Cancer du testicule

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Cancer du testicule
Anatomie pathologique :

La classification la plus répandue est celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) séparant tumeurs germinales et non germinales.

Au sein des tumeurs germinales, on oppose les séminomes purs et les non-séminomes, en raison de particularités évolutives ayant de fortes implications thérapeutiques.

Les séminomes ayant un pouvoir de dissémination lymphatique presque exclusif, les atteintes métastatiques sont d’abord ganglionnaires rétropéritonéales puis sus-diaphragmatiques.

Les tumeurs non séminomateuses peuvent métastaser d’emblée au poumon sans localisations ganglionnaires décelables.

1- Séminomes purs :

La forme typique est évocatrice par son aspect macroscopique blanc ivoire, ferme et lobulé.

Histologiquement, le séminome est caractérisé par des nappes de cellules de grande taille à cytoplasme riche en glycogène et à noyaux centraux fortement nucléolés.

Il n’y a pas de marqueurs sériques spécifiques, mais certains séminomes peuvent sécréter un taux faible de gonadotrophine chorionique.

Le diagnostic différentiel avec des formes compactes de carcinome embryonnaire ou de tumeur du sac vitellin peut être difficile ; le marquage à la kératine est constamment positif dans ces derniers et presque constamment négatif au niveau des éléments séminomateux.

2- Tumeurs germinales non séminomateuses :

Ce terme englobe toutes les tumeurs germinales qui ne sont pas exclusivement séminomateuses.

Dès la macroscopie, l’aspect polymorphe diffère du séminome.

Ces tumeurs sont rarement pures (8 %) mais le plus souvent constituées de l’intrication de plusieurs contingents : carcinome embryonnaire, tumeur du sac vitellin, choriocarcinome, tératome mature et (ou) immature.

À ces contingents non séminomateux peuvent s’associer des éléments séminomateux ou syncytio-trophoblastiques.

  • Le carcinome embryonnaire est fait de cellules cylindrocubiques à noyau irrégulier se disposant en massif, travéees ou tubes.

Elles ne sécrètent pas de marqueurs spécifiques ; la présence d’a-foetoprotéine dans le sang signe la présence de foyers de sac vitellin.

  • Les tumeurs du sac vitellin sont de diagnostic difficile du fait de leur grand polymorphisme.

L’immunomarquage par l’a-foetoprotéine permet de reconnaître des formes méconnues ; leur fréquence est sous-évaluée.

  • Le choriocarcinome est exceptionnellement pur (0,1 %).

L’aspect typique associant éléments cyto- et syncytio-trophoblastiques est rare.

La sécrétion de b-hormone chorionique gonadotrope (b-hCG) dépend des cellules syncytio-trophoblastiques qui sont inconstantes.

  • Les tératomes associent le plus souvent un contingent immature au contingent mature et aux autres contingents.

Le contingent immature est difficile à distinguer d’un carcinome embryonnaire ou d’une tumeur vitelline.

L’immunomarquage n’est pas discriminatif puisque l’a-foetoprotéine peut marquer des structures tératomateuses hépatoïdes ou entéroïdes.

3- Tumeurs du stroma gonadique et des cordons sexuels :

Les tumeurs à cellules de Leydig (3 % des tumeurs testiculaires) s’accompagnent d’une pseudopuberté précoce chez l’enfant, d’une gynécomastie inconstante chez l’adulte.

Caractérisées macroscopiquement par leur aspect bien limité jaune chamois, ce sont des tumeurs endocrines non encapsulées constituées de cellules de Leydig très éosinophiles.

Les tumeurs de Leydig malignes et les autres tupeurs sont exceptionnelles.

4- Autres tumeurs primitives :

Développées aux dépends de l’ébauche gonadique, des annexes ou du tissus de soutien, elles sont exceptionnelles.

5- Tumeurs secondaires :

  • Les lymphomes testiculaires, chez le sujet âgé, peuvent être la première localisation, évoquant alors le diagnostic de séminome.
  • Les métastases de carcinomes de voisinage ou à distance sont rares.
  • La localisation testiculaire des leucémies aiguës pose rarement des difficultés cliniques.

Diagnostic :

La palpation d’une masse testiculaire justifie l’orchidectomie élargie, acte diagnostique et thérapeutique pour toute tumeur primitive du testicule.

Une démarche pronostique débutant dès l’examen clinique et poursuivie après l’orchidectomie, permet de poser les indications du traitement complémentaire.

1- Clinique :

Le diagnostic est fait sur une masse testiculaire, circonstance révélatrice la plus fréquente.

Plus rarement, cette masse est recherchée devant une gynécomastie ou lors du bilan d’une masse rétropéritonéale ou pulmonaire.

Cette masse, solide et non transilluminable, siège dans le testicule alors que l’épididyme est habituellement sain.

Elle se différencie du nodule épididymaire qui est séparé du testicule sain par un sillon (signe de Chevassu).

Elle est habituellement indolore, d’installation progressive de quelques semaines à plusieurs mois.

Parfois la tumeur apparaît rapidement dans un contexte inflammatoire et douloureux, pouvant égarer le diagnostic vers une torsion ou une épididymite.

Il faut rechercher la cicatrice inguinale d’un abaissement testiculaire dans l’enfance, palper l’abdomen et les aires ganglionnaires, en particulier sus-claviculaire gauche et rechercher une gynécomastie ou une puberté précoce parfois associée à une tumeur à cellules de Leydig.

2- Échographie :

L’échographie scrotale confirme le siège testiculaire de la lésion, qui présente des aspects plus ou moins évocateurs d’une histologie (hypoéchogène et hypovascularisée pour les séminomes, hétérogène et plus vascularisée pour les non-séminomes).

L’échographie permet aussi de déceler une lésion testiculaire non palpable dans le testicule controlatéral.

Lorsque l’échographie et l’examen clinique ne peuvent trancher sur le siège épididymaire ou testiculaire de la lésion, l’exploration testiculaire par voie inguinale est indiquée.

3- Marqueurs sériques :

Les marqueurs sériques tumoraux sont des produits liés à la présence tumorale, soit directement (sécrétion), soit indirectement (réaction de l’organisme).

Ils doivent être dosés avant l’orchidectomie et après l’orchidectomie jusqu’à normalisation ou stabilisation.

Ils sont dosés régulièrement au cours du traitement complémentaire et après celui-ci.

  • L’a-foetoprotéine est une glycoprotéine sécrétée par les cellules du sac vitellin, du foie et de l’intestin.

Dans le cancer du testicule, sa sécrétion provient de cellules tumorales du sac vitellin, et signe une tumeur germinale non séminomateuse.

Sa demie-vie métabolique est de 5 jours, son taux normal inférieur à 15 ng/mL.

  • La b-hCG (sous-unité b de l’hormone chorionique gonadotrope qui circule sous forme libre ou liée à la sous-unité a) est une glycoprotéine sécrétée par les cellules syncytio-trophoblastiques, habituellement présentes dans les tumeurs germinales séminomateuses contenant du choriocarcinome, présentes en plus faible quantité dans les tumeurs germinales non séminomateuses contenant des cellules syncytio-trophoblastiques.

Sa demi-vie métabolique est de 1 à 2 jours.

Un taux supérieur à 1 000 UI/mL est incompatible avec une tumeur germinale séminomateuse et doit faire rechercher des éléments chorio-carcinomateux.

Les méthodes actuelles de dosage permettent de séparer la fraction libre et la fraction liée.

  • La LDH (lactico-déshydrogénase), marqueur non spécifique, est élevée dans les masses tumorales importantes.

Son taux ainsi que celui d’a-foetoprotéine et b-hCG constituent des éléments pronostiques majeurs dans les tumeurs métastatiques.

L’élévation des taux sériques et urinaires d’androgènes et d’oestrogènes peut être constatée dans les tumeurs à cellules de Leydig.

4- Orchidectomie élargie :

Il s’agit d’une orchidectomie élargie au cordon avec clampage premier de celui-ci réalisée impérativement par voie inguinale.

Tout abord d’un testicule tumoral par voie scrotale est proscrit.

Il s’agit d’un geste simple, sans morbidité spécifique, nécessitant une hospitalisation de 2 à 4 jours. Plusieurs commentaires doivent être faits concernant :

  • Le délai entre diagnostic et orchidectomie, à peu près une semaine, permet une consultation d’anesthésie et un ou deux prélèvements de sperme en vue d’autoconservation et éventuellement bilan radiologique d’extension.
  • L’examen histologique extemporané, cordon clampé, n’est véritablement utile que dans les rares cas où une chirurgie conservatrice est envisagée : testicule unique, petite lésion potentiellement bénigne révélée par échographie.
  • La prothèse testiculaire doit toujours être proposée avec mise en place dans le même temps.

Il s’agit d’une prothèse contenant habituellement du gel de silicone, ne présentant pas de risque de migration sanguine ou lymphatique prouvé à ce jour pour les modèles homologués.

Néanmoins, une information claire doit être donnée sur la morbidité spécifique de la prothèse, infection en particulier.

5- Bilan d’extension :

Mis à part la radiographie pulmonaire préopératoire de référence, il est habituel de réaliser un bilan d’extension après l’orchidectomie, une fois l’ histologie connue.

Le scanner abdomino-pelvien et thoracique avec coupes jointives de 5 mm est actuellement la référence.

Échographie hépatique et scanner cérébral ne sont réalisés que chez les patients ayant des métastases sus-diaphragmatiques.

Le contrôle du taux des marqueurs spécifiques après l’orchidectomie permet de préciser en fonction de leur demi-vie si on peut escompter une normalisation ; l’absence de normalisation permet à elle seule d’affirmer l’existence de métastases.

Plusieurs classifications permettent de regrouper les patients dans des stades de pronostic équivalent.

La classification TNM de l’OMS répond aux nécessités cliniques.

Évolution de la maladie et principes du traitement :

A – Tumeur germinale séminomateuse :

1- Stade T1-4 N0M0 :

Il représente 80 % des séminomes.

Le traitement de référence est la radiothérapie lombo-iliaque de 25 Gy dont la morbidité se limite à des troubles digestifs et à une asthénie peu intense et transitoire.

Elle ne prévient pas totalement les récidives qui surviennent dans moins de 5 % des cas, en dehors du champ d’irradiation.

Une surveillance clinique, par marqueurs et par scanner abdomino-pelvien et thoracique tous les 6 mois durant 4 ans puis tous les ans durant 6 ans est recommandée.

Le taux de guérison est supérieur à 98 %.

Il est possible d’éviter un traitement complémentaire (inutile dans 80 % des cas) et de proposer une surveillance armée par scanner abdomino-pelvien et thoracique tous les 2 mois durant 2 ans, puis tous les 4 mois la 3e année, en espaçant progressivement durant 10 ans au minimum.

Le taux de récidive se situe entre 15 et 20 %, 80 % d’entre elles survenant durant les deux premières années, rarement après 10 ans.

Le taux de récidive est significativement plus élevé (36 %) lorsque la tumeur initiale est supérieure à 6 cm.

Les récidives sont accessibles à la radiothérapie ou à la chimiothérapie et le taux de guérison de l’ensemble des patients surveillés est également proche de 98 %.

Néanmoins, le caractère contraignant de cette surveillance n’est pas justifié par la faible morbidité de la radiothérapie.

Cette option n’est donc pas recommandée. Le traitement prophylactique des récidives par une injection intraveineuse de carboplatine fait l’objet d’une évaluation comparative avec la radiothérapie.

Elle pourrait permettre d’améliorer substantiellement la qualité de vie de ces patients et de diminuer les coûts thérapeutiques en maintenant un taux de récidive inférieur à 5 %.

Cette option thérapeutique ne peut pas être recommandée actuellement.

2- Stade T1-4 N1 ou N2 M0 :

La radiothérapie lombo-aortique et iliaque homolatérale à 25 Gy avec surdosage de 5 à 10 Gy sur les adénopathies est le standard.

Ce traitement expose cependant à deux risques : des récidives sus-diaphragmatiques (qui peuvent atteindre 20 % dans les stades N2 ) et des cancers radio-induits gastriques, pancréatiques ou oesophagiens (risque relatif multiplié par 2 à 4 pour des doses dépassant 30 Gy).

C’est pourquoi certains proposent la même chimiothérapie que dans les tumeurs germinales non séminomateuses métastatiques lorsque les adénopathies dépassent 5 cm.

3- Stade T1-4 N3 et (ou) M1 :

La polychimiothérapie à base de cisplatine, étoposide et éventuellement bléomycine (BEP) selon les mêmes modalités que dans les tumeurs germinales non séminomateuses métastatiques est le traitement recommandé.

Les masses résiduelles des métastases de séminome continuent à régresser pendant plusieurs mois après la fin du traitement.

Elles doivent donc être surveillées par scanner tous les 3 mois et ne justifient une exérèse chirurgicale que si elle reste supérieure à 3 cm.

Le taux de guérison des séminomes métastatiques est voisin de 80 % pour les masses tumorales sous-diaphragmatiques isolées.

B – Tumeur germinale non séminomateuse :

1- Stade pT1-4 N0M0 :

Il représente 70 % des tumeurs germinales non séminomateuses.

Le but du traitement prophylactique est d’éviter une rechute qui peut survenir chez 30 % des patients et d’assurer 100 % de guérison.

Les progrès de la chirurgie et de la chimiothérapie permettent actuellement d’atteindre 98 % de guérison, mais au prix d’une certaine morbidité.

La préoccupation actuelle est de limiter cette morbidité en réduisant les traitements sans compromettre la guérison.

Certains éléments histologiques permettent de classer le risque de rechute d’un stade non métastatique en 2 groupes : faible risque en l’absence d’emboles vasculaires ou lymphatiques dans les stades pT1, risque élevé sinon.

Il existe une relative ouverture des choix thérapeutiques. Les recommandations actuelles sont:

  • tumeur pT1 sans facteurs de risque, dont les marqueurs suivent une décroissance normale : surveillance armée ou curage lombo-aortique unilatéral ;
  • tumeur supérieure à pT1 ou pT1 dont les marqueurs décroissent lentement : chimiothérapie (2 cycles bléomycine, étoposide, platine) ou curage lombo-aortique unilatéral, rarement proposé.

2- Stade pT1-4 N2N3 M1 :

La classification en 3 groupes de pronostic différent (bon, moyen et mauvais) est basée sur le volume tumoral et le taux des marqueurs (a-foetoprotéine, b-hCG et LDH).

Dans les formes de bon pronostic, 4 cycles d’étoposide et platine (EP) toutes les 3 semaines ou 3 cycles si l’on y adjoint de la bléomycine (BEP), permettent d’assurer plus de 80 % de rémission complète à 5 ans.

Dans les formes de mauvais pronostic, les intensifications avec autogreffe de moelle ne permettent pas plus de 50 % de rémission complète à 5 ans.

Face aux masses résiduelles, après chimiothérapie, les métastases non séminomateuses doivent faire l’objet d’une exérèse chirurgicale complète.

Dans près de 50 % des cas, on ne retrouve que du tissu fibreux cicatriciel, dans 30 % des cas du tératome mature présentant un risque d’évolution locale.

Dans moins de 20 % des cas du tissu néoplasique actif est retrouvé, nécessitant, lorsque cela est possible, une chimiothérapie complémentaire.

Le risque de 2e cancer, essentiellement hématologique, est principalement lié à la dose totale d’étoposide, et il n’est pas établi en deçà de 3 cures.

C – Tumeur non germinale :

1- Lymphome :

Le traitement et le pronostic dépendent de l’extension du lymphome, habituellement non hodgkinien, de type B.

2- Tumeur à cellules de Leydig :

Leur pronostic est habituellement bon, mais 10 % des formes de l’adulte sont malignes, avec métastases ganglionnaires précédant les atteintes pulmonaires, hépatiques, osseuses et rénales.

Il n’y a pas de critères histologiques formels de malignité; les tumeurs de plus de 5 cm de diamètre, histologiquement invasives avec nécrose, atypies et mitoses nombreuses sontde mauvais pronostic.

Une tumorectomie conservant le testicule peut être envisagée dans les atteintes bilatérales sans critères de malignité.

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