CADASIL

0
2623

CADASIL
Introduction :

CADASIL (cerebral autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and leukoencephalopathy) est une artériolopathie cérébrale héréditaire, identifiée au sein des leucoencéphalopathies d’origine vasculaire depuis 1993.

La localisation génétique puis l’identification des mutations responsables au sein du gène Notch 3 en 1996, ont permis de préciser le phénotype clinique et l’histoire naturelle de cette nouvelle affection neurologique.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) eut un rôle clé dans la découverte de CADASIL.

C’est à partir des examens IRM réalisés de façon systématique au sein des familles concernées, que l’origine héréditaire de la maladie put être définitivement établie.

L’IRM réalisée avec des séquences « classiques » en pondération T1 et T2 révéla la présence d’anomalies diffuses du signal au sein de la substance blanche, chez 50 % des sujets descendants d’un sujet malade.

Ces résultats confirmèrent la transmission autosomique dominante et la pénétrance complète de l’affection, et permirent la localisation puis l’identification du gène responsable.

Actuellement, la fréquence de CADASIL est encore très largement sous-estimée.

La maladie a été identifiée au sein de plusieurs centaines de familles.

Elle a été retrouvée dans des familles européennes, africaines, maghrebines, américaines, indiennes, asiatiques, et sur tous les continents.

Les données cliniques, radiologiques, pathologiques et génétiques concernant cette affection, dont la meilleure connaissance devrait aboutir au démembrement du groupe des leucoencéphalopathies d’origine artériopathique, sont présentées.

Historique :

En 1955, Van Bogaert rapporta l’autopsie de deux soeurs de 37 et 47 ans appartenant à une famille originaire d’Anvers, ayant une « encéphalopathie sous-corticale progressive de Binswanger ».

Le tableau clinique associait une démence, des troubles de la marche, un syndrome pseudobulbaire, des crises d’épilepsie et des déficits neurologiques focaux régressifs.

Le père des deux patientes avait eu un accident vasculaire cérébral à l’âge de 51 ans, et était décédé 1 an plus tard d’un infarctus du myocarde. Deux autres soeurs étaient décédées respectivement à 36 et 43 ans, d’une démence progressive.

L’examen pathologique révéla des plages de raréfaction myélinique s’étendant aux fibres en U, associées à de multiples foyers de nécrose, principalement localisés dans la substance blanche et les noyaux gris.

Les lésions cérébrales attribuées à une artériolosclérose avaient déjà été observées dans une autre famille par Mutrux en 1951.

En 1977, Sourander et Walinder utilisèrent le terme de « hereditary multi-infarct dementia » pour dénommer cette affection observée dans une famille suédoise, débutant entre 29 et 38 ans par des accidents ischémiques cérébraux transitoires ou constitués, et évoluant en 10 à 15 ans vers une démence associée à un syndrome pseudobulbaire.

Ils observèrent des lésions cérébrales identiques à celles rapportées par Van Bogaert, qu’ils attribuèrent aussi à une artériolopathie cérébrale.

La paroi des artères cérébrales, d’une centaine de microns de diamètre, était en effet très épaissie, leur lumière apparaissait rétrécie en l’absence de lésions d’athérosclérose des grosses artères.

Jusqu’en 1993, plusieurs familles européennes présentant un tableau clinique identique furent décrites sous diverses appellations : « chronic familial vascular encephalopathy », « Familiäre Zerebrale Arteriosklerose », « Familiäre Zerebrale Gefäberkrankung », « hereditary multi-infarct dementia », « démence sous-corticale familiale avec leucoencéphalopathie artériopathique », « familial disorder with subcortical ischemic strokes, dementia and leukoencephalopathy », « slowly progressive familial dementia with recurrent strokes and white-matter hypodensities on CT-scan ».

Nous-mêmes (MGB) suivions depuis 1976 un patient alors âgé de 50 ans qui avait eu plusieurs accidents ischémiques d’allure lacunaire, et qui avait une hypodensité étendue de la substance blanche au scanner X.

Fait remarquable, il n’avait aucun facteur de risque vasculaire, et notamment pas d’hypertension artérielle. Le caractère familial de l’affection nous échappa, jusqu’à ce que 8 ans plus tard, la fille du patient, alors âgée de 36 ans, vint nous voir avec une histoire de migraine avec aura, d’accidents ischémiques transitoires et d’un premier accident ischémique constitué.

Son scanner X puis son IRM montrèrent, en moins sévère, les mêmes lésions que celles de son père.

C’est alors que débuta l’étude systématique de la totalité de leur très grande famille originaire de Loire-Atlantique.

Les données en furent présentées successivement comme « recurrent strokes in a family with diffuse white-matter and muscular lipidosis – a new mitochondrial cytopathy », comme « autosomal dominant syndrome with stroke-like episodes and leukoencephalopathy », puis comme « autosomal dominant leukoencephalopathy and subcortical ischemic strokes ».

En raison de la multiplicité des appellations proposées par nousmêmes et par les autres, il nous sembla important, lors de la publication de la localisation du gène de la maladie sur le chromosome 19, de trouver un acronyme rappelant les caractéristiques essentielles de cette affection ; la transmission autosomique dominante, l’atteinte des artères cérébrales, les infarctus sous-corticaux et les lésions de la substance blanche.

C’est ainsi que naquit CADASIL, acronyme depuis lors communément adopté par la communauté scientifique.

Depuis 1993, l’histoire de CADASIL s’est accélérée, avec actuellement plusieurs centaines de familles identifiées, d’abord en Europe, puis plus récemment en Afrique, Asie et Amérique.

En 1996, le gène de CADASIL a été identifié, ouvrant de nouvelles perspectives à la fois sur le plan de la compréhension des mécanismes physiopathologiques et sur le plan diagnostique.

Phénotype clinique :

Après la localisation du gène de la maladie en 1993, l’étude clinique des familles liées au locus correspondant, permit de préciser l’histoire naturelle et le spectre clinique complet de la maladie.

A – ÂGE DE DÉBUT. DURÉE DE LA MALADIE :

CADASIL est une maladie de l’adulte d’âge moyen.

L’âge moyen de début des manifestations cliniques est d’environ 37 ans.

Il peut varier de 4 à 68 ans selon les séries, principalement en raison de la prise en compte ou non de la migraine comme symptôme inaugural de la maladie.

Le début des manifestations ischémiques peut aussi varier considérablement entre les patients, parfois au sein d’une même famille.

L’âge de début ne semble pas différer selon le sexe.

Si l’on tient compte des deux plus fréquentes manifestations de la maladie, les accidents ischémiques cérébraux et la démence, l’âge de début ne varie pas en fonction des générations.

La durée de la maladie varie entre 10 et 30 ans.

L’âge moyen de décès est d’environ 65 ans, avec des variations de 30 à 80 ans au sein des familles affectées.

B – MIGRAINE AVEC AURA :

Les symptômes les plus précoces de la maladie sont les crises de migraine avec aura répondant à tous les critères diagnostiques de l’International Headache Society (1988).

Malgré leur fréquence quatre fois plus élevée que dans la population générale, elles sont inconstantes, puisqu’elles ne sont observées que chez 20 à 30 % des sujets symptomatiques.

Elles apparaissent en moyenne à l’âge de 28 ± 11 ans. Les premières crises peuvent survenir avant l’âge de 20 ans, donc avant l’âge habituel d’apparition des lésions IRM.

Elles n’ont pas été rapportées dans les premières familles au sein desquelles seuls les membres les plus âgés et sévèrement atteints avaient été étudiés.

Leur fréquence varie considérablement entre les familles.

Aucun des membres de la famille de Sabbadini et al n’avait eu de crises de migraine avec aura.

À l’inverse, dans 40 % d’entre elles, plus de 60 % des patients ont souffert de crises de migraine avec aura.

Au sein de certaines de ces familles, les crises de migraine peuvent même constituer l’essentiel du tableau clinique. Ainsi, dans une famille française, six des sept membres symptomatiques n’avaient souffert que de crises de migraine avec aura.

La fréquence des crises varie considérablement d’un sujet à l’autre, allant d’une seule crise au total à plusieurs crises par mois (Chabriat et al, 1995).

Comme dans toute migraine avec aura, les symptômes visuels et/ou sensitifs prédominent, mais il existe néanmoins une fréquence inhabituelle de formes rares d’auras basilaires, hémiplégiques ou prolongées.

Certains patients ont présenté des crises associées à une confusion, un syndrome méningé ou de la fièvre, exceptionnellement rapportés au cours des crises de migraine.

C – ACCIDENTS ISCHÉMIQUES CÉRÉBRAUX :

Les accidents ischémiques cérébraux sont les manifestations les plus fréquentes de la maladie.

Environ deux tiers des sujets symptomatiques ont eu un accident ischémique transitoire ou constitué. Ils surviennent en moyenne à 42 ans, avec des extrêmes de 20 à 65 ans.

Il s’agit pour les deux tiers d’entre eux de syndromes lacunaires classiques : déficit moteur pur ou déficit sensitif isolé d’un hémicorps, hémiparésie ataxique, dysarthrie-main malhabile.

D’autres déficits neurologiques d’installation brutale sont moins fréquemment observés : dysarthrie avec ou sans déficit sensitif ou moteur, ataxie isolée, aphasie non fluente, hémianopsie latérale homonyme.

Ces manifestations peuvent, elles aussi, être secondaires à des infarctus lacunaires.

Elles sont isolées dans 40 % des cas, en particulier au début de la maladie, mais le plus souvent, elle apparaissent associées aux autres signes de la maladie, tels les troubles de l’humeur ou la démence.

Le déficit neurologique s’installe dans certains cas sur plusieurs heures.

Certains déficits neurologiques focaux surviennent brutalement, associés à des céphalées.

Lorsqu’ils sont transitoires, le diagnostic différentiel avec des crises de migraine avec aura peut être difficile.

Les accidents ischémiques cérébraux surviennent habituellement en l’absence de tout facteur de risque vasculaire.

Cependant, ils ont été aussi observés chez des patients ayant un ou plusieurs facteurs de risque vasculaires, tels que le tabagisme et l’hypertension artérielle.

En raison du faible nombre de patients et de l’absence d’étude prospective, il n’est pas encore possible de préciser si ces facteurs modifient le phénotype clinique ou IRM de la maladie.

D – COMITIALITÉ :

Environ 10 % des patients ont une ou plusieurs crises comitiales.

L’âge moyen d’apparition de l’épilepsie est de 50 ans.

Il s’agit de crises épileptiques partielles, partielles secondairement généralisées ou généralisées, survenant le plus souvent après l’apparition d’accidents ischémiques constitués ou d’une démence.

Dichgans et al rapportent une aggravation clinique après la survenue d’épisodes critiques chez six sur 10 patients ayant présenté des crises épileptiques.

E – TROUBLES DE L’HUMEUR :

Environ 20 % des patients symptomatiques ont présenté des troubles sévères de l’humeur.

Ils apparaissent le plus souvent après la quarantaine, le plus souvent en présence d’une altération cognitive débutante ou sévère.

Comme pour la migraine, leur fréquence est variable selon les familles.

Il s’agit habituellement de manifestations transitoires, le plus souvent d’épisodes dépressifs graves pouvant répondre aux critères diagnostiques de la mélancolie.

Chez certains patients, ces manifestations sont de longue durée, et peuvent alterner avec des épisodes d’allure maniaque parfois responsables d’une agitation psychomotrice.

Le diagnostic de psychose maniacodépressive (critères DSMIII-R, 1988) avait été évoqué à plusieurs reprises chez quelques sujets atteints de la maladie avant l’étude IRM.

Les troubles de l’humeur sont rarement inauguraux. Ils peuvent rendre alors le diagnostic très difficile.

Le début de telles manifestations à 40 ans chez un patient sans antécédent psychiatrique, leur association avec une altération cognitive débutante, et surtout la présence d’antécédents vasculaires ou de démence dans la famille, doivent alors conduire à évoquer le diagnostic de CADASIL et à proposer une imagerie cérébrale.

Dans notre expérience, ces troubles de l’humeur sont souvent résistants aux thérapeutiques médicamenteuses, mais se sont parfois améliorés après sismothérapie.

L’origine de ces manifestations psychiatriques n’est pas déterminée avec précision.

Les lésions ischémiques au niveau des noyaux gris centraux ou au sein de la substance blanche frontale jouent probablement un rôle dans leur déterminisme.

F – DÉFICIT COGNITIF ET DÉMENCE :

La démence est, par ordre de fréquence, la seconde manifestation de la maladie présente chez un tiers environ de l’ensemble des sujets symptomatiques.

La localisation des lésions cérébrales dans CADASIL rend compte du caractère « sous-cortical » de l’altération cognitive. Le tableau démentiel, d’évolution progressive ou par à-coups, est dominé par les troubles de l’attention, l’apragmatisme et/ou l’apathie, et par les troubles de la mémoire.

L’aphasie, l’apraxie et l’agnosie sont rares ou observées très tardivement.

Le déficit cognitif peut être discret au début de la maladie, et n’apparaître qu’avec une batterie de tests neuropsychologiques.

L’évaluation de sujets asymptomatiques peut cependant rester normale plusieurs années, malgré la présence de lésions importantes à l’IRM.

Dans notre expérience, des tests comme le Wisconsin ou le trail making test sont les plus sensibles pour détecter une altération cognitive débutante au cours de la maladie.

Ils peuvent montrer un déficit cognitif dès l’âge de 35 ans.

Le déficit cognitif peut soit apparaître brutalement et s’aggraver par paliers après chaque accident ischémique cérébral, soit progresser régulièrement en l’absence de tout épisode vasculaire comme dans une affection dégénérative.

Lorsque la démence est apparente, en moyenne à l’âge de 60 ans, elle est observée en l’absence de toute autre manifestation clinique dans seulement un cas sur 10.

Le plus souvent, d’autres symptômes de la maladie sont déja apparus (crises de migraine avec aura, accidents ischémiques cérébraux).

Le syndrome démentiel est toujours associé à des signes pyramidaux, un syndrome pseudobulbaire, des troubles de la marche et/ou une incontinence urinaire.

Il évolue progressivement vers un état grabataire, le patient meurt alors des complications de l’alitement et/ou d’infections pulmonaires secondaires aux troubles de la déglutition.

Dans l’observation de Baudrimont et al, une patiente décède après la survenue d’un hématome intracérébral profond.

La démence est observée dans plus de 90 % des cas avant le décès qui survient en moyenne à l’âge de 65 ans, avec des extrêmes de 30 à 77 ans.

Le syndrome démentiel est plus ou moins précoce et/ou sévère pour les membres d’une même famille.

Les causes de ces variations phénotypiques sont encore incomplètement déterminées.

La localisation variable et la sévérité des lésions ultrastructurales du tissu cérébral joueraient un rôle déterminant dans l’origine du déficit cognitif.

Une étude réalisée en tomographie par émission de positons chez deux frères atteints, l’un asymptomatique, l’autre dément, ayant tous deux une leucoencéphalopathie comparable en IRM, avait montré la présence d’une dépression métabolique corticale seulement chez le sujet dément, celui qui avait les lésions les plus sévères au sein des noyaux gris.

Les études récentes avec l’imagerie de diffusion ont montré que les lésions microstructurales de la substance blanche pouvaient aussi être à l’origine du déficit cognitif dans CADASIL.

L’étude de Hédéra et al suggère qu’une démence progressive et tardive peut apparaître au cours de la maladie en raison de la destruction progressive de la substance blanche, et que des lésions ischémiques au sein des noyaux gris pourraient accélérer le déclin cognitif chez certains individus.

G – HANDICAP FONCTIONNEL :

Des difficultés motrices, des troubles de la marche et de l’équilibre, un syndrome pseudobulbaire sont fréquemment associés au déficit cognitif lors de l’évolution de la maladie.

Dans la série de Dichgans et al, un déficit fonctionnel manifeste (scores de Rankin 2 et 3) était présent chez 25 % des patients entre 40 et 45 ans, chez 53 % de ceux âgés entre 45 à 55 ans. Un patient sur trois entre 55 et 65 ans ne peut plus marcher sans aide, deux sur trois après 65 ans.

Un patient sur quatre âgé de plus de 60 ans est alité, grabataire et totalement dépendant.

H – HISTOIRE NATURELLE :

Après une phase présymptomatique plus ou moins longue au cours de laquelle l’IRM est anormale entre 20 et 30 ans, la maladie débute, en moyenne chez un patient sur cinq, par des crises de migraine avec aura vers l’âge de 30 à 40 ans.

Les accidents ischémiques cérébraux sous-corticaux, présents chez trois patients sur cinq, surviennent en moyenne entre 40 et 50 ans.

Ils sont parfois associés à des troubles de l’humeur.

La démence apparaît plus tardivement entre 50 et 60 ans ; elle est quasi constante avant le décès des patients, survenant en moyenne à l’âge moyen de 65 ans, après une évolution moyenne de 20 ans.

Imagerie :

L’IRM cérébrale est essentielle au diagnostic.

Elle est toujours anormale chez les sujets symptomatiques. Une phase plus ou moins longue au cours de laquelle l’imagerie cérébrale est anormale précède l’apparition des symptômes.

Les lésions observées en IRM sont présentes chez des sujets asymptomatiques à partir de l’âge de 20 ans.

Après 35 ans, un très grand nombre de sujets porteurs du gène de la maladie ont une IRM anormale.

L’étude IRM des sujets asymptomatiques au sein des familles a ainsi permis d’augmenter le nombre de sujets informatifs, et a facilité l’étude génétique de la maladie.

La pénétrance de l’affection apparaît en effet complète, si l’on tient compte des résultats de l’imagerie cérébrale entre 30 et 40 ans.

À l’inverse, bien que la proportion des sujets symptomatiques augmente progressivement avec l’âge parmi les membres de la famille atteints, la maladie peut rester « muette » sur le plan clinique au-delà de 60 ans chez quelques patients.

L’IRM montre en T1 des hyposignaux punctiformes ou nodulaires des noyaux gris et dans la substance blanche, en T2 des hypersignaux punctiformes au même niveau, et souvent des plages confluentes au sein de la substance blanche.

Les anomalies du signal sont plus ou moins sévères.

Elles augmentent considérablement avec l’âge du patient.

Chez les sujets de moins de 40 ans, les hypersignaux en séquences pondérées T2 sont souvent punctiformes ou nodulaires, à distribution symétrique, et prédominent dans les régions périventriculaires et les centres semi-ovales.

Chez les sujets plus âgés, elles sont diffuses et peuvent concerner toute la substance blanche jusqu’au cortex cérébral.

Les scores lésionnels augmentent significativement avec l’âge au niveau de la substance blanche périventriculaire, de la substance blanche à distance des ventricules, des noyaux gris et du tronc cérébral.

Les hypersignaux périventriculaires frontaux et occipitaux sont constants lorque l’IRM est anormale.

On peut remarquer la fréquence des lésions de la capsule externe (deux tiers des cas) et de la substance blanche des lobes temporaux.

L’équipe de Dichgans et al a comparé la distribution des lésions du tissu cérébral, entre des patients souffrant de CADASIL et des patients ayant une leucoencéphalopathie artériolaire en rapport avec des facteurs de risque vasculaire.

Ces auteurs ont montré que les anomalies de signal observées au niveau des lobes temporaux, et l’étendue plus importante des hypersignaux T2 dans les régions frontales antérieures, permettaient de distinguer les patients atteints de CADASIL.

Au niveau du tronc cérébral, les lésions concernent principalement la protubérance et les pédoncules.

Le bulbe est le plus souvent épargné. Les lésions corticales ou cérébelleuses sont exceptionnelles.

Elles ont été observées seulement dans deux cas après l’âge de 60 ans.

Le scanner cérébral peut aussi mettre en évidence les lésions de la substance blanche et des noyaux gris, mais est moins sensible que l’IRM cérébrale.

Oberstein et al ont récemment rapporté des microsaignements chez un patient sur trois, à l’aide d’une séquence en écho de gradient.

Ces microsaignements sont plus fréquents avec l’âge.

Leur signification en terme pronostique reste indéterminée, puisque les hémorragies cérébrales symptomatiques sont rarement observées dans CADASIL.

De nouvelles méthodes d’IRM ont été récemment utilisées pour explorer la physiopathologie de CADASIL.

L’imagerie de perfusion a permis de montrer une réduction majeure du volume sanguin cérébral et du débit sanguin cérébral au sein de la substance blanche pathologique, et dans une moindre mesure au sein de la substance blanche d’apparence normale sur les séquences T1 et T2.

Chabriat et al ont montré qu’il existait des anomalies de la réserve hémodynamique et de la réactivité vasculaire avec l’acétazolamide au sein de la substance blanche pathologique, évoquant une réduction de la compliance et/ou de la capacitance totale du réseau capillaire au cours de la maladie.

La réduction de la réactivité vasculaire observée dans CADASIL a été confirmée par une équipe allemande avec le doppler transcrânien et l’inhalation de CO2.

Les études avec l’imagerie de diffusion ont montré par ailleurs qu’il existait au sein de la substance blanche anormale une augmentation considérable de la mobilité des molécules d’eau, et une disparition de l’orientation des mouvements de l’eau le long des fibres axonales.

Ces résultats, en rapport avec des modifications microstructurales du tissu cérébral, permettent de proposer une quantification « in vivo » de la perte axonale et de la démyélinisation dans CADASIL.

Les résultats obtenus avec l’imagerie de diffusion sont corroborés par des données obtenues avec d’autres techniques d’IRM.

Ces techniques très sensibles montrent toutes des modifications importantes du tissu cérébral, en dehors des hypersignaux habituellement détectés sur les séquences pondérées en T2.

Plus récemment, Molko et al ont montré que des anomalies microstructurales précoces pouvaient être détectées avec l’imagerie du tenseur de diffusion au sein des noyaux gris.

Ces anomalies tissulaires pourraient être en partie liées à des phénomènes dégénératifs secondaires aux lésions ischémiques focales apparues au niveau du tissu cérébral.

De tels processus survenant après l’apparition de lésions ischémiques pourraient rendre compte du déclin cognitif et moteur progressif observé chez certains patients au stade tardif de la maladie.

La quantification de la diffusion de l’eau pourrait être utilisée pour évaluer la destruction progressive du tissu cérébral, observée au stade tardif de la maladie.

Récemment, une méthode simple et globale de quantification de la diffusion moyenne de l’eau a été utilisée, dans le suivi de 14 patients ayant un CADASIL.

Les résultats obtenus montrent des modifications très significatives au niveau du tissu cérébral, en dehors de toute nouvelle manifestation clinique ou aggravation du handicap fonctionnel.

Ces techniques seront utiles dans les futurs essais thérapeutiques, et pourront être utilisées comme des marqueurs intermédiaires.

L’IRM médullaire ne montre pas d’anomalies de signal dans CADASIL.

Seules des anomalies évocatrices d’une dégénérescence wallérienne secondaire aux lésions de la substance blanche ont été rapportées chez 25 patients avec la technique de transfert de magnétisation.

Autres examens complémentaires :

L’examen échodoppler des vaisseaux du cou et transcrânien, et l’échographie cardiaque, sont habituellement normaux.

L’angiographie cérébrale réalisée chez 14 patients appartenant à sept familles atteintes est normale, sauf dans un cas où des rétrécissements de certaines artères intracérébrales de petit calibre ont été retrouvés.

Une aggravation clinique a été rapportée dans plusieurs cas après cet examen.

La recherche d’anomalies biologiques ou tissulaires en faveur d’une maladie mitochondriale, réalisée dans les premières familles, a toujours été négative ; Mas, 1992 #382].

L’examen du liquide céphalorachidien a montré dans de rares cas un aspect oligoclonal et une discrète pléiocytose, mais il est le plus souvent normal.

Une augmentation du facteur B du complément a été rapportée par Unlu et al chez trois patients.

L’électromyogramme est toujours normal.

La présence d’une immunoglobuline monoclonale dans deux cas rapportés par Tournier-Lasserve et al n’a pas été observée dans d’autres familles.

La biopsie musculaire avait montré une discrète lipidose (non spécifique) chez des patients de la première famille française. Récemment, l’étude en microscopie électronique des vaisseaux de la peau et des muscles a révélé des anomalies ultrastructurales de la paroi vasculaire.

Pathologie :

L’examen macroscopique de patients décédés de la maladie révèle principalement une pâleur et une raréfaction étendue de la myéline hémisphérique, respectant plus ou moins les fibres en U souscorticales.

Ces lésions prédominent dans les régions périventriculaires et les centres semi-ovales.

Elles sont associées à des lacunes de diamètre supérieur à 200 µm au sein de la substance blanche et des noyaux gris (noyaux lenticulaires, thalamus, noyaux caudés) centraux.

Les lésions hémisphériques sont d’autant plus sévères qu’elles sont profondes.

Dans le tronc cérébral, elles prédominent nettement au sein de la protubérance.

Il s’agit d’une démyélinisation semblable à la raréfaction myélinique pontique d’origine ischémique décrite par Pullicino et al, associée à des infarctus centropontiques de petite taille.

L’examen macroscopique du cortex cérébral est habituellement normal.

Cependant, Ruchoux et al ont rapporté récemment la présence de microlacunes (diamètre < 200 µm) au sein du cortex cérébral, principalement à la jonction de la couche VI et de la substance blanche, au sein de l’hippocampe, des noyaux dentelés et du cortex cérébelleux chez une patiente ayant un CADASIL avec des lésions cérébrales très étendues.

L’étude microscopique montre un épaississement de la paroi des artérioles cérébrales et leptoméningées de 100 à 400 µm de diamètre, et une réduction de leur lumière.

Elle a été réalisée dans quelques cas après biopsie méningée.

Les artérioles de 40 à 70 µm peuvent apparaître plicaturées et entourées d’oedèmes.

Au sein de la paroi, la média est épaissie par un matériel éosinophilique et non amyloïde. Les cellules musculaires lisses sont déformées (aspect globoïde), peuvent contenir plusieurs noyaux, et apparaissent dégénérées.

Elles peuvent disparaître, et sont alors remplacées par une fibrose collagène.

L’endothélium est en revanche toujours respecté.

L’épaississement de la média est dû à la présence d’un matériel granulaire au contact des cellules musculaires lisses, dont l’origine reste indéterminée.

Il s’agit d’un matéeriel extracellulaire, dense en microscopie électronique, d’aspect granulaire, osmiophile.

Sa composition n’est pas encore précisée. Les colorations de la substance amyloïde et de l’élastine sont négatives.

La coloration PAS (periodic acid Shiff) est en revanche positive, en faveur de dépôts d’origine glycoprotéiques.

L’immunohistochimie montre l’absence d’immunoglobulines.

Une duplication et une fragmentation de la limitante élastique interne au sein de la paroi artérielle ont été rapportées de façon inconstante.

Ces anomalies ont été rapportées dans un seul cas en présence des lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.

Il s’agit probablement d’une association fortuite des deux affections.

Ruchoux et al ont montré que les lésions observées dans la paroi des artères cérébrales n’étaient pas limitées à ce territoire.

Le matériel osmiophile, granulaire, situé au contact des cellules musculaires lisses, est également présent dans la paroi des artères de la rate, de la thyroïde, du foie, des reins, des muscles et de la peau ainsi que dans les artères carotides, l’aorte et les artères rénales.

La présence de ce matériel au sein des artérioles cutanées ou musculaires a ainsi permis de confirmer le diagnostic de CADASIL du vivant du patient, à partir de prélèvements de peau ou de muscle.

Schroder et al ont constaté les mêmes lésions dans la biopsie d’un nerf périphérique.

Ces résultats ont conduit à proposer une biopsie cutanée (punch-biopsie) avec une étude en microscopie électronique de la paroi artérielle lorsque le diagnostic de CADASIL est suspecté.

L’immunomarquage pour détecter l’accumulation de la protéine Notch3 dans la paroi vasculaire, technique moins lourde et plus rapide, est aujourd’hui préférée pour le diagnostic.

Génétique :

L’étude qui a permis de découvrir la localisation chromosomique du gène de CADASIL a été conduite sur une très grande famille originaire de Loire-Atlantique.

L’analyse de liaison génétique était basée sur les données de la neuro-imagerie.

Les sujets asymptomatiques ayant des anomalies de la substance blanche en IRM et les malades furent considérés comme affectés.

Seuls les sujets asymptomatiques âgés de plus de 35 ans ayant une IRM normale (pénétrance complète après 35 ans avec l’imagerie cérébrale) sont considérés comme sains.

Le gène reponsable de CADASIL fut localisé sur le chromosome 19. Cette localisation fut confirmée immédiatement dans une seconde famille, puis dans un grand nombre d’autres familles.

Par une approche de clonage positionnel, Joutel et al ont pu ainsi identifié dans la région critique un nouveau gène appartenant à la famille des gènes Notch, Notch3.

Le séquençage de ce gène a mis en évidence plusieurs mutations délétères ségrégant avec le phénotype malade au sein des familles atteintes de CADASIL.

Ces résultats ont permis d’affirmer que les mutations de Notch 3 sont responsables de la maladie.

Le gène Notch3 était inconnu chez l’homme.

Des mutations de gènes homologues, Notch1 et Jagged1, localisés sur les chromosomes 9 et 20, sont en revanche impliquées dans une forme de leucémie lymphocytaire et dans une maladie du développement, le syndrome d’Allagile.

Le gène Notch3 code pour une protéine de 2 321 acides aminés comprenant une partie extracellulaire composée de domaines EGF-repeats et de trois lin-repeats associés, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire.

Les mutations responsables de la maladie sont des mutations faux-sens, toujours localisées dans la partie extracellulaire de la protéine Notch3 qui interagirait avec des ligands comprenant aussi des motifs répétés EGF (tels les protéines delta et serrate).

Toutes les mutations retrouvées dans CADASIL aboutissent à un nombre impair de cystéine dans la partie extramembranaire du gène, qui pourrait conduire à des anomalies conformationnelles de la protéine et altérer l’intéraction avec les ligands.

Joutel et al ont récemment montré que la protéine Notch 3 était exprimée exclusivement au sein des cellules musculaires lisses de la paroi vasculaire dans les tissus normaux.

Ils ont montré que cette protéine subissait normalement un clivage en deux fragments intra- et extracellulaire.

Dans CADASIL, une accumulation massive du fragment extramembranaire est observée dans la paroi des vaisseaux.

L’accumulation de ce fragment est située au voisinage du dépôt granuleux détecté en microscopie électronique au contact des cellules musculaires lisses dégénérées.

Il semble donc qu’une anomalie de drainage de la partie extramembranaire de la protéine Notch 3 à partir de la surface de la cellule musculaire lisse soit responsable de l’accumulation observée dans la paroi artériolaire dans CADASIL.

À partir de l’ensemble de ces travaux, Joutel et al ont développé un test génétique permettant la détection des mutations les plus fréquemment rencontrées au cours de CADASIL, localisées principalement dans les exons 3 et 4.

Ce test génétique est utilisé aujourd’hui en routine pour le diagnostic de CADASIL.

Un test diagnostique à partir d’anticorps anti-Notch3, révélant l’accumulation anormale de la protéine dans la paroi vasculaire à partir d’une biopsie cutanée, a été récemment proposé.

L’association de ces deux méthodes est utilisée actuellement pour le diagnostic de la maladie, lorsque la mutation responsable est inconnue au sein de la famille du patient.

Lorsque le test génétique est négatif et la biopsie positive, le screening complet du gène peut être effectué. Récemment, Joutel et al ont rapporté une mutation sporadique du gène Notch3 responsable d’un tableau typique de CADASIL.

La fréquence des mutations de novo à l’origine de la maladie est indéterminée.

Traitement :

Aucun traitement n’a été évalué aujourd’hui dans CADASIL.

Certains auteurs proposent un traitement par antiagrégant plaquettaire aux patients ayant eu des manifestations ischémiques cérébrales, en se basant sur les données de prévention des accidents ischémiques cérébraux liés à l’athérosclérose.

Nous recommandons de ne pas utiliser les anticoagulants, en raison du risque hémorragique au niveau cérébral (hémorragies intracérébrales symptomatiques rapportées dans quelques cas, et fréquence des « microbleeds » au sein du tissu cérébral), et d’éviter tous les traitements vasoconstricteurs pour traiter les crises de migraine au cours de la maladie, en raison du risque « ischémique » potentiel de ces molécules.

La prise en charge médicale et psychologique du patient et de sa famille est cruciale dans cette pathologie dès l’annonce du diagnostic.

Une association pour le soutien aux familles participe à l’amélioration de la prise en charge médicale et sociale des malades concernés : CADASIL (siège social : service de neurologie, hôpital Lariboisière).

La prise en charge médicale des patients doit être réalisée dans des structures multidisciplinaires et spécialisées. Le développement récent de modéles animaux et la meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie nous permettent d’espérer, dans un avenir proche, des développements prometteurs dans le domaine thérapeutique.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.