Anatomie pathologique des cancers bronchopulmonaires (Suite)

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Première partie

C – ADÉNOCARCINOME :

Anatomie pathologique des cancers bronchopulmonaires (Suite)L’adénocarcinome est une tumeur maligne épithéliale différenciée dans le sens glandulaire.

Il peut naître de l’épithélium bronchique, bronchiolaire, alvéolaire ou des glandes bronchiques.

Les critères de différenciation glandulaire sont appréciés sur l’architecture (acineuse ou tubulaire, papillaire ou alvéolaire), la cytologie (polarité cellulaire, noyau souvent arrondi et hypernucléolé), et la présence éventuelle d’une mucosécrétion.

Ils sont souvent polymorphes dès qu’ils dépassent la taille de 2 cm.

1- Mode de présentation :

Plus fréquents chez la femme, leur survenue n’est pas toujours liée au tabac.

Ils peuvent être découverts fortuitement ou devant des symptômes respiratoires (dyspnée, bronchorrhée).

Parfois, ils sont diagnostiqués devant un tableau de dissémination métastatique ou pleurale (formes occultes).

Classiquement, l’adénocarcinome réalise un nodule périphérique à temps de doublement lent.

Récemment ont été décrites, chez des sujets jeunes, gros fumeurs, des formes centrales à développement médiastinal rapide.

Parfois, ce sont des nodules multiples faisant alors envisager la possibilité de cancers synchrones, de métastases satellites ou de métastases pulmonaires d’un adénocarcinome d’autre origine.

2- Macroscopie :

Les adénocarcinomes sont le plus souvent périphériques, entraînant parfois une rétraction de la plèvre.

Ils réalisent une masse plus ou moins volumineuse, parfois lobulée, bien limitée.

La constatation fréquente d’une fibrose centrale a conduit à penser que ces tumeurs se développaient sur cicatrice : infarctus, ancienne tuberculose, voisinage de bulle d’emphysème.

Cette hypothèse peut être vérifiée dans certains cas, en particulier par la connaissance de radiographies pulmonaires antérieures confirmant la présence d’une lésion ancienne préexistante.

En fait, des travaux ultérieurs suggèrent que ce foyer fibreux témoigne d’une réaction desmoplastique en relation avec la prolifération tumorale.

Des études immunohistochimiques ont montré en effet des différences de type de collagène entre la fibrose cicatricielle et la fibrose tumorale d’une part, et la présence de myofibroblastes en cas de tumeur d’autre part.

Nécrose et hémorragie sont fréquentes.

Une abondante production de mucus se traduit par un aspect visqueux et gluant de la tranche de section.

La localisation périphérique d’une tumeur n’est pas l’apanage des adénocarcinomes, et inversement, des adénocarcinomes peuvent réaliser une masse centrale.

Certains adénocarcinomes périphériques peuvent être responsables d’un épaississement fibreux de la plèvre, réalisant la forme particulière de l’adénocarcinome pseudomésothéliomateux.

La variante du carcinome bronchioloalvéolaire peut se présenter sous forme de nodules uniques ou multiples ou de densification de type pneumonique.

3- Histologie :

Selon leur architecture, les adénocarcinomes sont classés en forme acineuse, papillaire, solide et bronchioloalvéolaire.

Les cellules de l’adénocarcinome sont de grande taille, cubiques, cylindriques ou polygonales.

Les noyaux sont volumineux, vésiculeux, souvent hypernucléolés et contiennent parfois une inclusion.

Ils peuvent être constitués de cellules claires.

La production de mucus varie d’un cas à l’autre, et dans une même tumeur, d’un territoire à l’autre.

Elle peut se présenter sous forme de vastes plages de mucus, de matériel muqueux dans les lumières glandulaires ou de vacuoles intracytoplasmiques.

Elle est mise en évidence par les réactions histochimiques de PAS, PAS-amylase et bleu Alcian.

4- Différentes formes d’adénocarcinomes :

* Adénocarcinome acineux :

C’est une prolifération formée d’acini ou de tubes bordés par des cellules cylindriques mucineuses.

* Adénocarcinome papillaire :

C’est une prédominance de structures papillaires de deuxième et troisième ordres remplaçant l’architecture alvéolaire normale et infiltrant le parenchyme.

Cette forme est à distinguer du carcinome bronchioloalvéolaire car de pronostic plus péjoratif.

* Carcinome bronchioloalvéolaire :

C’est un adénocarcinome d’architecture purement bronchioloalvéolaire, sans infiltration stromale, vasculaire ou pleurale.

L’absence de composante infiltrante est un critère indispensable au diagnostic mais qui ne peut être affirmée sur un petit fragment biopsique et nécessite de nombreux prélèvements sur une pièce opératoire.

En effet, certains adénocarcinomes « communs » possèdent, notamment à leur périphérie, une architecture bronchioloalvéolaire.

Deux formes histologiques sont distinguées.

+ Carcinome bronchioloalvéolaire non mucineux :

C’est le plus fréquent, deux tiers à trois quarts des cas.

Il est constitué de cellules de Clara ou de pneumocytes de type 2 qui tapissent des cloisons alvéolaires fines ou discrètement épaissies par une fibrose ou un infiltrat inflammatoire lymphoplasmocytaire pouvant contenir des cellules de Langerhans.

Cette forme histologique comporte parfois un centre fibreux ou fibrokystique (d’où l’ancienne dénomination de carcinome bronchioloalvéolaire sclérosant).

Ces remaniements paraissent en fait plutôt secondaires.

Les cellules de Clara sont cylindriques, au cytoplasme éosinophile, au noyau atypique parfois localisé au pôle apical.

Celui-ci contient des granules PAS positifs.

Les pneumocytes 2 sont cubiques avec un cytoplasme spumeux ou microvacuolisé.

Des inclusions intranucléaires éosinophiles (PAS positives) entourées d’un halo clair peuvent être visibles dans les deux types cellulaires.

Le cytoplasme contient également dans les deux types cellulaires des mucines PAS diastase résistantes et du glycogène.

En périphérie de la tumeur, les cellules tumorales sont parfois difficiles à distinguer de pneumocytes hyperplasiques.

En outre, il existe parfois des microfoyers satellites au voisinage ou à distance.

+ Carcinome bronchioloalvéolaire mucineux :

Il est composé de cellules à gobelets ou produisant du mucus, et généralement très bien différenciées.

Les cellules desquament dans la lumière alvéolaire et sont responsables de l’aspect macroscopique ou radiologique de pneumonie.

Leur caractère spumeux peut faire évoquer une pneumonie desquamative, mais l’étude immunohistochimique montre une négativité des marqueurs macrophagiques (CD68) et une positivité de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) et des marqueurs épithéliaux.

* Adénocarcinome solide avec production de mucines :

Forme d’architecture massive, il contient au moins cinq cellules mucosécrétantes sur au moins deux champs à fort grossissement.

5- Cytologie :

Le cytodiagnostic est souvent fait sur un matériel de cytoponction transpariétale.

Les adénocarcinomes primitifs bronchiques sont caractérisés par leur polymorphisme (entre les tumeurs et au sein d’une même tumeur).

Les cellules de grande taille sont isolées ou groupées en acini ou en placards tridimensionnels, réalisant parfois des images de morules ou de papilles.

Les noyaux sont excentrés, arrondis et souvent munis d’un ou plusieurs volumineux nucléoles.

La réaction du bleu Alcian met en évidence des vacuoles de mucus intracytoplasmiques.

Le diagnostic de carcinome bronchioloalvéolaire est souvent porté à partir d’un lavage bronchioloalvéolaire, examen qui ramène facilement les cellules tumorales tapissant les alvéoles ou libres dans leur lumière.

Ces cellules sont fréquemment groupées en petits îlots acinoïdes ou papillaires ou en morules.

Dans le type mucineux , les cellules ont un cytoplasme vacuolisé et des noyaux aux atypies peu marquées, munis souvent d’un nucléole.

Dans le type non mucineux, le cytoplasme est généralement basophile, plus abondant à un pôle de la cellule.

L’anisocaryose est plus prononcée, avec un nucléole proéminent et parfois des images d’inclusions intranucléaires.

L’expectoration, contrairement à une donnée classique, n’est positive que dans 10 % des cas, dans des formes tardives et très mucosécrétantes.

6- Immunohistochimie :

La principale utilité de l’immunohistochimie appliquée aux adénocarcinomes pulmonaires est de pouvoir, dans un certain nombre de cas, préciser leur nature primitive ou secondaire et éliminer un mésothéliome malin.

7- Formes variantes d’adénocarcinome :

Ces formes particulières peuvent être observées seules ou associées à des aspects plus typiques : adénocarcinome bien différencié de type foetal, adénocarcinome mucineux (colloïde), cystadénocarcinome mucineux, adénocarcinome à cellules en « bague à chaton », adénocarcinome à cellules claires.

8- Facteurs de pronostic :

Les facteurs anatomopathologiques de pronostic des adénocarcinomes pulmonaires sont, comme pour toute tumeur, la taille, la présence ou non d’envahissement ganglionnaire et pleural et de métastases.

Toutefois, la taille est un moins bon facteur pronostique que pour le carcinome épidermoïde : une tumeur de petite taille peut être responsable d’un envahissement pleural, médiastinal ou de métastases à distance.

Environ 33 % des patients porteurs d’un adénocarcinome au stade IA décèdent dans les 5 ans suivant la résection chirurgicale d’une dissémination métastatique.

Le pronostic après chirurgie d’un carcinome bronchioloalvéolaire de stade I est excellent, surtout lorsque la tumeur est de petite taille.

Les critères de mauvais pronostic sont la forme pneumonique ou multicentrique, les formes mucineuses, l’étendue de la diffusion aérienne.

Il découle de nombreux travaux effectués que le critère déterminant reste encore actuellement le stade.

Ce sont des cancers peu chimiosensibles.

9- Diagnostic différentiel :

– Hyperplasie alvéolaire atypique, hémangiome sclérosant, tumeur « sucre ».

– Métastase d’un adénocarcinome (à cellules claires, papillaire, autres…).

– Carcinome à grandes cellules, carcinome épidermoïde (variante à cellules claires).

– Mésothéliome malin.

– Hémangioendothéliome épithélioïde (intravascular bronchiolar alveolar tumor [IVBAT]).

D – CARCINOME À GRANDES CELLULES :

Le carcinome à grandes cellules, encore appelé carcinome anaplasique à grandes cellules, ou carcinome indifférencié à grandes cellules, est une tumeur maligne épithéliale faite de cellules au cytoplasme abondant, au noyau volumineux, et dépourvue de toute composante épidermoïde ou glandulaire.

Cette définition possède un caractère d’exclusion qui dépend bien sûr de l’échantillonnage.

1- Mode de présentation :

Le carcinome à grandes cellules représente 10 à 20 % des carcinomes pulmonaires.

Presque tous les patients sont fumeurs, l’âge moyen est de 60 ans.

Les symptômes sont le plus souvent liés aux effets locaux de la tumeur, correspondant à un stade avancé.

2- Macroscopie :

Le carcinome à grandes cellules est typiquement une masse volumineuse, nécrotique, centrale ou périphérique, pouvant envahir la plèvre ou les structures adjacentes.

3- Histologie :

L’aspect histologique est varié, rappelant parfois des carcinomes épidermoïdes, glandulaires ou neuroendocrines, mais sans en posséder les critères morphologiques formels.

Les cellules sont généralement de grande taille, possèdent des noyaux volumineux, vésiculeux, pourvus d’un nucléole proéminent.

Les limites cytoplasmiques sont souvent nettes.

Ces cellules sont groupées en travées ou lobules séparés par un stroma d’aspect varié, fibreux, inflammatoire ou absent.

La nécrose est étendue.

De rares vacuoles de mucus peuvent être mises en évidence.

4- Cytologie :

Les caractères cytologiques reflètent les constatations histologiques.

Il s’agit le plus souvent de cellules ségréguées ou groupées en petits amas.

Les cellules de grande taille ont un cytoplasme de forme et colorabilité variables.

On ne retrouve pas de vacuole de mucus au bleu Alcian ni au PAS.

Les noyaux sont volumineux, avec souvent plusieurs nucléoles bien visibles.

Parfois les cellules sont plurinucléées.

5- Formes variantes des carcinomes à grandes cellules :

* Carcinome neuroendocrine à grandes cellules :

C’est un carcinome de haut grade de malignité, de morphologie neuroendocrine.

La plupart correspondent à la terminologie de carcinome neuroendocrine peu différencié de Gould.

C’est une tumeur du fumeur de la soixantaine.

+ Macroscopie :

De topographie centrale ou périphérique, il réalise une masse bien limitée, non encapsulée, de coloration blanchâtre ou jaunâtre, contenant des foyers de nécrose et d’hémorragie.

Les métastases ganglionnaires sont fréquentes.

+ Histologie :

Il possède les caractères architecturaux des tumeurs neuroendocrines : architecture organoïde avec palissades, rosettes ou travées.

Les caractères cytologiques les rapprochent des carcinomes non à petites cellules.

Les cellules sont de grande taille (supérieure à trois lymphocytes), leur cytoplasme est abondant, le rapport nucléocytoplasmique est faible, la chromatine est soit vésiculeuse soit granuleuse, un nucléole est le plus souvent bien visible.

L’index mitotique est élevé, supérieur à dix mitoses pour dix champs au fort grossissement.

La nécrose est fréquente.

+ Immunohistochimie et microscopie électronique :

Les cellules possèdent des caractères de différenciation neuroendocrine en immunohistochimie et en microscopie électronique.

Le terme de carcinome à grandes cellules avec morphologie neuroendocrine est utilisé lorsque les marqueurs neuroendocrines sont négatifs.

+ Pronostic :

L’intérêt de l’individualisation de cette entité est de l’intégrer parmi les tumeurs neuroendocrines de haut grade de malignité, à côté du CPC.

Si la prise en charge thérapeutique de ce dernier est assez homogène entre les équipes, le traitement chirurgical est encore proposé dans le carcinome neuroendocrine à grandes cellules.

Les résultats d’études multicentriques modifieront peut-être cette attitude.

Le pronostic est beaucoup plus sombre que celui du carcinome à grandes cellules commun.

+ Diagnostic différentiel :

– CPC, carcinoïde atypique.

– Carcinome basaloïde.

– Adénocarcinome ou carcinome épidermoïde peu différencié.

* Autres variantes de carcinome à grandes cellules :

Elles sont représentées dans la classification de l’OMS par :

– le lymphoépithéliome ;

– le carcinome basaloïde dans sa forme pure (ou carcinome à cellules basales), qui est une forme histologique rare, caractérisée par un groupement lobulaire de cellules de petite taille, rappelant les cellules basales d’un épithélium malpighien, de disposition palissadique à la périphérie des lobules.

Le phénotype est voisin de celui des cellules basales de l’épithélium bronchique.

Les marqueurs neuroendocrines sont négatifs.

L’index de prolifération est élevé, comme en témoigne la positivité de nombreuses cellules tumorales avec les marqueurs Ki67 ou Mib1.

Cette forme est de mauvais pronostic ;

– le carcinome à cellules claires ;

– le carcinome à grandes cellules de phénotype rhabdoïde.

6- Diagnostic différentiel :

– Adénocarcinome variante solide ou peu différencié, carcinome épidermoïde peu différencié.

– Carcinome pléomorphe.

– Sarcomes, lymphomes à grandes cellules, mélanomes.

– Métastases.

Autres tumeurs épithéliales malignes :

Un certain nombre de carcinomes peu différenciés et non à petites cellules possèdent des caractères histologiques suffisants pour leur attribuer une dénomination particulière

A-  CARCINOME ADÉNOSQUAMEUX :

Les contingents épidermoïde et glandulaire représentent chacun au moins 10 % de la tumeur.

Les formes suivantes sont très rares.

B – CARCINOME À CELLULES PLÉOMORPHES :

Il s’agit d’un carcinome peu différencié associant un contingent de carcinome épidermoïde, d’adénocarcinome ou de carcinome à grandes cellules à un contingent de cellules géantes et/ou fusiformes représentant au moins 10 % de la tumeur.

Sont incluses dans ce groupe, les tumeurs qui se composent uniquement de cellules fusiformes et géantes.

C – CARCINOME À CELLULES FUSIFORMES :

Il s’agit d’une forme pure constituée uniquement de cellules fusiformes.

Il est rare.

Il pose souvent un problème de diagnostic différentiel avec un sarcome qui peut être résolu le plus souvent par l’immunohistochimie.

D – CARCINOME À CELLULES GÉANTES :

Le carcinome à cellules géantes est très rare.

Il se compose uniquement de cellules géantes. Ces cellules sont très volumineuses, deux à trois fois la taille de cellules carcinomateuses habituelles.

Elles sont pléomorphes, mono- ou multinucléées, aux noyaux hyperchromatiques et souvent nucléolés.

Ces cellules sont peu cohésives et intimement mêlées à un infiltrat inflammatoire avec des images d’empéripolèse.

Elles peuvent sécréter des gonadotrophines chorioniques.

Le pronostic de cette forme ne paraît pas différent de celui des autres carcinomes non à petites cellules.

E – CARCINOSARCOME :

C’est une tumeur maligne associant une prolifération carcinomateuse et sarcomateuse.

Cette dernière doit comporter une différenciation en tissus hétérologues spécifiques, tels que chondrosarcome, ostéosarcome, rhabdomyosarcome ou autres composantes sarcomateuses différenciées.

F – PNEUMOBLASTOME OU BLASTOME PULMONAIRE :

Le pneumoblastome est une tumeur biphasique comportant une composante épithéliale qui reproduit un adénocarcinome bien différencié de type foetal (cellules cylindriques et groupements en morules) et un stroma mésenchymateux de type embryonnaire.

Cette tumeur est rare (0,25 à 0,5 % de toutes les tumeurs malignes pulmonaires) et s’observe surtout chez l’adulte, le plus souvent fumeur. Le pronostic est le même que celui des carcinomes habituels.

Cette tumeur doit être distinguée de l’adénocarcinome bien différencié de type foetal pur qui ne possède pas de composante mésenchymateuse et est de meilleur pronostic.

Elle est également distincte du blastome pleuropulmonaire de l’enfant.

Tumeurs carcinoïdes :

Les tumeurs neuroendocrines ont fait l’objet de classifications successives résultant de l’accroissement des connaissances de l’histoire naturelle de ces tumeurs, de l’apport de l’immunohistochimie, du caryotype et de la biologie moléculaire.

Dans la dernière classification de l’OMS, les tumeurs avec différenciation neuroendocrine morphologique constituent un spectre de degré de malignité croissant : le carcinoïde typique de bas grade, le carcinoïde atypique de grade intermédiaire, le carcinome neuroendocrine à grandes cellules et le CPC de haut grade de malignité.

On peut regretter que le terme de carcinoïde (qui reste à tort lié à une tumeur bénigne) persiste et que n’ait pas été adoptée une terminologie plus large, telle celle de carcinomes neuroendocrines proposée par Gould ou celle de tumeurs neuroendocrines utilisée en pathologie digestive, tout en maintenant bien sûr l’individualisation du CPC.

Un autre écueil de cette classification est de ne pas avoir réuni ces quatre tumeurs dans un même chapitre.

La mise en évidence par immunohistochimie ou ultrastructure d’une différenciation neuroendocrine au niveau des carcinomes non à petites cellules doit être mentionnée et ne modifie pas leur classification histologique.

Les séries sont encore trop récentes pour dire si ces tumeurs auront une évolution différente des carcinomes non à petites cellules sans différenciation neuroendocrine.

Les tumeurs carcinoïdes sont des tumeurs neuroendocrines de bas grade ou de grade intermédiaire de malignité, et représentent 1 à 2 % de toutes les tumeurs pulmonaires.

Elles sont divisées en carcinoïdes typiques et atypiques.

A – MODE DE PRÉSENTATION :

Les symptômes dépendent de la topographie de la tumeur : centrale, elle se révèle par une pneumonie obstructive, une atélectasie ou une hémoptysie ; périphérique, elle est souvent de découverte fortuite sur la radiographie chez un patient asymptomatique.

Les carcinoïdes surviennent avec une égale fréquence dans les deux sexes et à un âge moyen de 55 ans.

Il existe peu ou pas d’association avec le tabac.

Chez l’enfant et l’adolescent, ils représentent la tumeur pulmonaire la plus fréquente.

Certains s’accompagnent d’un syndrome paranéoplasique (syndrome carcinoïde, syndrome de Cushing, acromégalie).

Les carcinoïdes multiples s’intègrent souvent dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple.

B – MACROSCOPIE :

Il est habituel d’opposer carcinoïdes centraux et périphériques.

En fait, la proportion relative est relativement égale entre carcinoïdes des grosses bronches, des bronches intermédiaires et des bronches périphériques.

La localisation au lobe moyen est fréquente.

Le carcinoïde des bronches proximales possède une importante composante endobronchique, sous forme d’une masse charnue, lisse, polypoïde, qui bourgeonne dans la lumière bronchique, et une partie infiltrante pouvant s’étendre dans la paroi bronchique au-delà du cartilage et envahir les ganglions.

C’est la forme classique en « iceberg », plus fréquente dans les carcinoïdes typiques qu’atypiques.

La vascularisation développée de ces tumeurs explique les difficultés et les risques hémorragiques de la biopsie.

Le parenchyme en aval peut présenter des lésions en rapport avec l’obstruction bronchique.

Les carcinoïdes périphériques sont situés dans le parenchyme souspleural, sans rapport avec une voie aérienne. Ils sont bien limités, mais non encapsulés.

Ils peuvent être multiples et associés à des « tumorlets ».

C – HISTOLOGIE :

Carcinoïdes typiques et atypiques sont caractérisés histologiquement par une prolifération plus ou moins monomorphe de cellules groupées en cordons, îlots, travées ou en formations acineuses.

On peut observer une différenciation exocrine marquée par la présence de mucus intracellulaire ou de cavités glandulaires.

Les cellules sont relativement régulières, le cytoplasme modérément éosinophile, finement granulaire, les noyaux possèdent un réseau chromatinien fin.

Le nucléole est visible, surtout dans les carcinoïdes atypiques.

Le stroma peut être fibreux, ossifié, ou siège de dépôts amyloïdes ; il est toujours richement vascularisé.

Des variantes histologiques sont possibles : cellules fusiformes, oncocytaires, architecture glandulaire, en rosettes, papillaire.

Le carcinoïde atypique a été défini initialement par Arrigoni pour décrire une tumeur de malignité intermédiaire entre carcinoïde typique et CPC.

Il correspond au carcinome neuroendocrine bien différencié selon Gould.

Ces carcinoïdes atypiques sont périphériques dans la moitié des cas et souvent plus volumineux et infiltrants que les carcinoïdes typiques lorsqu’ils sont découverts.

La distinction entre forme typique et atypique est extrêmement importante en terme de pronostic. Seuls deux critères ont été retenus par Travis et repris par l’OMS 1999 :

– l’index mitotique : moins de deux mitoses par 2 mm2 ou pour dix champs au fort grossissement pour le carcinoïde typique, deux à dix mitoses par 2 mm2 ou pour dix champs au fort grossissement pour le carcinoïde atypique ;

– la nécrose absente des carcinoïdes typiques et focale dans les formes atypiques.

L’identification du carcinoïde atypique a une évidente incidence pronostique, mais ne conditionne pas pour autant la conduite thérapeutique.

Il n’est pas clair que ces tumeurs répondent à d’autres traitements que la chirurgie.

D – CYTOLOGIE :

L’aspect cytologique, le plus souvent par cytoponction d’une lésion périphérique, est très évocateur.

Les cellules se présentent sous forme de cellules isolées ou agencées en placards monocouches .

Il existe une relative monotonie cellulaire, les cellules comportant un noyau excentré et un cytoplasme abondant (aspect plasmocytoïde), peu ou pas d’atypie.

La réaction de Grimelius est positive.

E – IMMUNOHISTOCHIMIE :

Parmi l’ensemble des tumeurs neuroendocrines, les carcinoïdes typiques sont celles qui présentent la plus grande réactivité avec les marqueurs neuroendocrines (chromogranine, synaptophysine et Leu 7).

Certains anticorps peuvent témoigner de la production ectopique d’une ou plusieurs hormones, même en l’absence de syndrome clinique.

F – MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE :

Le nombre de grains neuroendocrines est corrélé au degré de différenciation de la tumeur.

Ces grains sont très nombreux dans le carcinoïde typique, de taille et forme variées.

Ils sont moins nombreux, plus petits et moins polymorphes dans les carcinoïdes atypiques.

G – PRONOSTIC :

Les carcinoïdes typiques sont des tumeurs potentiellement malignes pouvant s’accompagner de métastases au niveau des ganglions de voisinage (5 à 20 % des carcinoïdes typiques), mais donnant rarement des métastases à distance.

Les carcinoïdes atypiques présentent un taux plus élevé de métastases et une réduction significative de la survie.

Le traitement de ces carcinoïdes typiques ou atypiques est chirurgical et doit comporter une exploration précise des ganglions.

Ces tumeurs sont par ailleurs relativement résistantes à la chimio- et radiothérapie.

Le mauvais pronostic des carcinoïdes est corrélé à de nombreux paramètres cliniques et anatomopathologiques incluant l’absence de traitement chirurgical, le stade avancé, la grande taille de la tumeur (> 3 cm), une métastase ganglionnaire, l’invasion vasculaire, la forme atypique, l’aneuploïdie.

Des sites inhabituels de métastases incluent peau, ovaire, choroïde, sein.

H – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

– Carcinome neuroendocrine à grandes cellules, adénocarcinome.

– Variante oncocytaire : oncocytome.

– Variante à cellules fusiformes : tumeur conjonctive.

– Métastase d’un carcinome neuroendocrine ou d’un adénocarcinome en particulier mammaire et prostatique.

Tumeurs des glandes bronchiques :

Ces tumeurs possèdent les mêmes caractères que les tumeurs des glandes salivaires et certaines ont été dénommées à tort adénomes bronchiques, alors qu’il s’agit de tumeurs malignes généralement de bas grade.

Elles sont rares, intéressent surtout la trachée et les bronches proximales.

Elles peuvent être bénignes comme l’adénome pléomorphe (anciennement tumeur mixte) ou malignes comme le carcinome adénoïde kystique et le carcinome mucoépidermoïde.

A – CARCINOME ADÉNOÏDE KYSTIQUE :

Anciennement dénommée cylindrome, cette variété est la forme histologique la plus fréquente de ce groupe, quoique rare, représentant moins de 2 % de toutes les tumeurs primitives pulmonaires.

1- Macroscopie :

Le carcinome adénoïde kystique siège généralement sur la trachée basse, les bronches souches ou lobaires.

Il présente un mode de développement caractéristique, sous forme d’une masse polypoïde qui fait protrusion dans la lumière et d’une composante infiltrante qui franchit le cartilage et diffuse dans le tissu péritrachéal ou péribronchique.

2- Histologie :

La tumeur possède une architecture cribriforme (cylindromateuse), tubulaire ou solide.

Les glandes forment des pseudokystes dont la lumière est remplie d’un matériel alcianophile. Le stroma peut être myxoïde ou hyalinisé.

L’infiltration tumorale périnerveuse est classique et fréquente.

La tumeur envahit le poumon et les ganglions.

3- Immunohistochimie :

L’étude immunohistochimique met en évidence une positivité des cellules tumorales avec les CK de bas poids moléculaire, la vimentine, l’actine musculaire et la protéine S100, traduisant un phénotype myoépithélial.

4- Pronostic :

Le pronostic dépend essentiellement du stade clinique au moment du diagnostic.

En particulier, la présence de métastases lors du diagnostic initial constitue un élément de très mauvais pronostic, alors que les patients porteurs d’une tumeur endobronchique bien limitée bénéficient d’une survie satisfaisante.

C’est une tumeur d’évolution lente, longtemps locale, mais qui tend à s’infiltrer le long des voies aériennes, ne pouvant donc pas être traitée par une exérèse purement endobronchique.

Les récidives locales sont fréquentes, parfois des années après la résection initiale.

Les métastases sont moins fréquentes mais ont été rapportées, intéressant le foie, la rate, le rein, les os, le cerveau et les surrénales.

5- Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel principal est la métastase pulmonaire d’une tumeur primitive des glandes salivaires.

Aussi, la connaissance de l’histoire clinique et l’examen physique sont-ils primordiaux avant d’affirmer le diagnostic de carcinome adénoïde kystique primitif pulmonaire.

B – CARCINOME MUCOÉPIDERMOÏDE :

C’est également une tumeur rare, 0,1 à 0,2 % des tumeurs malignes pulmonaires, qui s’observe plus volontiers chez les sujets jeunes de moins de 30 ans.

Les symptômes sont liés à l’irritation ou l’obstruction d’une voie aérienne proximale.

La tumeur réalise un nodule polypoïde gris rosé, saillant dans la lumière (tumeur bouchon).

La biopsie en est aisée, sans les risques hémorragiques du carcinoïde.

La tumeur associe des cellules mucosécrétantes, des cellules épidermoïdes et des cellules dites intermédiaires.

On distingue des tumeurs de bas et haut grades en fonction du polymorphisme nucléaire, de la nécrose et du nombre de mitoses.

Le diagnostic différentiel se pose avec un adénome des glandes bronchiques, le carcinome adénosquameux ou une métastase.

Le pronostic des formes de bas grade est bon, sans récidive si la résection est complète. Une résection-anastomose est possible.

Le traitement des formes de haut grade est chirurgical ; le pronostic est réservé, mais difficile à établir en raison du petit nombre de cas.

C – AUTRES FORMES HISTOLOGIQUES DE TUMEURS DE TYPE SALIVAIRE :

D’autres formes sont décrites, encore plus rares que les précédentes : carcinome à cellules acineuses (ou tumeur de Fechner), carcinome pléomorphe, carcinome adénosquameux.

Tumeurs conjonctives malignes :

Comme les autres organes, les poumons peuvent être le siège de tumeurs mésenchymateuses bénignes ou malignes qui se développent à partir d’un tissu conjonctif normalement présent.

Elles peuvent naître des différents tissus conjonctifs.

A – TUMEURS NÉES DU TISSU CONJONCTIF DE SOUTIEN :

1- Histiocytofibrome malin :

Tumeur essentiellement du sujet âgé, elle se présente classiquement comme une masse volumineuse intraparenchymateuse ou souspleurale.

L’agencement des cellules est fasciculé et/ou storiforme et/ou pléomorphe.

Les cellules sont fusiformes ou arrondies, d’aspect parfois xanthomisé, mono- ou multinucléées. Les mitoses sont nombreuses, la nécrose étendue.

Il est parfois difficile de distinguer un histiocytofibrome malin d’une pseudotumeur inflammatoire qui, théoriquement, comporte moins de mitoses et d’atypies.

2- Fibrosarcome :

Chez l’adulte, ils peuvent être endobronchiques ou intraparenchymateux.

À l’examen microscopique, ils sont en général très cellulaires, fasciculés et constitués de cellules fusiformes dont les atypies sont plus ou moins marquées.

L’index mitotique et la nécrose sont variables.

3- Tumeurs fibreuses solitaires du poumon :

Elles sont de localisation sous-pleurale et sont analogues aux tumeurs fibreuses solitaires de la plèvre.

Les mitoses et la nécrose sont généralement absentes, sauf dans de rares formes malignes.

Pour certains, même en l’absence de critères cytologiques de malignité, ces tumeurs sont assimilées à des fibrosarcomes de bas grade de malignité.

B – TUMEURS NÉES DU TISSU MUSCULAIRE LISSE OU PLUS RAREMENT STRIÉ :

Ce sont les léiomyosarcomes, le léiomyome bénin métastasiant considéré pour certains auteurs comme un léiomyosarcome de bas grade.

Des léiomyosarcomes, plus particulièrement pulmonaires et digestifs, ont été récemment décrits chez les patients atteints du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) notamment les enfants, et chez les patients ayant subi une transplantation d’organe. Plus rarement ont été décrits des rhabdomyosarcomes.

C – TUMEURS VASCULAIRES :

1- Hémangioendothéliome épithélioïde :

C’est une entité particulière, anciennement dénommée IVBAT (intravascular bronchiolar and alveolar tumor of the lung), survenant chez l’adulte jeune, surtout la femme.

D’autres localisations sont fréquentes : tissus mous, foie, os.

Il s’agit d’une tumeur habituellement périphérique, parfois sous forme de foyers multiples et caractérisée histologiquement par des amas polypoïdes envahissant les lumières alvéolaires de proche en proche et faits d’un tissu hyalin ou myxoïde et de cellules tumorales dont le cytoplasme contient parfois une vacuole assimilée à une lumière vasculaire primitive.

Les cellules tumorales expriment les marqueurs endothéliaux : facteur VIII, CD31, CD34, Ulex Europeus et vimentine.

Le pronostic est varié selon le grade.

2- Sarcome de Kaposi :

Connu à l’état endémique en Afrique, il survient en Europe et aux États-Unis chez les sujets immunodéprimés.

Chez les patients atteints par le virus du sida, les formes pulmonaires sont rarement isolées et s’observent le plus souvent chez des patients porteurs d’un sarcome de Kaposi cutané.

Le sarcome de Kaposi peut atteindre l’arbre trachéobronchique ou le parenchyme pulmonaire.

Les lésions endobronchiques sont très évocatrices à l’endoscopie, sous forme de plaques ou de polypes violacés volontiers situés sur les bifurcations et hémorragiques à la biopsie.

L’atteinte parenchymateuse réalise des nodules hémorragiques le long des trajets lymphatiques.

Histologiquement, le sarcome de Kaposi est constitué d’une prolifération anarchique de cellules fusiformes marquées par l’anticorps CD34 et englobant des fentes contenant des hématies, associée à des éléments lymphoplasmocytaires et des dépôts d’hémosidérine.

Le virus HHV8 du groupe herpès a été mis en évidence, suggérant son rôle dans la pathogénie du sarcome de Kaposi.

L’incidence du sarcome de Kaposi chez les patients greffés est d’environ 6 %.

Les localisations pulmonaires et digestives sont plus fréquentes que les localisations cutanées.

Dans tous les cas (sida, transplantation d’organe…), les lésions régressent avec la diminution de l’immunosuppression.

D – SARCOMES DE L’ARTÈRE PULMONAIRE OU DE SES BRANCHES :

Ils s’observent plutôt chez la femme, la plupart entre 40 et 60 ans.

Il s’agit de lésions myxoïdes ou charnues, souvent limitées à la lumière vasculaire ou la paroi, et pouvant répondre à différents types histologiques.

E – TUMEURS NERVEUSES :

Les schwannomes et neurofibromes malins sont des « curiosités anatomopathologiques » au niveau pulmonaire.

F – TUMEURS OSTÉOCARTILAGINEUSES :

De rares cas de chondrosarcome et d’ostéosarcome primitifs pulmonaires ont été rapportés.

Conclusion :

Dans la plupart des cas, la classification d’une tumeur primitive pulmonaire maligne, épithéliale ou conjonctive, selon la dernière édition de l’OMS, est facile et repose sur des données cliniques, radiographiques et histopathologiques.

Néanmoins, certaines difficultés persistent pour le pathologiste : il reste parfois difficile de préciser le type histologique d’une forme commune peu différenciée ; parfois, la différenciation ne fait pas de doute mais la tumeur est difficile à classer à l’intérieur du groupe.

Les difficultés les plus fréquentes ont trait aux tumeurs neuroendocrines.

En effet, si le diagnostic de carcinoïde est en général aisé sous réserve d’un échantillon suffisamment représentatif, il est parfois difficile de distinguer carcinoïde atypique et carcinome neuroendocrine à grandes cellules, et moins fréquemment carcinome neuroendocrine à grandes cellules et CPC.

Sur des échantillons partiels ou de petite taille (biopsie, LBA), le pathologiste ne peut pas porter le diagnostic de carcinome bronchioloalvéolaire dont les critères microscopiques sont devenus plus stricts.

Le problème de la nature primitive ou secondaire d’une tumeur maligne reste entier et se pose avec la plus grande fréquence pour les adénocarcinomes surtout lorsque des antécédents carcinologiques sont connus.

L’immunohistochimie, qui s’est récemment complétée par de nouveaux anticorps, est souvent déterminante.

Cette technique est également indispensable pour différencier un mésothéliome malin d’un adénocarcinome périphérique.

Persistent encore des zones d’ombre sur l’histogenèse des tumeurs bronchopulmonaires qui seront probablement levées d’ici quelques années grâce aux progrès de la biologie moléculaire et de la connaissance du génome des tumeurs.

Les conséquences sur une classification des tumeurs seront alors inévitables.

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