, dans les autres cas, les crises sont devenues contrôlables ou réduites de fréquence sous traitement médical.

Beaucoup d’auteurs insistent sur l’intérêt qu’il y a à ne pas laisser évoluer durablement la maladie épileptique, afin d’éviter la sclérose mésiale et/ou l’apparition de foyers épileptiques à distance.

Le caractère atraumatique de la chirurgie des cavernomes superficiels incite à poser les indications opératoires les plus larges.

Il s’agira alors d’une simple lésionectomie et non d’une « chirurgie de l’épilepsie » avec électrocorticographie.

Le neurochirurgien fera l’exérèse du cavernome lui-même et de toute la zone gliotique et imprégnée d’hémosidérine qui l’entoure, l’étendue de la résection de celle-ci n’étant limitée que par le caractère fonctionnel ou non du site lésionnel.

2- Cavernomes profonds :

Ils doivent eux-mêmes être divisés entre localisations ventriculaires (ventricules latéraux, IIIe ventricule) et localisations intraparenchymateuses (noyaux gris, corps calleux).

* Ventricules latéraux :

Ils représentent environ 2,5 % des cavernomes intracrâniens (19 cas bien documentés dans la littérature).

Il n’existe pas de site de développement électif.

Dans la plupart des cas, le cavernome adhère fermement aux parois ventriculaires, suggérant une origine subépendymaire.

Le volume de la lésion se développant dans une cavité naturelle peut atteindre un volume considérable.

Les résultats opératoires des cas recensés ont été médiocres.

L’hémianopsie latérale homonyme est la séquelle le plus fréquemment rencontrée (33 %) ; elle est la conséquence des abords chirurgicaux de la région du carrefour ventriculaire.

La mortalité dans cette série a été de 16 %.

* Troisième ventricule :

Les cas bien documentés sont rares.

Nous en avons retrouvé six, tous observés chez des adultes dont quatre présentaient des signes de dysfonctionnement hypothalamique accompagnés de troubles de la vision dans deux cas et de troubles mnésiques dans un cas : une hémorragie sousarachnoïdienne était présente dans un cas.

La voie d’abord chirurgicale la plus adéquate, au vu des résultats opératoires publiés, est la voie interhémisphérique, avec fenestration de la lame terminale ou abord transcalleux.

Nous avons nous-mêmes utilisé, dans un cas, une voie d’abord sous-frontale avec ouverture de la lame terminale.

* Région pinéale :

Il s’agit là aussi d’une localisation rare (sept cas publiés avant l’ère de l’IRM) dont l’expression clinique ne diffère pas de celle des lésions plus fréquemment rencontrées dans cette région.

Il est intéressant de noter que quatre patients avaient été traités par radiothérapie ; le résultat sur le volume lésionnel fut nul et les malades furent opérés ultérieurement.

L’existence de cavernomes pinéaux doit être rappelée malgré leur rareté, afin d’éviter, devant une lésion évoquant leur diagnostic IRM, de faire une biopsie stéréotaxique inopportune et dangereuse.

* Noyaux gris centraux :

Leur incidence est également faible.

Les publications faites à leur sujet sont rares et manquent généralement de précision quant à leur localisation précise et leur technique d’exérèse quand ils ont été abordés chirurgicalement.

Nous pensons cependant qu’il est justifié de définir des sous-groupes en leur sein, en différenciant les cavernomes du thalamus, du noyau caudé et de la région du noyau lenticulaire.

+ Thalamus :

Les cinq cas publiés dans la littérature ont été opérés, pour quatre d’entre eux, en utilisant une voie d’abord interhémisphérique transcalleuse.

Les résultats opératoires ont été médiocres, probablement parce que les auteurs ont centré leur abord de façon trop postérieure (région rolandique et ses veines).

Nous avons, pour notre part, préféré une voie transcalleuse plus antérieure pour aborder un cavernome thalamique. Les signes neurologiques préopératoires (hémiparésie, hémihypoesthésie) disparurent après l’intervention qui remonte actuellement à 7 ans.

+ Région du noyau lenticulaire :

S’il est difficile d’assigner une localisation anatomique très précise à certains cavernomes insulaires, il nous paraît cependant intéressant et important, d’un point de vue chirurgical, d’individualiser des cavernomes éventuellement très volumineux qui, occupant la région du noyau lenticulaire, refoulent et compriment la capsule interne, mais ne la détruisent pas comme le suggère l’IRM et l’affirme l’absence de séquelle motrice postopératoire.

3- Localisations extra-axiales :

* Cavernomes du chiasma optique :

En 1990, Steinberg en avait répertorié 14 cas, histologiquement vérifiés, qui s’étaient tous manifestés par des signes visuels d’installation progressive ou aiguë (« apoplexie chiasmatique ») qui avaient fait évoquer, avant l’ère de l’IRM, la présence d’un anévrisme géant éventuellement thrombosé.

L’exérèse lésionnelle n’a pu être réalisée que dans six cas.

Le laser CO2 permet de coaguler et de vaporiser le cavernome en préservant au maximum le tractus optique. Aucun opéré n’a eu d’aggravation de sa fonction visuelle.

* Cavernomes extraduraux de la fosse cérébrale moyenne :

Il s’agit d’une forme très particulière de cavernomes géants qui s’observent presque exclusivement dans la population féminine japonaise.

Namba en a colligé 23 cas dont il souligne le caractère envahissant (destruction des structures osseuses de voisinage, extension à la région suprasellaire), expliquant la richesse de la sémiologie neurologique : atteintes du nerf optique, des nerfs oculomoteurs, du trijumeau, dysfonctionnement hypothalamohypophysaire.

Ces cavernomes particuliers reçoivent leur vascularisation, toujours très importante, des carotides interne et externe, suggérant a priori le diagnostic de méningiome.

Il semble que ces cavernomes soient sensibles à la radiothérapie conventionnelle, quelques cas dont l’hypervascularisation avait dû faire interrompre l’intervention d’exérèse ayant pu être repris chirurgicalement avec succès après l’administration de 30 Gy sur la tumeur.

Pour Namba, le point de départ de cette variété de cavernome serait la région du sinus caverneux dont Meyer a publié récemment six cas, développés exclusivement dans cette loge dure-mérienne (et qui posent de ce fait un problème de diagnostic différentiel avec les méningiomes intracaverneux).

B – Cavernomes sous-tentoriels :

1- Introduction :

Ils sont représentés, avant tout, par les cavernomes du tronc cérébral qui sont, à la fois, les plus fréquents et les plus graves.

Les cavernomes du cervelet sont rares (5,8 % dans notre série), localisés à proportion égale aux lobes ou au vermis.

Leur abord chirurgical et leurs modalités d’exérèse ne diffèrent de celles d’un cavernome supratentoriel superficiel que par leur site.

Les cavernomes extra-axiaux de la fosse postérieure sont très rares.

Ils posent un problème de diagnostic différentiel avec les méninigomes lorsqu’ils adhèrent à la dure-mère.

Les cavernomes du conduit auditif interne sont également exceptionnels. Ils se distinguent des schwannomes vestibulaires infiniment plus fréquents par l’existence d’une paralysie faciale quasi constante.

2- Cavernomes du tronc cérébral :

Ce sont, sans conteste, les lésions les plus graves, à la fois sur le plan fonctionnel et sur le plan vital. Ce sont celles, aussi, qui ont la plus grande propension aux hémorragies récidivantes, notion récente sur laquelle nous avons déjà insisté, qui doit entrer en ligne de compte dans les indications opératoires.

* Clinique :

L’anatomie et la neurophysiologie expliquent que la sémiologie des cavernomes du tronc cérébral soit le plus souvent riche : atteinte des voies longues et des nerfs crâniens formant des syndromes cliniques variés, mais parfois résumés à l’atteinte d’un nerf oculomoteur, par exemple.

Les signes cliniques régressent avec la résorption hématique éventuelle, ce qui explique qu’avant l’ère de l’IRM, nombre de cavernomes du tronc cérébral aient été étiquetés « sclérose en plaques ».

Si quelques cas de cavernomes du tronc cérébral ont été opérés avant l’IRM, il nous a paru plus rationnel de ne considérer que les cas publiés et/ou opérés après avoir subi un examen IRM de qualité.

C’est ainsi que, dans une revue générale publiée en 1995, nous avons retenu 53 cas majoritairement opérés après 1991.

* Localisation :

En dehors de son intérêt pour assurer le diagnostic de lésion hémorragique, si ce n’est de cavernome, l’IRM est essentielle dans la discussion des indications chirurgicales, sur lesquelles nous reviendrons, et du choix de la meilleure voie d’abord, les deux problèmes étant d’ailleurs étroitement liés.

L’IRM doit être de qualité : machine à haut champ, gamme complète des séquences, plans de coupe parfaitement exécutés de façon à déterminer, le plus précisément possible, la situation du cavernome par rapport à la surface du tronc cérébral et/ou à celle du plancher du IVe ventricule, toute lésion située tant soit peu à distance de la superficie et nécessitant donc une incision et des difficultés d’exposition comportant le risque de séquelles d’origine iatrogène.

* Voies d’abord chirurgicales :

En dehors de cas très particuliers, elles se résument au nombre de quatre.

* Principes techniques généraux de la chirurgie des cavernomes du tronc cérébral :

Pour les raisons exposées plus haut, le but de la chirurgie est de faire l’exérèse complète de la lésion sans léser le parenchyme normal qui l’entoure ce qui, dans certains cas, est quasiment contradictoire.

Toutefois, un certain nombre de moyens techniques récents peuvent aider à relever ce défi : monitorage des fonctions du tronc cérébral ; neuronavigation ; utilisation du laser CO2.

Les règles de la technique microchirurgicale doivent impérieusement être respectées : incision suivant l’axe des fibres mésencéphaliques, connaissance précise des « zones d’entrée » possibles.

L’attitude vis-à-vis du cavernome lui-même est généralement la suivante : évacuation première de l’hématome lorsque celui-ci est fluide, puis ablation par fragmentation de la lésion elle-même, sans chercher à faire une dissection à sa périphérie pour la retirer en une seule masse comme on doit le faire dans les localisations superficielles.

Une difficulté technique fréquente est liée au fait que la cavité opératoire s’affaisse au fur et à mesure de l’exérèse de son contenu ; il conviendra donc de lui garder une certaine structure, en introduisant des cotons dont la présence permet de repérer les éventuelles artérioles nourricières et de les coaguler, puis de les sectionner une à une.

Une autre difficulté opératoire concerne l’attitude à adopter vis-à-vis de la zone péricavernomateuse, qui contient souvent de petites malformations associées satellites qui gagneraient certes à être enlevées, mais dans la pratique il est préférable, dans cette chirurgie des cavernomes du tronc cérébral, de ne pas chercher à faire une exérèse tant soit peu à distance des limites déjà souvent difficiles à définir de la lésion elle-même, afin de ne pas créer de troubles neurologiques postopératoires nouveaux.

À ce sujet se pose également le problème de la date de l’intervention par rapport au saignement.

Pour la majorité des auteurs qui ont l’expérience de cette chirurgie, il est préférable d’opérer assez tôt : dans les 4 à 6 premières semaines (sauf si l’évolution clinique pousse à le faire plus tôt) ; attendre plus longtemps risquerait de laisser se constituer une fibrose périlésionnelle augmentant les difficultés, et donc les risques, de la chirurgie.

En résumé, la chirurgie des cavernomes du tronc cérébral reste, malgré tous les progrès techniques, une chirurgie difficile qui requiert une grande expérience.

Chaque cas doit être évalué cliniquement et radiologiquement (IRM), de façon très méticuleuse, en respectant les principes énoncés et en sachant les adapter à chaque patient pris individuellement.

* Résultats opératoires :

Ils sont dans l’ensemble bons et cette constatation doit entrer en ligne de compte dans la discussion des indications opératoires.

Dans la série que nous avons étudiée, une disparition complète, ou une amélioration marquée des troubles neurologiques, a été obtenue dans 92 %des cas, et ce malgré une fréquente détérioration postopératoire transitoire comme l’ont rapporté de nombreux auteurs.

Il n’existe pas de séries randomisées qui seraient éventuellement aptes à répondre à la question de savoir s’il faut choisir entre chirurgie et abstention dans les cavernomes du tronc cérébral, mais la publication de Zimmerman, portant sur un nombre relativement important de cas, mérite d’être relevée : les bons résultats obtenus chez les 16 patients opérés (dont un est toutefois décédé au sixième mois d’une infection du matériel de dérivation ventriculaire) sont à comparer avec les huit patients non opérés (du fait de leur caractère non ou paucisymptomatique dans sept cas et de la présence d’une malformation veineuse associée dans un cas), dont un est décédé d’une récidive hémorragique ultérieurement.

* Y a-t-il une place pour la radiochirurgie dans le traitement des cavernomes du tronc cérébral ?

Cette question est d’actualité, en raison de la diffusion universelle des systèmes de radiothérapie multifaisceaux focalisée, mais elle demeure très controversée.

Bien longtemps avant le développement de la radiothérapie multifaisceaux, plusieurs auteurs ont utilisé la radiothérapie conventionnelle pour traiter des cavernomes.

Aucun succès thérapeutique n’a été rapporté (la majorité des cas ainsi traités ont été opérés ultérieurement et vérifiés histologiquement).

Les éventuelles modifications morphologiques observées après la radiothérapie ont été interprétées comme étant le témoin des phénomènes de résorption sanguine qui émaillent l’évolution spontanée des cavernomes.

En ce qui concerne l’application des techniques d’irradiation multifaisceaux, les publications sont contradictoires, les unes rapportant une diminution du risque hémorragique ultérieur, les autres, au contraire, des complications liées au traitement (radionécrose).

Il convient à notre avis d’être circonspect, voire critique vis-à-vis des indications de la radiochirurgie dans le traitement des cavernomes.

Ceci pour trois raisons essentielles :

– il n’existe pas de critère d’imagerie permettant d’affirmer l’éradication complète de la lésion ;

– l’analogie avec le traitement des MAV ne nous paraît pas pouvoir être retenue car la disparition de celles-ci, objectivée par angiographie cérébrale, est obtenue du fait de l’induction par radiothérapie d’un phénomène d’endartérite progressive oblitérante au niveau d’artères structurellement normales et de calibre important, ce qui n’est pas le cas des artères nourricières des cavernomes souvent invisibles à l’oeil nu ;

– le phénomène de prolifération des cellules endothéliales qui, pour certains auteurs, expliquerait l’action bénéfique de la radiochirurgie est en totale contradiction avec l’observation de cavernomes « de novo » radio-induits.

* Conclusions :

En résumé, la fréquence et la gravité particulières des hémorragies s’inscrivent en faveur d’indications opératoires larges dans les cavernomes du tronc cérébral.

Lorsqu’ils affleurent en un point quelconque la surface de cette structure (périphérie ou plancher du IVe ventricule), une voie d’abord chirurgicale adaptée permet d’en faire une exérèse de qualité (à condition toutefois que l’intervention soit faite par un neurochirurgien expérimenté et disposant de moyens techniques adéquats).

En revanche, lorsqu’ils siègent au centre du tronc cérébral, le risque iatrogène l’emporte sur le risque naturel et l’abstention chirurgicale est recommandée.

La connaissance des cavernomes encéphaliques s’est considérablement enrichie au cours de la dernière décennie, grâce avant tout à l’IRM.

Le perfectionnement des techniques microneurochirurgicales permet d’opérer, sans risque iatrogène majeur, le plus grand nombre de ces lésions immédiatement et plus encore potentiellement dangereuses pour celui qui en est atteint.

Les cavernomes en situation hémisphérique superficielle ne présentent pas d’autres difficultés opératoires que celles liées à leur repérage.

Une exérèse chirurgicale doit être d’autant plus recommandée que, en dehors du fait de mettre le patient à l’abri des récidives hémorragiques, elle permet, dans la grande majorité des cas, de guérir ou d’améliorer l’épilepsie qui en est le symptôme dominant.

La chirurgie des cavernomes en situation profonde

– tout spécialement ceux du tronc cérébral

– reste une chirurgie à risques qu’il faut savoir évaluer par rapport à leur histoire naturelle et en fonction de l’analyse précise de leur situation par rapport à la surface du névraxe.

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