Carcinomes basocellulaires

0
8240

Carcinomes basocellulaires
Introduction :

Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers en général (15 à 20 % des cancers) et a fortiori le plus fréquent des cancers cutanés.

C’est en revanche le cancer dont la mortalité est la plus faible, inférieure à 1/1 000, et dont le risque métastatique, inférieur à 1/10 000, est tout à fait exceptionnel.

Ce pronostic relativement favorable est lié à la localisation exclusivement cutanée, donc précocement accessible au diagnostic, et à la lente progression de la tumeur.

Il existe néanmoins encore des cas dépassés, mutilants ou térébrants, que l’on ne parvient pas à sauver malgré la conjugaison de tous les moyens thérapeutiques, chirurgicaux, radiothérapiques et chimiothérapiques.

Épidémiologie, étiologie et histogenèse :

A – LOCALISATIONS ET DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES :

Le carcinome basocellulaire est le plus souvent localisé au visage : 75 % de ces tumeurs sont localisées au-dessus d’une ligne allant du lobule de l’oreille à la commissure labiale, c’est-à-dire au front, aux tempes, aux paupières, au nez et aux joues.

Ces localisations aux parties découvertes ne se superposent pas exactement aux parties de la face et du cou qui sont les plus ensoleillées : ainsi, une analyse topographique plus fine montre que ces lésions ont quelques localisations électives, qui sont pourtant relativement « à l’ombre », telles que les paupières, les canthus internes, les régions auriculomastoïdiennes, les sillons périnarinaires.

Au contraire, des régions très exposées comme les dos des mains, siège fréquent de kératoses précancéreuses, sont rarement le siège de carcinomes basocellulaires.

Les muqueuses ne sont jamais atteintes. Une étude épidémiologique descriptive récente, portant sur une série de 13 478 carcinomes basocellulaires observés en 30 ans fournit des chiffres précis sur les conditions de survenue de cette tumeur cutanée :

– sex-ratio : il n’y a pas de différences entres les deux sexes (48 % de cas masculins, 52 % de cas féminins) ;

– âge : l’âge moyen de survenue se situe autour de 65 ans avec une répartition par tranches d’âge de 0,27 % entre 0 et 19 ans, de 5,2 % entre 20 et 39 ans, de 27 % entre 40 et 59 ans, de 51,9 % entre 60 et 79 ans et de 15,6 % au-delà de 80 ans (1,6 % d’âges inconnus) ;

– localisation de la tumeur : 81,7 % des tumeurs sont localisées à la tête et au cou, 11,5 % au tronc, 3,1 % aux membres supérieurs, 2 % aux membres inférieurs, 0,2 % aux organes génitaux (1,6 % de localisations non identifiées).

Pour les carcinomes du tronc et des membres supérieurs, le sex-ratio est en faveur des hommes et pour ceux des membres inférieurs il y a une légère prédominance féminine.

La proportion des tumeurs localisées à la face et au cou augmente avec l’âge au détriment de celles du tronc.

Ces chiffres sont proches, à part une moyenne d’âge plus élevée dans la population européenne, de ceux d’une étude nordaméricaine ne portant cependant que sur 3 541 cas.

Le carcinome basocellulaire est une tumeur des individus à peau claire.

Si l’aspect et la répartition corporelle sont les mêmes dans toutes les races, la fréquence relative dans la race noire ne correspond qu’à 1,7 % de l’ensemble des cancers (soit la même fréquence que celle des carcinomes cutanés annexiels) et à 3 % de tous les cancers cutanés.

La rareté des carcinomes basocellulaires sur peau noire paraît due à la photoprotection mélanique, mais surtout à la rareté du système pileux dans les régions photoexposées du visage.

La fréquence absolue dans la race blanche est plus difficile à déterminer ; l’incidence est de l’ordre de 7/10 000 en France et de 2/1 000 aux États-Unis et le taux de prévalence peut atteindre 4,2/100 dans le Queensland en Australie chez les sujets de 20 à 69 ans.

Une augmentation d’incidence annuelle a été signalée dans différents pays occidentaux (+ 238 % en 14 ans en Angleterre) ; elle n’a pas été confirmée par l’étude rétrospective de Scrivener en France.

B – PRÉCURSEURS ET FACTEURS FAVORISANTS :

À l’inverse de ce qui se passe pour les carcinomes spinocellulaires, il y a très peu de lésions précurseurs sur lesquelles un carcinome basocellulaire risque de se développer.

Le plus souvent il apparaît de novo.

Les affections décrites dans ce paragraphe peuvent se compliquer localement ou favorisent l’apparition de carcinomes basocellulaires.

1- Hamartome sébacé :

Il peut se compliquer de diverses tumeurs bénignes (syringocystadénome papillifère, trichoblastomes) et exceptionnellement de carcinomes basocellulaires à l’âge adulte (moins de 5 %).

2- Syndrome des hamartomes basocellulaires (nævomatose basocellulaire, syndrome de Gorlin) :

Son évolution oncotique est notoirement favorisée par l’exposition aux radiations ionisantes ; la survenue d’un carcinome basocellulaire chez un enfant doit systématiquement faire rechercher les autres signes cardinaux de cette affection et susciter une enquête familiale.

3- Génodermatoses :

Les génodermatoses rares telles que le syndrome de Bazex qui associe une atrophodermie folliculaire, une carcinomatose basocellulaire, une hypotrichose congénitale et, de façon plus inconstante, des grains de milium et une hypohidrose, sont une entité rare, transmise en dominance, liée au chromosome X, due à une anomalie génique localisée en Xq24-q27 (McKusik MIM 301845).

4- Arsénicisme chronique :

Il favorise la survenue des précurseurs des carcinomes spinocellulaires et celle des carcinomes basocellulaires superficiels (pagétoïdes) multiples du tronc.

5- Précancéroses épithéliales :

Elles évoluent généralement vers des carcinomes spinocellulaires.

La filiation kératose actinique-carcinome basocellulaire est une éventualité rare et la prophylaxie des carcinomes basocellulaires ne passe pas par le traitement systématique des lésions cutanées précancéreuses.

Néanmoins, des « baso » peuvent apparaître sur un xeroderma pigmentosum, sur un albinisme, sur des radiodermites ou sur des cicatrices.

6- Carcinomes postradiothérapiques :

Ils apparaissent en dehors de tout signe de radiodystrophie : en particulier sur le tronc, après des radiothérapies à visée antiinflammatoire et, même après de très nombreuses radioscopies pour maladie pleuropulmonaire, on a observé la survenue de carcinomes pagétoïdes multiples et de tumeurs fibroépithéliales de Pinkus.

Cela a également été observé chez des enfants dans des champs d’irradiation, pour maladie de Hodgkin par exemple, ou sur peau noire après radiothérapie du cuir chevelu.

La radio-induction de carcinomes basocellulaires doit systématiquement faire rechercher une maladie par instabilité chromosomique (syndromes de Gorlin, de Bloom, de Zinsser-Fanconi…).

7- Carcinomes basocellulaires post-traumatiques :

Ils surviennent soit après un traumatisme unique dûment daté et décrit, soit après des microtraumatismes circonscrits itératifs.

Dans la première éventualité, pour pouvoir imputer la survenue du cancer au traumatisme, il faut exiger des critères très rigoureux : authenticité et importance du traumatisme, état normal antérieur de la peau, développement du cancer au point même où a porté le traumatisme, manifestations cliniques locales continues entre la date de l’accident et l’apparition de la tumeur, délai raisonnable entre le traumatisme et les premiers signes du cancer cutané.

Le pourcentage des carcinomes basocellulaires qui pourraient être imputés à de telles circonstances étiologiques est, selon les estimations, de l’ordre de 0,5 % à 3,7 %, et le nombre de cas publiés et authentifiés est de l’ordre d’une centaine, avec une nette prédominance masculine.

Les traumatismes invoqués sont divers : coupures, brûlures thermiques ou chimiques superficielles, vaccinations antivarioliques, tatouages…

8- Immunodépression :

Iatrogénique ou liée à des maladies caractérisées (déficits génétiques, infection par le virus d’immunodéficience humaine ou VIH), elle favorise beaucoup moins la survenue de carcinomes basocellulaires que celle des carcinomes spinocellulaires.

Elle n’en est pas moins réelle et le nombre de plus en plus grand de malades porteurs de greffes cardiaques, hépatiques ou rénales risque de favoriser aussi l’augmentation d’incidence des carcinomes basocellulaires.

C – HISTOPATHOLOGIE :

1- Histogenèse :

Les études histochimiques et immunocytologiques ont apporté quelques éclaircissements sur l’histogenèse de cette tumeur. Les cellules tumorales contiennent du glycogène, de rares groupements -SH- et -S-S- ; le derme adventiciel qui entoure les amas tumoraux contient un abondant matériel mucoïde métachromatique bleu Alcian+ et Hale+ comme le tissu conjonctif des papilles pilaires.

L’activité enzymatique est plus faible que celle des kératinocytes épidermiques (estérases, phosphatase acide, cytochrome-oxydase, succinodéshydrogénase).

En immunohistochimie, elles réagissent comme les cellules des épithéliums glandulaires ou annexiels et non comme les kératinocytes matures de l’épiderme ou d’un carcinome spinocellulaire.

En microscopie électronique, les cellules ressemblent à des cellules épithéliales indifférenciées et Kint les identifie aux cellules folliculaires indifférenciées qui se forment lors de la phase catagène du cycle pilaire.

Les cellules de la tumeur sont capables d’élaborer des molécules adhésives des membranes basales telles que la laminine ou le collagène IV ou des ligants tels que les antigènes de la pemphigoïde, mais de façon inconstante, ce qui pourrait expliquer les lacunes de clivage qui se forment autour des lobules tumoraux.

Elles conservent in vitro un certain nombre de leurs caractères morphologiques et fonctionnels, notamment l’expression des cytokératines 5 et 6.

On observe dans presque 50 % des carcinomes basocellulaires une mutation de l’antigène p53 suppresseur de tumeurs.

L’invasivité de la tumeur est liée à l’aptitude de cellules à produire, même in vitro, des protéines du stroma telles que la fibronectine ou à induire la production de métalloprotéases telles que la stromélysine 3 par les cellules mêmes du stroma.

2- Diagnostic différentiel :

Les formes anatomocliniques sont fort nombreuses et chaque forme anatomoclinique fait discuter différents diagnostics différentiels.

Le carcinome basocellulaire nodulaire non ulcéré, surtout s’il comporte des images de différenciation kératinisante ou folliculaire, peut faire discuter le trichoépithéliome solitaire ou le trichoblastome.

Le carcinome infiltrant de structure très trabéculaire peut faire discuter un carcinome annexiel, sudoral en particulier, ou un carcinome neuroendocrine cutané dans sa forme dite trabéculaire.

Les techniques immunohistochimiques sont ici d’un grand intérêt : ainsi, les cellules du carcinome neuroendocrine expriment la cytokératine 20 que n’expriment pas les cellules même très indifférenciées d’un carcinome basocellulaire.

Le carcinome basocellulaire sclérodermiforme est à distinguer des autres tumeurs cutanées à stroma très scléreux et cellules fusiformes : mélanome desmoplastique, métastases squirrheuses, carcinomes annexiels sclérosants, sarcomes même.

Enfin, les carcinomes basocellulaires à différenciation épidermoïde formant jusqu’à des globes cornés (carcinomes métatypiques ou basospinocellulaires) peuvent difficilement être distingués des vrais carcinomes spinocellulaires dont ils partagent d’ailleurs souvent le pronostic (récidives, risque métastatique).

Aspects anatomocliniques :

A – TYPE DE DESCRIPTION : L’« ULCUS RODENS » :

1- Aspect clinique :

Le plus caractéristique des carcinomes basocellulaires est l’ulcus rodens.

Il débute par une petite élevure rosée de consistance molle, qui va s’étaler en un petit placard dont le centre se déprime, puis s’ulcère.

Cette ulcération en « coup d’ongle » attire l’attention par sa torpidité anormale et l’examen clinique montre, dès ce stade, l’aspect caractéristique de ses bords : ceux-ci sont marqués par la juxtaposition de petits grains fermes, translucides, gris ou opalins, lisses, plus ou moins bien individualisés, de 1 à 2mm, les « perles ».

Quand elles sont très petites et confluentes, le bord de l’ulcération est filiforme et il faut un examen à la loupe pour distinguer les lésions élémentaires.

Souvent le bord est aussi télangiectasique avec de petites taches pigmentaires noires ou brunâtres.

La lésion est généralement indolente et, fait clinique négatif important, il n’y a pas d’adénopathie satellite.

En l’absence de traitement, la lésion s’élargit et se creuse en conservant ses mêmes caractères séméiologiques.

Dans cette forme typique, le diagnostic est généralement facile et il est confirmé par l’examen histopathologique d’une biopsie faite au trépan dans la bordure perlée ou de la pièce de biopsie excisionnelle.

2- Aspect histopathologique :

Il est tout aussi caractéristique : la tumeur est constituée d’amas cellulaires massifs ou trabéculaires, constitués de petites cellules basophiles. Les cellules périphériques sont cubiques ou cylindriques, nettement individualisées, alignées en « palissade ».

Les cellules centrales sont rondes ou ovales, plus rarement polyédriques et agencées en puzzle ; généralement, elles sont agencées sans ordre, ont des limites cytoplasmiques floues sans filaments d’union visibles au microscope photonique.

Sur ce fond d’aspect dit « primordial » on peut observer de nombreuses variations en rapport avec des processus de différenciation et/ou de régression tumorale :

– images de différenciation telle qu’une kératinisation (carcinome basocellulaire kératotique) ou de petits foyers de différenciation sébocytaire ou excrétosudorale ;

– images de régression se traduisant morphologiquement par des zones de nécrose aseptique aboutissant à des cavités pseudokystiques, une dégénérescence de la jonction des amas tumoraux avec le stroma avec accumulation de matériel mucoïde, une dégénérescence amyloïde avec accumulation de dépôts d’amylose secondaire dans les masses tumorales et autour.

Une stroma-réaction conjonctive et inflammatoire accompagne la tumeur.

Au contact des lobules tumoraux il y a habituellement plusieurs couches de fibrocytes et un peu plus à distance des infiltrats cellulaires lymphocytaires et plasmocytaires avec différenciation dans 2 % des cas de centres germinatifs (réactions lymphadénoïdes).

Sur le plan immunocytologique, les infiltrats sont constitués en moyenne de 10 % de lymphocytes B et de 90 % de lymphocytes T (70 à 80 % d’immunophénotype CD4 et 20 à 30 % de type CD8).

La qualité et l’intensité de cette réaction inflammatoire ne semblent pas avoir de signification diagnostique ou pronostique.

B – FORMES ANATOMOCLINIQUES :

1- Carcinome basocellulaire nodulaire :

C’est un nodule ferme, bien circonscrit, translucide, souvent un peu pigmenté en imposant pour un kyste ou une tumeur cutanée annexielle ; quand les nodules sont multiples et juxtaposés, leur identification à de grosses perles est en général plus facile.

La peau qui les recouvre est tendue, amincie, parcourue de télangiectasies.

Histologiquement, cette forme nodulaire est constituée de gros lobules épithéliaux avec une cavitation pseudokystique ou de multiples petites cavités régulières simulant une structure glandulaire (aspect adénoïde).

2- Carcinome basocellulaire végétant :

Cette forme clinique, simulant un carcinome spinocellulaire, est rare.

C’est une tumeur exophytique, bourgeonnante et ulcérée, dont le caractère « perlé » n’est pas facile à mettre en évidence. Le diagnostic est avant tout histologique.

3- Carcinome basocellulaire plan cicatriciel :

Il débute comme un ulcus rodens, puis s’étend de façon superficielle et centrifuge en régressant dans sa partie centrale sur un mode cicatriciel.

À la phase d’état, la lésion, pouvant atteindre plusieurs centimètres de diamètre, comporte une zone centrale blanchâtre, atrophique et cicatricielle avec quelquefois de petites ulcérations correspondant à des restes tumoraux et une bordure nette, typiquement perlée, ronde et continue ou en arcs de cercles successifs interrompus par des zones cicatricielles.

Dans les zones pileuses, les poils et cheveux disparaissent à l’emplacement de la lésion. Histologiquement, la bordure est constituée des « perles » élémentaires et l’extension de la tumeur est multicentrique et superficielle sans invasion du derme réticulaire. Carcinome basocellulaire pagétoïde

Sa localisation préférentielle est sur le tronc ; on observe, moins fréquemment, cette forme clinique au cou et au visage.

C’est un carcinome basocellulaire superficiel, à croissance centrifuge, pouvant atteindre jusqu’à 20 cm de diamètre.

Les formes multiples et récidivantes du tronc sont fréquentes.

Cliniquement, il s’agit de plaques érythémateuses recouvertes de croûtelles, nettement arrondies ou ovalaires avec une bordure nette et quelquefois typiquement perlée, mais pas de régression cicatricielle centrale comme dans la forme clinique précédente.

Histologiquement, sur toute sa largeur, la tumeur est constituée de petits lobules tumoraux indifférenciés appendus de façon multicentrique à l’épiderme, en « gourdes de pèlerin », séparés par un peu de fibrose inflammatoire du derme papillaire.

La lésion est rarement invasive en profondeur.

4- Carcinome basocellulaire sclérodermiforme :

Cette forme anatomoclinique est plus fréquemment observée à la face, en particulier dans les régions nasales et orbitopalpébrales.

Elle se présente sous la forme d’une plaque blanchâtre, dure, infiltrée en profondeur, souvent déprimée et rétractile, quelquefois parcourue de télangiectasies ; elle peut s’ulcérer tardivement.

La délimitation de la lésion est difficile à la vue et à la palpation et ceci surtout si la lésion a déjà été antérieurement remaniée par des traitements insuffisants. Cette forme constitue assez souvent une forme de récidive locale d’un carcinome basocellulaire antérieurement plus typique.

Histologiquement, la tumeur est caractérisée par de très fines travées tumorales, d’une ou deux couches cellulaires, sans différenciation, ni alignement palissadique, au sein d’un stroma fibreux constitué d’une prolifération fibrocytaire et de fibres collagènes denses ; le processus tumoral est extensif, en superficie et en profondeur, englobant progressivement la graisse et les muscles peauciers, dont on retrouve par endroits des restes au sein de la tumeur.

Le diagnostic différentiel est à faire sur le plan histologique avec d’autres tumeurs desmoplastiques de la face : mélanome desmoplastique sur mélanose de Dubreuilh, trichoépithéliome desmoplastique, carcinome annexiel desmoplastique, métastase squirrheuse plus souvent observée au cuir chevelu.

5- Carcinome basocellulaire pigmenté (tatoué) :

N’importe quelle forme de carcinome basocellulaire, sauf la forme sclérodermiforme, peut comporter la présence de pigments mélaniques.

Il y a cependant des carcinomes nodulaires pagétoïdes ou ulcéreux particulièrement pigmentés pouvant en imposer pour un mélanome nodulaire ou pagétoïde.

Histologiquement, le plus souvent il n’y a que des dépôts de gros amas de mélanine dans le stroma et dans les zones de régression ou de nécrose (carcinome tatoué) ; plus rarement il y a une prolifération de mélanocytes dendritiques associée à la prolifération de cellules basaloïdes.

La présence de pigment ne confère pas à la tumeur de signification pronostique particulière.

6- Tumeur de Pinkus :

Celle-ci est maintenant assimilée à un authentique carcinome basocellulaire.

C’est classiquement une tumeur ferme, exophytique, sessile, de la couleur de la peau ou avec quelques discrètes marbrures pigmentaires, siégeant dans la région dorsolombaire, ressemblant à un molluscum pendulum un peu fibreux.

Ces lésions peuvent être multiples après radio-induction, survenant des années après une radiothérapie anti-inflammatoire pour des douleurs vertébrales ou des examens radioscopiques répétés pour une maladie pulmonaire (anciens malades tuberculeux ou silicotiques).

Ces formes multiples peuvent être associées ou se compliquer de carcinomes pagétoïdes.

Histologiquement, la tumeur est constituée d’une fine dentelle de cordons épithéliaux mono- ou bistratifiés, anastomosés en un réseau régulier au sein d’un stroma conjonctif riche en fibrocytes mais non scléreux.

Sur ces cordons cellulaires fins se branchent des amas cellulaires plus compacts ayant la morphologie des bourgeons épithéliaux primaires de l’embryogenèse annexielle ou de perles carcinomateuses.

7- Fréquences respectives de ces diverses formes anatomocliniques :

Il y a peu de données concernant les fréquences relatives de ces diverses formes, d’autant plus que tous les auteurs n’adoptent pas la même terminologie.

D’après Scrivener, les carcinomes nodulaires et ulcéronodulaires représentent 78,5 % des cas, les carcinomes superficiels (plans cicatriciels et pagétoïdes) 15 %, les carcinomes sclérodermiformes 6,2 %, le reste correspondant à des formes rares ou inclassées ; les formes nodulaires et ulcéreuses et les carcinomes sclérodermiformes prédominent à la tête et au cou (90 à 95 %), alors que les formes pagétoïdes prédominent au tronc (46 %).

C – FORMES TOPOGRAPHIQUES :

1- Localisations sur les membres :

Des formes ulcéreuses typiques, pagétoïdes ou nodulaires peuvent être observées sur les avant-bras et sur les jambes, en particulier chez les femmes dans cette dernière localisation. Sur le plan anatomoclinique, elles n’ont rien de particulier.

Aux membres inférieurs, on peut quelquefois être amené à discuter la survenue d’un carcinome basocellulaire sur un fibrome (histiocytofibrome) : en effet, l’épiderme recouvrant les dermatofibromes comporte souvent une très forte hyperplasie basaloïde avec une néogenèse annexielle (séboglandulaire et même trichogénique) simulant un carcinome pagétoïde, plus rarement un carcinome nodulaire invasif.

L’interprétation de ces lésions histologiques est encore controversée, mais il semble bien que de rares carcinomes invasifs aient été observés en regard de dermatofibromes bénins.

De même, la survenue de carcinomes basocellulaires palmaires ou plantaires est aussi contestée : en dehors des minibasaliomes microscopiques qui se trouvent à la base des palmar pits de la nævomatose basocellulaire, les autres rares cas rapportés pourraient bien être des tumeurs excrétosudorales telles que des poromes eccrines bénins ou malins.

2- Localisations génitales :

Les carcinomes basocellulaires vulvaires nodulaires, ulcérés ou pigmentés ne sont pas rares ; ils sont exclusivement localisés sur les zones pileuses des grandes lèvres. De même, on peut observer de telles tumeurs sur les organes génitaux externes chez l’homme.

La survenue de telles lésions sur ces régions très couvertes permet de retenir que l’irradiation actinique n’est pas le facteur carcinogène exclusif et que des anomalies liées au cycle pilaire peuvent expliquer l’histogenèse de ces tumeurs.

3- Localisations anales :

Elles sont rares, moins d’une centaine de cas décrits ; il y a surtout des carcinomes ulcéreux et infiltrants, envahissant les cloisons rectogénitales et nécessitant dans certains cas une amputation anorectale.

Évolution, éléments du pronostic et formes évolutives :

A – ÉVOLUTION SPONTANÉE :

En l’absence de traitement, la tumeur progresse lentement, doublant sa taille chaque année.

Sa progression peu apparente, l’aspect anodin de la lésion débutante, son caractère indolore, font que beaucoup de malades ne consultent qu’après quelques années d’évolution : chez 25 % des malades qui consultent pour un carcinome basocellulaire, celui-ci a déjà une évolution de plus de 5 ans, ce qui explique que plus de la moitié des tumeurs observées aient déjà des dimensions supérieures à 1 cm.

La malignité locale est différente selon la forme anatomoclinique : faible pour les formes superficielles et nodulaires facilement accessibles à un traitement curateur, moyenne mais assortie de difficultés d’ordre thérapeutique pour les carcinomes sclérodermiformes, forte pour les carcinomes très ulcéreux, risquant de récidiver plus facilement sous une forme térébrante invasive.

Une régression spontanée n’a jamais été observée, mais elle serait théoriquement possible pour des tumeurs de 2 à 5mm: ainsi, des applications épifocales de DNCB peuvent provoquer une réaction inflammatoire de rejet immun de petits carcinomes et il se pourrait que la stroma-réaction cellulaire spontanée puisse naturellement jouer ce même rôle.

B – AUTRES ÉLÉMENTS DU PRONOSTIC :

Ce sont les éléments à prendre en considération lors du choix thérapeutique et lors de la surveillance post-thérapeutique.

En dehors de la forme anatomoclinique, sont à prendre en considération :

– le siège de la tumeur : les carcinomes basocellulaires ulcéreux ou ulcéronodulaires des « fentes embryonnaires », c’est-à-dire des sillons périnarinaires, des angles naso-orbitaires, des régions rétroauriculaires, sont plus précocement infiltrants en profondeur et récidivent plus fréquemment du fait de l’insuffisance des traitements appliqués ;

– le niveau d’invasion : sans que l’on puisse établir un parallèle avec la valeur des paramètres histopronostiques du mélanome, les carcinomes invasifs ayant dépassé le plan dermique récidivent plus souvent parce qu’ils sont plus souvent insuffisamment traités ; en fait, ce facteur de pronostic se recoupe avec la forme anatomoclinique (carcinomes ulcéreux et sclérodermiformes) et le siège de la tumeur ;

– l’antériorité d’un autre carcinome basocellulaire : un malade ayant eu une telle tumeur a 20 % de risque d’une seconde localisation dans un délai de 18 mois ; s’il y a déjà eu plusieurs localisations, le risque de développer sans cesse de nouvelles lésions est presque perpétuel ;

– les facteurs liés à l’hôte : les carcinomes basocellulaires qui surviennent avant l’âge de 35 ans sont généralement plus agressifs que ceux de survenue plus tardive.

La multiplication des tumeurs est plus fréquente en cas d’immunosuppression de l’hôte (leucémie lymphoïde chronique) ou de tares génétiques prédisposantes (syndrome de Gorlin par exemple) ;

– la qualité du traitement antérieur en cas de récidive : quand la tumeur récidive dans un stroma très cicatriciel, elle a souvent un caractère infiltrant et multifocal et une première récidive après curetage-électrocoagulation ou radiothérapie comporte un risque plus élevé d’une seconde récidive que la chirurgie d’exérèse.

Le succès des réinterventions thérapeutiques dans les formes récidivantes tombe progressivement de 95 à 50 %.

Il faut cependant rajouter qu’une excision incomplète n’est pas fatalement suivie de récidive : si la fréquence des récidives après excision complète est en moyenne de 5 %, elle n’est curieusement que de 24 % en cas d’excision passant à travers le tissu tumoral ; dans les autres cas, les restes du carcinome sont probablement résorbés dans la réaction inflammatoire postopératoire.

Pour cette raison, en cas d’excision incomplète, surtout si elle n’est pas d’emblée repérable, il est préférable d’attendre au moins 6 mois avant de réintervenir, la récidive pouvant alors être plus aisément repérée et délimitée.

C – FORMES ÉVOLUTIVES PARTICULIÈRES :

Elles sont rarement la résultante du génie propre du carcinome basocellulaire mais généralement celle des effets cumulés de la négligence du malade et des carences médicales.

Des évolutions catastrophiques ont été fréquemment observées dans des nævomatoses basocellulaires après irradiation par rayons X.

Elles sont encore courantes dans certains pays où le dépistage et le traitement précoce des carcinomes cutanés sont encore mal organisés.

Les situations suivantes peuvent être observées.

1- Carcinomes basocellulaires multiples ou carcinomatose basocellulaire :

Ce sont des malades de phototype clair, de complexion xérodermoïde, sans antécédents d’arsénicisme chronique ou de nævomatose basocellulaire, qui développent des carcinomes ulcéreux, nodulaires et superficiels de la face et du cou.

Il y a constamment chez ces patients un mélange de récidives de carcinomes déjà traités et de nouvelles localisations nécessitant de nouvelles interventions thérapeutiques.

Chez ces malades, l’éradication systématique deux à trois fois par an de toute nouvelle lésion permet quelquefois de contrôler la situation.

2- Carcinomes basocellulaires térébrants :

Il s’agit de carcinomes ulcéreux creusant de grands cratères nécrotiques qui finissent par envahir et effondrer les cavités nasosinusiennes et orbitaires ou perforer les os du crâne jusqu’aux méninges, provoquant des méningites mortelles, ou détruire les vaisseaux du cou, entraînant la mort par hémorragie.

Ces formes térébrantes sont inaccessibles à un traitement chirurgical, dont elles sont souvent l’échec, ou radiothérapique, dont elles sont quelquefois la conséquence.

On peut quelquefois obtenir un arrêt de la progression voire une rémission avec certains protocoles de polychimiothérapie (méthotrexate, bléomycine, cisplatine, 5-fluorouracile) permettant ensuite une réparation chirurgicale des dégâts. Histologiquement, les carcinomes térébrants appartiennent souvent à la variété dite métatypique.

Le concept microscopique et biologique de métatypie s’applique à un carcinome basocellulaire qui a perdu ses caractères typiques et qui acquiert une structure trabéculaire infiltrante avec des cellules indifférenciées ressemblant davantage à des kératinocytes malpighiens non kératinisants.

La métatypie peut apparaître spontanément lors de récidives successives du même carcinome ; elle peut être induite ou facilitée par des irradiations X subthérapeutiques qui facilitent le « dévergondage » (en allemand Verwilderung) cellulaire.

3- Carcinomes basocellulaires métastatiques :

C’est une éventualité très rare, moins de 1/10 000 tumeurs.

Les métastases compliquent dans la plupart des cas des carcinomes volumineux, ulcéreux, térébrants ou récidivants, et elles se constituent surtout par voie hématogène : métastases pulmonaires et osseuses, plus rarement ganglionnaires, spléniques ou hépatiques.

Des greffes métastatiques bronchopulmonaires peuvent se constituer par inhalation de cellules tumorales à partir de carcinomes térébrants de la face.

Ces formes métastatiques surviennent dans des délais moyens longs de 9 ans, mais la survie après leur découverte est brève, en moyenne de 8 mois.

Pour affirmer le caractère métastatique d’un carcinome basocellulaire, il faut exiger que la tumeur primitive soit cutanée et non muqueuse, que la métastase apparaisse à distance et non par contiguïté et que la métastase ait le même aspect de carcinome basocellulaire que la tumeur primitive.

En fait, la principale difficulté est de reconnaître formellement la tumeur primitive comme un carcinome basocellulaire ; ceux qui métastasent sont kératinisants ou métatypiques et le risque est grand de méconnaître initialement un carcinome annexiel ou même un carcinome neuroendocrine.

Traitement et prévention :

En moyenne, la guérison définitive des carcinomes est assurée dans 95 % des cas, quel que soit le moyen thérapeutique utilisé.

On rajoute généralement à cette affirmation qu’un dermatologue « entraîné » pratiquant la technique du curetage-électrocoagulation a d’aussi bons résultats sur les plans carcinologique et esthétique qu’un chirurgien plasticien ou qu’un radiothérapeute.

Cette vérité mérite d’être nuancée en fonction de la taille de la tumeur, de sa localisation et de sa variété anatomoclinique.

A – MOYENS THÉRAPEUTIQUES :

1- Chirurgie d’exérèse :

C’est probablement la solution thérapeutique de choix : elle a l’énorme avantage sur tous les autres traitements de procurer à l’histopathologiste une pièce opératoire qui peut être examinée selon diverses incidences de coupe, à partir desquelles le caractère complet ou incomplet de l’excision peut être affirmé.

Dans la plupart des cas, il s’agit de tumeurs bien circonscrites cliniquement et les limites de l’excision chirurgicale peuvent facilement être tracées : une marge latérale minimale de 4 mm est nécessaire et suffisante pour éradiquer les carcinomes basocellulaires de moins de 2 cm ; en profondeur, il est conseillé de faire passer la section chirurgicale dans le pannicule graisseux ou, si celui-ci est absent (oreilles) ou peu épais (front et cuir chevelu), de passer à ras du périchondre, du périoste ou de l’aponévrose épicrânienne (galéa).

Pour les tumeurs mal limitées ou les récidives tumorales, il est conseillé de procéder en deux ou trois temps : excision élargie avec microtomie et examen méthodique de la pièce opératoire orientée, réintervention dirigée si l’excision est incomplète, puis fermeture de la plaie opératoire par suture, plastie ou greffe.

Les limites exactes de la tumeur peuvent éventuellement être repérées au préalable par des trépanations biopsiques multiples de 2 à 3mm faites aux confins présumés de la lésion clinique.

2- Technique de curetage-électrodessication :

Elle a la faveur de nombreux dermatologues. Pratiquée sous anesthésie locale, elle consiste à enlever la lésion avec une curette tranchante ; la consistance molle de la tumeur contraste avec la fermeté du derme et la curette « crisse » quand elle entame le derme sain ambiant.

Le curetage est suivi d’une électrocoagulation de la cavité d’évidement, suivie d’un second curetage et d’une seconde électrodessication à visée surtout hémostatique.

La plaie opératoire cicatrise en 2 à 3 semaines en laissant une cicatrice blanche souple.

3- Cryochirurgie à l’azote liquide :

Elle a quelques adeptes.

À condition d’utiliser une méthode contrôlée avec thermométrie et impédancemétrie permettant de déterminer l’intensité (-20 à -30 °C) et la profondeur (5 mm en moyenne) de la congélation, cette technique permet d’obtenir d’aussi bons résultats que la chirurgie conventionnelle : 96 à 98 % de guérisons définitives, si elle est utilisée pour les carcinomes basocellulaires bien limités d’épaisseur réduite de 3 mm environ, ce qui correspond à 90 % des carcinomes basocellulaires de la face.

Cette technique est particulièrement indiquée chez les malades âgés ou handicapés ou en cas de contre-indication de l’anesthésie générale ou chez les malades sous anticoagulants. Les cicatrices résiduelles sont dépigmentées et souples ; il y a toutefois un petit risque de rétraction aux paupières et aux rebords narinaires.

4- Chirurgie micrographique de Mohs :

Elle est réservée aux carcinomes infiltrants et plus particulièrement aux récidives en multiples foyers dispersés par des interventions thérapeutiques antérieures insuffisantes.

Elle n’est pratiquée que dans quelques centres, car elle nécessite une coopération quasi extemporanée avec le laboratoire d’anatomie pathologique.

La tumeur est enlevée, orientée, quadrillée et examinée ; le résultat de l’examen microscopique est reporté sur un schéma qui est retourné au chirurgien, qui peut compléter en deux ou plusieurs temps la destruction de la tumeur jusqu’à ce que toutes les recoupes passent en tissu sain.

Cette technique est longue, mais elle n’est pas « aveugle » car tous les temps thérapeutiques successifs sont soumis au contrôle histologique.

5- Radiothérapie :

Elle donne à court terme d’aussi bons résultats que la chirurgie d’exérèse ; à long terme, la qualité de la cicatrice est généralement moins satisfaisante.

Ce qui fait que le dermatologue ne retient l’indication de la radiothérapie dans les carcinomes basocellulaires qu’en cas de refus ou de contre-indication de la solution chirurgicale.

On utilise la radiothérapie superficielle pour les tumeurs de petite taille de 10-15 mm de diamètre et de préférence l’électronthérapie pour les carcinomes plus infiltrants ; l’électronthérapie a l’avantage d’avoir une énergie modulable en fonction de la profondeur d’irradiation requise (approximativement 1 MeV pour 1 mm).

La radiothérapie est contre-indiquée formellement dans les carcinomes de la nævomatose basocellulaire, dans les carcinomes ulcéreux et térébrants histologiquement métatypiques et dans le carcinome sclérodermiforme.

6- Traitement médicamenteux :

Il est rarement envisagé.

La chimiothérapie cytostatique de contact au 5-fluoro-uracile (Efudixt) est à déconseiller dans les carcinomes basocellulaires, même superficiels, en raison du risque de récidives en « plongée ».

La chimiothérapie systémique réservée aux formes inopérables ou métastatiques permet quelquefois une réduction tumorale.

Les injections intralésionnelles d’á2-interféron, trois fois par semaine, de 1 500 000 U par injection pour les tumeurs de moins de 2 cm2 et de 3 000 000 U par injection pour les tumeurs de 2 à 12 cm2, entraînent une régression tumorale qui peut être définitive et totale, mais comportent une importante morbidité et un risque de récidive même si l’amélioration initiale est encourageante.

Le mode d’action de l’interféron est mal connu : il induit certainement une différenciation kératinisante, ce qui explique que les « perles » du carcinome soient remplacées par de petits kystes épidermoïdes qui s’éliminent comme des grains de milium ; il a aussi une cytotoxicité directe, ce qui est notamment démontré sur les cellules du carcinome basocellulaire en culture ; il stimule enfin localement les réactions immunitaires à médiation T-lymphocytaire.

B – INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :

Les carcinomes basocellulaires de petite taille (moins de 2 à 5 cm selon les localisations), bien circonscrits, superficiels, nodulaires ou ulcéronodulaires, seront de préférence excisés en un seul temps opératoire.

La totalité de l’exérèse devra être scrupuleusement vérifiée s’il s’agit d’ulcus rodens des régions périnarinaires, périauriculaires et naso-orbitaires, plus enclins à évoluer d’emblée ou à récidiver sur un mode invasif voire térébrant.

Sur les ailes du nez, où l’on ne dispose pas de bons plans de clivage, ou sur le tronc, où les cicatrices chirurgicales sont souvent déhiscentes, le curetage suivi d’électrodessication avec cicatrisation « dirigée » est en général plus satisfaisant.

En cas de contre-indication ou de refus du traitement chirurgical, les carcinomes de petite taille peuvent être traités, au choix, selon les disponibilités, par la cryochirurgie ou la radiothérapie (roentgenthérapie conventionnelle, électronthérapie, curiethérapie).

Pour les carcinomes ulcéreux de grande taille et les carcinomes sclérodermiformes, il faut choisir soit l’excision chirurgicale élargie en plusieurs temps avec des contrôles histologiques méthodiques, soit la chirurgie selon Mohs si l’on est entraîné à cette technique spéciale.

Il y a enfin des situations particulières où la décision finale résulte d’une discussion entre dermatologues, chirurgiens, radiothérapeutes et spécialistes d’autres disciplines : ainsi, pour les petits carcinomes des paupières et même du canthus interne, on préfère souvent l’électronthérapie à la chirurgie excisionnelle ; les lésions du cuir chevelu sont à traiter préférentiellement par la chirurgie plastique avec recouvrement, les autres traitements comportant le risque de plaies torpides ou de radionécroses osseuses.

C – SURVEILLANCE ET PRÉVENTION :

1- Calendrier de surveillance :

La probabilité de récidive après traitement d’un premier carcinome étant de l’ordre de 5 % et celle d’une seconde localisation de l’ordre de 20 % dans un délai de 12-18 mois, il est souhaitable de surveiller les cicatrices et la peau de ces malades à un rythme semestriel au moins pendant 2 ans.

Il serait toutefois fastidieux d’inclure dans un protocole de surveillance de longue durée tous les malades traités pour une première localisation de carcinome basocellulaire.

En revanche, les autres malades, qui ont déjà eu une ou plusieurs récidives ou des localisations multiples ou une seule tumeur ulcéreuse invasive ou sclérodermiforme, doivent être surveillés indéfiniment au moins une fois par an.

De même ceux qui ont eu un carcinome dans le sillon périalaire du nez, au canthus interne de l’oeil, dans un sillon rétroauriculaire et forcément ceux qui sont atteints d’un syndrome de Gorlin ou d’une autre génodermatose pronéoplasique.

2- Photoprotection préventive :

Bien que la photocarcinogenèse soit reconnue comme le principal facteur pathogénique, il n’est pas établi en ce qui concerne le carcinome basocellulaire que la photoprotection externe ou interne soit d’un quelconque intérêt.

Entre le moment de la photo-induction d’un cancer épithélial et sa révélation clinique s’écoulent généralement des années, probablement 15 années, et il faudrait donc que la photoprotection, pour être efficace, soit permanente et non pas occasionnelle comme pour la prévention des coups de soleil.

Théoriquement, un photoprotecteur interne de coefficient deux, utilisé régulièrement, peut diminuer d’un facteur cinq à dix le nombre de cancers cutanés épithéliaux apparaissant pour un temps d’exposition donné ; ce que cela donne en pratique n’a pas pu être démontré.

Néanmoins, il est de tradition de conseiller l’éviction solaire, mais ce conseil est basé sur l’empirisme ou… sur la foi.

3- Chimioprophylaxie systémique :

La prophylaxie par l’isotrétinoïne ou l’acitrétine, en administration continue à faibles doses (inférieures ou égales à 0,5 mg/kg/j) dans des maladies où le risque de survenue de cancers cutanés épithéliaux est majeur (arsénicisme chronique, syndrome des hamartomes basocellulaires, xeroderma pigmentosum…), paraît justifiée mais son impact est faible ou même fortement contesté.

Dans le cas précis du carcinome basocellulaire, aucune étude clinique contrôlée n’a jamais démontré de réel pouvoir protecteur de ce type de chimioprophylaxie.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.