Cancer médullaire de la thyroïde

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Cancer médullaire de la thyroïde
Introduction :

Le cancer médullaire de la thyroïde (CMT), ou cancer à stroma amyloïde, est peu fréquent mais constitue une entité très particulière au sein de la pathologie thyroïdienne.

Il sécrète une hormone, la calcitonine, dont le dosage permet le diagnostic et le suivi ; il en existe des formes sporadiques et des formes familiales à transmission autosomique dominante,

se présentant sous forme isolée ou s’intégrant aux néoplasies endocriniennes multiples de type II (NEM II) ; les mutations génomiques responsables des formes familiales sont connues.

L’histoire du CMT a commencé avec sa première description, faite par Hazard et al en 1959.

Deux ans plus tard, Sipple décrivit l’association de cancer thyroïdien (non encore reconnu comme médullaire) et de phéochromocytome.

Cinq ans après la découverte de la calcitonine (CT) par Hirsch en 1963, Milhaud rapporta que cette variété de cancer sécrétait l’hormone.

Puis furent décrites les NEM II, les formes familiales de CMT isolés (F-CMT).

La rareté relative de la maladie a conduit à la création de groupes d’étude afin d’établir des corrélations anatomocliniques indispensables.

En France, Claude Calmettes fonda en 1983 un groupe national multidisciplinaire, le Groupe d’étude des tumeurs à calcitonine (GETC)(1), présidé dès l’origine par Élisabeth Modigliani, qui entreprit la tenue d’un registre national.

Grâce au travail considérable de ce groupe, qui se poursuit à l’heure actuelle, il a été possible de décrire les différentes formes de la maladie et leurs prévalences, d’établir les protocoles d’enquête familiale, de préciser le pronostic de l’affection, d’instituer des procédures de dépistage, de traitement et de suivi.

Ce groupe initia les premières enquêtes génétiques par biologie moléculaire et commença les études génotype/phénotype lorsque fut décrite l’existence d’un gène de susceptibilité sur le chromosome 10 pour les formes familiales, reconnu en 1993 comme étant le proto-oncogène RET.

Physiopathologie :

Le cancer médullaire de la thyroïde est développé aux dépens des cellules C de la thyroïde.

Il conserve l’aptitude à produire la CT.

Les formes familiales sont associées à la présence de mutations génomiques sur le gène RET, que l’on retrouve en tant que mutations somatiques dans certaines formes sporadiques.

A – ORIGINE EMBRYOLOGIQUE :

Les cellules C ont une origine neuroectodermique, issue de la formation des arcs branchiaux.

Elles viennent par migration occuper la partie supérieure ou moyenne des lobes thyroïdiens et cette population de cellules représente moins de 1 % de la masse cellulaire de la thyroïde.

Dans les espèces vertébrées inférieures, les cellules C sont regroupées en un petit organe, le corps ultimobranchial, à la jonction cervicomédiastinale.

Par ailleurs, de nombreuses cellules endocrines, disséminées dans l’organisme et de même origine neuroendocrine, ont l’aptitude de sécréter de la CT.

B – PHYSIOPATHOLOGIE GÉNÉTIQUE ET MOLÉCULAIRE :

1- Formes familiales :

Le CMT dans sa forme héréditaire, et quelle que soit son expression phénotypique, est associé à la présence de mutations génomiques ponctuelles sur le proto-oncogène RET, modifiant ainsi la structure et l’activité de la protéine RET, récepteur membranaire du groupe des récepteurs à sept domaines transmembranaires et à activité tyrosine-kinase.

La mise en évidence de la responsabilité d’un seul gène dans la transmission héréditaire d’entités cliniques aussi différentes que les F-CMT isolés et les CMT associés aux NEM de type IIa et IIb a constitué une grande surprise.

En effet, le gène RET, localisé dans la région centromérique du chromosome 10, était déjà connu comme susceptible de modifications de structure importantes à l’origine des formes génétiques de maladie de Hirschsprung ou dans le développement de carcinomes thyroïdiens de type différencié papillaire.

Dans le cas des F-CMT, les mutations décrites sont ponctuelles, affectant un codon avec une modification dans la structure même du récepteur.

Ce fait a considérablement gêné la découverte du gène RET en tant que gène candidat, mais constitue désormais une aide précieuse au diagnostic génétique de cette maladie et au ciblage du suivi des patients.

Certaines d’entre elles se situent dans la région codante pour la partie extracellulaire riche en cystéine du récepteur et sont décrites comme une mutation affectant l’activité du récepteur et apte à le maintenir dans un état actif.

D’autres, situées dans la région codante pour les domaines tyrosine-kinase du récepteur, interfèrent avec les processus d’activation intracellulaire. Parmi les mutations décrites, certaines semblent déterminantes pour induire le phénotype de la maladie :

– dans les NEM IIa : plus de 95 % des mutations présentes dans les familles se situent sur le codon 634 de l’exon 11.

La conséquence est qu’un patient porteur de cette mutation est à haut risque d’avoir une NEM IIa.

Cela conditionne son suivi ultérieur, principalement par la recherche systématique des phéochromocytomes. Quelques autres cas ont des mutations en 618 ou 620 sur l’exon 10 ;

– dans les NEM IIb : 97 % des patients, qu’ils aient ou non une histoire familiale connue, sont porteurs d’une mutation unique localisée dans l’exon 16 au codon 918 ;

– dans les F-CMT isolées : plus de 60 % des familles ont une mutation siégeant dans des localisations diverses : exons 10-11-13-14 ou 15.

À part, Pigny et al ont décrit une duplication de neuf paires de bases dans l’exon 8 au sein d’une famille atteinte de CMT et de maladie de Hirschprung.

D’autres mutations sont probablement encore à identifier. L’existence d’une relation génotype-phénotype est bien établie.

De fait, il semble que certains types de mutations puissent avoir une valeur prédictive :

– du développement d’un phéochromocytome ou d’une hyperparathyroïdie ;

– de l’agressivité du cancer médullaire : codon 918 pour les formes les plus rapidement évolutives (NEM IIb, formes sporadiques), codon 804 pour les formes d’évolution plus lente ;

– de la précocité de la transformation maligne des hyperplasies des cellules C : très précoce chez les patients porteurs de mutation dans l’exon 11 pour les NEM IIa, d’expression plus retardée ou plus lente dans certaines formes de F-CMT avec mutation dans l’exon 10.

L’identification d’une mutation dans une famille permet de cibler les membres de cette famille qui sont à risque de développer cette maladie.

La question est de savoir quand et sous quelle forme, et de s’orienter ou non vers l’indication systématique ou pondérée d’une thyroïdectomie prophylactique chez les jeunes enfants porteurs de mutation du gène RET.

2- Formes sporadiques :

La présence de mutations sur le gène RET est également retrouvée au sein des cancers médullaires dans leur forme sporadique, mais les mutations ne sont observées qu’au niveau somatique.

Plus de 30 % des CMT sporadiques ont une mutation acquise au niveau du codon 918 de l’exon 16, comme les NEM IIb.

Ces formes apparaîtraient plus évolutives.

D’autres mutations ont pu être observées : soit ponctuelles, portant sur un codon des exons 11-12 ou 15, ou plus étendues avec délétion partielle, affectant le cadre de lecture du messager et la structure de la protéine ret.

3- Mutations du gène RET et tumorigenèse des cellules C :

Plusieurs travaux montrent la responsabilité des modifications de structure du gène RET dans les processus de transformation maligne des cellules C.

Le gène RET code pour le récepteur ret et les mutations portant sur les domaines extramembranaires affectent l’activité du récepteur en le maintenant dans un état de dimérisation conduisant à une activation de la tyrosine-kinase.

Les mutations portant sur le domaine tyrosine-kinase seraient également activantes.

Le récepteur ret forme un complexe avec les récepteurs GFR (growth factor receptors) alpha-1 et alpha-2 sur lesquels se lient respectivement le glial cell line derived neurotrophic factor (GDNF) et la neurturine (NTN).

Frisk et al ont montré l’expression de ces protéines dans plusieurs cas de CMT et non dans du tissu thyroïdien normal.

Michiels et al ont transfecté des souris avec le proto-oncogène RET portant la mutation de la NEM IIa pour montrer le développement précoce d’une hyperplasie des cellules C, suivie d’un CMT multifocal.

Iwashita et al ont transfecté les cellules NIH3T3 avec de l’acide désoxyribonucléique cyclique (ADNc) du gène RET porteur de différentes mutations, pour montrer que certaines mutations (sur les codons 883, 918, 768) s’associent à une forte activité de transformation cellulaire et que d’autres mutations (sur les codons 804, 891, 919) semblent avoir une activité plus faible.

C – PHYSIOPATHOLOGIE FONCTIONNELLE :

Les cellules C tumorales conservent l’aptitude de produire la CT.

Cette hormone d’activité hypocalcémiante et hypophosphorémiante impliquant les cellules C thyroïdiennes dans le contrôle de l’homéostasie calcique et l’épargne osseuse en calcium est issue de l’expression d’un gène, le gène Calc I.

1- Gène de la calcitonine :

Le gène Calc I appartient à une famille de gènes, incluant le gène Calc II et le gène de l’amyline.

Les gènes Calc I et Calc II sont exprimés dans les cellules C normales et tumorales.

Le gène Calc II exprime le calcitonin gene-related peptide (CGRP) II. Le gène Calc I, localisé sur le bras court du chromosome 10, est composé de six exons.

Il code pour la CT et le CGRP I. Surtout, trois voies de traduction ont été identifiées : deux d’entre elles codent pour la CT et l’autre pour le CGRP I.

Les trois premiers exons sont communs et nécessaires à la synthèse de la CT et/ou du CGRP I.

L’exon 4 correspond à la séquence nucléotidique codant pour la CT ; les exons 5 et 6 à celle du CGRP I.

Les études de la structure et de l’expression du gène Calc I ont permis plusieurs constatations fondamentales :

– l’expression de ce gène dans la thyroïde amène à la maturation préférentielle des acides ribonucléiques messagers (ARNm) spécifiques de la CT, les ARNm spécifiques du CGRP I prédominant dans le système nerveux, et ceci par des mécanismes régulateurs tissus-dépendants de cet épissage alternatif ;

– deux voies d’épissage du transcrit primaire issu de ce gène Calc I ont été identifiées.

Elles aboutissent à la maturation de deux ARNm spécifiques de la CT.

Dans la première voie, le précurseur issu de la traduction de l’ARNm est une protéine de 141 acides aminés se composant du peptide signal, d’un peptide cryptique N-terminal, de la séquence de la CT humaine (hCT) suivie d’un peptide cryptique C-terminal de 21 acides aminés (CCP 1).

Minvielle et al ont identifié, dans certains CMT, une seconde voie de maturation des ARNm dont la traduction produit un précurseur de la CT qui diffère de la précédente à son extrémité C-terminale par la présence d’un peptide de 21 acides aminés dénommé CCP 2 (les huit derniers étant différents du CCP 1).

Cette voie de synthèse est présente dans les CMT comme dans les cellules C normales. Ainsi, l’expression du gène Calc I conduit à la synthèse de trois précurseurs : CT-CCP 1, CT-CCP 2 et CGRP.

2- Calcitonine et marqueurs tumoraux :

La CT est le principal marqueur tumoral du CMT. La tumorisation des cellules C s’accompagne de modifications des voies d’expression du gène Calc I avec une diminution relative de la synthèse de CT et une augmentation de celle du CGRP.

Les taux circulants de CGRP peuvent être très élevés dans les formes les plus évolutives.

Toutefois, ces constatations physiopathologiques n’ont pas un intérêt pratique majeur.

En effet, le CGRP est significativement corrélé avec l’antigène carcinoembryonnaire (ACE).

Le dosage de l’ACE est plus courant et largement répandu, de sorte que ce dernier demeure un marqueur fiable témoin de l’évolutivité du CMT.

Les autres produits issus de l’expression des gène Calc n’ont pas fait la preuve d’un intérêt pratique plus important que le dosage de la CT pour le diagnostic et le suivi du CMT.

Il en est de même des autres sécrétions hormonales constatées dans les CMT : la somatostatine d’abord, dont il existe des récepteurs sur les cellules C normales et tumorales.

Mais également, l’adenocorticotrophic hormone (ACTH) et autres produits de l’expression de la pro-opiomélanocortine, la nonspecific enolase, etc.

Épidémiologie :

Le CMT est un cancer rare.

Il représente environ 5 à 15%des cancers thyroïdiens selon les séries.

La plupart des grandes séries publiées se réfèrent à des études rétrospectives.

Le travail habituellement cité en référence est celui de Saad et al reprenant l’étude de 161 cas de CMT parmi 1 844 patients référencés comme porteurs de cancer thyroïdien au Texas entre 1944 et 1983.

Quelques années auparavant, Rossi et al ont publié leur série de 35 CMT individualisés parmi 964 patients porteurs de cancer thyroïdien référencés à la clinique Lahey de Boston entre 1931 et 1970.

Bergholm et al ont publié une étude de 249 patients atteints de CMT parmi 6 513 patients référencés comme porteurs d’un carcinome thyroïdien sur le Registre national du cancer suédois entre 1959 et 1981.

Ces trois études rétrospectives, qui affichent des fréquences de 9 % pour Saad et al, de 4 % pour Rossi et al ainsi que pour le registre suédois, illustrent plusieurs problèmes de diagnostic : dans la plupart des cas, notamment antérieurs à 1968, le diagnostic repose avant tout sur un réexamen des pièces d’anatomie-pathologique ; dans certains cas, le diagnostic de CMT est étayé soit par l’évaluation des taux de CT, soit par un redressement secondaire du diagnostic à la faveur de la survenue d’autres cas authentifiés dans la famille.

Ce fait est bien apparent dans l’étude de la série suédoise qui mentionne que 66 cas de CMT sont diagnostiqués dans la première décennie (1959-1969) et trois fois plus (183) durant la seconde décennie (1970-1981) et constitue la carence du travail présenté par Rossi et al dans sa publication intitulée « Non-familial medullary thyroid carcinoma ».

Cela illustre la contribution probable du critère biologique que constitue l’étude de la sécrétion de CT par ces tumeurs au diagnostic de CMT depuis 1968.

Les études prospectives visant à situer la place des CMT et les conditions de son diagnostic dans une population consultant pour problèmes thyroïdiens sont plus récentes et peu nombreuses.

Pacini et al identifient huit cas de CMT sur 1 385 patients porteurs de nodules thyroïdiens.

Le CMT représente, dans cette série, 0,6 % de la pathologie nodulaire tout-venant et 15,7 % des 51 nodules cancéreux.

Dans cette étude, tous les CMT avaient des taux élevés de CT, tandis que les cytoponctions systématiques n’ont retenu ce diagnostic que dans deux cas et surtout ont conclu à des lésions bénignes dans trois autres cas.

La première étude française dans ce domaine revient à Rieu et al.

Ces auteurs ont constitué une série de 469 patients consultant pour un goitre uni- ou multinodulaire sur une période de 4 ans (1989-1993), explorés de manière rigoureuse.

Tous les patients ont eu une évaluation du taux plasmatique de CT, une étude cytologique des nodules cliniquement et/ou échographiquement décelables. Quatre CMT ont ainsi été détectés sur un taux élevé de CT à l’état basal, de 70 à 2 828 ng/L.

Ces quatre CMT représentent 0,84 % de l’ensemble des patients avec goitre nodulaire et 26,7 % des 15 patients ayant un cancer thyroïdien, situant le CMT au deuxième rang, derrière les cancers papillaires (8/15) et précédant les cancers folliculaires (1/15).

Ce travail d’une petite équipe française fait actuellement référence.

Niccoli et al situent la prévalence du CMT à 1,4 % des 1 167 patients atteints de pathologie thyroïdienne au cours d’une étude rétrospective d’un travail prospectif fait dans trois centres différents ayant suivi une méthodologie différente.

Dans la plupart des pays, des registres nationaux ont été constitués ayant pour objectif l’étude des cancers thyroïdiens en général ou du CMT en particulier.

En France, le GETC a enregistré à ce jour un peu plus de 3 000 cas, mais on peut estimer que le nombre réel de patients atteints de CMT est très probablement très supérieur (voisin de 10 000) si l’on prend en compte la prévalence établie par les études prospectives et la fréquence de la pathologie thyroïdienne.

La prise en charge par ces groupes, de manière sinon exclusive du moins prédominante, du problème des formes familiales a permis, outre la découverte du gène RET, de bien situer les différentes formes de CMT :

– les formes sporadiques de CMT représentent 75 % et leur découverte fortuite en fait des tumeurs de moins bon pronostic soit par un degré d’évolutivité plus élevé (mutation somatique du gène RET sur l’exon 16), soit du fait d’un diagnostic plus tardif et d’un stade tumoral plus avancé ;

– les formes familiales de CMT représentent 25 % et se décomposent en : 8 % de familles avec CMT isolé, 16 % de familles avec NEM IIa et 1 % de NEM IIb.

Anatomie pathologique :

L’anatomopathologiste doit savoir faire le diagnostic de cancer médullaire, tenter d’évaluer son potentiel évolutif, repérer les éléments qui sont en faveur d’une maladie génétiquement déterminée.

Il accompagne, par la précision de ses réponses, la validité diagnostique des méthodes de détection les plus précoces, qu’elles soient biologiques ou génétiques, et détermine l’extension du geste chirurgical par la confrontation des résultats qu’il fournit avec ceux de la clinique.

La question actuelle est de savoir à partir de quel âge et pour quelle tumeur il existe un risque métastatique.

A – DIAGNOSTIC DE CANCER MÉDULLAIRE :

Le cancer médullaire est d’un polymorphisme tel qu’il reste parfois de diagnostic difficile.

Les meilleures résultats thérapeutiques sont obtenus si la chirurgie d’exérèse de première intention est d’emblée carcinologiquement correcte.

Cela implique un diagnostic préopératoire (cytoponction thyroïdienne) ou peropératoire (examen extemporané) exact.

1- Diagnostic histologique du CMT :

Le CMT ne se présente pas toujours comme une tumeur maligne manifestement invasive. Près de 10 % des CMT sont des nodules assez bien limités, mais le plus souvent dépourvus de capsule.

Les vésicules thyroïdiennes encloses dans la tumeur vont faussement l’apparenter à une tumeur vésiculaire et le diagnostic de cancer médullaire va être manqué. Comment y penser ?

* Cellules :

Qu’il s’agisse d’une tumeur bien limitée ou d’un carcinome manifeste, les cellules du cancer médullaire sont de toutes sortes : rondes, fusiformes, petites, grandes, polygonales, plasmocytoïdes à cytoplasme grisé ou clair, voire granuleux éosinophile.

De véritables cellules oxyphiles avec un noyau à nucléole dominant sont décrites.

Certaines cellules peuvent paraître véritablement squameuses.

La tumeur est rarement composée d’un seul type cellulaire et c’est la bigarrure des éléments qui doit faire évoquer le diagnostic.

En outre, les noyaux ont un aspect particulier avec une chromatine « mottée », une certaine basophilie. Il peut exister des cellules multinucléées.

La présence d’inclusions nucléaires n’exclut pas le diagnostic de CMT.

* Architectures :

On retrouve au niveau architectural le même polymorphisme qu’au niveau cellulaire, architecture solide, trabéculaire, alvéolaire, glandulaire, « folliculaire », pseudopapillaire par ébranlement cellulaire, de type « carcinoïde », « paragangliome », « angiomatoïde ».

* Stroma :

Particulier, de type amyloïde, ayant fait partie de la description initiale du CMT, il est absent dans plus de 25 % des cas et parfois suffisamment peu représenté pour ne pas être identifié.

Ailleurs, au contraire, mais rarement, il peut être le siège d’une réaction granulomateuse de type résorptif avec présence de cellules géantes histiocytaires.

Le stroma peut être de type hyalin prédominant (38 % d’une série de 109 cas du GETC), masquant les cellules tumorales qui semblent « noyées » en son sein.

Le stroma peut renfermer de petites calcifications feuilletées de type calcosphérite.

Dans certains cas, le stroma est peu représenté et n’aide donc pas au diagnostic.

2- Formes particulières :

Certains CMT produisent de la mélanine et leurs cellules tumorales peuvent alors exprimer les marqueurs PS100 ou HMB45 des cellules productrices de mélanine.

Ce contingent tumoral n’est pas obligatoirement dominant. Une place à part doit être faite à la production de mucines car elles sont souvent présentes dans les CMT.

En revanche, les CMT se présentant comme un adénocarcinome mucosécrétant sont exceptionnels.

Certains CMT peu différenciés ont été rapportés.

3- Diagnostic immunohistochimique de CMT :

Un diagnostic de CMT doit toujours être validé par un immunomarquage sur coupes histologiques mettant en évidence la présence de marqueurs de type neuroendocrine.

La combinaison de trois marqueurs, CT, chromogranine A, coloration de Grimelius, en l’absence d’immunomarquage positif à la thyroglobuline (TG), permet le plus souvent de parvenir au diagnostic.

Quand au moins deux de ces trois marqueurs sont positifs dans plus de 1 % des cellules, il est possible de parvenir au diagnostic de CMT.

Le problème du CMT sans CT (moins de 10 % des cas dans les anciennes séries) persiste cependant.

Dans ces tumeurs de type neuroendocrine, la CT est le plus souvent remplacée par d’autres peptides dont les plus fréquents seraient : le CGRP, la somatostatine, l’ACTH, la sérotonine, etc.

Certains auteurs voudraient, si la tumeur a une morphologie de type carcinome à petites cellules et ne contient plus de CT, les classer comme des entités distinctes des CMT et les apparenter au groupe des cancers à petites cellules du poumon.

Il n’existe aucune attitude consensuelle à ce propos, d’autant qu’il s’agit d’observations trop peu nombreuses.

* Antigène carcinoembryonnaire :

L’ACE fait également partie du diagnostic de CMT.

Il a une disposition cellulaire particulière, en cadre, surlignant les contours de la membrane cytoplasmique.

En fonction des fixations utilisées, le marqueur peut être intracytoplasmique.

Présent suivant les séries dans 77 à 100 % des cas, sa détection est le plus souvent obtenue à l’aide d’un anticorps polyclonal dont la réactivité peutêtre croisée avec l’antigène non spécifique à réaction croisée (non specific cross-reacting antigen [NCA]), c’est la raison pour laquelle l’utilisation d’un anticorps monoclonal est recommandée par certains.

Ce marqueur ne peut être utilisé seul pour le diagnostic de CMT.

Il est en effet positif dans certaines tumeurs vésiculaires thyroïdiennes à cellules oxyphiles, certains cancers papillaires à cellules hautes de même que dans de nombreuses tumeurs extrathyroïdiennes.

4- Diagnostics différentiels du CMT :

Ils sont représentés par l’adénome trabéculohyalinisant, certains adénomes thyroïdiens trabéculaires, certains carcinomes vésiculaires à cellules claires ou oxyphiles, les carcinomes insulaires, les métastases intrathyroïdiennes.

La multiplication des plans de coupe, les immunomarquages de chromogranine, de CT et de TG (avec préchauffage éventuel des coupes) doivent, dans la majorité des cas, rétablir le diagnostic exact.

Il arrive en outre que certaines tumeurs thyroïdiennes étiquetées CMT (quels que soient leur taille et leur mode de présentation, avec ou sans multiples invasions vasculaires) soient en réalité la métastase d’une tumeur neuroendocrine venue d’ailleurs.

La question, rarement posée dans la littérature, doit être évoquée dans le cas de tumeurs thyroïdiennes accompagnant ou précédées de tumeurs laryngées, duodénales, voire pancréatiques ou autres…

Il n’est pas toujours possible, dans ces cas, de savoir quelle est la tumeur primitive.

Il semble qu’il faille être prudent avant d’affirmer que la tumeur initiale est un CMT thyroïdien.

Le recours au marqueur TTF-1 est de peu d’aide car ce marqueur, d’abord décrit dans les tumeurs primitivement thyroïdiennes et pulmonaires, s’avère exprimé dans des tumeurs provenant d’autres sites.

5- Cancers mixtes médullaires et vésiculaires :

Cette entité est définie dans la classification des tumeurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Elle correspond à des tumeurs comportant deux composants, l’un de type vésiculaire TG+, l’autre de type médullaire CT+.

La littérature lui adjoint une forme « papillomédullaire » dans laquelle la composante vésiculaire est représentée par une composante de type carcinome papillaire.

Avant de porter un diagnostic de cancer mixte, il faut s’assurer qu’il ne s’agit pas de vésicules ou de cellules thyroïdiennes normales résiduelles encloses dans la tumeur.

Il est parfois impossible de répondre à cette question. Seule l’image mixte au sein d’une localisation métastatique permet d’affirmer qu’il s’agit d’un cancer mixte.

Il faut être très strict sur ce diagnostic lorsque la tumeur est intrathyroïdienne.

En cas de cancer mixte avéré, l’intrication des aspects médullaires et vésiculaires peut être telle que le diagnostic n’est pas fait.

Le caractère parfois bien limité de ces formes les fait à tort classer parmi les adénomes vésiculaires atypiques.

Il ne faut pas hésiter lorsque certaines images mêlées à des formations vésiculaires authentiques posent un problème d’interprétation à vérifier, par un immunomarquage à la TG et à la CT, qu’il ne s’agit pas d’un carcinome mixte.

Il faut distinguer ces entités des cancers papillaires ou des cancers vésiculaires associés de façon distincte à des CMT. Le problème est plus complexe encore lorsque ces tumeurs distinctes s’intriquent dans la thyroïde ou dans les sites métastatiques.

Lorsque les deux tumeurs associées de façon distincte sont d’une part un CMT, d’autre part un carcinome papillaire, cette association, d’abord considérée comme fortuite, est parfois retrouvée de façon plus fréquente dans certaines familles.

Nous rappelons l’implication de réarrangement du gène RET dans les cancers papillaires.

Lorsqu’il existe deux tumeurs distinctes ou intriquées, chacun des cancers évolue pour son propre compte et le suivi est de façon distincte celui d’un carcinome médullaire et celui d’un carcinome de souche vésiculaire.

Il semble qu’il n’en soit pas de même en ce qui concerne les cancers mixtes où l’évolution est conditionnée par la composante médullaire, certains auteurs déniant même à la composante vésiculaire tout comportement carcinomateux.

B – DIAGNOSTIC PRÉ- ET PEROPÉRATOIRE DE CANCER MÉDULLAIRE DE LA THYROÏDE :

1- Cytoponction thyroïdienne :

La cytoponction thyroïdienne peut permettre un diagnostic préopératoire de CMT.

Les séries rapportées dans la littérature concernent en général un nombre de patients limité (< 21).

Si le diagnostic cytologique de cancer est le plus souvent correctement effectué, dans un tiers des cas le cancer n’est pas identifié comme un cancer médullaire.

À l’inverse, le diagnostic de cancer médullaire peut être porté par excès alors qu’il s’agit en réalité de cancers plus usuels, papillaires ou vésiculaires.

Un diagnostic différentiel est représenté par les tumeurs à cellules oxyphiles.

Le diagnostic exact de CMT est rendu difficile par le polymorphisme des aspects rencontrés.

Les cellules sont rarement toutes semblables, tantôt rondes, polygonales, voire plasmocytoïdes, tantôt fusiformes ou simplement allongées, voire avec de longs prolongements cellulaires.

Ces différents éléments peuvent être mélangés. Le plus souvent, le matériel cellulaire est abondant mais peu cohésif ou, au contraire, à distribution syncytiale.

Quelques aspects de type pseudolymphome ont été décrits.

La présence de colloïde sur le fond ne permet pas d’exclure le diagnostic de CMT.

La présence d’inclusions dans les noyaux n’est pas exceptionnelle.

Quant aux grains rosés décrits sur la coloration de May-Grünwald-Giemsa, ils sont souvent difficiles à identifier, peuvent n’être présents que dans le cytoplasme de quelques cellules, ou être absents.

Il est possible, si l’on a pris certaines précautions techniques (lames de réserve non colorées, lames déjà colorées décolorées, éventuels cytoblocs) d’effectuer un immunomarquage de la CT.

Le recours à une extraction d’ADN sur prélèvement cytologique est proposée par certains auteurs et permet une recherche de mutation du gène RET.

Il s’agit là de techniques très spécialisées, plus coûteuses, réservées à certains laboratoires.

Il faut les utiliser pour des cas bien particuliers.

S’il est intéressant de tester la faisabilité de ce type de technique, elles posent des problèmes éthiques et leur indication mérite une réflexion consensuelle avant de les conseiller en dépistage préopératoire.

2- Examen extemporané :

L’occasion de faire un diagnostic peropératoire de CMT représente, dans les séries publiées de la littérature, 0 à 8% des cancers diagnostiqués lors de l’examen extemporané d’un nodule thyroïdien.

Le diagnostic est fait correctement dès ce temps opératoire dans 88 à 100 % des cas.

Les séries rapportées ne concernent cependant chacune que deux à huit diagnostics de CMT qui peut également être totalement méconnu.

La cytologie thyroïdienne peut être utilisée de façon complémentaire en peropératoire lorsque le diagnostic préopératoire n’est pas fait ou lors d’un diagnostic d’examen extemporané hésitant.

Le produit cytologique est obtenu par raclage de la coupe tissulaire, étalement du suc cellulaire obtenu et coloration rapide type Diff-Quick.

Suite

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