Crise aiguë hypertensive

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Crise aiguë hypertensive• L’hypertension artérielle est rarement une urgence.
• Ne pas se fier aux seuls chiffres tensionnels : la gravité est liée à la rapidité d’installation et non à l’élévation isolée des chiffres. C’est le retentissement viscéral qui signe l’urgence hypertensive et non le niveau des chiffres de pression artérielle.
• L’hypertension artérielle maligne est une urgence vitale nécessitant une prise en charge immédiate et vigoureuse en raison de l’atteinte multiviscérale rapidement progressive qui s’y associe.
• D’autres situations nécessitent une hospitalisation, un traitement et une surveillance intensifs, il s’agit de la prééclampsie ; les hypertensions artérielles avec apparition ou aggravation d’une insuffisance cardiaque, d’une insuffisance rénale, accompagnée de signes neurologiques.
• Le traitement doit être rapidement efficace et maniable pour contrôler au mieux son effet et doit faire appel à des molécules utilisées par voie intraveineuse.

Diagnostic :

DIAGNOSTIC CLINIQUE :

Il est important de distinguer une élévation importante des chiffres tensionnels d’une urgence hypertensive. Toute la gravité de l’hypertension artérielle (HTA) tient à son retentissement sur les organes cibles. Il est urgent de baisser les chiffres tensionnels lorsqu’il existe des signes de retentissement aigu de cette hypertension artérielle : encéphalopathie hypertensive, hémorragie intracérébrale, insuffisance ventriculaire gauche avec œdème pulmonaire, prééclampsie. Les crises hypertensives surviennent dans 90 % des cas chez des hypertendus connus. L’hypertension artérielle maligne est une entité définie par une pression artérielle diastolique = 130 mmHg associée à un fond d’œil stade III ou IV. Elle représente une urgence vitale nécessitant une prise en charge immédiate et vigoureuse en raison de l’atteinte multiviscérale rapidement progressive qui s’y associe (encéphalopathie hypertensive, insuffisance rénale, anémie hémolytique, déshydratation et altération de l’état général). Les mécanismes en cause dans l’installation de l’hypertension artérielle maligne ne sont pas établis. Par contre, on connaît le véritable cercle vicieux qu’est le processus d’auto-entretien de l’hypertension artérielle maligne. L’élévation des chiffres tensionnels induit une augmentation de la natriurèse qui déclenche une activation importante des systèmes hormonaux et en particulier du système rénine-angiotensine qui entretient lui-même l’hypertension artérielle. Le retentissement viscéral est important avec, en histologie, une détérioration vasculaire à type de nécrose fibrinoïde, que ce soit au niveau rénal ou au niveau cérébral.

INTERROGATOIRE :

On recherche :

– les antécédents médicochirurgicaux en détaillant les éventuelles pathologies rénale ou urinaire, les allergies (en particulier à certains médicaments).

– une hypertension artérielle connue et on en reconstitue l’historique : ancienneté, thérapeutiques mises en œuvre ainsi que leur efficacité et leur tolérance, la régularité du suivi du traitement, le retentissement connu de l’hypertension artérielle (fonction ventriculaire gauche, créatininémie, protéinurie, fond d’œil), les chiffres tensionnels habituels.

– les facteurs de risque cardiovasculaire associés (diabète, dyslipidémie, surpoids, tabagisme) et les atteintes athéroscléreuses connues (carotides, coronaires, artères des membres inférieurs).

– des signes en faveur d’une cause secondaire de l’hyper tension artérielle (prise d’acide glycinorhizinique, présence de flush, tachycardie, sueurs, notion d’hypokaliémie, de petit rein ou de souffle lombaire…).

L’anamnèse récente axée sur la recherche de symptômes du retentissement viscéral de l’hypertension artérielle recherche :

– une encéphalopathie hypertensive : maux de tête persistants, nausées, vomissements, troubles de conscience (confusion), coma, crise convulsive. Elle est la traduction d’un œdème cérébral dû à une brusque augmentation de la pression artérielle induisant une élévation brutale des résistances intracérébrales. –une hémorragie cérébro-méningée : déficit systématisé voire coma.

– une insuffisance ventriculaire gauche : dyspnée d’effort puis de repos avec orthopnée.

– une douleur thoracique pouvant correspondre à un angor instable, un infarctus du myocarde ou à une dissection aortique qu’il faut toujours évoquer dans ce contexte. Tous ces symptômes font poser le diagnostic d’urgence hypertensive qui impose l’hospitalisation et la baisse urgente mais prudente et progressive des chiffres de pression artérielle.

EXAMENS CLINIQUES :

Il doit être systématique et rapide afin d’évaluer au plus vite le degré d’urgence :

– auscultation cardiopulmonaire à la recherche en particulier de signes d’insuffisance ventriculaire gauche, d’insuffisance aortique (dissection aortique).

– palpation de tous les pouls (asymétrie des pouls dans la dissection aortique, absence de pouls fémoraux dans la coarctation aortique), auscultation des axes artériels (rare souffle d’une sténose de l’artère rénale, souffle sous-clavier pouvant expliquer une asymétrie tensionnelle…).

– examen neurologique : déficit systématisé, troubles de conscience, signes méningés.

– signes cliniques de déshydratation (hypertension artérielle maligne).

– nouvelle prise de la pression artérielle au repos depuis 10 min en position couchée avec un brassard adapté et aux 2 bras.

EXAMENS PARACLINIQUES :

Ils sont les suivants :

– bandelette urinaire et protéinurie des 24 heures si bandelette positive : à la recherche d’une protéinurie, d’une hématurie qui peuvent témoigner d’une atteinte rénale primitive ou secondaire.

– électrocardiogramme : signes en faveur d’un événement ischémique aigu (modification du segment ST et de l’onde T en faveur d’un angor instable ou d’un infarctus), hypertrophie ventriculaire gauche (plutôt dans l’hypertension artérielle chronique ancienne).

– radiographie de thorax : œdème pulmonaire, élargissement du médiastin de la dissection aortique et de principe, bien qu’un tel mode de révélation de la coarctation aortique soit exceptionnel, érosions costales.

– biologie : créatininémie, urée sanguine, natrémie, kaliémie et protidémie (état d’hydratation) ; numération sanguine avec plaquettes : anémie hémolytique avec schizocytose et thrombopénie dans l’hypertension artérielle maligne; hématocrite (état d’hydratation).

– fond d’œil : recherche d’une rétinopathie hypertensive et surtout d’un stade III (hémorragie et exsudats) ou IV (œdème papillaire) qui signe l’hypertension artérielle maligne.

– échographie cardiaque : elle n’est pas systématique mais est utile dans les crises hypertensives avec œdème pulmonaire et (ou) avec infarctus du myocarde car elle permet, outre la mesure de l’épaisseur des parois ventriculaires gauches qui n’a qu’un intérêt pronostique, l’évaluation de la fonction systolique qui rentre en ligne de compte pour le choix thérapeutique à court et long terme.

Traitement :

En dehors de la grossesse, la poussée hypertensive asymptomatique ne nécessite pas de traitement d’urgence. Elle doit être prise en compte et conduire soit à la modification du traitement soit à la suppression d’une circonstance favorisante (interaction médicamenteuse par exemple) chez un hypertendu traité ; soit à l’instauration d’un traitement oral si des chiffres tensionnels supérieurs ou égaux à 180 mmHg pour la systolique et (ou) à 110 mmHg pour la diastolique sont constatés à 2 reprises dans des conditions de repos. Les bourdonnements d’oreilles, les vertiges, les céphalées isolées ne sont pas des indications à un traitement urgent de l’hypertension artérielle. L’épistaxis, bien que n’ayant aucun caractère de gravité d’un point de vue pronostique, peut nécessiter en raison de son abondance l’administration d’un traitement oral d’action rapide type nifédipine (Adalate un comprimé à 20 mg ou une gélule à 10 mg) ou nicardipine (Loxen 20, un comprimé). Il est urgent d’intervenir dans ces situations à savoir l’hypertension artérielle avec retentissement viscéral et dans les poussées hypertensives même asymptomatiques durant la grossesse.

MOYENS THÉRAPEUTIQUES IMMÉDIATS :

Le traitement est débuté par voie intraveineuse pour obtenir une action antihypertensive rapide et contrôlable, en tenant compte des contre-indications et sous surveillance médicale stricte (de préférence en unité de soins intensifs). L’efficacité du traitement est attestée par un monitoring tensionnel, et avec une surveillance biologique en particulier de la fonction rénale et clinique des paramètres hémodynamiques (diurèse,fréquence respiratoire, état de conscience).Les doses d’antihypertenseur sont continuellement adaptées en fonction des résultats tensionnels obtenus. On dispose actuellement de nombreuses molécules injectables. La liste présentée est non exhaustive mais permet de faire face à toutes les situations d’urgence.

  • Les inhibiteurs calciques ont le mérite de la voie intra¬veineuse et d’une grande maniabilité : nicardipine (Loxen) en intraveineux ; pour un effet très rapide : 1 mg/min jusqu’à une dose cumulée de 10 mg ; pour un effet plus progressif : 8 à 15 mg/h sur 30 min ; relais par une perfusion de 2 à 4 mg/h adaptée par palier de 0,5 mg/h.
  • Les /3-bloquants type labétalol (Trandate) intraveineux (a et (3-bloquant) : possibilité d’une dose de charge de 1 mg/kg en intraveineux direct renouvelable une fois en cas d’inefficacité, ensuite relayé par une perfusion de 0,1 mg/kg/h ou par la forme orale (200 mg toutes les 6 h). Cette molécule garde une grande place dans l’hypertension artérielle de la grossesse.
  • Le nitroprussiate de sodium (Nitriate) intraveineux : 0,5 à 8 µg/kg/min, très efficace rapidement
  • L’isosorbide dinitrate (Risordan) à la posologie de 2 à 10 mg/h à la seringue électrique qui prend toute sa place dans les crises hypertensives avec œdème pulmonaire.
  • Le furosémide (Lasilix) est aussi un traitement de choix en cas d’œdème pulmomaire. L’hypertension artérielle maligne où il existe une déshydratation délétère relève peu de ce type de traitement. Le furosémide est à débuter par une injection de 1 mg/kg en intraveineux direct suivi d’autres ou d’une perfusion continue sur 24 h selon la réponse (diurèse et paramètres hémodynamiques et respiratoires) après la première injection et selon l’importance de la surcharge hydrosodée. Il faut savoir que les doses doivent être augmentées en cas d’insuffisance rénale.
  • L’urapidil (Eupressyl), a-bloquant : 25 mg en intraveineux en 20 s à renouveler 3 fois si besoin puis 9 à 30 mg/h à la seringue électrique.
  • La clonidine (Catapressan) : débuter à 1,2 µg/min à augmenter progressivement si besoin jusqu’à 7µg/min. Son indication quasi exclusive est la pré éclampsie.

MOYENS THÉRAPEUTIQUES A MOYEN LONG TERME :

En relais des antihypertenseurs intraveineux, tous les antihypertenseurs oraux peuvent être choisis en fonction du terrain et d’une éventuelle cause retrouvée. Les options rejoignent ici la stratégie usuelle de choix d’un antihypertenseur (cf. hypertension artérielle essentielle).

INDICATIONS :

  1. Hypertension artérielle maligne :

Il s’agit d’une urgence vitale qui doit être prise en charge dans une unité de soins intensifs ou de réanimation. Tout retard au traitement met en péril la vie du patient, sa fonction rénale et sa vue. Les séquelles de l’hypertension artérielle maligne sont irréversibles. Elle nécessite le recours immédiat aux antihypertenseurs par voie intraveineuse. En cas d’insuffisance rénale rebelle, l’hémodialyse temporaire ou définitive peut s’avérer nécessaire. L’examen clinique doit déterminer rapidement si le patient est en surcharge hydrosodée ou plutôt déshydraté. Dans le premier cas, on utilise les diurétiques. Dans le second cas qui témoigne d’une importante activation du système rénine angiotensine avec intense vasoconstriction due à l’angiotensine, on a recours à des vasodilatateurs type nitroprussiate de sodium associé à un remplissage vasculaire.

  1. Hypertension artérielle avec encéphalopathie hypertensive :

On institue immédiatement en unité de soins intensifs un traitement antihypertenseur intraveineux mais on évite les antihypertenseurs centraux type clonidine (Catapressan) en raison de leur effet sédatif.

  1. Hypertension artérielle avec œdème pulmonaire :

Elle est prise en charge en unité de soins intensifs. Indication au repos demi assis, à l’oxygénothérapie, à un traitement par dérivés nitrés et diurétiques intraveineux adapté à la réponse tensionnelle, la diurèse et l’évolution des signes de surcharge hydrosodée.

  1. Hypertension artérielle et accident vasculaire cérébral :

La prise en charge se fait en unité de soins intensifs. L’hypertension artérielle doit être respectée jusqu’à 180/105 et, au-delà, être traitée prudemment et progressivement avec les traitements précédemment décrits. On vise une baisse tensionnelle d’environ 20% pour la 1re heure. Pour ce faire, les molécules d’action rapide par voie intraveineuse doivent être utilisées.

  1. Hypertension artérielle et dissection aortique :

C’est une urgence vitale médicochirurgicale. Une baisse rapide et progressive de la pression artérielle est nécessaire avec emploi d’antihypertenseurs intraveineux du type nitroprussiate de sodium (Nitriate) selon les modalités déjà décrites. La normalisation des chiffres tensionnels est un objectif à court terme (1 à 2 h) et doit se faire simultanément à la prise en charge diagnostique de la dissection aortique et à son orientation vers un service de chirurgie cardiothoracique.

  1. Crise hypertensive durant la grossesse :

Les risques maternels et fœtaux sont importants et ce d’autant plus que la patiente n’est pas une hypertendue connue. La prééclampsie est définie par l’association d’une hypertension artérielle à des œdèmes, une protéinurie et (ou) une hyperuricémie. L’intérêt du traitement antihypertenseur dans les prééclampsies mineures n’est pas clairement établi. Par contre dans les prééclampsies sévères (pression artérielle diastolique 110 mmHg persistante), il est indispensable et urgent d’intervenir en milieu hospitalier. Les traitements ayant l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication sont : le labétalol et la clonidine éventuellement associés à l’alpha-méthyl-dopa (Aldomet) par voie orale (750 à 1 500 mg/j).

Conclusion :

Au delà des chiffres tensionnels, il convient d’évaluer le retentissement viscéral.

  • Nécessitent l’hospitalisation et la prise en charge urgente :

– hypertension artérielle maligne.

– prééclampsie.

– hypertension artérielle avec apparition ou aggravation d’une insuffisance cardiaque.

– hypertension artérielle avec apparition ou aggravation d’une insuffisance rénale.

– hypertension artérielle avec signes neurologiques.

  • Tout retentissement viscéral nécessite une prise en charge et une surveillance intensives.

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