Cancer de l’estomac

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Cancer de l’estomac
Diagnostic :

Le cancer de l’estomac est rare avant 50 ans et le risque augmente ensuite avec l’âge.

Il est plus fréquent chez l’homme que chez la femme (2 à 3 hommes pour 1 femme).

A – Diagnostic positif :

1- Interrogatoire :

  • Il doit rechercher des facteurs de risque connus pour favoriser l’apparition d’un cancer gastrique : antécédent familial de cancer (gastrique ou autre tumeur solide), antécédent personnel d’ulcère gastrique traité médicalement, d’achlorhydrie, de maladie de Ménétrier, de polypes gastriques, ou encore de gastrectomie ancienne pour ulcère (rôle carcinogène du reflux biliaire).

Le plus souvent, aucun de ces facteurs de risque n’est retrouvé, car le terrain sur lequel surviennent ces cancers, constitué par la gastrite atrophique et l’infection à Helicobacter pylori, n’occasionne aucune symptomatologie particulière.

  • Les signes fonctionnels : il faut rechercher les 2 symptômes classiques que sont la douleur épigastrique et la perte de poids.

La douleur abdominale est le plus souvent épigastrique, à type de brûlure ou de pesanteur : elle peut être rythmée par les repas et donc évocatrice d’un ulcère, ou alors constante et atypique.

Parfois, il s’agit simplement de dyspepsies (nausées, ballonnements, satiété précoce) peu spécifiques.

La perte de poids est fréquente (60 à 80 % des cas), et son importance est souvent corrélée à la taille de la tumeur.

Elle s’associe à une altération de l’état général, une asthénie, une anorexie.

Les autres symptômes sont plus rares.

Ils peuvent être liés à un saignement de la tumeur : celui-ci se manifeste sous la forme de melæna, et plus rarement d’hématémèse.

L’anémie microcytaire et sidéropénique est un mode de révélation fréquent.

Enfin, les symptômes orificiels s’observent lorsque la tumeur est située aux 2 pôles de l’estomac : dysphagies évocatrices des localisations cardiales ou sous-cardiales, ou encore vomissements, plutôt en faveur des localisations prépyloriques.

2- Signes physiques d’examen :

L’examen clinique est le plus souvent normal.

Une anomalie détectable au cours de l’examen clinique traduit une lésion évoluée ou déjà des métastases à distance.

Il peut s’agir :

– d’une masse épigastrique dure, irrégulière, sensible, plus ou moins fixée ;

– de nodules pariétaux de carcinose péritonéale, également retrouvés au toucher rectal ;

– d’une ascite néoplasique (matité des flancs, signe du flot) ;

– d’une hépatomégalie en cas de métastases hépatiques ;

– d’un ganglion de Troisier sus-claviculaire gauche, témoin de métastases lymphatiques à distance.

3- Diagnostic de certitude :

Quel que soit le motif de consultation, la simple évocation du diagnostic doit faire réaliser une endoscopie digestive haute.

Cette endoscopie (gastroscopie) permet d’obtenir la preuve diagnostique par la pratique de biopsies.

Elle peut être réalisée sous anesthésie générale ou après simple sédation.

L’examen direct intragastrique au tube souple et en rétrovision permet de détecter toute anomalie suspecte.

Le siège de la lésion doit être indiqué (face ou bords de l’estomac), son aspect macroscopique, sa taille, ainsi que la distance par rapport au cardia et au pylore.

Il est convenu, selon la classification endoscopique de la société japonaise d’endoscopie, de distinguer les formes superficielles des formes invasives.

  • L’adénocarcinome superficiel n’atteint que la muqueuse.

Il peut être de 3 types :

– type I : exophytique, polypoïde ;

– type II : il altère à peine le relief muqueux, et on en décrit 3 sous-types : légèrement saillant (IIA), rigoureusement plan avec seulement un aspect dépoli localisé ou un simple changement de coloration (IIB), ou érodé (IIC), sous la forme d’érosions uniques ou multiples en carte de géographie ;

– type III : l’ulcérocancer, qui peut simuler un ulcère bénin, c’est pourquoi la recherche des signes en faveur de la malignité doit être méthodique devant tout ulcère gastrique.

  • L’adénocarcinome invasif pose à l’endoscopiste moins de problèmes diagnostiques.

Il peut se présenter sous 3 formes :

– forme nodulaire : il s’agit d’une lésion saillante de surface irrégulière, saignant facilement au contact de la pince, parfois centrée par une ulcération ;

– forme ulcérovégétante et infiltrante en « lobe d’oreille », la plus fréquente : l’ulcère est souvent surélevé par rapport à la muqueuse de voisinage, et entouré d’un bourrelet irrégulier et dur ;

– forme infiltrante : elle correspond à la linite gastrique, qui atteint souvent la quasi-totalité de la poche gastrique, et qui est parfois difficile à mettre en évidence : la muqueuse est simplement épaissie (l’infiltration est essentiellement sous-muqueuse), avec un aspect en marches d’escalier plus ou moins visible entre les zones anormales et les zones saines.

À un stade évolué, l’estomac a un aspect rigide, indilatable, totalement figé, immobile, parsemé de placards blancs jaunâtres ou d’ulcérations.

Les biopsies doivent être nombreuses (7 à 12), sur l’ensemble de la lésion et en particulier à sa périphérie (zone rigide), ou encore profondes, sous-muqueuses, lorsque l’aspect évoque une linite ou un lymphome.

Ces biopsies apportent la preuve nécessaire à la prise en charge thérapeutique et doivent permettre de caractériser le type de cancer.

B – Diagnostic anatomopathologique :

Le rôle de l’anatomopathologiste dans le cancer de l’estomac est différent suivant l’étape de la prise en charge du malade.

Au moment du diagnostic endoscopique de la maladie, il doit chercher à faire le diagnostic le plus précis possible et ne pas méconnaître un stade superficiel.

La dysplasie représente un véritable état précancéreux qu’il faut dépister.

Au décours de l’intervention chirurgicale, l’étude de la pièce opératoire doit permettre d’apporter des éléments de pronostic et de guider les traitements complémentaires.

1- Au stade préthérapeutique (analyse des biopsies) :

  • La dysplasie est la lésion précancéreuse et la filiation dysplasie-cancer est admise.

Il s’agit d’une anomalie acquise et durable du renouvellement tissulaire associant, à des degrés divers, des atypies cellulaires, des anomalies de la différenciation (avec en particulier une diminution de la mucosécrétion), et des modifications de l’organisation architecturale de la muqueuse gastrique.

Ces lésions s’opposent aux aspects régénératifs par leur intensité, leur dysharmonie, et leur persistance dans le temps.

Il est actuellement convenu de reconnaître que la découverte d’une dysplasie sur une biopsie de muqueuse gastrique doit être considérée comme un marqueur de cancer, le plus souvent superficiel.

Elle doit aboutir à une cartographie complète de la muqueuse avant une intervention chirurgicale qui est pratiquement toujours nécessaire.

Le développement des techniques de biologie moléculaire (anomalie du contenu en ADN, oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur, étude du gène p53) permettra une analyse pronostique plus précise dans le futur, mais ces techniques n’ont pas encore leur place en pratique courante.

  • La métaplasie intestinale est un état stable marqué par la transformation de l’épithélium gastrique en un épithélium de type intestinal, avec apparition de cellules caliciformes.

L’association fréquente de cette lésion au cancer de l’estomac a fait évoquer le possible caractère précancéreux de la métaplasie intestinale.

Cependant, à l’inverse de la dysplasie, il est impossible de préciser si la métaplasie intestinale représente une lésion précancéreuse, ou simplement une lésion péricancéreuse, observée en même temps que le cancer de l’estomac et peutêtre secondaire aux mêmes facteurs cancérigènes.

  • Les formes histologiques de l’adénocarcinome : les formes « typiques » d’adénocarcinome sont faites de tubes étroits, de lobules et de travées, isolés ou associés, à cellules cubiques, basophiles ou claires et spumeuses, avec des inclusions mucipares, entourées d’un stroma d’abondance très variable.

On distingue les adénocarcinomes bien différenciés, moyennement différenciés, ou peu différenciés.

Les formes « atypiques » sont faites de cellules isolées ou en plages sans aucune tendance au groupement glandulaire, souvent mucosécrétantes : dans ce cas, une grosse vacuole rejette le noyau en périphérie donnant l’aspect de « bague à chaton », forme histologique habituelle de la linite gastrique.

Dans la forme pseudo-histiocytaire, plusieurs petites vacuoles occupent le cytoplasme.

Parfois, les cellules peuvent être dépourvues de mucosécrétion, basophiles, anaplasiques, difficiles à distinguer des éléments d’un lymphome malin.

Le stroma est souvent abondant, fibreux, plus rarement mucoïde.

Des études récentes ont montré que le mode d’extension, le taux de récidives et la survie des patients atteints de cancers gastriques étaient étroitement corrélés au contenu en mucus du cancer (pronostic d’autant plus sombre que la sécrétion de mucus est importante).

2- Après exérèse chirurgicale :

Lorsque la gastrectomie a été réalisée, l’étude de la pièce opératoire doit comporter une description macroscopique (type de gastrectomie, type de tumeur, présence ou non d’adénopathie suspecte, les distances de sécurité par rapport aux tranches de section), ainsi qu’une description microscopique.

Le type d’adénocarcinome, le degré de différenciation, l’extension en profondeur (atteinte ou non de la séreuse), l’extension latérale, l’extension à distance, l’examen microscopique des tranches de section et des adénopathies prélevées (par groupe).

L’ensemble de l’analyse anatomopathologique permet ensuite d’établir le stade de la maladie.

De nombreuses classifications ont été proposées, basées soit sur des critères histocytologiques descriptifs, soit sur des critères de mode d’extension, donc d’évolutivité.

La classification de l’Organisation mondiale de la santé distingue les adénocarcinomes papillaires, tubulés, mucineux et à cellules indépendantes en bague à chaton (forme histologique de la linite gastrique).

Pour chacune de ces formes, le degré de différenciation doit être précisé.

La classification de Lauren avec variante de Mulligan distingue la forme intestinale (adénocarcinome papillaire ou tubulé, bien différencié, bien limité) et la forme diffuse de plus mauvais pronostic (tumeur à cellules indépendantes mucosécrétantes, mal limitée).

Enfin, la classification de Goseki est la plus récente et répartit les adénocarcinomes en 4 groupes basés sur la sécrétion de mucus, facteur de mauvais pronostic, et prédictif du mode d’extension :

– cancers tubulaires pauvres en mucus ;

– cancers tubulaires riches en mucus ;

– cancers peu différenciés pauvres en mucus ;

– cancers peu différenciés riches en mucus.

C – Diagnostic différentiel :

1- Ulcère gastrique bénin :

Le diagnostic différentiel principal est l’ulcère gastrique bénin.

Le plus souvent, seule l’absence de cellules suspectes sur les biopsies multiples réalisées au cours de l’endoscopie permet d’écarter le diagnostic de cancer gastrique.

En effet, on connaît la possibilité de cancer ulcériforme, et la dégénérescence possible des ulcères gastriques.

Aussi, si les biopsies sont négatives, l’ulcère doit être traité médicalement dans un premier temps, et un contrôle endoscopique avec de nouvelles biopsies doit être effectué pour confirmer la nature bénigne de la lésion.

Une exérèse chirurgicale doit être proposée en cas de non-amélioration sous traitement médical ou en cas de doute sur la nature histologique de la lésion (présence d’atypies cellulaires).

2- Autres tumeurs malignes de l’estomac :

Elle sont reconnues sur leur aspect endoscopique et surtout histologique.

  • Les lymphomes gastriques peuvent se présenter sous de multiples aspects (associations de plusieurs ulcérations, de plusieurs tumeurs plus ou moins visibles modifiant peu le revêtement superficiel muqueux) et donner de ce fait un aspect de compression extrinsèque.

Une hypertrophie des plis muqueux, parfois monstrueuse, pouvant évoquer une maladie de Ménétrier, ou encore un aspect enraidi, rigide sous la pince, évoquant une linite adénocarcinomateuse, peut également se rencontrer.

  • Les carcinoïdes gastriques sont souvent multiples, de petite taille, de couleur rouge, le plus souvent au niveau du fundus, ils surviennent sur une gastrite atrophique avec ou sans anémie de Biermer.
  • Les léiomyosarcomes et schwannosarcomes sont des tumeurs solitaires volontiers volumineuses et hémorragiques se développant en « iceberg ».

L’aspect est celui de nodules sous-muqueux, ulcérés au sommet. Les biopsies superficielles sont habituellement négatives.

  • Le sarcome de Kaposi se présente sous la forme de plages érythémateuses ou de nodule, unique ou multiple.

Une ombilication centrale ou une ulcération est habituelle. Les biopsies peuvent entraîner une hémorragie.

  • Les métastases gastriques : l’aspect endoscopique est habituellement celui de nodules sous-muqueux avec ulcère central parfois très creusant.

Ces métastases peuvent être dues à une extension à distance d’un mélanome, d’un cancer du sein, du pancréas, des bronches ou du côlon.

3- Tumeurs des organes de voisinage (pancréas ou plus rarement côlon) :

Elles peuvent envahir la lumière gastrique et prendre l’aspect d’un cancer gastrique.

4- Tumeurs bénignes :

Les lipomes et les angiomes ne sont pas des lésions précancéreuses à l’inverse de certains polypes qui peuvent dégénérer.

Les léiomyomes et les schwannomes, à développement souvent exogastrique, parfois volumineux, peuvent évoluer vers la malignité.

D – Diagnostic de résection :

Le seul traitement curatif du cancer de l’estomac étant chirurgical, sa découverte impose de réaliser un inventaire d’extension locorégionale et à distance pour évaluer les possibilités ou l’utilité d’une résection, et la nature curative ou palliative de celle-ci.

En pratique, ce bilan va objectiver une dissémination métastatique dans 30 % des cas, et permettre d’envisager une résection chez la moitié des patients.

Celle-ci ne sera à visée curative que dans 50 % des cas.

C’est l’histoire naturelle de la maladie qui dicte les examens à inclure dans cet inventaire.

1- Bilan d’extension locorégionale :

  • La tomodensitométrie abdominale avec opacification gastrique par produit de contraste hydrosoluble permet d’objectiver l’épaississement pariétal, l’infiltration tissulaire de voisinage, les extensions vasculaires artérielles ou veineuses, la présence d’adénopathies pathologiques (coeliaques en particulier).

L’injection artérielle de bolus de produit de contraste permet d’étudier plus précisément les viscères adjacents (pancréas, rate), et dans le même temps le parenchyme hépatique.

Enfin, une carcinose péritonéale accompagnée ou non d’ascite peut être détectée.

  • L’échoendoscopie est une méthode plus récente qui consiste à introduire une sonde d’échographie miniaturisée à l’intérieur des cavités digestives.

L’intérêt de cette méthode est d’une part d’obtenir une analyse très fine du degré d’extension intrapariétale du cancer (cas des cancers superficiels), et d’autre part d’étudier des structures directement en contact avec l’estomac, en particulier les structures lymphatiques [T et N de la classification TNM (tumor node metastasis)].

Progressivement, cette technique s’est imposée comme la technique la plus sensible et la plus spécifique pour apprécier l’extension locorégionale du cancer.

  • Le transit oesogastroduodénal n’a théoriquement plus sa place dans le bilan préopératoire sauf lorsque la lésion est située à proximité de l’oesophage (choix de la technique chirurgicale).

Cependant, de nombreux chirurgiens prescrivent cet examen avant l’intervention de façon à visualiser la lésion et sa topographie exacte, permettant de guider le geste chirurgical.

2- Bilan d’extension à distance :

L’échographie abdominale est l’examen le plus sensible pour détecter des métastases hépatiques.

Une radiographie du thorax de face, éventuellement complétée d’un scanner thoracique recherchera la présence de métastases pulmonaires.

Scanner cérébral, radiographie ou scintigraphie osseuses, seront effectués en cas de signes cliniques orientant vers une extension à distance.

Un bilan biologique doit être réalisé.

Il inclut le dosage des enzymes hépatiques (gammaglutamyl-transpeptidase, phosphatases alcalines, transaminases et bilirubine totale), parfois perturbé avant l’apparition échographique des métastases, et les marqueurs tumoraux (ACE et C19.9).

Ceux-ci ne sont pas spécifiques du cancer de l’estomac.

S’ils sont élevés, ils traduisent souvent une tumeur évoluée et serviront de base à la surveillance ultérieure.

3- Stades de la tumeur :

La classification histopronostique évaluant le degré d’extension la plus employée est la classification TNM.

Elle ne tient pas compte du type de différenciation ou des caractéristiques architecturales, mais elle permet d’apprécier le degré d’extension exacte de la maladie à travers les différentes couches histologiques, ainsi que le degré précis de dissémination lymphatique et à distance.

Elle peut être établie en préopératoire sur les données de l’échoendoscopie (usTNM) associées aux données du bilan d’extension à distance, ou après exérèse de la pièce.

Le classement par stades issu de cette classification a un grand intérêt pronostique.

Ces classifications préopératoires sont souvent bien corrélées aux classifications établies à partir de la pièce opératoire.

E – Diagnostic d’opérabilité :

Le risque opératoire doit être évalué puisque tout patient porteur d’un cancer gastrique doit être a priori proposé pour une exérèse chirurgicale.

Cette évaluation repose sur l’analyse des antécédents, de l’état cardiorespiratoire (électrocardiogramme, radiographie thoracique), rénal, métabolique et nutritionnel (recherche d’un diabète).

Elle permet une classification selon l’ASA (American Society of Anesthesiology).

Évolution du cancer gastrique :

La connaissance de l’évolution locorégionale et à distance du cancer gastrique justifie l’inventaire paraclinique réalisé au moment du diagnostic.

C’est lui qui permet d’établir un stade tumoral, et donc un pronostic, et de dicter les choix thérapeutiques.

Histoire naturelle du cancer gastrique :

1- Envahissement par contiguïté :

  • L’extension verticale se fait de proche en proche par la muqueuse, mais aussi la sous-muqueuse, pouvant envahir l’oesophage dans les formes proximales, ou le duodénum dans les formes distales.
  • L’extension transversale peut se faire vers la lumière digestive (responsable de sténoses) mais également à travers les différents plans de la paroi.

En dehors du cas particulier du cancer superficiel de l’estomac, l’envahissement transpariétal du carcinome gastrique est précoce.

L’extension locorégionale se fait très rapidement aux organes de voisinage (pancréas, côlon, foie, vésicule).

2- Envahissement lymphatique :

Les métastases ganglionnaires sont précoces : les ganglions régionaux sont d’abord envahis dans le territoire de drainage tumoral ou alors de façon diffuse d’emblée. Plus tard, l’extension se fait aux ganglions des chaînes abdominales, parapancréatiques, lombo-aortiques, du hile hépatique et péri-oesophagiennes.

L’adénopathie sus-claviculaire gauche de Troisier peut être révélatrice, et équivaut à l’existence d’une métastase à distance.

3- Dissémination péritonéale :

Les diffusions péritonéales du cancer de l’estomac sont fréquentes et donnent le plus souvent une carcinose péritonéale accompagnée d’une ascite néoplasique.

La diffusion métastatique vers l’ovaire (tumeur de Krukenberg) peut être précoce, uni- ou bilatérale, et peut être également expliquée par une diffusion par voie sanguine.

4- Diffusion par voie sanguine :

Les cellules tumorales peuvent migrer par voie sanguine et se développer dans tous les organes.

Les sites préférentiellement atteints sont par ordre décroissant de fréquence le foie, les poumons, les surrénales, les ovaires, les os, la thyroïde et la peau.

L’histoire naturelle du cancer de l’estomac permet de comprendre son évolution et ses complications.

Non traitée, la tumeur progresse dans la lumière gastrique, s’ulcère, expliquant ainsi les sténoses et les hémorragies digestives.

L’extension locorégionale, péritonéale et à distance est responsable des décès par cachexie néoplasique, occlusion par carcinose péritonéale, et par l’évolution propre des métastases.

Après chirurgie d’exérèse, les décès sont dus aux récidives locales après gastrectomie partielle (rares), mais surtout aux récidives régionales ganglionnaires et péritonéales et aux métastases à distance.

Principes du traitement du cancer gastrique :

A – Chirurgie :

1- Chirurgie curative :

La chirurgie d’exérèse constitue la base du traitement des cancers de l’estomac.

Elle associe une gastroduodénectomie et un curage ganglionnaire.

L’exérèse curative vise à ne laisser en place aucun résidu tumoral.

Ce temps d’exérèse est suivi du rétablissement de la continuité digestive.

  • L’exérèse gastrique comprend la résection du premier duodénum et d’une partie de l’estomac dont l’étendue dépend :

– de la topographie de la tumeur : si une gastrectomie totale est nécessaire pour les tumeurs du fundus et du corps de l’estomac, une gastrectomie partielle est en théorie suffisante pour les cancers de l’antre.

On peut ainsi définir plusieurs types de gastrectomie en fonction de la conservation d’une portion plus ou moins importante d’estomac proximal.

Vers le bas, par contre, une extension au duodénum à travers le pylore est possible pour les tumeurs distales et impose donc une duodénectomie associée.

En pratique, et compte tenu des curages ganglionnaires nécessaires, le choix se pose entre gastrectomie totale et gastrectomie subtotale.

Cette dernière laisse en place un petit moignon gastrique, autorisant une anastomose moins soumise au risque de fistule que les anastomoses oesophagiennes, et un meilleur résultat fonctionnel ;

– du type macroscopique : les linites gastriques, même localisées, doivent être traitées par gastrectomie totale en raison du risque majeur d’infiltration sousmuqueuse ;

– du type histologique : pour les tumeurs bien différenciées, une marge de sécurité de 4 cm est suffisante alors qu’elle doit être de 8 cm pour les tumeurs peu différenciées.

Pour les cancers superficiels et les lésions présentant des cellules en bague à chaton, la multifocalité est fréquente et peut justifier une gastrectomie totale ;

– du curage ganglionnaire que l’on veut réaliser : en effet, celui-ci nécessite de lier les vaisseaux à leur origine, pouvant ainsi compromettre la vitalité d’un moignon gastrique laissé en place.

Aussi, en étendant la radicalité du curage, il peut être nécessaire de réaliser une gastrectomie totale, alors que celle-ci ne serait pas justifiée au plan strictement carcinologique.

  • En cas d’envahissement par contiguïté aux organes de voisinage (pancréas, côlon, foie, surrénales), le traitement à visée curative peut encore être envi¸sagé, mais il se fera au prix d’une exérèse pluriviscérale.
  • L’exérèse lymphatique ou lymphadénectomie : le cancer de l’estomac est lymphophile, avec 2 grands courants de drainage lymphatique : l’un droit, dit gastrohépato- colo-entérique, l’autre gauche, appelé gastrospléno-colique.

Les auteurs japonais ont défini 16 groupes de drainage lymphatique.

Ces voies de drainage ont été réparties en 3 groupes anatomiques, de façon à standardiser le type d’exérèse lymphatique défini par la lettre R (pour radicalité) ou D (pour dissection).

Ainsi, le groupe R1 (ou D1) rassemble les ganglions périgastriques, le groupe R2 (ou D2) les ganglions de la trifurcation coeliaque et le groupe R3 (ou D3) les ganglions distaux.

En fonction de la localisation de la tumeur, les différents sites à réséquer sont différents pour obtenir une radicalité équivalente.

La logique carcinologi¸que est de réaliser une lymphadénectomie la plus étendue possible, et de réséquer l’ensemble des ganglions potentiellement atteints.

Cette attitude permet de bien apprécier l’étendue de la maladie, et même d’améliorer le pronostic carcinologique, mais au prix d’une augmentation de la morbidité et de la mortalité postopératoire.

En pratique, la majorité des équipes réalisent en routine un curage de radicalité R2.

La splénectomie, et la pancréatectomie associée nécessaire au curage des relais 10 et 11, sont d’un taux élevé de complications et ne doivent être réalisées que par nécessité.

  • Le rétablissement de la continuité digestive : les techniques de reconstruction digestive sont nombreuses et le mode de rétablissement de la continuité digestive dépend des habitudes de l’opérateur.

Après une gastrectomie partielle, le rétablissement peut se faire de 2 façons : soit par une anastomose gastroduodénale de type Billroth I (appelé Péan en pays francophone), soit par une anastomose gastrojéjunale (Billroth II).

Dans ce cas, si l’anastomose s’effectue sur toute la tranche de gastrectomie, il s’agit d’une anastomose de type Polya, et si l’anastomose s’effectue sur une partie de la tranche, il s’agit d’une anastomose de type Finsterer.

C’est ce dernier mode de rétablissement qui est en général utilisé, du fait de sa constante faisabilité, de sa fiabilité, de ses bons résultats fonctionnels mais aussi carcinologiques (risque d’envahissement de la suture par une récidive en cas d’anastomose gastroduodénale).

Après une gastrectomie totale, le rétablissement de continuité s’effectue le plus souvent par une anse jéjunale exclue en Y (montage selon Roux), avec une anastomose oesojéjunale au sommet de l’anse montée, et une anastomose au pied de l’anse pour rétablir le circuit biliopancréatique.

D’autres procédés (anse en oméga, interposition d’une anse jéjunale entre l’oesophage et le duodénum) ont été décrits mais sont rarement utilisés.

  • Résultats de la chirurgie curative : la mortalité postopératoire en situation curative est basse, comprise entre 3 et 8 %.

Des complications non mortelles surviennent chez environ 25 % des patients.

Les taux de survie à 5 ans sont variables selon les séries, et meilleurs dans les études asiatiques. En Occident, ils sont de 40 à 45 % en cas d’exérèse curative.

2- Chirurgie palliative :

Un certain nombre de patients présentant des tumeurs évoluées au plan locorégional ou général, ne peuvent bénéficier d’une exérèse curative, mais doivent néanmoins être opérés, pour améliorer leur confort de survie et lutter contre les symptômes (douleurs, hémorragies, syndrome orificiel ou compression).

Les résections gastriques palliatives sont justifiées si l’état général des patients le permet.

Elles ne diffèrent pas des exérèses curatives, mais le curage extensif n’apporte aucun bénéfice, et les meilleurs résultats de la gastrectomie partielle doivent le faire préférer à la gastrectomie totale, même si les marges de sécurité requises ne sont pas respectées.

Les dérivations digestives (ou gastro-entéro-anastomoses) ne se conçoivent que pour des tumeurs distales, sténosantes et non résécables.

Elles doivent être mises en balance avec les procédés endoscopiques d’intubation transtumorale par prothèses auto-expansives, geste moins invasif et réalisable aussi pour des tumeurs proximales.

Les résultats de la chirurgie palliative sont meilleurs pour les résections par rapport aux dérivations.

La mortalité postopératoire est importante, de 15 à 30 % selon les séries, avec une durée moyenne de survie de 15 mois pour les résections et de 5 mois pour les dérivations.

B – Traitements associés à la chirurgie :

La radiothérapie peropératoire requiert une infrastructure lourde.

Elle semble augmenter les taux de survie, sans augmentation des taux de complications postopératoires.

La chimiothérapie hyperthermie intrapéritonéale, associant la perfusion in situ de produits cytotoxiques, dont l’efficacité est augmentée par la chaleur, est également difficile à mettre en oeuvre en routine.

Elle est indiquée en cas de carcinose péritonéale micronodulaire, ou pour prévenir l’apparition de celle-ci en cas de tumeur à haut risque de récidive (lésions atteignant le séreuse).

C – Traitements médicaux :

Les cancers gastriques sont chimio-sensibles.

Cependant, après une gastrectomie curative, aucune étude n’a encore montré que cette chimiothérapie, le plus souvent polychimiothérapie basée sur l’association du 5-fluoro-uracile et du cisplatine, permettait d’améliorer la survie des patients opérés.

En situation néo-adjuvante, ce traitement est prometteur, puisqu’il permet des résections à visée curative pour tumeurs initialement évoluées, sans augmentation de la mortalité et de la morbidité.

En situation métastatique, la chimiothérapie retarde l’apparition des symptômes, améliore la qualité de vie, mais le bénéfice sur la durée de vie reste faible (allongement médian d’environ 6 mois).

Conclusion :

Si le cancer de l’estomac est en décroissance régulière, son pronostic n’en demeure pas moins redoutable.

Le traitement est quasi exclusivement chirurgical.

L’amélioration du pronostic ne peut passer que par un diagnostic précoce, soulignant l’intérêt d’un dépistage, et l’association de la chirurgie à d’autres traitements pour les stades invasifs.

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