Cancer parathyroïdien

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Cancer parathyroïdien
Introduction :

Le cancer primitif des parathyroïdes est rare.

Depuis le premier cas publié par De Quervain en 1904, moins de 300 observations ont été rapportées.

Comme pour les autres tumeurs endocrines, son diagnostic est difficile car les critères anatomopathologiques de malignité sont souvent d’interprétation délicate.

Son traitement est chirurgical.

Même si l’évolution est lente, c’est un cancer grave en raison du risque élevé de récidive et de l’hypercalcémie mortelle qu’elle peut entraîner.

Étiologie :

Le plus souvent, aucun facteur étiologique n’est retrouvé.

La coexistence de lésions de carcinome avec des lésions adénomateuses ou hyperplasiques au sein d’une même parathyroïde permet de penser qu’il existe peut-être une filiation entre tumeur bénigne et carcinome.

Quelques cas de cancers parathyroïdiens familiaux ou entrant dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 ont été décrits.

Enfin, certains cancers semblent secondaires à une irradiation cervicale.

Épidémiologie :

La fréquence exacte du cancer parathyroïdien est difficile à déterminer car les critères de malignité sont variables selon les publications.

Elle a longtemps été estimée entre 0,3 et 5 % des hyperparathyroïdies primaires opérées.

En fait, les séries actuelles comportent beaucoup de formes asymptomatiques ou frustes et il semble que la fréquence de ce cancer soit plus faible, entre 0,1 à 1 %.

Dans notre série publiée il y a 10 ans de 645 cas opérés dont 30 % étaient asymptomatiques, nous n’avons observé que deux cas certains, tandis que trois autres malades ont été classés comme suspects.

Depuis cette publication, nous avons opéré 493 autres malades d’une hyperparathyroïdie primaire sans aucun cancer prouvé.

Le cancer parathyroïdien affecte presque autant l’homme que la femme, avec un sex-ratio F/H entre 1/1 et 2/1, alors que, dans beaucoup de séries d’hyperparathyroïdie primaire, la prédominance féminine est beaucoup plus nette, avec un sex-ratio F/H de l’ordre de 5/1.

L’âge moyen est de 45 à 50 ans, nettement moins élevé que celui des patients présentant un adénome.

Quelques cas ont été rapportés chez des enfants.

Circonstances de découverte :

Elles sont variées mais surviennent dans tous les cas chez un malade avec une hyperparathyroïdie primaire.

Le cancer parathyroïdien est rarement évoqué en préopératoire devant une hyperparathyroïdie sévère avec masse cervicale ou en peropératoire devant une tumeur parathyroïdienne infiltrante.

Il s’agit souvent d’une découverte fortuite sur l’examen anatomopathologique de la parathyroïde réséquée dans le cadre d’une hyperparathyroïdie primaire.

Enfin, et de plus en plus fréquemment, le diagnostic est établi devant la récidive d’une hyperparathyroïdie ou la survenue de métastases ganglionnaires ou viscérales, à distance d’une cervicotomie pour hyperparathyroïdie.

Clinique :

Les formes asymptomatiques sont rares puisqu’elles représentent de 10 à 20 % des cancers parathyroïdiens. Habituellement, l’hyperparathyroïdie est symptomatique.

Le tableau clinique est parfois similaire à celui des affections parathyroïdiennes bénignes, avec une évolution lente et progressive expliquant un délai diagnostique moyen de plusieurs années, mais il s’agit souvent d’une hyperparathyroïdie sévère avec une atteinte de l’état général et une fréquence élevée de lithiases rénales et de lésions osseuses.

Une pancréatite aiguë est retrouvée dans 5 à 15% des cancers parathyroïdiens, alors qu’elle est exceptionnelle dans les lésions bénignes.

Plus souvent que dans les autres hyperparathyroïdies, le tableau est celui d’une hypercalcémie aiguë avec amaigrissement et asthénie importants, troubles neuropsychiques, vomissements, déshydratation et insuffisance rénale fonctionnelle.

Dans la série de l’Association française de chirurgie, la fréquence des crises aiguës atteignait 18,5 % ; dans celle de Visset, elle était de 38 %.

Enfin, une paralysie récurrentielle (15 % des cas pour Holmes) et une tumeur palpable (20 à 60 % des cas) sont hautement évocatrices de cancer en cas d’hyperparathyroïdie.

Les métastases viscérales ne sont pas rares puisque, au moment du diagnostic, 10 % des malades ont des métastases osseuses et 33 % des métastases pulmonaires.

Plus rarement, les métastases sont hépatiques et, exceptionnellement, elles sont pleurales, rénales ou surrénaliennes…

Elles sont toutes hormonosécrétantes.

Examens paracliniques :

La fréquence importante des formes sévères et des crises aiguës est en relation avec le taux élevé de la calcémie généralement observé dans les cancers parathyroïdiens.

La calcémie moyenne est supérieure à 3,2 mmol/L (valeurs normales entre 2,2 et 2,6 mmol/L) chez 65 à 75 % des malades.

Parallèlement, le taux plasmatique de parathormone est élevé (> 60 pg/mL) mais pas plus, semble-t-il, que dans les hyperparathyroïdies bénignes. Le diagnostic de localisation est de difficulté variable.

Il faut toujours garder en mémoire le fait que le cancer peut survenir sur une parathyroïde ectopique, par exemple médiastinale.

En échographie, un certain nombre de critères évocateurs de malignité ont été décrits : taille supérieure à 2 cm, caractère hypoéchogène, présence de lobulations, limites irrégulières, infiltration des structures de voisinage.

Toutefois, aucun de ces critères n’est discriminant.

La scintigraphie au technétium-MIBI (méthoxy-isobutyl-isonitrile) n’est pas spécifique du cancer.

Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique n’ont d’intérêt qu’en cas de négativité des explorations précédentes, mais ne sont pas spécifiques.

La cytoponction de la lésion doit être évitée car elle présente un risque d’ensemencement local par des cellules tumorales.

Anatomopathologie :

Comme pour les autres tumeurs endocrines, on retrouve la même difficulté à affirmer la malignité de la lésion, en particulier en extemporané.

A – ASPECT MACROSCOPIQUE :

Il peut être évocateur :

– si la tumeur est volumineuse mesurant dans sa plus grande dimension 2 à 3 cm et multilobulée en surface et à la coupe ;

– si sa consistance est dure, sa couleur grisâtre alors qu’un adénome bénin est généralement de consistance molle, de couleur brun orangé ;

– lorsqu’elle est entourée d’une réaction inflammatoire, inhabituelle ;

– si elle adhère étroitement à la thyroïde ; rarement, elle envahit l’oesophage, le récurrent, les muscles et, lorsqu’il existe une telle extension de voisinage, le diagnostic de malignité est pratiquement certain. Ailleurs, l’aspect est très proche de celui d’un adénome.

B – ASPECT MICROSCOPIQUE :

L’aspect histologique des cancers parathyroïdiens est proche de celui des adénomes.

L’architecture est trabéculaire, avec toutefois des cloisons fibreuses denses responsables de l’aspect lobulaire et de la consistance dure.

Les cellules sont en règle générale de type principal, encore que des cellules claires ou oncocytaires soient parfois associées.

Les noyaux des cellules sont volontiers volumineux avec des nucléoles saillants mais sans grosses anomalies.

Aucun de ces aspects n’étant véritablement caractéristique, on a cherché à définir des critères plus fiables de malignité :

– sont considérés comme des critères de certitude la confirmation histologique de l’infiltration des organes de voisinage, ou de métastases ganglionnaires ; ces critères sont les seuls permettant d’affirmer la malignité en extemporané, mais il faut bien sûr avoir retiré les structures avoisinantes en même temps que la lésion parathyroïdienne ou prélevé des ganglions ;

– sont considérés comme des critères de forte probabilité l’existence d’emboles tumoraux et une activité mitotique élevée.

Les foyers intracapsulaires, les atypies nucléaires et l’effraction capsulaire minime n’ont, en revanche, aucune valeur discriminative.

Grâce à la biologie moléculaire avec détermination de la teneur en acide désoxyribonucléique et étude des gènes impliqués dans la pathogenèse des cancers parathyroïdiens, il semble que la distinction entre tumeur bénigne et tumeur maligne devienne plus fiable.

Cependant, il s’agit de progrès très théoriques puisque ces techniques ne sont pas actuellement applicables en routine.

L’immunohistochimie avec des anticorps reconnaissant la parathormone n’a pas démontré son intérêt dans le diagnostic de malignité.

Traitement :

Il est chirurgical mais doit parfois être précédé d’un traitement médical pour faire baisser la calcémie.

A – TRAITEMENT MÉDICAL DE L’HYPERCALCÉMIE :

Le traitement médical de l’hypercalcémie ne doit être envisagé que si celle-ci est importante et symptomatique.

Il ne doit pas retarder l’intervention chirurgicale qu’il est impératif d’effectuer rapidement. Le but du traitement médical est d’augmenter l’excrétion urinaire et de diminuer la résorption osseuse du calcium.

On dispose de plusieurs médicaments pour contrôler l’hypercalcémie.

– La calcitonine augmente l’excrétion tubulaire du calcium et inhibe la résorption osseuse ostéoclastique.

La posologie utilisée est de 0,5 à 4 mg/j pour la Cibacalcinet ou de 4 à 8 UI/kg/j pour le Cadenst.

Son effet est rapide mais transitoire.

La tolérance à ce traitement est bonne.

– La mithramycine, traitement classique de l’hypercalcémie, a été retirée du marché du fait de ses effets secondaires prohibitifs.

– Les diphosphonates sont des inhibiteurs de la résorption osseuse ostéoclastique.

Leur place dans le traitement des hypercalcémies des hyperparathyroïdies est moins bien établie que dans celui des hypercalcémies néoplasiques.

Ils sont cependant largement utilisés car ils sont efficaces assez rapidement et ont peu d’effets indésirables.

On dispose de l’acide pamidronique (Arédiat), de l’étidronate disodique (Didronelt) et de l’acide clodronique (Clastobant).

– En cas d’échec des diphosphonates, il faut discuter une corticothérapie à la dose de 1 mg/kg/j.

En cas d’hypercalcémie aiguë mettant en jeu le pronostic vital, le traitement doit être conduit en unité de soins intensifs.

Il comporte une réhydratation et une cure de diurèse par du furosémide et, le plus souvent, des diphosphonates. Une épuration extrarénale peut être indiquée lorsque existent une insuffisance rénale, des troubles cardiovasculaires ou une hypercalcémie menaçante.

B – TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Les récidives locorégionales étant fréquentes dans les cancers parathyroïdiens, l’idéal est de réaliser une exérèse en bloc de la tumeur, en prenant soin de ne pas la rompre, du lobe thyroïdien, des ganglions récurrentiels et jugulocarotidiens homolatéraux et du tissu cellulograisseux prétrachéal.

Le curage est indiqué lorsque les ganglions sont manifestement métastatiques.

Dans le cas contraire, on peut probablement se contenter d’un curage de proximité (récurrentiel et prétrachéal), accompagné d’un pick-up ganglionnaire à distance.

Étant donné les difficultés qu’il y a à affirmer le diagnostic en peropératoire, plusieurs situations se présentent :

– soit le diagnostic fortement évoqué en préopératoire est évident lors de l’intervention ; il existe une tumeur manifestement maligne car dure, infiltrant les organes de voisinage, s’accompagnant d’adénopathies, et l’examen extemporané confirme le diagnostic ; dans ce cas, une exérèse très large doit être pratiquée, en n’hésitant pas, si nécessaire, à sacrifier le nerf récurrent ; cette situation est en pratique très rare ;

– soit le diagnostic ne peut être que fortement suspecté, c’est-à-dire qu’il est probable macroscopiquement mais l’examen extemporané ne peut conclure à la malignité ; cette situation est relativement fréquente et il faut pratiquer au minimum l’exérèse en bloc de la parathyroïde, du lobe thyroïdien et des ganglions récurrentiels homolatéraux ; un pick-up des chaînes ganglionnaires à distance peut compléter l’exérèse ;

– soit le diagnostic n’est posé que sur l’examen anatomopathologique définitif ; c’est la situation habituelle ; s’il s’agit d’un sujet âgé et si la tumeur semble relativement limitée, on peut se contenter d’une surveillance, d’autant que les critères de malignité sont incertains ; en revanche, chez un sujet jeune, a fortiori s’il persiste une hypercalcémie, il faut réintervenir rapidement pour réaliser au minimum une lobectomie thyroïdienne et une exérèse des structures cellulograisseuses et ganglionnaires adjacentes ;

– soit le diagnostic est établi sur la récidive d’une hypercalcémie après chirurgie d’une hyperparathyroïdie avec la mise en évidence d’une récidive hormonosécrétante, soit locale, soit métastatique à distance ; en cas de récidive locale authentifiée, une réintervention pour excision de cette récidive doit toujours être tentée ; un tiers des malades pourrait en tirer un bénéfice ; en cas de métastases à distance, si certaines peuvent être traitées chirurgicalement, la plupart sont inaccessibles à une exérèse ; le traitement médical de l’hypercalcémie doit être effectué lorsqu’elle est importante et symptomatique car le risque vital est souvent lié au degré de l’hypercalcémie.

C – TRAITEMENTS COMPLÉMENTAIRES :

La radiothérapie après chirurgie n’a pas fait la preuve de son efficacité.

Elle pourrait se justifier étant donné la fréquence des récidives locales.

Toutefois, ces récidives sont surtout fréquentes lorsque l’exérèse chirurgicale initiale a été insuffisante.

D’autre part, la radiothérapie risque d’interdire toute réintervention.

Dans ces conditions, elle ne semble pas justifiée.

La radiothérapie est inefficace dans le traitement des métastases.

La chimiothérapie adjuvante n’a à l’heure actuelle aucune indication.

En cas de métastases, des protocoles variés de polychimiothérapie ont été proposés, avec des succès transitoires et inconstants.

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