Manifestations buccopharyngées des dermatoses (Suite)

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Première partie

Pathologie de l’immunité et des autres mécanismes de défense :

Manifestations buccopharyngées des dermatoses (Suite)Parmi les troubles de l’immunité de type cellulaire, on retiendra la « candidose cutanéomuqueuse chronique », terme regroupant un groupe hétérogène d’affections, familiales ou sporadiques, secondaires à des anomalies au niveau des lymphocytes T, affections dont la caractéristique commune est la présence de candidoses superficielles chroniques et résistantes au niveau de la peau, des ongles, des muqueuses buccales, pharyngées et vaginales pouvant être associées à des retards d’éruption dentaire ou une dysplasie de l’émail et des racines dentaires ou à un épaississement de la lamina dura.

Le syndrome de Wiskott-Aldrich, récessif lié au chromosome X, est dû lui aussi à des anomalies des lymphocytes T et B et à des anomalies des plaquettes.

Il se caractérise par des infections répétitives et sévères, notamment candidosiques ou herpétiques (virus varicelle-zoster, virus de l’herpès simplex) au niveau de la cavité buccale.

Des pétéchies purpuriques sont parfois retrouvées au niveau du palais.

Le syndrome de déficit immunitaire combiné (DICS), récessif autosomique ou lié au chromosome X, peut également être sporadique.

Il est aussi lié à des altérations des lymphocytes T et B ou de leurs précurseurs communs.

En bouche et dans l’oropharynx, les tissus adénoïdes sont pratiquement absents, et une candidose chronique se développe inévitablement, parfois dès l’âge de 6 mois, avec une extension oesophagienne et digestive possible.

Des ulcérations buccales ou linguales récidivantes peuvent être notées.

Parmi les troubles de l’immunité spécifique humorale, on retiendra l’hypogammaglobulinémie liée au chromosome X (syndrome de Bruton), où la disparition progressive des anticorps maternels chez le nourrisson entraîne dès l’âge de 5 ou 6 mois des infections répétées, des ulcérations buccales récidivantes.

De façon caractéristique, on note l’absence de réaction des tissus lymphoïdes (absence d’adénopathies ou de splénomégalie), et l’atrophie des tissus adénoïdes oropharyngés.

Le déficit sélectif en immunoglobulines A (IgA : IgA1 et IgA2) est le déficit immunitaire le plus fréquent qui, dans la majorité des cas, n’a pas de traduction clinique.

Cependant, au niveau buccal et oropharyngé, une hyperplasie amygdalienne est fréquente, tout comme les angines et les pharyngites, entraînant secondairement une respiration buccale et une hyperplasie gingivale antérosupérieure.

Des ulcérations aphtoïdes ou des petites lésions aphteuses récidivantes surviennent chez près de deux tiers des patients.

La moitié des patients présentent un herpès labial récidivant.

Les altérations des phagocytes granulocytaires impliquent les neutrophiles, les éosinophiles et les basophiles.

Sur le plan des défenses de l’organisme, seuls les déficits quantitatifs ou qualitatifs en neutrophiles s’accompagnent de manifestations cliniques cutanéomuqueuses cervicofaciales éventuellement très sévères.

Pathologie de la pigmentation cutanéomuqueuse :

Du point de vue anatomoclinique, les troubles de la pigmentation cutanéomuqueuse (muqueuses buccales surtout, parfois oropharynx) peuvent relever d’une pathologie non tumorale : ce sont les hyperpigmentations et les leucodermies.

A – Hyperpigmentations :

Elles sont subdivisées en hyperpigmentations cutanéomuqueuses par accumulation ou trouble de la répartition d’un pigment normal et en dyschromies cutanéomuqueuses dues à la présence anormale d’un pigment d’origine exogène ou endogène.

1- Hyperpigmentations cutanéomuqueuses :

Elles correspondent à une surcharge mélanique ou à un trouble de la répartition des mélanines dans la peau, les muqueuses ou les demimuqueuses.

Les hypermélanoses peuvent avoir des causes génétiques (le nævus de Ota, les lentiginoses [syndrome de Peutz-Jeghers, syndrome LEOPARD, syndrome de « lésions cutanées pigmentées-myxomes cardiaques » et lentiginose éruptive des sujets noirs], l’acanthosis nigricans, le syndrome d’Albright, l’incontinentia pigmenti), métaboliques (l’hémochromatose et les porphyries), endocriniennes (la maladie d’Addison et les mélanodermies pseudoaddisoniennes), carentielles (les déficits en folates et vitamine B12, les carences nutritionnelles), toximédicamenteuses (par des médicaments comme les antipaludéens de synthèse, la quinidine, de nombreux agents antimitotiques, l’azidothymidine, la minocycline, les phénothiazines, l’ACTH [adrenocorticotrophic hormone], et enfin l’érythème pigmenté fixe), inflammatoires (les hypermélanoses postinflammatoires représentées surtout par le lichen pigmentogène) et autres (la mastocytose, le lentigo sénile ou actinique, la maladie de Laugier ou « pigmentation mélanique lenticulaire essentielle de la muqueuse orale », la mélanose des fumeurs, et enfin la mélanose des vagabonds qui est en fait une leucomélanodermie).

2- Dyschromies cutanéomuqueuses :

Par présence anormale d’un pigment d’origine exogène ou endogène, elles sont dues à des médicaments (sels d’argent, sels d’or, bismuth, plomb, mercure, arsenic, clofazimine), à des affections comme l’alcaptonurie (ochronose) ou à des tatouages (amalgame d’argent surtout).

B – Leucodermies :

Elles correspondent à une diminution ou à une perte de la pigmentation normale de la peau et des muqueuses.

Elles ont des causes génétiques (piébaldisme, albinisme, et autres), physiques (chaleur, froid, radiations, ionisations, etc), chimiques (expositions accidentelles, professionnelles ou utilisation à des fins cosmétiques de préparations diverses contenant des agents dépigmentants), inflammatoires (hypomélanoses postinflammatoires) et autres, comme le vitiligo, le nævus à halo (nævus de Sutton) et les leucodermies non mélaniques (anémies, nævus anémique de Voerner).

C – Troubles de la pigmentation cutanéomuqueuse :

Ils peuvent également relever d’une pathologie tumorale, tumeurs bénignes (nævi mélaniques, mélanoacanthome, tumeur neuroectodermique pigmentée et mélanome de Spitz) et malignes (mélanomes malins) du système mélanocytaire, et pseudotumeurs non mélaniques.

Les mélanomes malins de la cavité buccale sont rares et à prédominance masculine.

Les localisations les plus fréquentes sont le palais, la gencive supérieure, puis la gencive inférieure, les joues, la langue.

Pathologie de la cinétique et de la différenciation cellulaires :

Le psoriasis est une dermatose (rangée parmi les affections érythématosquameuses), dont la lésion élémentaire est une macule rouge, nettement limitée, surchargée d’une épaisseur importante de squames, qui se structure de manière caractéristique en un temps relativement court.

Au niveau de la muqueuse buccale, l’affirmation du psoriasis est rare : il se présente sous forme de stries annulaires, grises ou blanc-jaune, d’un érythème diffus de la muqueuse, d’une langue « géographique » ou d’une gingivite érythémateuse ; le diagnostic ne pourra être porté que sur un parallélisme clinique avec des lésions cutanées typiques, sur une biopsie caractéristique, rare, ou sur un typage HLA.

La dyskératose folliculaire ou maladie de Darier(-White) exprime cliniquement une double lésion histologique : une dyskératose folliculaire ainsi qu’une acantholyse cellulaire.

Au niveau de la muqueuse jugale ou palatine, il est possible de trouver des plaques blanchâtres pouvant se rassembler en une nappe d’aspect leucokératosique ; parfois, il existe une langue villeuse ou une langue plicaturée dite scrotale.

Les kératodermies palmoplantaires affectent d’abord les paumes des mains et les plantes des pieds, mais peuvent aussi faire partie d’un désordre plus généralisé.

La kératodermie palmoplantaire avec parodontopathie infantile (syndrome de Papillon-Lefèvre) est une affection autosomique récessive qui débute dans les 6 premiers mois de la vie.

Cliniquement, vers la deuxième ou quatrième année de la vie, la parodontopathie se développe à peu près en même temps que la kératodermie.

Les paumes des mains et les plantes des pieds sont d’abord érythémateuses puis squameuses ; l’hyperkératose nettement délimitée survient rapidement mais n’est généralement pas sévère.

Au niveau buccal, le développement et l’éruption des dents temporaires commencent normalement, puis les gencives s’hyperhémient rapidement quand la destruction parodontale survient ; les dents sont schématiquement affectées dans l’ordre de leur éruption.

Il y a souvent halitose.

La formation de poches parodontales profondes précède l’exfoliation dentaire.

À noter que les autres muqueuses buccales restent parfaitement normales durant le processus.

Après exfoliation, les gencives reprennent un aspect normal, jusqu’à ce que l’éruption des dents définitives survienne.

L’exfoliation survient alors à nouveau, avec les mêmes signes locaux.

Seules sont épargnées les troisièmes molaires.

Radiologiquement, la destruction osseuse alvéolaire est sévère.

La kératodermie palmoplantaire avec hyperkératose de la gencive attachée a une transmission de type autosomique dominant.

Cliniquement, l’hyperkératose se développe au moment de la puberté ; au niveau des pieds et des mains.

Au niveau buccal, l’hyperkératose gingivale marginale est nettement délimitée à la gencive attachée des versants labiaux et linguaux ; elle apparaît dans la petite enfance et s’aggrave avec l’âge.

Pathologie de l’épiderme et de la cohérence épidermodermique (« bulloses ») :

A – Érythème polymorphe (erythema multiforme) :

C’est une affection identifiée avant tout par des critères cliniques : éléments cutanés en « cocardes » distribués symétriquement et prédominant aux extrémités, bulles nécrotiques des muqueuses et évolution spontanément régressive.

Parmi les causes infectieuses, deux sont bien documentées : l’herpès, dont les récurrences expliquent au moins la moitié des érythèmes polymorphes récidivants, et les pneumopathies à mycoplasmes.

Les facteurs toxiques sont les sulfamides, les anti-inflammatoires (notamment pyrazolés), les anticonvulsivants (phénobarbital, hydantoïnes, carbamazépine), les tétracyclines et l’acide acétylsalicylique.

Les lésions muqueuses sont des érosions inflammatoires douloureuses.

Les bulles des lèvres, flasques, précocement rompues et croûteuses, très inflammatoires, sont très évocatrices.

Dans la cavité buccale, les érosions peuvent siéger partout, mais respectent habituellement les gencives.

Ce sont des érosions à fond fibrineux, bordées de franges épithéliales nécrotiques, qui sont cernées par un halo érythémateux.

La douleur et l’oedème gênent la parole et l’alimentation, surtout si des lésions pharyngo-oesophagiennes sont présentes.

Selon le groupement et l’intensité des signes, on décrit un érythème polymorphe mineur, qui comporte une atteinte cutanée prédominante, mais peu de signes généraux et de complications évolutives.

Certaines formes muqueuses localisées peuvent en être rapprochées.

Par ailleurs, on reconnaît un érythème polymorphe majeur qui correspond aux descriptions classiques de l’ectodermose érosive pluriorificielle de Fiessinger-Rendu chez l’adulte, et du syndrome de Stevens-Johnson chez l’enfant et dans un contexte infectieux.

Les lésions muqueuses sont profuses.

B – Pemphigus :

Le terme « pemphigus » est réservé actuellement aux bulloses où le clivage se produit dans l’épiderme par acantholyse.

Les pemphigus auto-immuns s’accompagnent d’un dépôt d’anticorps et de complément dans l’épiderme.

1- Forme la plus fréquente :

C’est le pemphigus vulgaire qui débute dans 50 à 70 %des cas par une atteinte buccale qui peut rester isolée pendant plusieurs mois.

Les bulles ont l’aspect de macules blanchâtres. Leur rupture précoce laisse une érosion à fond rouge (sans dépôt fibrineux) entourée de muqueuse en voie de décollement.

Les lésions peuvent se distribuer à toute la cavité buccale, mais prédominent aux zones de frottement : gencive attachée, muqueuses jugales, palais.

Le signe de Nikolsky est très évocateur du pemphigus, sans en être spécifique.

Une confirmation diagnostique rapide peut être obtenue grâce au cytodiagnostic de Tzanck, mais c’est l’immunofluorescence directe qui est à la base du diagnostic, objectivant un dépôt d’IgG et de complément C3 qui dessine une « résille » entre les cellules épithéliales.

2- Pemphigus végétant :

C’est plutôt une variante symptomatique rare du pemphigus vulgaire qu’une entité autonome.

Les végétations peuvent entourer le vermillon et proliférer en arrière des commissures labiales.

La langue prend parfois un aspect raviné cérébriforme.

Le reste de la cavité buccale montre des ulcérations semblables à celles du pemphigus vulgaire.

Les bulloses sous-épidermiques auto-immunes (pemphigoïde bulleuse) présentent un dépôt de matériel immunitaire à la zone de jonction.

Dans la pemphigoïde bulleuse, l’atteinte des muqueuses (30 % des cas), surtout buccale, est rarement révélatrice.

Elle prédomine sur la face interne des lèvres et des joues et sur le voile du palais ; c’est la « pemphigoïde buccale de type I » de Kuffer qui n’affecte pas les muqueuses recouvrant les plans osseux.

3- Pemphigoïde cicatricielle :

Elle atteint surtout la femme, entre 50 et 80 ans.

La forme la plus fréquente, où l’atteinte muqueuse prédomine, correspond à la « dermatite bulleuse mucosynéchiante » de Lortat-Jacob.

Les lésions buccales concernent électivement la gencive attachée et les muqueuses qui recouvrent les plans osseux ; c’est la « pemphigoïde buccale de type II » de Kuffer.

L’atteinte gingivale est faite d’érythème et d’atrophie plus ou moins marquée, avec des petites bulles claires ou hémorragiques laissant des érosions au fond grisâtre, dont le bord se décolle facilement à la pince ; elle peut prendre un aspect de « gingivite desquamative ».

La voûte palatine peut présenter des bulles plus grandes, en particulier postérolatéralement.

On se trouve rarement devant une forme étendue gingivobuccale, intéressant le voile, les joues, les lèvres et, très rarement, la langue.

L’évolution cicatricielle se traduit par l’atrophie gingivale, avec parfois rétraction des piliers du voile et synéchies du vestibule buccal.

On observe plus rarement des érosions naso-pharyngo-laryngées ou oesophagiennes pouvant entraîner des brides cicatricielles et obstructives qui font la gravité de ces localisations.

Histologiquement, la bulle est sousépithéliale.

L’immunofluorescence directe montre un dépôt jonctionnel linéaire d’IgG et de complément C3.

4- Dermatite herpétiforme de Duhring :

Les lésions buccales aphtoïdes sont rares.

5- Dermatite à IgA linéaire de l’adulte :

La symptomatologie clinique emprunte des signes à la dermatite herpétiforme et/ou à la pemphigoïde bulleuse.

Les lésions de la muqueuse buccale sont fréquentes (50 %) et peuvent en imposer pour une pemphigoïde cicatricielle.

6- Épidermolyse bulleuse acquise classique ou pemphigoïde dermolytique :

Les lésions buccales se voient dans 50 % des cas et peuvent ressembler à celles de la pemphigoïde bulleuse ou de la pemphigoïde cicatricielle.

L’examen histologique montre une cavité sous-épithéliale.

L’immunofluorescence directe est celle d’une pemphigoïde bulleuse.

7- Épidermolyses bulleuses héréditaires :

Elles résultent de défauts innés des moyens de cohérence dermoépidermique, et se manifestent par une fragilité cutanée et des bulles post-traumatiques prédominant aux zones de frottement.

Dans la cavité buccale, sont atteintes la langue et les lèvres plutôt que les gencives et le palais.

Dans les formes graves, elles laissent des brides cicatricielles effaçant les sillons vestibulaires et aboutissent à une microstomie et une ankyloglossie.

Les dents peuvent être dysplasiques, dyschromiques, anormales de forme et en nombre, mal ancrées dans les procès alvéolaires, et présenter des caries extensives précoces, les anomalies initiales portant surtout sur l’émail.

8- Épidermolyses bulleuses jonctionnelles :

Elles ont une transmission récessive.

Dès la naissance, les lésions muqueuses sont sévères et touchent les yeux, les lèvres et les narines, souvent entourées de formations végétantes, la muqueuse buccale, la langue, le palais, l’oropharynx, mais aussi l’oesophage, etc.

L’atteinte dentaire est sévère.

9- Épidermolyses bulleuses dystrophiques :

Elles sont transmises en dominance ou en récessivité.

Dans les formes dominantes, l’atteinte buccale (muqueuse jugale, langue, palais, luette, oropharynx) est peu fréquente et minime.

L’atteinte de l’oesophage est exceptionnelle.

Les formes récessives connaissent une variante généralisée qui débute dès la naissance avec des lésions bulleuses cutanées et muqueuses.

Les lésions buccales concernent les lèvres, la langue et son frein, le palais, la luette, l’oropharynx.

Les bulles et érosions rendent la déglutition douloureuse.

Elles laissent des cicatrices et des rétractions qui contribuent progressivement à une microstomie sévère avec ankyloglossie, comblement des sillons vestibulaires et des loges amygdaliennes.

Les dents présentent des anomalies du cément, et surtout de l’émail, hypoplasique, ponctué, d’épaisseur inégale, responsable d’une usure accélérée des surfaces occlusales.

L’atteinte oesophagienne peut aboutir à des sténoses étendues, parfois compliquées.

Pathologie de l’interface dermoépidermique, du derme et de l’hypoderme :

Seules deux dermatoses méritent d’être citées.

Le lichen plan est une affection cutanéomuqueuse dont les caractéristiques histopathologiques sont très typées.

La lésion cutanée élémentaire (face de flexion des poignets, région lombaire, fourreau de la verge, face antérieure des avant-bras, tronc, membres inférieurs, cuir chevelu, ongles et, très rarement, paumes des mains ou plantes des pieds) est une papule de quelques millimètres, polygonale plutôt qu’arrondie, rose rougeâtre ou « violine », brillante à jour frisant, parsemée des stries blanches de Wickham.

L’atteinte muqueuse est hautement pathognomonique et intéresse surtout la cavité buccale.

Cliniquement, le lichen plan buccal est classiquement divisé en formes réticulaire, papuleuse, leucoplasiforme en plaque, érosive et atrophique. Les formes bulleuses et pigmentées sont très rares.

Les lichens érosifs et atrophiques sont grevés d’un risque faible de dégénérescence carcinomateuse à long terme.

Le potentiel carcinogène du lichen plan buccal est actuellement reconnu, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé ; c’est donc une lésion prémaligne.

L’érythème nécrolytique migrateur atteint des patients porteurs d’une tumeur pancréatique sécrétant du glucagon.

Les lésions périorificielles érosives et les atteintes muqueuses sont habituelles (stomatite, glossite).

Pathologie métabolique et pathologies du tissu conjonctif :

A – Pathologie liée aux vitamines :

Seules les carences vitaminiques, rares de nos jours dans les pays développés, ont des manifestations buccopharyngées.

La carence en niacine (nom générique regroupant l’acide nicotinique, la nicotinamide ou vitamine PP et leurs dérivés) est responsable de la pellagre, affection chronique et débilitante qui associe dans les cas avancés la triade dermatite-diarrhée-démence.

Les premières lésions appréciables sont situées au niveau des muqueuses buccales et de la langue.

La stomatite pellagreuse se traduit par une sécheresse et une rougeur vive de la muqueuse buccale qui est lisse, oedématiée, vernissée et parfois parsemée de vésicules et d’ulcérations aphtoïdes douloureuses et récidivantes.

Les lèvres peuvent être fissurées.

La langue peut être villeuse et noire ou atrophique, avec une accentuation des papilles de la pointe ; par la suite, une glossite douloureuse est habituelle.

La dermatite, qui n’est pas constante, est typiquement symétrique et siège surtout et simultanément dans toutes les zones exposées à la lumière (« mal del sole »).

Les signes cliniques de carence en riboflavine réalisent un syndrome « orooculo- génital » (ou syndrome de Jacobs).

Au niveau de la face, l’affection commence par une stomatite angulaire.

Une dermatose séborrhéique nasolabiale apparaît également, qui peut s’étendre.

D’autres lésions cutanéomuqueuses moins spécifiques sont possibles : une perlèche souvent surinfectée par une moniliase, une « chéilose » du bord vermillon des lèvres, une glossite atrophique souvent fissurée et de couleur magenta, avec une atrophie lisse des papilles filiformes tandis que les papilles fongiformes s’hypertrophient, une hyperémie des muqueuses pharyngées et buccales.

La carence en cyanocobalamine ou vitamine B12 associe des manifestations hématologiques, muqueuses (en particulier buccales et gastro-intestinales), et neurologiques.

Au niveau orofacial, il existe une chéilose avec « glossite » dite de Hunter (langue molle parfois sensible avec une face dorsale dépapillée par l’atrophie des papilles filiformes, d’aspect vernissé, luisant et rouge vif) qui débute à la pointe de la langue.

Des ulcérations aphtoïdes peuvent survenir. Une xérostomie peut s’y associer.

Rappelons la pâleur et l’ictère discret de la peau et des conjonctives.

Les patients carencés en acide folique ont souvent les signes d’une malnutrition protidoénergétique et/ou d’un éthylisme chronique, qui aggravent les signes généraux de l’anémie observée (anémie macrocytaire mégaloblastique).

Une chéilose et une « glossite » aspécifiques se rencontrent également ainsi qu’une chéilite angulaire et des ulcérations muqueuses, mais les anomalies neurologiques du déficit en vitamine B12 sont absentes.

La carence en acide ascorbique (vitamine C) est responsable du scorbut qui entraîne une fragilité capillaire à l’origine des principaux symptômes (pétéchies, purpura, etc).

Chez les sujets dentés, une gingivite congestive et une parodontite sont vues précocement.

B – Pathologie liée aux métaux :

Les patients anémiques par carence en fer se plaignent d’une sécheresse buccale et d’une chéilite angulaire.

L’anémie entraîne une pâleur des muqueuses conjonctivales et buccales et une atrophie des muqueuses buccales, notamment linguale, est fréquente, avec parfois le développement de zones lichénoïdes ou de petites érosions aphtoïdes.

Dans les carences sévères et prolongées, l’amincissement de la muqueuse rétrocricoïdienne, parfois associé à un anneau membraneux hypopharyngé, entraîne une dysphagie (syndrome de Plummer-Vinson ou de Kelly-[Brown]-Paterson).

La surcharge en fer connaît de multiples causes.

Dans l’hémochromatose génétique, on retrouve une pigmentation buccale dans 10 à 15 % des cas : pigmentation bleu grisâtre du palais dur, moins marquée au niveau de la gencive attachée.

La carence en zinc peut se traduire par une hypogueusie, une parakératose de la langue et une hypo-osmie.

Le tableau le plus complet est celui réalisé par l’acrodermatite entéropathique (ou syndrome de Danbolt et Closs) qui, chez le nourrisson passant au lait de vache ou à une alimentation mixée, est responsable d’une perlèche, de lésions aphtoïdes superficielles sur fond de stomatite érythémateuse, essentiellement au niveau des muqueuses jugales, moins souvent au niveau du palais, des amygdales et des gencives.

L’intoxication par l’argent réalise le tableau de l’argyrisme (ou argyrie), caractérisé par une coloration gris métallique ou lilacée de la peau prédominant dans les zones exposées à la lumière, ainsi que par une coloration des gencives et des muqueuses buccale et linguale

L’intoxication par l’arsenic survient en cas d’ingestion de composés d’arsenic : on trouve des signes digestifs aigus à l’avant-plan (syndrome cholériforme), et une stomatite arsenicale érythémateuse sèche douloureuse avec une dysphagie douloureuse, et une odeur alliacée de l’haleine.

La stomatite arsenicale ne doit pas être confondue avec la gingivostomatite nécrotique de l’agranulocytose arsenicale.

L’intoxication par le bismuth était surtout due aux sels oléosolubles de bismuth.

Elle était annoncée par une sécheresse buccale, puis apparaissait une gingivite, qui pouvait s’aggraver et s’étendre, pour parfois produire une stomatite intense ulcéromembraneuse.

Contrairement à la stomatite mercurielle, la stomatite bismuthique se reconnaît plus facilement grâce au liseré bleu gingival, et aux taches bleues ou noires jugales et linguales, dus au dépôt de bismuth métal.

L’intoxication par le cadmium des métallurgistes exposés chroniquement au spray corrosif de cadmium est responsable de lésions buccodentaires analogues à celles rencontrées chez les ouvriers plaquant du chrome : ulcérations uniques ou multiples des muqueuses (buccales, nasales) et coloration jaunâtre au collet des dents attaquées (mordançage) par les acides dérivés du cadmium.

Le mercure peut être toxique sous trois formes (élément, sel inorganique, méthylmercure).

L’intoxication par les sels de mercure inorganiques a des manifestations buccodentaires particulièrement spectaculaires, au stade chronique elle provoque les mêmes troubles neurologiques que ceux décrits pour les vapeurs de mercure, avec de plus une gingivite, des ulcérations gingivales, une sialorrhée, voire une stomatite et une parodontite avec une chute prématurée des dents. Une coloration discrète grisâtre de la muqueuse buccale est possible.

L’intoxication par le plomb réalise le syndrome clinique de saturnisme, en particulier chez les enfants, avec des séquelles neurologiques définitives pour des doses réputées inoffensives dans le passé.

Un dépôt gingival discontinu bleu-noir sous-épithélial peut être retrouvé au collet des dents, en particulier lors de gingivite chronique secondaire à une mauvaise hygiène.

Un goût métallique peut être ressenti.

C – Maladies lysosomiales d’accumulation :

Parmi ces nombreuses maladies existent les sphingolipidoses, parmi lesquelles la maladie de Fabry qui est une cérébrosidose (ou glycosphingolipidose) du garçon et qui a quatre phases.

L’éruption angiokératosique caractéristique de l’affection (macules ou papules télangiectasiques rouge-sang ou rouge noirâtre) se retrouve au niveau des muqueuses (gencives, muqueuses jugales, face dorsale de la langue, voile du palais).

D – Maladies héréditaires du tissu conjonctif :

Parmi les maladies héréditaires généralisées secondaires du tissu conjonctif, on n’évoquera que la rare lipoïdoprotéinose de la peau et des muqueuses (maladie d’Urbach-Wiethe).

Sur les muqueuses labiales et buccales, on retrouve dès avant la puberté des petites plaques blanc-jaune légèrement indurées formant une « mosaïque » avec la muqueuse rose.

La langue, infiltrée, ferme, perd sa mobilité (difficulté de protraction).

La voix est rauque.

Le voile du palais, les replis épiglottiques, le pharynx, le larynx et parfois les cordes vocales s’épaississent et se déforment.

L’affection se stabilise à la fin de l’adolescence.

E – Maladies acquises du tissu conjonctif :

Le lupus érythémateux disséminé est un syndrome clinique multisystémique caractérisé par des lésions inflammatoires de nombreux tissus et organes, et associé à la présence d’anticorps sériques dirigés principalement contre des constituants nucléaires.

Les lésions muqueuses surviennent chez un tiers des patients.

Elles se présentent sous la forme de petites ulcérations aphtoïdes superficielles souvent indolores, le plus souvent au niveau de la cavité buccale et du nez, parfois au niveau du larynx.

La présence d’une atrophie cernée d’hyperkératose évoque plutôt des lésions de lupus discoïde.

La biologie du lupus est suffisamment caractéristique pour que l’on puisse parler de biologie de type lupique.

La sclérodermie ou mieux la sclérose systémique progressive est une maladie polysystémique évoluant en trois stades : oedémateux, induré, atrophique .

Au niveau de la muqueuse buccale, on retrouve ces trois stades.

Au stade atrophique, la muqueuse est pâle, lisse, avec un processus de rétraction : la muqueuse ne se plisse plus, le frein de la langue est raccourci, tendineux, brillant ; les piliers et la luette se rétractent de la même façon, les dents deviennent mobiles.

Il en résulte une gêne fonctionnelle importante en raison des troubles de la mobilité linguale, de la parole, de la mastication et de la déglutition, surtout lorsqu’il existe parallèlement une atteinte musculaire.

L’association d’un syndrome sec (syndrome de Sjögren secondaire) n’est pas rare.

La sclérodermie est exceptionnellement localisée (à la lèvre).

Le cadre des syndromes de vascularite immunologiques (angéites granulomateuses, périartérite noueuse, etc) regroupe des affections disparates ayant un support anatomopathologique commun : lésions nécrosantes ou inflammatoires des parois vasculaires liées à un mécanisme immun.

La granulomatose deWegener est une angéite systémique qui prédomine sur les voies respiratoires supérieures, sur la langue, les gencives et le poumon.

Elle associe des granulomes nécrosants et ulcérants, lymphoplasmocytaires et à cellules géantes, à une vascularite nécrosante ainsi qu’à une glomérulonéphrite segmentaire et focale.

La périartérite noueuse ou maladie de Kussmaul-Maier est une vascularite systémique survenant à tout âge, surtout chez l’adulte.

Outre les atteintes cutanées et extracutanées connues, il existe parfois des lésions muqueuses : zones de nécrose superficielle, circinées, comportant en périphérie un liseré inflammatoire de démarcation (palais, voile, amygdales) et des pétéchies sur la paroi postérieure du pharynx.

Le syndrome de Behçet est une affection plurisystémique principalement caractérisée classiquement par la triade « ulcérations buccales-ulcérations génitales-uvéite », mais d’autres complications peuvent appartenir au tableau (thromboses veineuses, manifestations intestinales et neurologiques, etc).

Les aphtes qui en sont un des symptômes sont identiques aux aphtes de l’aphtose buccale chronique récidivante banale.

L’aphte buccal évolue schématiquement en quatre phases.

La phase prodromique (phase 1) est douloureuse (sensations de picotements ou de brûlures de moins de 24 heures).

Suit une courte phase préulcérative (phase 2) pendant laquelle se développent une ou des lésions érythémateuses, maculaires ou papuleuses, voire vésiculeuses (vésicules éphémères le plus souvent inaperçues).

Ensuite, l’aphte s’ulcère (phase 3), de manière punctiforme ou lenticulaire, mais ne saigne jamais.

Ces ulcérations sont douloureuses, ont de 2 à 10 mm de diamètre, avec un fond nécrotique jaunâtre, « beurre frais ».

Ils sont le plus souvent superficiels, isolés (aphte d’aspect vulgaire) ou multiples, voire en « bouquet » (aphtes miliaires appelés aussi ulcérations herpétiformes de Cooke, plus fréquents chez la femme), ou sont parfois profonds (aphte nécrosant, jadis appelé « périadénite » de Sutton.

Leur bord est net, taillé à l’emporte-pièce, avec un liseré périphérique inflammatoire rouge vif.

La base, très légèrement oedémateuse, reste souple et non indurée, sauf dans les variétés nécrosantes.

Ils gênent la parole et l’alimentation.

Des ulcérations aphtoïdes, sans liseré inflammatoire, parfois non douloureuses, peuvent coïncider avec les aphtes.

Les aphtes persistent 1 à 2 semaines, classiquement sans adénopathie satellite, et disparaissent progressivement sans laisser de cicatrice (phase 4) sauf dans les variétés nécrosantes.

La sarcoïdose (ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann) est une maladie multiviscérale chronique d’étiologie inconnue.

Les lésions muqueuses symptomatiques sont localisées principalement au niveau des voies aériennes supérieures, mais peuvent se voir occasionnellement au niveau de la cavité buccale, sur les amygdales ou dans le pharynx.

Ce sont des nodules plus ou moins volumineux ayant une teinte rouge violacé ou brunâtre.

Le diagnostic est histologique.

Les biopsies de ces muqueuses, même en l’absence de lésion ou en zone saine, montrent souvent des lésions histologiques typiques de sarcoïdose.

Signalons l’intérêt de la biopsie des glandes sublinguales dans le diagnostic des localisations extrabuccales, notamment pulmonaires.

Le granulome centrofacial idiopathique, appelé aussi granulome malin de la face est caractérisé par une nécrose et une destruction progressive du nez, des sinus paranasaux et du palais, avec des lésions érosives dans les structures osseuses et les tissus mous contigus de la face.

Il est attaché à la famille des lymphomes malins.

Pathologies d’organes ou de systèmes :

Les maladies hématologiques (anémies, anomalies de l’hémostase, leucémies, maladies lymphocytaires prolifératives, maladies histiocytaires prolifératives), amyloïdes, endocriniennes (diabète), cardiovasculaires, gastro-intestinales ou rénales peuvent avoir des manifestations buccopharyngées.

Les maladies amyloïdes (ou amyloïdoses, amyloses) sont caractérisées par le dépôt extracellulaire de diverses substances fibrillaires protéiques de type « amyloïde » au niveau de divers organes.

Les maladies amyloïdes regroupent diverses entités cliniques (formes systémiques, localisées, séniles), primitives ou secondaires, qui se distinguent également par le type de substance amyloïde accumulée.

La lésion cutanée la plus fréquente est de type purpurique ; un deuxième type de lésion consiste en des papules ou plaques cireuses, pouvant même être nodulaires, voire pseudotumorales.

Ces mêmes lésions peuvent se retrouver au niveau de la cavité buccale : pétéchies, ecchymoses, papules et nodules.

Plus fréquemment, on constate une infiltration de la langue, qui peut l’indurer et diminuer sa mobilité, entraînant alors des difficultés du langage.

Cette infiltration linguale peut de plus aboutir à une macroglossie diffuse, lisse, indentée latéralement, et éventuellement sèche, qui constitue une complication tardive des amyloïdoses primitives, avec des difficultés alimentaires ou même respiratoires secondaires.

Une infiltration des gencives est parfois constatée.

Parmi les maladies digestives, il faut retenir les manifestations buccopharyngées des maladies inflammatoires intestinales, comme la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn qui sont d’aspect aphtoïde.

Dans la maladie de Crohn, ces lésions prennent un aspect bosselé par de multiples nodules morcelés en « petits pavés » ou en « galets » par des fissures.

Cet aspect typique se voit au niveau de la muqueuse jugale. Les localisations labiales donnent surtout une induration et une tuméfaction.

Plus rarement, on constate des lésions granulomateuses gingivales ou autres,en zone dentée ou non, ou des ulcérations palatines, ou encore des lésions muqueuses pustuleuses suite à une pyostomatite végétante.

Les maladies rénales ont également des manifestations buccopharyngées, qui proviennent de l’affection causale, des désordres électrolytiques, des altérations de l’hémogramme (anémie), de la susceptibilité accrue aux infections ou encore des traitements appliqués (en cas de dialyse ou de transplantation).

On ne retiendra ici que les manifestations de l’urémie : xérostomie (par respiration buccale ou déshydratation), gencives friables et stomatite « urémique » érythématopultacée (suite à l’urémie et/ou à une candidose), voire ulcéreuse (par décomposition en ammoniaque de l’urée salivaire par les bactéries buccales) réversible lors de dialyses.

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