Calcinoses, ossifications et lésions cartilagineuses cutanées

0
3537

Calcinoses, ossifications et lésions cartilagineuses cutanées
Introduction :

Les calcifications ou calcinoses cutanées correspondent à des dépôts dans la peau de cristaux d’hydroxyapatite.

L’ossification y fait parfois suite au cours de l’évolution, mais le plus souvent ossification et calcinose se distinguent l’une de l’autre.

Les calcifications cutanées sont des masses anhistes, mal organisées, dures, situées le plus souvent dans le derme ou l’hypoderme.

Au contraire, les ossifications sont un tissu très organisé, dur, formé de lamelles concentriques comme le véritable os haversien, pourvu de cellules (ostéoblastes et ostéoclastes) et parfois même de moelle osseuse.

La radiographie montre dans les deux cas une structure très radio-opaque et ne permet pas de les distinguer. Seul l’examen histopathologique permet un diagnostic précis.

Enfin, on peut trouver du cartilage dans la peau dans diverses situations, le plus souvent en raison de l’extension dans la peau d’une lésion squelettique.

Calcinoses cutanées :

Beaucoup des classifications habituelles sont confuses, en particulier les termes de « métastatique » ou « métabolique ».

Nous proposons une classification simplifiée, fondée sur le mécanisme supposé.

– calcinoses secondaires à des altérations tissulaires locales ou à la pénétration de sels de calcium dans la peau ;

– calcinoses secondaires à une anomalie du métabolisme phosphocalcique ;

– calcinoses apparemment primitives. Le diagnostic positif des calcinoses repose sur l’aspect dur et blanc jaunâtre des lésions, qu’il s’agisse de papules, de nodules ou de plaques infiltrées, qui ont tendance à s’éliminer à travers l’épiderme.

La nature calcique est confirmée par la radiographie. Dans de nombreux cas, on peut découvrir diverses lésions calcifiées à l’examen histologique.

La coloration de von Kossa permet d’identifier ce matériel très dur, résistant parfois au microtome, lors de la réalisation de coupes histologiques.

Il faut alors utiliser des techniques de décalcification avant de pouvoir sectionner le bloc.

A – CALCINOSES EXOGÈNES OU CONSÉCUTIVES À DES ALTÉRATIONS TISSULAIRES :

1- Calcinoses exogènes :

Lors de divers traumatismes accidentels ou médicaux, des sels de calcium ou de phosphate peuvent pénétrer dans la peau et entraîner de véritables calcifications dermiques ou hypodermiques.

Ceci a été décrit après diffusion de gluconate et de chlorure de calcium en perfusion, ou après utilisation de pâte au chlorure de calcium pour la pose d’électrodes à électroencéphalogramme.

Les mêmes lésions sont possibles chez les enfants après réalisation de potentiels évoqués auditifs.

La pénétration de sels de calcium traumatique a été décrite dans de nombreuses situations professionnelles : poudre de calcium pour le salage des routes, eau des mines, salpêtre utilisé pour fertiliser les champs, mélanges utilisés dans l’industrie du forage.

Dans toutes ces situations, on observe, quelques semaines après le traumatisme, la survenue de lésions dures, inflammatoires, d’où peut sourdre un matériel blanchâtre d’aspect crayeux.

La disposition le long d’une veine de perfusion est très évocatrice.

Ces calcinoses exogènes guérissent spontanément ou peuvent être facilement excisées à la demande.

2- Calcinoses traumatiques sans pénétration de calcium exogène :

Elles sont décrites surtout chez les nourrissons subissant de multiples ponctions des talons lors de séjours en soins intensifs pédiatriques.

Les petits nodules durs qui en résultent s’expulsent spontanément en 6 à 12 mois.

Des calcifications après injections intramusculaires sont aussi décrites, même en l’absence de calcium dans les produits injectés. Les calcifications sur plaie traumatique sont exceptionnelles.

En revanche, la calcification des cicatrices est un phénomène plus fréquent, dans les suites de brûlures, après laparotomie ou même dans des chéloïdes spontanées du tronc.

Les brûlures électriques semblent tout particulièrement induire des calcifications et la biopsie de ces lésions à la recherche de calcinose dermique a même été proposée pour faire la preuve rétrospective de tortures par courant électrique.

Il semble que toutes les réactions cutanées en rapport avec des traumatismes puissent se calcifier ; on décrit ainsi une calcification de la zone d’épaississement cutané du cou chez un violoniste, à l’endroit du contact avec le violon.

3- Calcinoses vasculaires et postinflammatoires :

La situation la plus fréquente est celle de l’insuffisance veineuse qui induit très souvent des calcifications inapparentes cliniquement.

La radiographie démontre de multiples zones radio-opaques très superficielles des jambes.

Tous les phlébolites peuvent se calcifier, en particulier dans les malformations vasculaires, ce qui peut d’ailleurs aider au diagnostic.

Ce phénomène est fréquent aussi dans les hématomes.

L’inflammation de divers tissus peut entraîner des dépôts d’hydroxyapatite, comme c’est le cas dans les foyers d’ostéomyélite chronique, dans les adénites chroniques ou dans les pavillons auriculaires après des engelures, en cas d’eczéma chronique ou de chondrites diverses.

4- Calcifications postinfectieuses :

Les plus classiques sont les calcinoses parasitaires, observées dans la cysticercose, la dracunculose, les loases, la filaire de Bancroft, les kystes hydatiques et surtout l’onchocercose.

Les onchocercomes se calcifient fréquemment avec le temps.

Il s’agit souvent de parasites s’enkystant dans la peau où ils entraînent une fibrose, formant un petit nodule contenant un ou des parasites qui y finissent leur vie.

On trouve aussi des calcifications dans la lèpre, le long des nerfs atteints.

On décrit enfin d’exceptionnelles calcifications aux sites de lésions virales, comme l’herpès ou le zona, voire sur des intertrigos.

5- Calcifications de tumeurs et de kystes :

Il s’agit là de découvertes fortuites à l’examen histopathologique.

Le cas le plus fréquent est celui du trichoépithéliome (épithélioma calcifié de Malherbe) et du pilomatricome, ce dernier étant souvent très dur cliniquement et de couleur blanc jaune.

Dans ces deux tumeurs, les plages calcifiées sont entourées de granulomes gigantocellulaires.

Des calcifications peuvent occasionnellement être observées dans les syringomes, les lipomes, les histiocytofibromes et diverses autres tumeurs bénignes.

Ceci peut aussi être le cas de tumeurs malignes, comme le carcinome basocellulaire, les liposarcomes ou des métastases cutanées.

Enfin, les kystes sont régulièrement le siège de calcifications, principalement les kystes trichilemmaux et épidermoïdes.

Un cas de calcinose cutanée diffuse a été rapporté chez un bébé atteint d’une leucémie congénitale.

Il est possible que les lésions cutanées de cette leucémie de type FAB M5 (monocytaire) aient servi de « point d’appel » pour ces calcifications.

Calcinoses des maladies systémiques

Les calcifications cutanées font souvent partie intégrante du tableau clinique des sclérodermies et des dermatomyosites.

On les trouve dans le syndrome de Thibierge Weissenbach, principalement dans les pulpes des doigts, mais aussi dans toutes les zones périarticulaires, le long de la colonne vertébrale ou de l’os iliaque.

Elles surviennent aussi bien en peau scléreuse que dans des zones apparemment saines.

Ces calcifications sont situées dans le derme et n’entraînent que peu de réactions inflammatoires locales.

Elles sont le plus souvent petites et cliniquement inapparentes, mais présentes à la radiographie dans près de 40 % des cas de sclérodermie systémique.

Il n’y a en général pas de disparition spontanée, même si certaines calcinoses peuvent s’éliminer à travers l’épiderme.

On a pu montrer que les tissus des malades sclérodermiques contiennent cinq à 20 fois plus de calcium que ceux des sujets normaux et qu’il pourrait y avoir en outre une discrète hyperparathyroïdie.

Localement, les mastocytes pourraient favoriser les calcifications.

Dans la dermatomyosite, les calcifications touchent la peau, les muscles et les tendons.

L’atteinte est beaucoup plus importante que dans la sclérodermie, surtout chez les enfants chez qui elles peuvent entraîner une impotence fonctionnelle.

On les trouve dans plus de deux tiers des cas de dermatomyosite de l’enfant et chez environ 20 % des adultes.

Les formes très graves sont appelées « calcinoses universelles », mais il existe aussi des calcinoses identiques en l’absence de dermatomyosite.

Les localisations habituelles sont les régions périarticulaires, les cuisses, les bras et le tronc.

Elles se compliquent souvent de phénomènes inflammatoires douloureux, d’élimination transcutanée, de nécroses aux points de pression et surtout de limitation de l’amplitude des mouvements des articulations.

Le traitement en est très décevant : on utilise principalement l’hydroxyde d’aluminium, les diphosphonates et la chirurgie en cas de complications.

Les calcifications cutanées peuvent être présentes dans d’autres maladies avec altérations tissulaires comme la porphyrie cutanée tardive, le lupus érythémateux et surtout le pseudoxanthome élastique (PXE).

Dans le PXE, les calcifications des fibres élastiques sont visibles au microscope et les calcifications « macroscopiques » touchent d’abord les vaisseaux.

De petites calcifications cutanées des pieds, des jambes et des bras sont décrites dans la maladie d’Ehlers- Danlos.

Les calcifications surviennent rarement au cours du lupus, surtout dans les formes systémiques, mais aussi dans les formes subaiguës.

B – CALCINOSES ASSOCIÉES À DES ANOMALIES DU MÉTABOLISME PHOSPHOCALCIQUE :

1- Hypercalcémies :

Les causes classiques que sont l’intoxication à la vitamine D et le syndrome des « buveurs de lait » ne s’accompagnent qu’exceptionnellement de calcifications cutanées, alors que les localisations viscérales sont courantes (rein, poumon, coeur), ainsi que celle de l’oeil et des muscles.

Malgré l’hypercalcémie majeure de l’hyperparathyroïdie primitive, les calcifications cutanées sont rares, probablement en raison de l’hypophosphorémie initiale.

Or on pense que c’est l’hyperphosphorémie qui est le facteur majeur de développement des calcifications, indépendamment de la calcémie.

Dans les causes diverses d’hypercalcémie comme la sarcoïdose, les phénomènes ostéolytiques, certaines maladies infectieuses comme la tuberculose ou l’histoplasmose, quelques rares cas de calcinoses cutanées sont rapportés.

2- Hyperphosphorémie et calcémie normale ou basse :

La pseudohypoparathyroïdie et la pseudo-pseudohypoparathyroïdie s’accompagnent surtout d’ossifications, plus que de calcifications véritables.

C’est dans l’hyperparathyroïdie secondaire à l’insuffisance rénale que se développent le plus de signes cutanés liés aux calcinoses.

Dans cette situation en effet, le défaut de synthèse rénal de la vitamine D entraîne une hypocalcémie et une hyperphosphorémie, qui sont à l’origine d’une hyperparathyroïdie secondaire.

Ceci se traduit par une résorption osseuse, qui permet une normalisation de la calcémie mais aggrave l’hyperphosphorémie.

Il faut en plus de ces anomalies métaboliques divers facteurs locaux, qui permettront la cristallisation de l’hydroxyapatite.

Ce phénomène a été qualifié depuis les expériences de Selye de « calciphylaxie ».

Les expressions cliniques de ces anomalies sont multiples :

– les nécroses cutanées des membres associées à des calcifications artérielles ; ce tableau associe un livedo nécrotique douloureux des jambes à des placards escarrotiques et des nécroses parfois mutilantes.

Les tableaux s’observent chez les malades dialysés souvent mal contrôlés ; on trouve de multiples calcifications des artérioles de la peau.

Le pronostic est mauvais et les lésions cutanées ne régressent habituellement pas spontanément, l’ensemble pouvant entraîner le décès assez fréquemment.

Le traitement de choix est la parathyroïdectomie précoce ; dans de rares cas, une dialyse pauvre en calcium a pu améliorer les lésions ; un déficit en protéine S ou en protéine C préexistant pourrait favoriser ces lésions ;

– la panniculite calcifiante, qui se traduit par la survenue de nodules douloureux, nécrotiques des zones de pannicule adipeux épais ; de larges plaques de gangrène et des surinfections peuvent compliquer ce tableau caractérisé par une calcification en « cadre » des adipocytes, sans calcification artérielle.

La panniculite calcifiante peut être favorisée par des injections ou par divers traumatismes ;

– la calcinose dermique ou hypodermique, souvent appelée « calcinose métastatique », terme à bannir pour éviter les confusions.

Les lésions cutanées surviennent rarement en comparaison des calcifications vasculaires, pulmonaires et rénales ou gastriques.

On les trouve surtout dans les zones périarticulaires, ou aussi dans les plis inguinaux, les plis de flexion ou à la face antérieure des cuisses.

La normalisation de la fonction rénale ne suffit pas à guérir ces calcifications et on donne ici de l’hydroxyde d’aluminium et des régimes pauvres en phosphates.

3- Calcinose tumorale de Teuschlander ou lipocalcinogranulomatose :

Cette forme très particulière de calcinose est souvent classée à tort dans les calcinoses idiopathiques.

En fait, plusieurs études ont montré qu’il existe une hyperphosphorémie, malgré une calcémie et une fonction rénale normales ; ce phénomène est dû à une réabsorption tubulaire anormale des phosphates.

Il existe de plus une élévation fréquente de la 1-25 dihydroxyvitamine D, qui est insensible à l’élévation des phosphates.

La maladie touche deux hommes pour une femme et débute le plus souvent dans l’enfance.

Il s’agit classiquement d’une maladie à transmission récessive, mais des études récentes suggèrent plutôt une transmission en dominance à expressivité variable avec des anomalies métaboliques sans traduction clinique chez les sujets de la même famille.

La maladie se traduit par des masses pseudotumorales situées dans au moins deux localisations juxta-articulaires : autour des trochanters, des épaules, des coudes ou des genoux.

Les mains sont plus rarement atteintes.

On parle en Afrique de maladie des « hanches de pierre ».

Ces masses peuvent atteindre jusqu’à 20 cm de diamètre ; de ce fait, elles créent des compressions musculonerveuses ou peuvent être le siège de phénomènes inflammatoires douloureux aux points de pression.

On observe alors une élimination du matériel calcique à travers la peau.

L’association à des dents hypoplasiques et à une obturation des cavités pulpaires est typique de cette forme de calcinose.

La radiographie montre d’énormes masses radio-opaques arrondies, formant des conglomérats.

Histologiquement, on trouve des calcifications hypodermiques rondes à contour régulier entourées de cellules épithélioïdes.

Le traitement est chirurgical en cas de complications, mais la récidive est observée dans plus de 90 % des cas. Seuls l’hydroxyde d’aluminium ou les diphosphonates peuvent éventuellement améliorer la maladie.

C – CALCINOSES IDIOPATHIQUES :

Ce groupe de lésions correspond à des calcifications de cause inconnue ou discutée.

Il s’agit dans la majorité des cas de petites tumeurs papulonodulaires isolées ou multiples.

1- Calcinoses génitales :

La plus fréquente est la calcinose scrotale, mais il en existe des équivalents vulvaires et même péniens.

On a, depuis la description de cette entité discuté les rapports avec d’éventuels kystes épidermoïdes, certains auteurs démontrant des résidus kystiques, d’autres au contraire montrant des images de dizaines de calcinoses scrotales sans aucun argument en faveur de l’origine kystique.

On a aussi suggéré une origine sudorale. Les lésions sont des nodules durs et jaunes, au nombre de 1 à 20, qui sont enchâssés dans la peau du scrotum.

L’image histologique est très particulière : autour d’une grande masse calcique dermique se développe une large zone granulomateuse faite de macrophages et de cellules géantes.

L’excision en est facile.

De la même façon qu’au scrotum, il existe des calcifications apparemment idiopathiques des grandes lèvres.

Ces cas sont décrits chez des adultes, mais semblent pouvoir débuter tôt dans la vie.

La discussion reste la même qu’au scrotum, car les kystes épidermoïdes des grandes lèvres sont fréquents.

Il existe enfin de rares formes de calcifications idiopathiques du pénis.

Les calcifications mammaires ne sont en général pas dermatologiques et sont découvertes lors de bilans mammographiques.

Des calcifications idiopathiques de l’aréole mammaire sont toutefois exceptionnellement rapportées.

2- Calcinome de Winer :

Il s’agit d’une petite lésion dure, jaune, isolée, congénitale ou apparaissant dans la petite enfance et localisée préférentiellement à la tête et au cou, puis aux extrémités.

Contrairement à la calcinose scrotale, il s’agit de multiples petits éléments calcifiés dermiques superficiels entourés de fibrose, mais presque sans réaction inflammatoire.

3- Calcinoses idiopathiques des extrémités :

Diverses dénominations ont été utilisées pour décrire des lésions somme toute assez voisines : calcinosis circumscripta, calculs cutanés, nodules calcifiés sous-épidermique.

On trouve en effet des calcifications multiples prédominant aux mains et aux pieds, sans sclérodermie associée.

Plusieurs publications ont montré l’existence de ces calcifications dans la trisomie 21.

4- Calcinoses idiopathiques étendues :

On parle souvent de calcinosis universalis, terme qui prête à confusion car il est utilisé pour désigner les lésions de la dermatomyosite.

Il existe toutefois d’authentiques calcinoses diffuses sans sclérodermie, touchant la peau, les tendons, les aponévroses, qui se rapprochent de la « myosite ossifiante » des enfants, maladie gravissime quant à son pronostic fonctionnel.

On trouve, comme dans toutes les grandes calcinoses, des complications non spécifiques liées aux compressions ou aux réactions inflammatoires aux points de pression.

D – TRAITEMENT DES CALCINOSES :

Il n’existe pas le plus souvent de traitement médical réellement efficace de toutes les grandes calcinoses.

On fait appel en général aux régimes alimentaires, à l’hydroxyde d’aluminium, aux diphosphonates ou à la corticothérapie.

La warfarine a parfois été essayée.

Pour toutes les lésions localisées ou compliquées, la chirurgie est indiquée en première intention.

La corticothérapie locale injectable est efficace dans certains cas.

L’étidronate de sodium (10 mg/kg/j) a pu améliorer certaines calcinoses des sclérodermies, mais son utilisation dans la dermatomyosite ou les calcinoses universelles est décevante.

Le traitement le plus utilisé est l’hydroxyde d’aluminium (chélateur des phosphates) à la dose de 2 g/j, pendant de très longues durées.

Quelques cas d’enfants atteints de dermatomyosite répondant bien à ce traitement ont été publiés, mais on sait que la résolution spontanée est possible.

Ce produit est souvent prescrit à titre préventif chez les insuffisants rénaux, mais son utilisation est limitée par le risque d’encéphalopathies.

Les régimes pauvres en calcium et/ou en phosphates n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans les formes étendues des calcinoses.

Tous les autres traitements peuvent être considérés comme symptomatiques : colchicine 1 mg/j en cas de phénomènes inflammatoires, injections intralésionnelles ou sous-lésionnelles de corticoïdes.

La corticothérapie générale est souvent tentée dans les calcinoses universelles de toutes causes, mais elle est souvent inefficace.

Au contraire, il faut insister sur la nécessité d’utiliser la corticothérapie dans la dermatomyosite de l’enfant avant l’apparition des calcifications.

Dans l’insuffisance rénale, le traitement des manifestations de « calciphylaxie » fait appel avant tout à la parathyroïdectomie.

Un succès spectaculaire a pu être obtenu avec des dialyses pauvres en calcium.

Ossifications et ostéomes :

Il existe deux types d’ossification : l’ossification mésenchymateuse (chez l’embryon) dans laquelle les cellules mésenchymateuses se différencient en ostéoblastes et sécrètent l’ostéoïde, et l’ossification enchondrale utilisant un précurseur cartilagineux (os longs).

Il existe des phénomènes d’ossification hétérotopique en dehors du squelette, qui peuvent être de type mésenchymateux ou enchondral.

L’os peut naître dans divers tissus conjonctifs ou épithéliaux après certaines stimulations (anoxie tissulaire, facteurs de croissance, protéines morphogéniques de l’os ou BMP).

Comme pour les calcinoses, on peut schématiquement distinguer des ostéomes primitifs et des ossifications secondaires.

A – OSTÉOMES PRIMITIFS DE LA PEAU (OSTEOMA CUTIS) :

L’ostéome solitaire est un nodule dur de 2 à 3 cm, opaque aux rayons X, situé surtout sur le cuir chevelu, mais toutes les localisations sont décrites.

Il s’agit souvent d’une lésion congénitale, pouvant être confondue avec le calcinome de Winer en raison des localisations communes et de leur caractère dur.

Il peut exister aussi une extrusion de matériel dur à travers la surface si la lésion s’ulcère.

L’excision est curative et permet de visualiser à l’examen histopathologique une formation osseuse parfaitement limitée, souvent pourvue d’une cavité médullaire au sein de laquelle on peut trouver une moelle avec des cellules hématopoïétiques.

Outre la forme classique, il existe des ostéomes en plaques du nourrisson. Ces ostéomes en plaques sont aussi souvent localisés au front.

Certains peuvent être de très grande taille ; ils sont aussi localisés au cuir chevelu ou, plus rarement, sur les membres et le tronc.

Les critères de diagnostic sont l’absence de lésion tissulaire préalable, un métabolisme normal et le caractère congénital de la plaque.

L’histologie est identique à celle des ostéomes nodulaires.

Il faut les distinguer des ostéomes en plaques secondaires dans l’insuffisance veineuse ou dans les morphées.

Par analogie, on décrit d’exceptionnels ostéosarcomes primitifs de la peau qui n’ont aucune connexion avec le squelette.

B – OSTÉOMES CUTANÉS PRIMITIFS MULTIPLES :

Il en existe tout d’abord une forme miliaire localisée au visage appelée parfois « maladie d’Arzt » par les auteurs allemands.

Le visage est couvert de minuscules papules jaunâtre très dures, au nombre de 10 à 100.

Ces lésions surviennent hors de tout contexte d’acné, principalement chez des femmes d’âge mûr.

Le seconde forme est disséminée à l’ensemble des téguments, regroupant diverses entités hétérogènes d’ostéomes disséminés, parfois congénitaux.

On décrit même de rares formes familiales autosomiques dominantes. Il s’agit d’ostéomes sans rapport avec la maladie d’Albright, laquelle doit toujours être évoquée.

Ces lésions sont parfois associées à des malformations diverses qui ont en commun des anomalies de l’os squelettique ; ceci pourrait suggérer une anomalie du développement osseux embryonnaire.

C – OSTÉOMES SECONDAIRES :

1- Ostéonævus de Nanta et autres tumeurs ossifiées :

L’ostéonævus est découvert plus souvent de façon fortuite à l’examen histopathologique (1 à 2 % de la totalité des nævus) .

Ils sont exceptionnels dans l’enfance et surviennent en général après 40 ans.

On décrit parfois une dureté inhabituelle du nævus. Le nævus composé ou intradermique est associé à une ou quelques formations osseuses rondes bien limitées, séparées les unes des autres, sous les thèques næviques.

Ces ostéomes miniatures suivent parfois le trajet d’un follicule, ce qui suggère qu’ils sont secondaires à des phénomènes de folliculite.

La présence de petits foyers d’ossification est rapportée dans le nævus bleu, le nævus de Spitz et le mélanome. Diverses autres tumeurs peuvent s’accompagner d’ossification : les carcinomes basocellulaires tout d’abord, les trichoépithéliomes, le fibrome et le fibroxanthome atypique, les hémangiomes, etc.

Les tumeurs les plus fréquemment ossifiées sont le pilomatricome (10 à 20 % des cas) et le syringome chondroïde, dont le stroma cartilagineux peut facilement s’ossifier.

De la même façon, les kystes épidermoïdes et trichilemmaux peuvent s’ossifier.

L’ossification des carcinomes basocellulaires est parfois si massive que seules certaines zones à la périphérie permettent l’identification de la tumeur.

Dans certains cas, l’ossification du carcinome peut être la conséquence d’interventions incomplètes (curetage, électrocoagulation) ou d’injections intralésionnelles d’interféron.

2- Lésions inflammatoires :

Les ostéomes postacnéiques doivent être distingués de l’ostéomatose miliaire idiopathique de la face.

Ils font suite à des folliculites chroniques du visage et du dos, et sont décrits surtout chez les femmes.

Certains peuvent même être de coloration bleue en cas de traitement à la minocycline.

Cliniquement, on voit quelques papules dures, parfois légèrement pigmentées.

On trouve beaucoup plus fréquemment une ossification cutanée dans l’insuffisance veineuse, mais qui n’a pas de traduction clinique ; elle est au contraire très bien visible aux clichés radiologiques.

Les cicatrices peuvent s’ossifier, et ce phénomène semble encore plus fréquent que celui de la simple calcification.

Histologiquement, on trouve des formations osseuses irrégulières et spiculées au sein de la cicatrice.

Il peut s’agir de cicatrices chirurgicales ou de points d’injection veineuses.

Enfin, on trouve des ossifications de plaques de morphées, de lupus érythémateux chronique ou dans d’autres maladies systémiques.

D – OSTÉOMES DU SYNDROME D’ALBRIGHT :

Les signes cutanés de cette maladie sont représentés par les ostéomes multiples apparaissant dès la plus jeune enfance ou présents à la naissance.

Ils sont souvent mieux palpés que visibles et leur dureté est caractéristique.

On les trouve aux zones exposées aux traumatismes, au cuir chevelu et aux extrémités.

Certains s’ulcèrent et des fragments osseux s’éliminent à travers la peau.

Ils sont présents dans près de la moitié des cas de syndrome d’Albright.

Les autres anomalies caractéristiques sont la petite taille et le faciès arrondi, le cou court, une bradymétacarpie touchant le quatrième métacarpien, une bradymétatarsie et d’autres anomalies squelettiques.

Il existe fréquemment un retard mental, un hypogonadisme, une hypothyroïdie et une cataracte.

La transmission semble autosomique dominante, mais une hétérogénéité génétique est très probable.

La physiopathologie de la maladie permet de distinguer deux situations :

– la pseudohypoparathyroïdie, avec hypocalcémie et hyperphosphorémie, associées à un taux élevé de parathormone en raison d’une résistance périphérique à cette hormone ;

– la pseudo-pseudohypoparathyroïdie, où le bilan hormonal et phosphocalcique est normal ; dans cette deuxième situation, il existe un déficit en protéine G, qui est nécessaire à l’activation de l’adénylcyclase par la parathormone.

E – DIVERS :

Des fragments osseux peuvent s’éliminer à travers les téguments dans les ostéomyélites chroniques.

On trouve à l’examen histologique des séquestres osseux, entourés d’un infiltrat dense et parfois colonisés par de nombreuses bactéries.

La peau peut aussi être le siège de métastases de sarcomes ostéogéniques, qui reproduisent un tissu plus ou moins différencié, rappelant la structure osseuse classique.

Enfin, l’os peut arriver directement dans le derme dans les exostoses, qui sont parfois biopsiées avant d’en avoir fait le diagnostic clinique ou radiologique, quand la zone d’attache à la phalange est très mince.

F – TRAITEMENT :

Il n’y a aucun traitement spécifique de ces lésions assez hétérogènes.

La chirurgie est évidemment indiquée en première intention pour toutes les lésions gênantes.

Le tissu osseux étant aussi fait d’hydroxyapatite, l’hydroxyde d’aluminium et les diphosphonates ont été utilisés dans les ostéomatoses disséminées, mais ne sont pas efficaces.

Quand il existe une hypocalcémie dans le syndrome d’Albright, elle doit être corrigée en raison du risque de cataracte (calcium et vitamine D).

Dans l’ostéomatose faciale, on peut donner de la trétinoïne à 0,05 % ou extraire les ostéomes par de petites incisions au scalpel, ou par dermabrasion.

Le laser YAG : erbium peut donner aussi de bons résultats, alors que d’autres auteurs préconisent le curetage associé au laser CO2.

Tumeurs et lésions cartilagineuses :

Il existe trois types de cartilage :

– le cartilage hyalin dans les articulations, la cloison nasale et le larynx ;

– le cartilage élastique plus flexible du pavillon de l’oreille, de l’épiglotte et de la trompe d’Eustache ;

– le fibrocartilage très dur des disques intervértébraux, des capsules articulaires, des tendons et des ligaments.

A – TUMEURS CUTANÉES CARTILAGINEUSES BÉNIGNES OU CHONDROMES :

Elles sont rares.

La plupart des chondromes cutanés sont localisés aux mains (95 %), surtout aux doigts, mais aussi aux orteils.

Beaucoup plus exceptionnels sont les chondromes de la muqueuse buccale, de la langue ou du nasopharynx.

Certains sont découverts dans les muscles ou les tendons.

Les chondromes cutanés sont des tumeurs dures, indolores, de taille inférieure à 3 cm, touchant les adultes entre 30 et 60 ans.

Ils sont moins radio-opaques que les ostéomes, sauf quand ils sont calcifiés.

Le signe radiologique typique est une masse des parties molles parsemée de microcalcifications.

Histologiquement, la tumeur est bien circonscrite, faite de cartilage hyalin immature.

On y trouve des chondrocytes à cytoplasme éosinophile et petit noyau central typiquement entouré d’une zone optiquement vide.

La matrice extracellulaire est riche en mucines bien colorées par la quadrichromie ou le bleu Alcian.

Des calcifications sont possibles, de même qu’une réaction inflammatoire granulomateuse.

Une récidive après excision est notée dans environ 15 % des cas.

B – CHONDROSARCOMES DES PARTIES MOLLES :

On est ici à la limite de la dermatologie, mais il existe de véritables chondrosarcomes sans lien avec les os sous-jacents et qui envahissent donc la peau en surface.

Ils représentent moins de 2 % des sarcomes des parties molles et sont donc très rares.

Il en existe deux types : le chondrosarcome myxoïde et le chondrosarcome mésenchymateux.

La forme myxoïde (cellules rondes et allongées au sein d’une abondante matrice extracellulaire myxoïde) survient chez des adultes d’âge moyen (40 à 70 ans), principalement aux fesses, aux épaules et aux extrémités.

Leur croissance est lente et se fait dans la partie profonde de l’hypoderme et dans le muscle sous-jacent.

L’imagerie met en évidence une tumeur des parties molles parsemée de petites calcifications.

L’évolution est plutôt favorable par rapport aux chondrosarcomes osseux, les métastases survenant dans environ 15 % des cas.

La forme mésenchymateuse touche de jeunes adultes, surtout au cou et au visage.

Les métastases sont beaucoup plus fréquentes.

C – TUMEURS CARTILAGINEUSES NAISSANT DE L’OS :

1- Enchondromes :

Ce sont des tumeurs intraosseuses bénignes, qui déforment l’os et sont donc visibles sous la peau.

Dans la forme solitaire, on observe une déformation des phalanges des doigts, qui peut entraîner une paronychie chronique.

Il en existe aussi aux pieds.

Cette tumeur, observée chez les adultes autour de la quarantaine, est en général indolore.

L’apparition de douleurs doit faire suspecter une transformation maligne.

Radiologiquement, on voit une tumeur intraosseuse, avec érosions et calcifications, qui peut entraîner des fractures pathologiques.

Il faut un examen histologique pour une identification formelle : le cartilage hyalin y est facilement identifiable, entouré d’os lamellaire qui est en contact avec l’hypoderme.

Les enchondromes multiples sont présents dans deux syndromes : la maladie d’Ollier et le syndrome de Maffucci.

La maladie d’Ollier est caractérisée par des enchondromes multiples des os longs qui sont responsables de fréquentes fractures pathologiques.

Les localisations aux mains et pieds sont rares, et les os longs sont le siège de masses volumineuses, palpables sous la peau.

La transformation maligne est fréquente.

Dans le syndrome de Maffucci, les enchondromes sont associés à des angiomes multiples bien connus des dermatologues.

Les mains sont déformées par de multiples hémangiomes caverneux présents dès la naissance ou se développant dans la première partie de la vie.

La partie distale des doigts est totalement déformée par ces angiomes, parfois de façon monstrueuse.

Les lésions vasculaires sont associées à des enchondromes multiples dont la transformation maligne est fréquente.

Outre ces deux types de lésions, on observe une dyschondroplasie entraînant des défauts d’ossification à divers endroits du squelette, ce qui se traduit par des déformations invalidantes et des troubles de la croissance.

La radiographie des mains montre des cavités intraosseuses et de multiples phlébolites au sein des hémangiomes, ainsi que des déformations des os longs.

L’aspect histologique des lésions vasculaires est celui d’hémangiomes caverneux classiques dermiques ou hypodermiques, dont les structures vasculaires s’accompagnent parfois d’une petite prolifération de cellules endothéliales en périphérie.

La transformation maligne en angiosarcome est possible.

Le syndrome de Maffucci s’associe de façon significative à des lymphomes, des gliomes et des tératomes ovariens.

2- Chondrome périosté :

C’est une tumeur faite de cartilage hyalin développé à la surface de l’os.

Il se localise aux os longs et parfois aux phalanges, entraînant une déformation des parties molles.

Cette tumeur cartilagineuse s’étend dans la peau mais aussi dans l’os dont elle peut rompre la corticale.

L’image histologique de la lésion cutanée est similaire à celle du chondrome.

Le diagnostic différentiel avec un chondrosarcome est parfois difficile.

3- Ostéochondrome :

Cette tumeur bénigne qui se développe par un processus d’ossification enchondrale naît du cartilage de conjugaison des os longs.

Quand elle se développe à la partie supérieure de la phalange, on parle d’exostose sous-unguéale.

Ces tumeurs voisines sont nettement séparées par certains auteurs. Plus de 80 % des exostoses sous-unguéales sont localisées au gros orteil.

Histologiquement, cette lésion est faite de cartilage fibreux très cellulaire en surface et d’os lamellaire à la partie plus profonde.

Le traitement de cette lésion douloureuse est chirurgical, mais les récidives sont notées dans 10 % des cas.

D – MALFORMATIONS :

On peut trouver du cartilage dans la peau dans les anomalies de développement des arcs branchiaux.

L’exemple le plus classique est le tragus accessoire, présent à l’avant du pavillon auriculaire.

Son aspect histologique est très facilement reconnaissable, avec de nombreux follicules rudimentaires en surface et un fragment de cartilage à la partie profonde.

Il en existe un équivalent beaucoup plus inhabituel, localisé au cou, dans le tiers inférieur du trajet du sterno-cléido-mastoïdien ou en regard du haut du sternum.

On l’appelle « restes cartilagineux congénitaux du cou », mais certains auteurs l’assimilent au tragus accessoire.

Il n’y a pas de fistule associée ni de connexion aux structures profondes, ce qui permet un traitement chirurgical simple.

E – SYRINGOME CHONDROÏDE :

Il existe une tumeur cutanée dont le stroma est cartilagineux : il s’agit du syringome chondroïde, aussi appelé tumeur mixte cutanée par les pathologistes, car il s’agit d’un équivalent des tumeurs de la parotide.

Cette tumeur bénigne se développe chez les adultes après 40 ans, à la tête ou au cou dans 90 % des cas, sous forme d’un papulonodule ferme.

Des formes malignes sont possibles.

Le stroma est riche en mucines, parfois hyalin ou constitué de véritables chondrocytes bien différenciés.

Au sein de ces zones cartilagineuses, on observe des cellules épithéliales formant des cavités, des amas arrondis ou des travées.

Le contingent épithélial est soit eccrine soit apocrine.

Le traitement en est chirurgical.

F – DIVERS :

Le cartilage de l’oreille est celui qui est le plus visible à l’examen dermatologique.

Il peut être affecté de divers troubles caractéristiques : le nodule douloureux de l’oreille, l’othématome, et le pseudokyste cartilagineux de l’oreille.

Ces cartilages peuvent se calcifier, voire s’ossifier.

Les cartilages du nez et des oreilles subissent des poussées inflammatoires au cours de la polychondrite chronique atrophiante.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.