Bronchopneumopathies chroniques obstructives
Cours de pneumologie
Introduction
:
Les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) sont définies par
une limitation expiratoire permanente des débits aériens due à une bronchite
chronique ou un emphysème.
L’obstruction bronchique est généralement
progressive, mais peut être accompagnée d’une hyperréactivité bronchique
(HRB) et être partiellement réversible.
L’asthme défini par la réversibilité
d’un syndrome obstructif est donc exclu de cette définition, bien que certaines
BPCO aient une composante réversible franche.
Toutefois, certains patients
asthmatiques, qui développent au fil du temps une part d’obstruction
bronchique irréversible, doivent être classés comme BPCO.
La bronchite
chronique est définie par une toux et une expectoration observées pendant au
moins 3 mois par an et 2 années consécutives chez un patient chez qui les
autres causes de toux chronique ont été exclues.
La définition de
l’emphysème est anatomique : « condition du poumon caractérisée par
l’élargissement anormal des espaces aériens au-delà de la bronchiole
terminale, accompagné par une destruction des parois alvéolaires et sans
fibrose évidente ».
Les patients porteurs d’une bronchite chronique et/ou
d’un emphysème, mais sans limitation des débits aériens, ne doivent pas être
classés comme BPCO.
Enfin, d’autres causes d’obstruction bronchique
(mucoviscidose ou bronchiolite oblitérante) sont également à exclure du
cadre des BPCO.
Épidémiologie
:
Aux États-Unis, l’estimation de la prévalence de l’emphysème ou des
obstructions bronchiques chroniques varie de 4 à 6%chez les hommes et de
1 à 3 % chez les femmes.
En France, la prévalence de la bronchite
chronique dans la population générale est estimée à 5 %
(2 500 000 personnes).
Ceci ne représente qu’une estimation correpondant à
des sujets fumeurs décrivant une symptomatologie de bronchite chronique.
Seulement une faible proportion de ces patients, environ 15 %, sont porteurs
d’un syndrome obstructif franc, pouvant donc être retenu dans le cadre des BPCO.
Il existe une prédominance masculine dans toutes les études.
La mortalité par BPCO, estimée à l’aide des certificats de décès en France,
était de 2,3 % en 1985 (12 500/552 000 décès).
Ces chiffres sont
probablement sous-estimés car les informations notifiées dans les certificats
de décès sont le plus souvent incomplètes.
De plus, l’insuffisance cardiaque
droite, évolution ultime des BPCO, est classée comme décès par cardiopathie.
L’augmentation des taux de décès parBPCOa été de 71 %entre 1966 et 1986,
alors que le taux de décès par maladies vasculaires cérébrales ou cardiaques
diminuait durant la même période.
Facteurs de risques :
Le principal facteur de risque est le tabac, mais d’autres facteurs ont
également été clairement identifiés ou sont seulement suspectés.
Il s’agit de
la pollution, du déficit en alpha1-antitrypsine (A1-AT), des infections
respiratoires, de certaines expositions professionnelles et de l’HRB.
A - Tabac
:
Un lien statistique de nature causale a été clairement démontré entre
tabagisme et BPCO.
Une étude portant sur une importante cohorte de sujets,
fumeurs et non-fumeurs, surveillés pendant 8 ans a permis d’affirmer que le
tabac était la « cause principale » de l’obstruction chronique irréversible des
voies aériennes.
Plus récemment, une étude aux États-Unis concluait que
80 à 90 % des BPCO sont attribuables au fait de fumer la cigarette.
De
façon inexpliquée, seule une minorité de sujets fumeurs (environ 15 %)
développe une obstruction bronchique, suggérant une susceptibilité
individuelle déterminant la présence et le degré de la maladie.
En moyenne,
le déclin annuel du volume expiratoire maximal-seconde (VEMS) chez les
sujets fumeurs atteint presque le double de celui des sujets non fumeurs
(respectivement 50 et 30 mL).
Il existe une relation entre le déclin annuel du VEMS et l’importance du tabagisme (mesuré en paquets-années), mais, à
tabagisme égal, persistent des variations individuelles très importantes, avec
notamment une sous-population de fumeurs « susceptibles » pouvant montrer
un déclin très rapide du VEMS (d’environ 150 mL/an).
B - Pollution atmosphérique
:
Différents polluants atmosphériques peuvent constituer des facteurs
déclenchant ou aggravant une BPCO.
Il a été montré une corrélation entre des niveaux de pollution acidoparticulaire très élevés et une augmentation
de morbidité et/ou de mortalité chez les patients atteints de pathologie
respiratoire chronique évoluée.
Il semble, de plus, exister un excès de
risque sanitaire à tous les niveaux de pollution, et donc une relation sans
seuil entre pollution atmosphérique et santé.
L’étude rétrospective ERPURS réalisée en Île-de-France sur la période 1987-1992 montre un
lien significatif entre hospitalisations pour causes respiratoires et
pollution liée aux fumées noires, dioxyde de soufre (SO2), dioxyde
d’azote (NO2) et à l’ozone (O3).
Une autre étude récente rapporte une
augmentation de la mortalité respiratoire corrélée avec l’augmentation
des taux de SO2 et de particules atmosphériques.
En dehors de ce rôle
aggravant possible sur les BPCO, l’impact précis de la pollution
atmosphérique dans le déclenchement et la progression des BPCO reste
néanmoins à définir.
Cette possible surmortalité liée à la pollution
atmosphérique concerne un nombre limité de patients et reste sans
commune mesure avec la mortalité due au tabagisme.
C - Infections :
Les exacerbations d’origine infectieuse survenant chez les BPCO sévères
avec insuffisance respiratoire constituent un risque de décompensation
respiratoire et donc de mortalité.
Toutefois, leur rôle aggravant sur
l’évolution naturelle propre de la maladie n’est pas démontré puisqu’une
augmentation de leur fréquence au cours des BPCO ne semble pas accélérer
le déclin du VEMS chez ces patients.
Quant au rôle de la simple
colonisation bronchique microbienne dans l’évolution naturelle des BPCO, il
est possible d’après des arguments expérimentaux, mais non démontré (rôle
des adhésines d’Haemophilus influenzae, augmentation de sécrétion des
leucotriènes).
Enfin, la responsabilité des infections virales chroniques
latentes dans l’apparition d’une BPCO a été suggérée récemment, mais leur
rôle exact reste à préciser.
D - Risques professionnels
:
L’exposition à différentes poussières organiques (coton, bois),
inorganiques (poussière de métal ou de roche) ou à des gaz (SO2, NO2...)
semblent pouvoir entraîner des syndromes obstructifs.
Compte tenu de
l’importance prépondérante du tabac comme facteur de risque des BPCO,
l’impact relatif de ces risques professionnels est probablement sousestimé
actuellement.
E - Infections respiratoires de l’enfance :
Les résultats des études portant sur la responsabilité d’infections respiratoires
de la petite enfance dans le développement ultérieur d’une BPCO sont
contradictoires.
Contrairement aux études les plus anciennes, des données
récentes suggèrent que la survenue d’une rougeole, d’une coqueluche ou
d’une bronchite avant 2 ans ne serait pas associée à la survenue d’une
diminution de la fonction pulmonaire.
En revanche, la survenue d’une
pneumonie avant l’âge de 2 ans serait associée à une diminution significative
du VEMS à l’âge adulte.
F - Déficit en alpha-1-antitrypsine
:
Le déficit en alpha-1-antitrypsine est le seul déficit génétique identifié associé
à un risque augmenté de survenue d’un emphysème.
Il n’est responsable que
de moins de 1 % de l’ensemble des emphysèmes.
G - Hyperréactivité bronchique :
Au début des années 1960, « l’hypothèse hollandaise » suggérait que l’HRB
pourrait être un facteur de risque de BPCO.
Dans cette hypothèse, une
« constitution asthmatique » (associant un terrain atopique, une HRB et une
éosinophilie) favoriserait le développement d’un trouble obstructif, certaines
études montrant une corrélation positive entre HRB et accélération du déclin
annuel du VEMS.
Les fumeurs semblent, en réalité, moins atopiques que les
non-fumeurs, mais avec des taux d’immunoglobulines E supérieurs.
De
plus, on observe une augmentation de la prévalence de l’HRB avec la durée
du tabagisme antérieur et la sévérité du syndrome obstructif, conduisant à
l’hypothèse que l’HRB pourrait être acquise chez de nombreux fumeurs.
Le
rôle de l’HRB dans la genèse desBPCOreste donc débattu.
Son augmentation
chez les fumeurs pourrait également résulter de l’inflammation des voies
aériennes observée chez ces patients.
Bases biologiques et moléculaires
des bronchopneumopathies chroniques
obstructives
:
A - Matrice extracellulaire
:
La matrice extracellulaire constitue l’architecture conjonctive du poumon.
Elle est composée de protéines structurales : collagène (60 à 70 %) ; élastine
(25 à 30 %) ; protéoglycanes (1 %) ; fibronectines (0,5 %).
Les protéinases
(sérine-protéinases, métalloprotéinases, cystéine-protéinases) et notamment
l’élastase neutrophilique ont un rôle majeur de destruction de ces protéines
structurales.
Inversement, des substances inhibitrices, les antiprotéinases,
permettent de s’opposer à l’action de ces enzymes.
Chez le sujet normal, un
équilibre protéases-antiprotéases permet de conserver une architecture
normale, assurée par un renouvellement permanent de la matrice
extracellulaire.
B - Modèles expérimentaux d’emphysème :
Les lésions d’emphysème sont une réponse stéréotypée à une grande variété
d’agressions.
De nombreux modèles expérimentaux ont pu reproduire des
lésions emphysémateuses :
– destruction des fibres élastiques par des élastases ;
– anomalies de l’élastogenèse (activité de la lysyloxydase) : déficit en cuivre,
substance lathyrogène, souris « blotchy » ;
– modèle d’inflammation-fibrose par le cadmium ;
– jeûne ou hyperoxie.
Ainsi, la destruction des fibres élastiques provoque des lésions
emphysémateuses mais, inversement, tous les élargissements des espaces
aériens pulmonaires ne sont pas dus à ce mécanisme.
C - Pathogenèse de l’emphysème par déficit
en alpha-1-antitrypsine chez l’homme :
On peut distinguer schématiquement les emphysèmes par déficit enA1-AT et
les emphysèmes sans déficit en A1-AT.
L’association entre déficit en A1-AT
et risque augmenté d’emphysème a été découverte en1963.
La dégradation
incontrôlée du tissu élastique pulmonaire par l’élastase neutrophilique est
généralement admise comme cause de l’emphysème en cas de déficit en
A1-AT sur plusieurs arguments :
– l’A1-AT est l’un des principaux inhibiteurs de l’élastase neutrophilique ;
– l’existence de modèles expérimentaux d’emphysème produits par
l’élastase ;
– l’existence d’un risque élevé démontré d’emphysème chez les sujets
porteurs de déficits sévères en A1-AT.
On connaît bien les caractéristiques biochimiques, génétiques et
métaboliques de l’A1-AT.
Synthétisée principalement par les hépatocytes,
mais aussi par les macrophages, cette glycoprotéine, codée par le
chromosome 14, est un puissant inhibiteur des sérine-protéinases et possède
une haute affinité pour l’élastase neutrophilique.
Plus de 75 variants
phénotypiques de l’A1-AT sont classés selon leur mobilité électrophorétique,
permettant d’en déduire les deux allèles du système Pi (protease inhibitor).
Les variants génétiques s’expriment de façon codominante. Les phénotypes à
risque d’emphysème sont associés à une concentration d’A1-AT diminuée
(normale = 1,4 à 2,8 g/L) : phénotype SZ, ZZ, Znul, Nul Nul.
La relation
entre déficit, même sévère, et maladie reste mal définie.
En effet, certains
sujets déficitaires conservent une fonction respiratoire correcte jusqu’à un âge
avancé.
Les causes de diminution de la concentration plasmatique d’A1-AT
sont variables selon les différents variants génétiques déficitaires : défaut
d’excrétion extracellulaire lors de la synthèse hépatocytaire par
polymérisation spontanée de la molécule (les variants Z) ; dégradation
intracellulaire de la molécule (variant S) ; délétion de gène (nul).
D - Pathogenèse de l’emphysème en l’absence
de déficit en A1-AT :
Chez les sujets emphysémateux fumeurs, il existe une augmentation des
peptides de l’élastine, ou des produits de dégradation de l’élastine, qui
témoigne d’une destruction excessive de l’élastine chez ces patients.
En
l’absence de déficit en A1-AT, l’hypothèse d’une rupture de la balance protéases-antiprotéases a également été émise, notamment chez les fumeurs
« susceptibles ».
Le tabac interagit à de nombreux sites du système protéasesantiprotéases,
favorisant la destruction en élastine.
Le fait que seule une faible
proportion de fumeurs développe un emphysème montre que d’autres
mécanismes sont également probablement en jeu.
Plusieurs hypothèses, ne
reposant actuellement que sur des données expérimentales, sont proposées :
– augmentation de la charge en élastase ; chez les sujets fumeurs, la charge
en élastase neutrophilique pourrait être augmentée par plusieurs
mécanismes :
– augmentation du nombre des polynucléaires neutrophiles (PNN) dans le
poumon ;
– excès de facteurs chimiotactiques des PNN (interleukine 8, LTB4) ;
– excès de charge en élastase et excès de dégranulation de PNN ;
– déficit fonctionnel en A1-AT ; plusieurs mécanismes pourraient provoquer
un déficit fonctionnel de l’A1-AT : une oxydation de l’A1-AT par la fumée de
cigarette, un clivage du site actif ou la formation de complexes
irréversibles avec les enzymes protéolytiques ;
– rupture de la balance oxydants-antioxydants chez les fumeurs ; les
poumons des fumeurs sont soumis à une oxydation accrue, provenant de
la fumée de cigarette (radicaux libres R de la phase gazeuse et goudrons)
et de l’activation des phagocytes (radicaux dérivés de l’O2 produits par
l’activation de macrophages alvéolaires : anion superoxyde [O2.–] et
H2O2) ; il existe un système de défense antioxydant comportant un
système enzymatique (superoxyde dismutase, catalase, glutathion
peroxydase) et un système non enzymatique (alphatocophérol, ascorbate,
glutathion) ; la rupture de cette balance oxydants-antioxydants chez les
fumeurs pourrait induire une destruction de la matrice extracellulaire par
plusieurs mécanismes :
– inactivation de l’A1-AT par oxydation du site actif ;
– transfert facilité des protéinases vers l’interstitium (altération de la
membrane alvéolaire) ou activation des protéinases ;
– dégradation de la matrice extracellulaire (aminoglycanes et collagène de
type I) ;
– dégradation de la lysyloxydase qui stabilise l’élastine ;
– activation de la voie alterne du complément ;
– rôle potentiel d’autres enzymes que l’élastase neutrophilique ; d’autres
enzymes pourraient être impliquées dans la dégradation de l’élastine, dont les
élastases macrophagiques (cystéine-protéase : cathepsine L) ;
– rôle potentiel d’un déficit d’autres inhibiteurs : le déficit d’autres
inhibiteurs pourrait être en cause, parmi lesquels des inhibiteurs des métalloprotéases (inhibiteur tissulaire des métalloprotéases,
alpha2-macroglobuline) ou encore l’inhibiteur bronchique inhibant l’élastase
leucocytaire.
Pathologie :
Au sein des BPCO, trois entités clinicopathologiques peuvent être
individualisées, correspondant chacune à un site d’atteinte différent des
lésions :
– la bronchite chronique : atteinte des grosses voies aériennes ;
– l’emphysème : atteinte du parenchyme ;
– la maladie des petites voies aériennes : atteinte des bronchioles.
Ces trois types d’atteintes peuvent être diversement associés ; des lésions des
vaisseaux pulmonaires sont également présentes dans les formes avancées de
la maladie.
A - Lésions des grosses voies aériennes :
Le diagnostic de bronchite chronique repose sur une définition clinique traduisant une hypersécrétion anormale de mucus par le tractus
respiratoire.
Les grosses voies aériennes sont le site principal de cette
hypersécrétion qui est liée à une augmentation du nombre des glandes sousmuqueuses
et du nombre de cellules à mucus.
L’augmentation de la masse
des glandes sous-muqueuses au niveau des bronches cartilagineuses
représente la part principale de cette hypersécrétion et il existe une relation
linéaire entre cette masse et le volume des expectorations.
Concernant les
cellules à mucus, leur nombre et leur extension dans les bronchioles les plus
distales sont également augmentés chez les fumeurs.
Les autres lésions
anatomopathologiques des grosses voies aériennes sont une atrophie du
cartilage, une hyperplasie des muscles lisses et un infiltrat
inflammatoire sous-muqueux.
L’ensemble des lésions entraîne une
augmentation de l’épaisseur de la paroi bronchique et une tendance à une
réduction de calibre de la lumière bronchique.
Toutefois, il n’existe pas de
corrélation entre l’importance des lésions histopathologiques des grosses
bronches et la sévérité de la limitation des débits aériens.
De plus, il n’est pas
démontré de relation claire entre toux avec expectoration et degré de déclin
du VEMS.
B - Emphysème :
La définition de l’emphysème est anatomique : « condition du poumon
caractérisée par l’élargissement anormal des espaces aériens au-delà de la
bronchiole terminale, accompagné par une destruction des parois alvéolaires
et sans fibrose évidente ».
L’emphysème est donc défini par rapport à
l’acinus, portion du parenchyme pulmonaire situé en aval de la bronchiole
terminale.
La dernière proposition de la définition, « sans fibrose évidente »,
fut ajoutée secondairement et ne doit pas être interprétée de façon trop
restrictive pour certains auteurs, car il peut exister un certain degré de fibrose
pulmonaire liée au tabac au cours de la maladie emphysémateuse.
Plusieurs
types d’emphysème peuvent être individualisés selon la localisation des
lésions dans l’acinus.
– Emphysème centrolobulaire (ECL) : les espaces aériens anormaux sont
initialement retrouvés à proximité des bronchioles respiratoires, en position
centrale de l’acinus, alors que la périphérie de l’acinus (alvéoles) est
préservée.
À mesure que la maladie progresse, la totalité de l’acinus peut être
touchée.
Les lésions sont assez focales au début, au sein d’un parenchyme
apparemment normal.
Des lésions minimes peuvent être ainsi identifiées.
L’atteinte prédomine souvent dans la partie supérieure des lobes inférieurs et
des lobes supérieurs.
Ce type d’emphysème est rencontré quasi
exclusivement chez les fumeurs.
L’inverse n’est pas vrai puisque les patients
fumeurs peuvent également développer des lésions d’emphysème panlobulaire.
– Emphysème panlobulaire (EPL) : l’élargissement des espaces aériens est
retrouvé régulièrement réparti dans l’ensemble de l’acinus.
Les acini
adjacents sont généralement atteints de façon similaire, provoquant ainsi un
certain degré de confluence des lésions et des lésions assez diffuses
macroscopiquement.
Les zones les plus atteintes sont classiquement les deux
bases, mais les sommets peuvent également être atteints de façon
préférentielle.
Ce type d’emphysème touche les patients porteurs d’un déficit
en °1-AT, les sujets âgés non fumeurs, mais se voit également chez les
fumeurs en l’absence de déficit en A1-AT.
– Emphysème paraseptal : ce type d’emphysème atteint préférentiellement
les structures des voies aériennes distales, les canaux et les sacs alvéolaires.
Les espaces aériens anormaux sont alors situés contre une structure fixe, tels
la plèvre, les septa ou un vaisseau.
– Emphysème paracicatriciel : les lésions emphysémateuses sont situées au
voisinage de lésions fibrosantes (séquelles de tuberculose, sarcoïdose,
silicose...), autour des limites du tissu cicatriciel.
Comme la cicatrice n’est pas
liée à l’anatomie de l’acinus, ce type d’emphysème n’est pas classé par
rapport à l’acinus.
– Lésions bulleuses : les lésions bulleuses peuvent se voir dans tous les types
d’emphysème, et particulièrement les emphysèmes paraseptaux.
Elles
correspondent à des zones de dilatation des espaces aériens qui sont dues soit
à la confluence des lésions d’emphysème, soit à la distension d’un territoire
pulmonaire par un effet de « clapet » sur une bronche.
Par convention, il s’agit
de lésions de plus de 1 cm.
Ces différents types d’emphysème ne sont pas exclusifs les uns des autres et
peuvent coexister chez un même patient.
En cas d’EPL déjà avancé,
l’identification de lésions d’ECL peut être particulièrement difficile.
Certains
auteurs ont initialement évoqué l’hypothèse que l’EPL représentait la
progression naturelle de l’ECL.
Toutefois, il a été montré, sur des poumons
réséqués chirurgicalement, que la présence de lésions centroacinaires était
indépendante de la survenue d’un EPL, suggérant un processus
physiopathologique différent pour ces deux types d’emphysème.
L’évaluation macroscopique pour la reconnaissance de l’emphysème repose
sur la présence d’espaces aériens visibles à l’oeil nu, avec une taille d’environ
1 mm comme valeur seuil inférieure.
L’identification des lésions
emphysémateuses très précoces n’est visible qu’en microscopie optique, qui
permet ainsi l’étude de la physiopathologie des relations structure-fonction
au cours de l’emphysème.
La technique de la distance moyenne interalvéolaire (Lm) sur l’analyse microscopique permet d’obtenir une
estimation du diamètre des espaces aériens.
Avec l’introduction de système
d’analyse d’image, des méthodes automatiques rapides permettent de fournir
des données quantitatives en termes de taille des espaces aériens et d’aires de
surface des cloisons des espaces aériens par unités de volume (AWUV).
En
étudiant une population de fumeurs et de non-fumeurs, seule une faible
proportion de fumeurs avait une valeur anormalement basse d’AWUV,
évocatrice d’EPL débutant, car distribué sur l’ensemble du poumon.
Cette sous-population de fumeurs avait un tabagisme comparable aux fumeurs
ayant un AWUV normale, suggérant une prédisposition génétique pour
l’EPL, indépendante du risque de développer un ECL.
Concernant l’ECL, des
lésions focales peuvent ne pas modifier l’AWUV car ne concernant qu’une
faible partie des poumons.
L’identification des lésions précoces d’EPL repose
donc, soit sur l’observation qualitative d’anomalies focales sur des sections
de tissus, soit sur l’observation d’anomalie de distribution de fréquence des
mesures d’AWUV ou de Lm.
C - Maladie des petites voies aériennes (MPVA)
:
Le concept de MPVA est basé sur les travaux de Hogg et al qui montrèrent
que l’augmentation de la résistance des voies aériennes chez les patients porteurs de BPCO était située principalement au niveau des voies aériennes
périphériques.
Quelle que soit la pathogenèse de cette augmentation
permanente de la résistance des voies aériennes chez certains fumeurs, son
mécanisme repose sur une distorsion et un rétrécissement de la lumière.
Les
lésions présentes dans les petites voies aériennes chez les patients BPCO sont
souvent retrouvées chez ceux ayant une obstruction bronchique sévère, mais
peuvent également exister à un stade précoce de la maladie.
Elles associent
diversement, et à des degrés variables, les anomalies suivantes :
– occlusion de la lumière par du mucus ou des cellules ;
– métaplasie malpighienne et augmentation des cellules caliciformes ;
– infiltrat inflammatoire de la paroi bronchique ;
– un certain degré de fibrose de la paroi bronchique ;
– augmentation de taille des muscles lisses ;
– pigmentation tissulaire ;
– perte des attaches alvéolaires aux voies aériennes.
Toutes ces lésions vont dans le sens d’une augmentation de l’épaisseur de la
paroi et d’une réduction, voire d’une oblitération, de la lumière des petites
voies aériennes, siège d’une distorsion et d’un aspect tortueux.
La réduction
de calibre retrouvée sur les petites voies aériennes de patients BPCO n’est pas
aussi patente que dans d’autres pathologies bronchiolaires, telles que
bronchiolites oblitérantes ou bronchiolites constrictives.
En conséquence,
l’appréciation subjective d’un pathologiste ne permet souvent pas d’identifier
un rétrécissement net de la lumière ou une simple variation de la normale.
Le rôle de l’inflammation des petites voies aériennes semble constant au cours
des BPCO et certains caractères de l’inflammation semblent corrélés à la
limitation des débits aériens.
En ce qui concerne la perte des attaches
alvéolaires situées sur la face externe des bronchioles et des petites bronches,
il a été suggéré qu’elle conduisait à une perte de l’intégrité « tubulaire » des
voies aériennes avec, comme conséquence fonctionnelle, une limitation des
débits aériens.
De telles lésions remplissent la définition de
l’emphysème avec une augmentation des espaces aériens adjacents aux voies
aériennes et la destruction d’une partie des cloisons alvéolaires.
Il semble
possible que la classification actuelle de l’emphysème, basée sur
l’observation d’emphysème macroscopique, ne rende pas compte de ce type
d’anomalies observées au niveau microscopique.
Ces lésions pourraient être
dues à une inflammation locale au sein des parois des voies aériennes et
pourraient appuyer l’hypothèse que l’inflammation des voies aériennes est
impliquée dans le mécanisme pathogénique du trouble ventilatoire obstructif.
Enfin, dans les stades évolués de la maladie, on observe un certain degré de
fibrose et une augmentation de taille des muscles lisses au niveau des
bronchioles membraneuses, entraînant un épaississement de la paroi et une
réduction de la lumière bronchiolaire.
D - Lésions des vaisseaux pulmonaires
:
Des lésions des vaisseaux pulmonaires sont retrouvées chez les patients BPCO porteurs d’une hypoxémie chronique.
Une accumulation de cellules
musculaires lisses peut être observée au niveau de l’intima des petites artères
pulmonaires, prenant une disposition longitudinale le long du vaisseau.
Il a
été suggéré que le développement de cet épaississement intimal survenait
précocement et était en relation avec la limitation des débits aériens.
Une
hypertrophie de la média des artères pulmonaires musculaires survient
également chez les BPCO qui développent une hypertension artérielle
pulmonaire persistante.
Ainsi, les modifications de la structure des vaisseaux
pulmonaires, plus que la vasoconstriction hypoxique, semblent être le facteur
principal responsable de l’hypertension artérielle pulmonaire chez ces
patients.
Physiopathologie
:
Les modifications des propriétés mécaniques des voies aériennes et des
espaces aériens ont un rôle clé dans le handicap respiratoire des BPCO.
On
observe une hyperinflation pulmonaire due à l’augmentation de la résistance
des voies aériennes, à la diminution de la compliance dynamique et à la perte
progressive de la force de rétraction élastique pulmonaire.
Le caractère
hétérogène de ces modifications provoque une distribution anormale de la
ventilation et une inefficacité du poumon en tant qu’échangeur pulmonaire
d’O2 et du CO2.
A - Mécanique ventilatoire :
1-
Limitation des débits expiratoires
:
* Facteurs déterminant le débit expiratoire maximal :
Le débit expiratoire dépend à la fois de la résistance des voies aériennes et de
la pression motrice (différence de pression entre l’alvéole et la bouche).
Chez
les BPCO, la résistance des voies aériennes inférieures à 3 mm de diamètre
semble contribuer à plus de 50 %de la résistance pulmonaire totale, comparée
à seulement 25 % chez les sujets normaux.
Deux facteurs concourent à
réduire le calibre bronchique : la réduction de calibre des voies aériennes due
à la maladie « intrinsèque » des voies aériennes et la réduction des
forces de distension appliquée sur les voies aériennes intrathoraciques, due à
la diminution de la force de rétraction élastique qui joue un rôle chez de
nombreux patients (surtout les emphysémateux).
Toutefois, comme le
montrent les courbes isovolumes pression-débit, les facteurs déterminant les
débits maximaux ne sont liés qu’indirectement aux dimensions globales des
voies aériennes.
À moyen et à bas volume pulmonaire, le débit expiratoire
atteint un plateau qui ne peut être dépassé, même si la pression pleurale est
encore augmentée, ceci étant dû à la compression des voies aériennes par la
pression intrathoracique.
Chez les BPCO, deux mécanismes vont
augmenter la compression dynamique des voies aériennes centrales au cours
des expirations forcées : la perte de force de rétraction élastique (réduisant les
forces de distension appliquées sur les voies aériennes et diminuant la
pression motrice) et la réduction de calibre des voies aériennes (augmentant
les pertes de pression intrabronchique le long des voies aériennes pour un
débit donné).
* Mécanismes de compensation
:
Deux mécanismes vont tenter de compenser la limitation des débits
expiratoires chez les BPCO :
– l’allongement du temps expiratoire à fréquence respiratoire constante et à
volume courant (VT) constant ; ceci implique un raccourcissement du temps
inspiratoire (Ti), et donc une augmentation du débit inspiratoire (VT/Ti)
produit par une augmentation de la contraction des muscles inspiratoires ;
– une ventilation au repos à haut volume courant, car les débits pulmonaires
sont d’autant plus grands que le volume pulmonaire est élevé.
Ce dernier mécanisme peut entraîner une hyperinflation « dynamique »
délétère, qui survient lorsque la durée de l’expiration est insuffisante pour que
le volume pulmonaire revienne au volume résiduel (VR) avant l’inspiration
suivante.
Dans cette situation, le volume de la capacité résiduelle
fonctionnelle est supérieure au volume résiduel dit de relaxation (volume
atteint à l’équilibre où la pression de rappel élastique du poumon est
contrebalancée par la force de rappel de la paroi thoracique).
Cette
hyperinflation dynamique est le plus souvent observée chez les patients
montrant une limitation des débits aériens lors de la ventilation au repos.
Dans
cette situation, lorsque le début de l’inspiration débute à un volume supérieur
au VR, la pression alvéolaire (Palv) de fin d’expiration, appelée PEEP
(positive end expiratory pressure) intrinsèque, est positive et peut atteindre la
valeur de 6 à 9 cmH2O chez les BPCO en état stable.
Le flux inspiratoire
ne peut débuter que lorsque la pression développée par les muscles
inspiratoires atteint cette valeur de PEEPi, la pression dans les alvéoles
devenant alors subatmosphérique.
Cette PEEP agit comme une charge
inspiratoire « seuil » qui augmente le travail ventilatoire.
* Muscles respiratoires
:
De façon générale, le résultat de la contraction des muscles respiratoires est
lié à la fois à la force de contraction des muscles et à la charge mécanique
contre laquelle le muscle s’exerce.
Chez les BPCO, les compensations et
adaptations ventilatoires à la limitation du flux expiratoire vont augmenter la
charge du travail musculaire inspiratoire, alors que la capacité des muscles à
générer une pression en ventilation au repos est déjà altérée.
Plusieurs
mécanismes peuvent expliquer ce dernier facteur. L’hyperinflation observée
au cours des BPCO entraîne un raccourcissement et un aplatissement du
diaphragme qui altère sa capacité à générer une force pour une même
contraction nerveuse.
La réduction de la zone d’apposition du diaphragme (où
la cage thoracique est exposée à la pression abdominale) diminue également
l’effet d’expansion de la partie inférieure de la cage thoracique lors de sa
contraction du fait de changement de géométrie.
D’autres facteurs
métaboliques semblent pouvoir encore diminuer le travail du diaphragme
(hypoxémie, diminution de l’activité de certaines enzymes musculaires...).
Une des conséquences est la mise en jeu des muscles intercostaux et
inspiratoires accessoires (sterno-cléido-mastoïdiens) que l’on peut observer
chez les BPCO, même en ventilation au repos.
Toutefois, ces modifications
sont suceptibles d’induire des mécanismes adaptatifs, notamment le
mécanisme « d’adaptation de longueur ».
Des données expérimentales ont
montré que l’hyperinflation peut être associée à une réduction du nombre des
sarcomères du diaphragme de telle façon que la capacité à générer une
pression à une longueur musculaire inférieure reste identique.
Pour toutes ces données, l’hypothèse d’une fatigue chronique du diaphragme
chez les BPCO en état stable a été soulevée, mais la capacité de ces patients à
produire une pression transdiaphragmatique, lors d’efforts volontaires ou lors
d’une stimulation phrénique, semble tout à fait préservée.
Il semble
néanmoins que les BPCO soient plus près du seuil de charge inspiratoire
susceptible d’entraîner une fatigue respiratoire que les sujets normaux.
La
valeur de l’index « tension-temps du diaphragme » (TTdi) défini par le produit pression transdiaphragmatique moyenne (Pdi)/pression transdiaphragmatique
maximale (Pdi max) par le temps inspiratoire (TI)/durée totale du
cycle (TTOT) permet de définir un seuil (0,15-0,20) au-delà duquel la
défaillance respiratoire est probable.
La valeur de TTdi chez les BPCO en état
stable (0,08-0,1) est supérieure à celle des sujets normaux (0,03-0,05),
indiquant une « réserve » réduite.
2- Modification des propriétés élastiques :
La distensibilité est une des caractéristiques essentielles du poumon,
permettant d’assurer la ventilation et les échanges gazeux tout en conservant
son intégrité et son volume.
L’altération du squelette conjonctif du poumon
par l’emphysème va provoquer une diminution de la force de rétraction
élastique pulmonaire avec plusieurs conséquences mesurables.
Le volume
d’équilibre où la rétraction élastique du poumon est contrebalancée par la
tendance normale de la paroi thoracique à s’écarter (correspondant à la
capacité résiduelle fonctionnelle) va augmenter.
De même, la compliance statique mesurant une variation de volume par unité de variation
de pression va augmenter, traduisant une distensibilité accrue du poumon.
B - Contrôle de la ventilation (commande respiratoire) :
Chez les BPCO, la réponse ventilatoire à des variations de l’hématose
(réponse à l’O2 et surtout au CO2) semble diminuée, mais ceci apparaît plus
comme le reflet d’une augmentation de la charge inspiratoire mécanique que
comme une diminution de sensibilité des chémorécepteurs.
Ainsi, l’activité
de la commande centrale des patients BPCO hypercapniques (mesurée par la
pression d’occlusion à la bouche [P0,1]) semble au contraire plus élevée que
chez les normocapniques, mais leur capacité à générer une pression motrice
reste limitée.
C -
Échanges gazeux pulmonaires :
Quatre mécanismes déterminent classiquement les anomalies de l’hématose :
– inégalités des rapports ventilation-perfusion (VA/Q) ;
– hypoventilation alvéolaire ;
– trouble de la diffusion de l’O2 ;
– shunt.
Chez les BPCO, l’inhomogénéité des rapports VA/Q est le principal
mécanisme à l’origine des anomalies des gaz du sang, à la fois en état stable
et lors des décompensations aiguës.
Toutefois, l’hypoventilation semble le
facteur majeur de l’hypercapnie.
Le rôle de l’augmentation du shunt et de la
limitation de la diffusion de l’O2 sont secondaires.
En dehors de ces
mécanismes, d’autres facteurs « extrapulmonaires », tels que concentration
de l’O2 dans le gaz inspiré, débit cardiaque et consommation de l’O2 par
l’organisme, jouent également un rôle.
La technique des gaz inertes
(complexe et utilisée pour la recherche) a permis d’individualiser en partie
l’importance respective de ces différents facteurs sur les échanges
pulmonaires en quantifiant les distributions VA/Q.
Au cours d’études sur des patients atteints de BPCO sévères en état stable, la
technique des gaz inertes a démontré l’importance des anomalies VA/Q et
individualisé trois types de profils VA/Q différents chez ces patients.
Le
premier profil VA/Q montre la présence d’unités pulmonaires à haut rapport
VA/Q (H), où une grande partie de la ventilation est localisée dans ces zones
à haut rapport.
Le deuxième profil montre la présence d’unités pulmonaires à
bas rapport VA/Q (L), où une importante proportion de la perfusion
pulmonaire est localisée dans ces zones à bas rapport.
Enfin, un troisième
profil associe les deux types d’anomalies, avec un profil mixte associant des
zones à haut et bas rapport V? A/Q? (H-L).
En séparant les différents types
cliniques de BPCO, il semble que les patients de typeAemphysémateux (pink
puffers) aient le plus souvent de hauts rapports VA/Q.
Pour les patients de type
B (blue bloaters), les trois types de profils VA/Q peuvent être retrouvés et
aucune corrélation ne peut donc être établie.
Ceci suggère que les profils hauts
correspondent à des zones ventilées de façon continue et mal perfusées,
comme dans les zones emphysémateuses où la destruction des parois
alvéolaires s’accompagne d’une perte de la vascularisation pulmonaire.
Au
contraire, les profils à bas rapport VA/Q représentent probablement, chez les
patients de type B (blue bloaters), des zones d’obstruction bronchique
(bouchons muqueux, hyperplasie musculaire, oedème de la paroi,
bronchospasme...).
Cette technique a également démontré que la part de shunt droit-gauche était
négligeable à l’état stable, suggérant l’efficacité de ventilation collatérale ou
l’absence d’occlusion complète de voies aériennes chez ces patients BPCO.
Il est à noter qu’il n’existe pas de corrélation entre les trois profils des rapports
VA/Q et le degré d’obstruction bronchique sur la spirométrie ou l’importance
des anomalies de l’hématose.
La sévérité et le profil des anomalies VA/Q au cours de décompensation de BPCO peuvent s’améliorer sur des périodes de quelques semaines sous
traitement adapté.
Au cours de décompensations hypercapniques sans
nécessité de ventilation assistée, la PaO2 (pression partielle en oxygène dans
le sang artériel) augmente et la PaCO2 diminue progressivement, alors que la
sévérité et le profil des anomaliesVA/Q s’améliorent.
Ceci suggère qu’une
part des anomalies VA/Q observées durant les décompensations est liée à des
modifications bronchiques réversibles.
Au cours de décompensations requérant une ventilation mécanique, la
technique des gaz inertes a montré qu’il existait un shunt intrapulmonaire
surajouté non négligeable (4 à 10 % du débit cardiaque).
Son mécanisme
suspecté est alors une obstruction complète de certaines voies aériennes
distales.
Lorsque ce shunt dépasse 20 % du débit cardiaque, et en l’absence
d’atteinte parenchymateuse évidente (pneumopathie, atélectasie, oedème
pulmonaire), l’hypothèse d’une réouverture du foramen ovale doit être
évoquée.
Lors de ces décompensations, les facteurs extrapulmonaires (débit cardiaque,
mode de ventilation, consommation de l’O2 par l’organisme) semblent jouer
un rôle important.
Ainsi, le sevrage de ventilation mécanique semble à la fois
bénéfique sur la PaO2 par l’augmentation du débit cardiaque (provoqué par
l’augmentation du retour veineux lors de la diminution des pressions intrathoraciques) et également délétère sur la PaO2 par l’augmentation de la
dispersion de la ventilation alvéolaire et de l’hétérogénéité des rapports VA/Q
(réduction du volume courant et augmentation de la fréquence
respiratoire).
La résultante de ces deux effets opposés peut se traduire par
une stabilité de la PaO2 au cours du sevrage.
Il a également été rapporté une
augmentation de la consommation d’O2, à la fois au cours des sevrages et lors
des décompensations de BPCO, due à l’augmentation de la charge du travail
respiratoire.
Les procédures visant à diminuer cette charge, comme la
ventilation non invasive, pourraient ainsi être bénéfiques sur l’hématose.
Enfin, l’apport nutritionnel semble pouvoir jouer un rôle sur la valeur de la
PaCO2 chez les patients BPCO.
Notamment chez les patients recevant
d’importants apports en glucose au cours de nutrition parentérale, la
production de CO2 peut augmenter notablement, avec la nécessité d’une
augmentation de la ventilation pour l’excrétion de cette surcharge.
Chez
les patients BPCO, l’impossibilité d’augmenter la ventilation pourrait
provoquer une majoration de la capnie et il a été suggéré une alimentation
riche en lipides chez ces patients.
Clinique :
A - En état stable
:
1- Signes fonctionnels :
Les principaux signes fonctionnels des patients BPCO sont la toux
(accompagnée habituellement d’expectorations) et la dyspnée d’effort.
La
toux est fréquemment négligée et considérée par les patients comme une
« toux du fumeur » sans importance.
Une dyspnée d’effort déjà notable
d’apparition secondaire est souvent le motif de consultation initial chez des
patients de 50-60 ans.
* Toux
:
Une toux associée à des crachats est présente chez jusqu’à 50 % des sujets
fumeurs et peut survenir dès les 10 premières années du tabagisme.
Cette
toux chronique productive prédomine le matin et fait partie de la définition
clinique de la bronchite chronique (définie par une toux et une expectoration
observées pendant au moins 3 mois par an et 2 années consécutives chez un
patient chez qui les autres causes de toux chronique ont été exclues).
À
l’état stable, l’expectoration associée est muqueuse et d’abondance variable.
Sa quantification est difficile car elle est parfois déglutie ou souvent négligée
par le patient.
La production de mucus est augmentée chez ces patients, mais
la clairance mucociliaire est diminuée, du fait d’une ciliotoxicité directe et,
parfois, d’une augmentation de la viscosité.
La présence d’une toux productive et l’apparition d’un syndrome obstructif
semblent être deux processus physiopathologiques indépendants, avec deux
« histoires naturelles » distinctes chez les BPCO, des études longitudinales
n’ayant pas montré de lien entre la mortalité par BPCO et la présence d’une
toux et/ou d’une expectoration.
* Dyspnée d’effort :
La présence d’une dyspnée d’effort est associée à un plus mauvais pronostic
et à une plus grande perte de la fonction respiratoire au cours du temps.
Son augmentation très progressive et l’adaptation du patient pour minimiser
sa sensation de dyspnée (autolimitation à l’effort, modification progressive
du profil de ventilation) font que sa détection est souvent retardée.
Il est
difficile de corréler cette dyspnée d’effort à l’importance de la baisse du VEMS, car d’autres facteurs, notamment l’hyperinflation et l’hypertension
artérielle pulmonaire, peuvent également réduire la tolérance à l’effort.
Néanmoins, lorsque le VEMS est inférieur à 30 % de la théorique, le patient est généralement dyspnéique pour des efforts minimes.
L’importance de la
dyspnée d’effort peut être évaluée de façon simple sur les possibilités du
patient dans la vie courante (montée d’étages, distance de marche sur terrain
plat) et quantifiée sur des échelles de dyspnée.
Par ailleurs, une orthopnée peut
être présente chez les BPCO, reflétant une augmentation de l’activité
diaphragmatique nécessaire pour maintenir un volume pulmonaire suffisant
en position allongée.
Elle doit néanmoins faire éliminer une insuffisance
cardiaque gauche.
* Douleurs thoraciques :
Une douleur thoracique est une plainte fréquente chez les BPCO, mais n’est
généralement pas due à la maladie pulmonaire.
Elle doit faire éliminer une
coronaropathie chez ces patients souvent fumeurs, ainsi qu’un reflux gastrooesophagien dont la fréquence peut atteindre 40 %chez les BPCO et
qui semble favorisé par l’hyperinflation pulmonaire et/ou la théophylline
(diminution du tonus du sphincter inférieur de l’oesophage).
Lors des
exacerbations, la présence de douleurs thoraciques doit rapidement faire
rechercher un facteur déclenchant à traiter rapidement (atteinte pleurale,
pneumopathie, embolie pulmonaire...).
Le bilan des douleurs reste parfois
négatif et des hypothèses, incluant une ischémie des muscles intercostaux due
à l’augmentation du travail respiratoire ou la présence d’air trappé sous
pression, ont été émises.
* Hémoptysie :
L’apparition de crachats striés de sang au sein d’une expectoration surinfectée
peut être due à une simple inflammation des voies aériennes.
Toutefois, cette
« cause » d’hémoptysie ne peut être retenue qu’après avoir éliminé un
carcinome bronchique ou la présence de dilatations des bronches avec une
tomodensitométrie (TDM) thoracique et une fibroscopie bronchique.
2- Signes physiques :
L’examen clinique d’un patient torse nu permet l’identification de signes
physiques liés aux modifications anatomiques et aux mécanismes de
compensations mis en jeu. Certains patients à un stade évolué sont
dyspnéiques au repos ou pour des efforts de la vie quotidienne (toilette...).
Le
profil de ventilation chez les patients symptomatiques montre souvent un
allongement de la durée de l’expiration (supérieure à 4 secondes) corrélé avec
le degré d’obstruction.
Durant l’inpiration, la mise en jeu des muscles
respiratoires accessoires (sterno-cléido-mastoïdiens et scalènes), appelée
pouls inspiratoire, est due à l’inefficacité inspiratoire du diaphragme dont le
rayon de courbure est diminué par la distension.
L’utilisation prédominante
du thorax à l’inspiration et l’hypertrophie des muscles respiratoires
accessoires sont les témoins de l’ancienneté de la maladie.
Un pincement des
lèvres durant la fin de l’expiration est souvent observé chez les patients
sévèrement atteints, notamment ceux ayant une hyperinflation pulmonaire, et
pourrait retarder le collapsus expiratoire des voies aériennes.
Ce
mécanisme compensateur est parfois utilisé en kinésithérapie respiratoire
pour diminuer la sensation de dyspnée.
Chez les patients sévères, la distension
pulmonaire peut être responsable d’un raccourcissement de la trachée due à
une diminution de la distance entre le cartilage cricoïde et le manubrium
sternal (normalement d’environ quatre travers de doigts), appelé signe de
Campbell.
Une protrusion sternale avec une augmentation du diamètre
antéropostérieur peut également déformer le thorax qui prend un aspect en
« tonneau ».
Le signe de Hoover correspond à une diminution inspiratoire
anormale du diamètre thoracique, alors qu’une augmentation du diamètre
thoracique en « anse de seau » est présente chez les sujets normaux.
Ceci est
provoqué par la contraction de diaphragmes horizontalisés et dont les
appositions latérales sur les dernières côtes sont réduites.
La contraction des
muscles respiratoires accessoires au repos (dont les sterno-cléidomastoïdiens)
est le reflet d’une maladie déjà avancée ou de la présence d’une
exacerbation.
L’examen digital peut mettre en évidence des signes importants. Une
pigmentation nicotinique au niveau des doigts témoigne d’une intoxication
tabagique persistante.
Une cyanose des extrémités est due à un taux
d’hémoglobine réduite supérieur à 5 g/dL et dépend donc du taux
d’hémoglobine.
Son évaluation peut être gênée par l’existence d’une
polyglobulie secondaire qui augmente le degré de cyanose.
Enfin, un
hippocratisme digital est normalement absent chez les patients BPCO et sa
présence doit faire rechercher un carcinome bronchique ou des dilatations des
bronches.
L’auscultation retrouve généralement une diminution du murmure vésiculaire
chez les patients emphysémateux sévères qui semble corrélée au degré
d’obstruction.
Le murmure vésiculaire est parfois masqué par des râles
bronchiques surtout ronflants, variables avec la toux.
Des sifflements sont
également souvent présents et audibles par le patient, également en rapport
avec l’obstruction bronchique.
L’apparition d’oedème au niveau des chevilles peut refléter une simple
immobilité, ou déjà l’apparition d’un coeur pulmonaire chronique.
Un souffle
systolique xiphoïdien en rapport avec une insuffisance tricuspidienne, un
reflux hépatojugulaire ou une turgescence jugulaire suggèrent également la
présence d’une hypertension artérielle pulmonaire.
La présentation clinique
des patients BPCO varie entre deux extrêmes classiquement constitués des
BPCO de type A (pink puffer : patient « rose » et essoufflé) et des BPCO de
type B (blue bloater : patient « bleu » et bouffi).
Les patients BPCO de type A
correspondent aux patients porteurs d’un emphysème panlobulaire et sont
typiquement maigres, dyspnéiques au repos et distendus.
Les patients de
type B correspondent aux patients BPCO avec emphysème centrolobulaire.
Ils sont habituellement obèses, cyanosés, moins dyspnéiques et souvent
porteurs de signes d’hypertension artérielle pulmonaire.
La plupart des
patients ont une présentation clinique intermédiaire entre ces deux profils.
B - Lors des exacerbations aiguës :
Les exacerbations aiguës de BPCO ne posent généralement pas de problème
diagnostique.
Il s’agit d’une majoration plus ou moins marquée de la dyspnée
habituelle chez un patient BPCO connu, apparaissant sur une durée variable
et réalisant au maximum un tableau de détresse respiratoire aiguë.
La
connaissance des valeurs fonctionnelles antérieures mesurées à l’état de base
(VEMS, gaz du sang) peut permettre d’apprécier le niveau de gravité de
l’insuffisance respiratoire du patient et d’interpréter au mieux les paramètres
au cours de la décompensation.
De façon non exceptionnelle, les
décompensations aiguës révèlent parfois une BPCO chez des patients ayant
négligé une dyspnée d’effort déjà notable retrouvée à l’interrogatoire.
L’examen clinique permet alors généralement de suspecter la maladie
sous-jacente.
L’apparition d’oedèmes des membres inférieurs les jours précédents,
l’augmentation du volume de l’expectoration et/ou l’apparition d’une
purulence sont souvent observés au cours de ces poussées.
Un facteur déclenchant de la poussée doit être recherché.
Les surinfections
bronchiques sont la cause la plus classique, même si leur imputabilité dans
les exacerbations de BPCO a été largement discutée, notamment car les
bactéries le plus fréquemment responsables (Streptococcus pneumoniae,
Haemophilus influenzae, Branhamella catarrhalis) sont retrouvées chez les
BPCO à l’état stable au niveau des voies aériennes supérieures, mais
également au niveau des voies aériennes distales.
La démonstration d’un
bénéfice des antibiotiques au cours d’exacerbations des patients BPCO les
plus graves a néanmoins fourni la preuve d’un rôle pathogénique des
surinfections bactériennes dans ces poussées.
Les autres causes
d’exacerbation de BPCO doivent également être systématiquement évoquées.
Le pneumothorax est rare, mais doit être rapidement éliminé car sa mauvaise
tolérance nécessite un drainage rapide.
Une embolie pulmonaire est souvent
évoquée sur la présence de signes droits ou d’un effet shunt gazométrique,
mais difficile à affirmer.
Même chez le BPCO, la scintigraphie de
ventilation/perfusion peut être utile au diagnostic et s’intégrer dans les
investigations à pratiquer, surtout si l’on dispose d’un examen de référence.
Certains traitements peuvent également provoquer des exacerbations :
bêtabloquants chez des BPCO présentant une HRB marquée ; hypnotiques et
sédatifs du fait de leur effet dépresseur central sur la ventilation chez les
patients hypercapniques ; antitussifs chez des patients ayant un
encombrement bronchique ; erreur de débit d’une oxygénothérapie à
domicile.
Enfin une « composante cardiaque gauche » est souvent suspectée
chez les patients aux antécédents cardiologiques.
En outre, même en
l’absence de cardiopathie gauche autonome, une dilatation importante du
ventricule droit, avec un septum paradoxal faisant saillie dans le ventricule
gauche, peut entraîner une dysfonction diastolique du ventricule gauche par
l’interdépendance ventricule droit-ventricule gauche.
La gravité de l’exacerbation doit être rapidement appréciée sur le type de
mode ventilatoire, sur l’examen neurologique, sur l’état hémodynamique et
sur les gaz du sang.
L’augmentation de la fréquence respiratoire (polypnée
superficielle) est un témoin objectif et permet un suivi évolutif.
La mise en
jeu prédominante des muscles respiratoires accessoires et l’apparition d’un
tirage (dépression des creux sus-claviculaires et sus-sternal) sont prédictifs
d’une défaillance ultérieure, car la fatigue des muscles respiratoires
accessoires est plus rapide que celle du diaphragme.
Enfin, l’apparition d’une
respiration abdominale paradoxale (dépression inspiratoire de l’abdomen) est
le reflet d’une dysfonction diaphragmatique sévère et d’un épuisement
respiratoire.
L’hypercapnie, et surtout sa majoration rapide, peut être
responsable d’un astérixis et, surtout, de troubles de la conscience variables
(d’une simple obnubilation à un coma hypercapnique).
Chez les patients en
acidose respiratoire, le niveau de la conscience est assez bien corrélé au pH
du liquide céphalorachidien, lui-même proportionnel au pH sanguin.
L’hypoxémie se manifeste plus par des troubles de comportement
(agressivité, irritabilité).
Sur le plan cardiovasculaire, les signes « d’insuffisance cardiaque droite »
(oedèmes des membres inférieurs, turgescence jugulaire, hépatomégalie),
classiquement attribués à une dysfonction droite, sont également dus à une
surcharge hydrosodée d’un mécanisme plurifactoriel (anomalies de la
sécrétion de vasopressine, activation du système rénine-angiotensine,
régulation du facteur natriurétique auriculaire).
L’hypoxémie est responsable d’une cyanose et d’une tachycardie.
L’hypercapnie peut
provoquer une vasodilatation périphérique, des céphalées et l’apparition de
sueurs, ainsi qu’une hypertension artérielle (HTA) due à son effet
sympathomimétique.
Les mesures des gaz du sang doivent être précoces et surtout répétées afin
d’apprécier l’évolution notamment du CO2 et du pH.
Plus que le niveau
absolu d’hypercapnie (qui peut simplement traduire une hypoventilation
importante à l’état stable), c’est l’abaissement du pH et la cinétique de
l’acidose respiratoire qui sont le reflet de la gravité de la décompensation et
prédictifs de la nécessité d’une ventilation mécanique.