Formes familiales de cavernomes cérébraux

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Formes familiales de cavernomes cérébraux
Introduction :

Les cavernomes cérébraux, anciennement appelés malformations vasculaires cryptiques, sont des malformations vasculaires, de type capillaire, essentiellement localisées dans le système nerveux central.

Ils sont définis par la présence de cavités vasculaires, sans interposition de tissu nerveux, entourées d’une paroi endothéliale et d’un fin tissu conjonctif.

Ils sont dépourvus d’élastine, de fibres musculaires et de membrane basale. L’observation au sein de ces cavités de thrombus d’âge variable et de calcifications suggère le caractère évolutif de ces lésions.

Ces cavités sont alimentées par des vaisseaux de petit calibre, sans artère ni veine de drainage visible.

D’autres malformations vasculaires coexistent fréquemment avec ces lésions, tels des angiomes veineux, des fistules artérioveineuses, des télangiectasies.

La coexistence de ces malformations soulève le problème de formes de passage des cavernomes vers d’autres types de malformations vasculaires.

Il semble cependant de plus en plus admis que les télangiectasies et les cavernomes cérébraux soient des malformations voisines, voire identiques.

Rigamonti (1991) a proposé de les rassembler sous le terme de malformations cérébrales capillaires.

La prévalence des cavernomes au sein de la population générale est estimée à 0,5 %.

Les cavernomes sont dans 80 % des cas situés à l’étage supratentoriel, 15 % étant situés dans la fosse postérieure ; 5 % étant médullaires.

La plupart de ces lésions sont uniques. L’expressivité clinique des cavernomes solitaires semble très faible. Otten et al ont estimé, à partir d’une étude rétrospective concernant plus de 24 000 cadavres, que seulement 5 % des cavernomes avaient été symptomatiques du vivant des sujets.

Cette faible expressivité explique le caractère longtemps méconnu de ces lésions.

Lorsqu’ils sont symptomatiques, leurs manifestations cliniques sont essentiellement la survenue d’hémorragies cérébrales (11-32 %), de crises convulsives (38-51 %) généralisées ou partielles, de signes de focalisation (12-45 %) et de céphalées.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) représente actuellement le meilleur examen complémentaire à visée diagnostique.

L’aspect le plus typique en est l’association en T2 d’un hyper- et d’un hyposignal, entouré d’une couronne d’hyposignal correspondant aux produits de dégradation de l’hémoglobine (dépôts d’hémosidérine).

Cet aspect dit aspect en « popcorn » ou « nid-d’abeilles » est pratiquement spécifique des cavernomes.

Certaines métastases, notamment d’origine rénale, ont pu cependant présenter le même aspect radiologique.

L’utilisation de plus en plus large de l’IRM a permis de définir différents aspects de lésions cavernomateuses. Une classification a été définie par Zabramski et al en 1994.

Outre le type 2 précédemment cité, trois autres types ont été individualisés : le type 1 correspond à un hypersignal en séquences pondérées T1 et T2, le type 3 est visible sous la forme d’un hyposignal en T1 et T2, le type 4 est une lésion isoT1 et isoT2 et est visible uniquement en écho de gradient. Certaines corrélations histologiques ont pu être établies.

Le type 1 correspond à des hémorragies aiguës, le type 2 à des hémorragies à différents stades (aiguës, subaiguës, chroniques) et à des calcifications.

En revanche, les lésions visibles sous la forme d’hyposignal en T2 ou en écho de gradient ne correspondent pas forcément à des cavernomes.

Elles peuvent correspondre à des saignements anciens quelle qu’en soit la cause, aux stigmates d’une hypertension artérielle chronique, à des calcifications, voire à des séquelles traumatiques.

Formes familiales :

Les formes familiales de cavernomes ont été décrites pour la première fois en 1928 par Kufs et al.

Des observations ponctuelles ont été par la suite rapportées de manière sporadique et de façon hétérogène ; seules les publications les plus récentes ont utilisé l’IRM.

Une étude multicentrique française a été initiée à partir de 1995, avec pour objectifs de déterminer les caractéristiques cliniques et radiologiques des formes familiales, à partir d’une série homogène de patients porteurs de cavernomes familiaux (1).

A – CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES :

La fréquence des formes familiales de cavernomes est mal connue. Rigamonti et al (1988) l’ont estimée à 54 % de l’ensemble des patients porteurs de cavernomes.

Cette valeur est probablement surestimée en raison de biais possibles de cette étude (série rétrospective, cas non consécutifs, population hispanique originaire du Nouveau-Mexique).

Une prévalence comprise entre 10 et 20 % de l’ensemble des patients porteurs de cavernomes semble plus vraisemblable (Tournier-Lasserve, données personnelles).

L’une des grandes caractéristiques des formes familiales publiées dans la littérature est la multiplicité des lésions.

En fonctions de ces données, nous avons étudié en IRM les apparentés de 22 sujets porteurs de cavernomes multiples et se présentant de manière sporadique (c’est-à-dire sans apparenté connu comme affecté).

Cette étude a permis de montrer que les trois quarts de ces patients appartenaient en fait à une forme familiale méconnue.

Certaines caractéristiques cliniques des formes familiales ont pu être déterminées :

– l’âge moyen de révélation des sujets symptomatiques (33 ans ; extrêmes : 5-74 ans) ;

– les manifestations révélatrices : crises d’épilepsie (45 % des cas) (généralisées et partielles), hémorragies cérérébrales (41 %), signes de focalisation (11 %), céphalées (3 %) ;

– l’âge moyen de survenue des hémorragies cérébrales inférieur à celui des autres signes cliniques (25 ans versus 38 ans, p < 0,001).

Ces données cliniques sont cependant semblables à celles des formes sporadiques.

B – PRONOSTIC DES FORMES FAMILIALES :

Le pronostic des formes familiales est mal connu.

On estime que la majorité des patients (78 %) porteurs de cavernomes familiaux vont présenter un seul événement hémorragique symptomatique au cours de leur vie.

Le nombre moyen d’événements hémorragiques symptomatiques pour les autres patients varie de deux à quatre épisodes durant leur vie, l’intervalle moyen séparant deux événements étant de 37 mois (extrêmes : 3-138 mois).

Le risque actuariel de récidive hémorragique est de 30 % à 48 mois.

Le suivi radiologique permet de mettre en évidence des modifications radiologiques des cavernomes, le plus souvent sans traduction clinique.

La fréquence des remaniements hémorragiques est de 2,5 % par lésion par an, les modifications de taille et de signal de 1,1 % et 1,7 % par lésion et par an.

Le risque d’hémorragies radiologiques est deux fois plus important que dans les formes sporadiques.

Ce risque est augmenté dans les lésions du tronc cérébral et dans les lésions de type 1 ; en revanche, la taille initiale de la lésion, le jeune âge du sujet, le sexe féminin, ne semblent pas représenter des facteurs pronostiques en soi.

Décrites pour la première fois par Hayman et al, les lésions de novo sont une des caractéristiques des formes familiales.

Leur prévalence est estimée à 0,2 lésion par an et par sujet. Il s’agit le plus souvent de lésions cliniquement asymptomatiques, visibles sous la forme d’un hyposignal en T2 (48 % des cas), classées type 3 dans la classification de Zabramski et al (1994).

Certains facteurs prédisposant au développement de ces lésions ont été notés, notamment la radiothérapie, le traitement par gamma-knife.

Leur signification n’est cependant pas univoque ; il peut s’agir de lésions initialement non visibles et qui augmentent de taille, soit par hémorragies, soit par prolifération endothéliale, soit de véritables nouvelles lésions.

Ces caractéristiques des formes familiales de cavernomes pemettent de confirmer le caractère dynamique de cette malformation, dynamique dans le temps, mais également dans l’espace.

Le pronostic au long cours est relativement favorable avec dans 80 % des cas une autonomie conservée.

Le pronostic fonctionnel dépend essentiellement des localisations dans le tronc cérébral, comme c’est le cas dans les formes sporadiques.

C – CARACTÉRISTIQUES RADIOLOGIQUES :

La principale caractéristique des formes familiales de cavernomes est la multiplicité des lésions. Quatre-vingt-trois pour cent des sujets ont plus de deux lésions, avec un nombre moyen de sept lésions par sujet sur les séquences T2 (extrêmes : 1-51).

Quatre-vingts pour cent de ces lésions sont retrouvées à l’étage supratentoriel.

La répartition suivant le type de signal met en évidence une prépondérance des lésions visibles sous la forme d’un hyposignal (70 %) (type 3), 23 % ayant un signal mixte (type 2) et 7 % se présentant sous la forme d’un hypersignal en T1 et T2 (type 1). Certains sujets ont uniquement des lésions en hypo-T1 et T2 (type 3), sans aspect typique (type 2) individualisé.

L’étude en IRM des sujets à risque (issus d’un parent atteint) et cliniquement asymptomatiques a permis de montrer en fait que la moitié d’entre eux étaient porteurs de cavernomes silencieux.

Le nombre moyen de lésions chez ces sujets était en T2 de cinq (extrêmes : 1-47), valeur semblable à celle retrouvée chez les sujets symptomatiques.

Ces données permettent de conclure que l’expressivité clinique des formes familiales de cavernomes est plus importante que dans les formes sporadiques, sans que le caractère symptomatique ou asymptomatique ne dépende du nombre moyen de lésions.

La répartition des lésions entre les étages supra- et infratentoriel est similaire à celle des sujets symptomatiques.

Les lésions de type 1 sont moins fréquentes chez les sujets asymptomatiques, les autres types de lésions étant retrouvés dans les mêmes proportions.

L’étude des formes familiales a permis par ailleurs d’évaluer la sensibilité de l’écho de gradient dans la détection des lésions infracliniques. Le nombre moyen de lésions en T2 est de cinq par sujet, il est de 16 en écho de gradient (p < 0,001).

Un tiers des sujets porteurs de cavernome unique en T2 se sont avérés avoir des lésions multiples en écho de gradient.

De plus, 5 % des sujets ayant une IRM normale en T2 ont en fait des lésions en écho de gradient et passent ainsi du statut sain au statut affecté.

Le risque d’erreur de porter un statut sain en T2 est donc de 5 %, ce qui renforce la nécessité d’étudier systématiquement les apparentés des patients ayant des cavernomes familiaux en écho de gradient.

D – CORRÉLATION DU NOMBRE DE LÉSIONS ET DE L’ÂGE :

Bien qu’il s’agisse de malformations vasculaires, les angiomes caverneux doivent être considérés comme des lésions évolutives.

Le nombre de lésions est statistiquement corrélé à l’âge des sujets avec un nombre moyen de cinq lésions chez les sujets de moins de 50 ans, et de 15 chez les sujets de plus de 50 ans (p < 0,0001).

Cette augmentation du nombre moyen de lésions est surtout constatée chez les sujets âgés de plus de 50 ans.

Cette corrélation avec l’âge est confirmée par la constatation de l’apparition de nouvelles lésions dans le temps (lésions de novo).

Kattapong et al ont estimé que le nombre moyen de lésions augmente d’une lésion par décennie.

Sur un suivi rétrospectif de 40 sujets sur 3 ans, 28 % d’entre eux vont présenter de nouvelles lésions, essentiellement visibles sous la forme d’hyposignal en T1 et T2, et le plus souvent cliniquement asymptomatiques.

Certains facteurs prédisposants ont été notés, comme un traitement par radiothérapie.

E – AUTRES LOCALISATIONS ET MALFORMATIONS ASSOCIÉES :

D’autres types de malformations vasculaires cérébrales sont associés aux cavernomes cérébraux : télangiectasies, angiomes artérioveineux, angiomes veineux.

Ces derniers, actuellement regroupés sous le terme d’anomalies de développement veineux, sont le plus souvent de découverte fortuite et sont rarement symptomatiques.

Leur potentiel évolutif et hémorragique est particulièrement faible.

Les localisations extraneurologiques sont de plus en plus reconnues.

L’observation anatomoclinique de Wood (1957) est à ce titre remarquable, avec mise en évidence chez un patient porteur de cavernomes cérébraux multiples, de localisations cardiaques, rénales, surrénaliennes et cutanées.

L’étude anatomopathologique des localisations extraneurologiques dans cette même observation a permis de montrer qu’il s’agissait de malformations de type capillaire, d’aspect similaire à celui des cavernomes cérébraux.

Les localisations les plus documentées sont les localisations cutanées et rétiniennes.

De multiples malformations cutanées ont été décrites : nodules bleus, angiomes plans, angiokératomes multiples éruptifs d’évolution subaiguë.

Une malformation stéréotypée a été décrite dans quatre familles françaises avec coségrégation de cavernomes cérébraux et cutanés.

L’atteinte cutanée est extrêmement homogène : il s’agit de lésions congénitales, non évolutives, uniques, situées le plus souvent sur la cuisse ou le bras.

Elles sont constituées d’un angiome veineux sous-cutané, d’un angiome plan cutané et d’une partie superficielle hyperkératotique.

L’étude histologique met en évidence une dilatation des capillaires, intéressant le derme et l’hypoderme, associée à une ortho- et hyperkératose.

Suivant les critères de l’International Society for the Study of Vascular Malformations, ils ont été regroupés sous le terme d’angiomes capillaroveineux hyperkératotiques (HCCVM).

À notre connaissance, cet aspect n’a jamais été décrit de façon isolée.

L’atteinte rétinienne est encore plus rare.

Il s’agit de malformations vasculaires, mises en évidence au fond d’oeil ou à l’angiographie à la fluorescéine, de type capillaire, unilatérales, en général asymptomatiques.

Leur observation chez un sujet sans antécédent neurologique doit faire réaliser une IRM cérébrale afin de mettre en évidence des cavernomes cérébraux asymptomatiques.

De façon plus récente, ont été décrits des hémangiomes choroïdiens.

À l’issue de ces observations, il semble certain que les cavernomes puissent être localisés en dehors du système nerveux central. Ils correspondent à des malformations de type capillaire.

L’absence d’évolutivité de ces lésions extraneurologiques les oppose cependant aux cavernomes cérébraux.

Étude génétique :

A – GÉNÉTIQUE MÉDICALE :

L’analyse des formes familiales de cavernomes permet de mettre en évidence une transmission de type autosomal dominant (sex-ratio 1:1 ; transmission de type père-fils).

La moitié des sujets transmetteurs de la maladie et porteurs de lésions sont cliniquement asymptomatiques.

Ces données permettent d’estimer le caractère incomplet de la pénétrance clinique, voisine de 50 %. Cette estimation est largement supérieure à la pénétrance estimée des formes sporadiques (5,5 %), probablement en raison du caractère multiple des cavernomes familiaux.

La pénétrance radiologique, reposant sur l’IRM incluant des séquences pondérées en écho de gradient, est très élevée, mais probablement incomplète.

Il a en effet été observé des sauts de génération en IRM chez des sujets transmetteurs obligatoires.

L’âge auquel la pénétrance clinique et radiologique est complète est inconnu.

L’analyse des formes familiales permet de montrer une très grande hétérogénéité clinique et radiologique inter- et intrafamiliale.

Il n’ a pas été observé de véritable anticipation clinique.

L’étude en IRM des apparentés de cas-index porteurs de cavernomes multiples sans forme familiale avérée a permis de montrer que 75 % d’entre eux appartiennent en fait à une forme familiale méconnue.

L’absence de mise en évidence de cavernomes chez les apparentés de patients porteurs de cavernomes multiples peut être expliquée par une néomutation survenue chez le cas-index, une pénétrance radiologique incomplète, voire par la survenue d’une mutation somatique (donc non transmissible) chez le cas-index.

Néanmoins, même chez ces patients porteurs de cavernomes multiples et restant sporadiques, l’évolutivité peut être similaire à celle des formes familiales avérées, avec apparition de lésions de novo dans le temps.

B – GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE :

La première localisation génétique (CCM1) a été définie en 1995 sur le bras long du chromosome 7 (7q11-q22), à partir d’une grande famille américaine d’origine hispanique, dans un intervalle initial de positionnement de 33 centimorgans (cM).

L’analyse ultérieure de cinq familles américaines d’origine hispanique a permis de confirmer cette localisation et de réduire l’intervalle à 4 cM entre les marqueurs D7S2410 et D7S689.

Toutes les familles américaines d’origine hispanique ont la particularité d’être liées au bras long du chromosome 7 et de partager un haplotype commun. Cette observation d’effet fondateur est expliquée par la notion d’un ancêtre commun (mutation ancestrale).

Fait remarquable, cet haplotype commun n’est pas partagé par les familles espagnoles originaires d’Extremadure.

Cette localisation en 7q a été confirmée sur les familles françaises. On estime que 65 % des familles françaises sont liées à CCM1.

Affection génétiquement hétérogène, deux autres localisations ont été définies sur le bras court du chromosome 7 (7p15-13) et le bras long du chromosome 3 (3q25.2-27). Aucune corrélation génotype-phénotype n’a été pour le moment déterminée.

Le gène situé sur le bras long du chromosome 7 (CCM1) a été identifié en 1999.

Différents types de mutations ont été mis en évidence : mutations ponctuelles (C-T, nt 1283 ; G-A nt 615 ; G-A, nt 261), délétions (1-84 paires de bases), insertions de nucléotides. Ces mutations sont également mises en évidence dans les familles où il existait une coségrégation de cavernomes cérébraux et de lésions cutanées et rétiniennes.

Toutes ces mutations ont comme résultante une troncation de la protéine, suggérant une perte de fonction.

La protéine KRIT1 pour laquelle code CCM1 contient 529 acides aminés, avec un domaine riche en ankyrine.

Sa fonction est inconnue chez l’homme. Elle interagit chez l’animal avec la voie de signalisation Rap1a, impliquée dans l’angiogenèse des modèles animaux.

Les deux autres gènes CCM2 et CCM3 sont pour le moment non identifiés.

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