Biopsie du nerf périphérique

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Biopsie du nerf périphérique
Introduction :

Dans un nombre significatif de cas, la biopsie nerveuse s’avère utile pour confirmer l’atteinte du nerf périphérique, en préciser le mécanisme et l’étiologie.

En neurologie courante, toutes les neuropathies périphériques (NP) ne sont sûrement pas à explorer par une biopsie.

La biopsie complète souvent utilement, sans les remplacer, les données cliniques qui restent fondamentales, les constatations électrophysiologiques, parfois celles de la biologie moléculaire ou de tout autre examen complémentaire, dans le cadre d’un bilan étiologique et pronostique.

Indications :

En tout premier lieu, il faut indiquer que cette biopsie n’est réalisée que si le fragment nerveux peut être utilisé au mieux par les techniques que nous allons exposer.

En réalité, des indications précises sont difficiles à énoncer, car il n’y a pas de consensus réel entre neurologues, à l’égard d’un acte relativement invasif.

Il est d’ailleurs légitime de souligner l’intérêt qu’il y a à pratiquer et à développer les techniques électrophysiologiques, des examens approfondis des sérums des malades, les analyses biologiques moléculaires, etc, qui, dans la majorité des NP, permettent de se passer de la biopsie.

Il n’en demeure pas moins vrai que dans notre expérience au moins, elle s’avère déterminante, non pas pour affirmer la NP mais pour en préciser éventuellement les étiologies et mécanismes.

Certains dépôts d’immunoglobuline (Ig) ne peuvent être visualisés que par une étude ultrastructurale approfondie.

En revanche, leur absence et la mise en évidence de lésions évocatrices d’une NP toxique induite par une chimiothérapie peuvent être utiles dans le cadre d’une association NP-dysglobulinémie, ne serait-ce que pour discuter des indications thérapeutiques.

La suspicion d’une NP amyloïde sur des bases cliniques et génétiques peut imposer la confirmation histologique au niveau du nerf, du fait de la gravité pronostique.

Néanmoins, la détection d’une anomalie du gène de la transthyrétine doit toujours être effectuée en premier si une NP amyloïde familiale est envisagée.

La mise en évidence de la vascularite caractéristique justifie également la biopsie neuromusculaire pour affirmer une périartérite noueuse, surtout si elle se révèle par une NP.

Dans un tel contexte, il est certain que cette procédure est moins invasive qu’une biopsie rénale ou une artériographie abdominale à la recherche d’anévrismes évocateurs.

Tout neuropathologiste a, dans son expérience professionnelle, des diagnostics pouvant être qualifiés d’imprévus, au moins par le clinicien qui en a posé l’indication : découverte fortuite de lésions inflammatoires, lymphomateuses, d’une lèpre, de lésions évocatrices de certaines intoxications médicamenteuses (amiodarone), de neuropathies génétiquement déterminées, etc.

Si l’efficacité diagnostique de la biopsie nerveuse est difficile à chiffrer, elle se justifie parfaitement dans le cadre de l’exploration d’une NP qui n’a pas d’étiologie précise.

Récemment, Gabriels et al, après une étude prospective, ont estimé à 14 % les diagnostics étiologiques de leurs NP déterminés par la biopsie ; pour 60 % de leurs cas, la biopsie a été considérée comme très utile. Bien entendu, chacun par ailleurs connaît son intérêt quant à des applications un peu plus orientées vers la recherche.

On sait bien néanmoins qu’en médecine, et peut-être plus particulièrement en neurologie, la dichotomie entre recherche et diagnostic n’est pas toujours aisée à délimiter.

Il n’empêche qu’un travail prospectif d’évaluation de l’intérêt de la biopsie nerveuse est à réaliser.

Données cliniques :

A – PRÉLÈVEMENT :

Il est pratiqué dans des conditions rigoureuses d’asepsie par un opérateur entraîné.

Le nerf biopsié varie suivant les équipes, étant entendu que bien sûr, il s’agit toujours d’un nerf sensitif, le plus souvent prélevé au niveau de la jambe : nerf saphène externe (sural) ou nerf musculocutané, ce qui, dans ce dernier cas, permet de biopsier dans le même temps un fragment du muscle court péronier latéral.

L’examen de fragments de nerf et de muscle peut être particulièrement efficace pour mettre en évidence des lésions de vascularites segmentaires.

Si le processus neurogène concerne uniquement les membres supérieurs, on peut prélever la branche sensitive du nerf radial à l’avant-bras ou la branche superficielle du plexus brachial au niveau du cou.

D’autres nerfs sensitifs sont susceptibles d’être biopsiés à différents niveaux du corps, en fonction d’indications spécifiques : par exemple, quand la lésion concerne le nerf crural, il peut être utile de prélever le nerf cutané intermédiaire, ce qui permet si nécessaire de biopsier le muscle quadriceps sous-jacent.

Aussi souvent que possible, la biopsie, longue d’environ 3 cm, est fasciculaire, laissant donc en place quelques fascicules pour éviter des déficits sensitifs trop importants ou la constitution secondaire de « névromes ».

Il s’agit en réalité d’une prolifération tourbillonnante de cellules périneurales normales.

Certains auteurs estiment qu’en réalité la biopsie de tous les fascicules n’expose pas à plus de complications ultérieures.

L’étude des nerfs intramusculaires donne une idée de l’état des nerfs moteurs.

De telles études sont très peu systématisables, car aucun muscle n’est en effet considéré comme tout à fait idéal pour ce type d’étude.

De plus, ces nerfs sont en réalité mixtes, sensitivomoteurs, et la distinction des fibres afférentes et efférentes ne peut être faite à partir de critères purement morphologiques.

Des fascicules nerveux périphériques peuvent aussi être examinés au cours d’une biopsie cutanée ou d’une biopsie conjonctivale, techniques qui sont utilisées dans certaines affections comme la lèpre ou les maladies de surcharge.

Récemment, l’intérêt de la quantification des fibres nerveuses épidermiques et dermiques d’une biopsie cutanée a été souligné.

Cette technique semble surtout intéressante pour étudier une neuropathie sensitive, douloureuse, éventuellement dysautonomique.

Peu invasive, elle peut être répétée afin de suivre l’évolution de la neuropathie sous traitement.

Il convient néanmoins de signaler que ce prélèvement cutané ne semble pas pouvoir remplacer la biopsie nerveuse que nous discutons ici. En effet, au niveau de la peau, les fibres myélinisées sont très rares.

De plus, l’orientation des axones se fait dans tous les plans de l’espace et une étude fine et précise, transversale ou longitudinale, ne peut être réalisée.

Les complications postbiopsiques sont en général rares.

Une hypoesthésie, des paresthésies dans le territoire du nerf sensitif prélevé (environ un tiers des cas 6 mois après) sont souvent signalées.

Il n’est d’ailleurs pas toujours facile de faire la part de ce qui revient à la NP et à la biopsie. On surveille bien sûr avec attention la cicatrisation postopératoire, surtout chez les diabétiques ou les patients en cours de corticothérapie.

B – MÉTHODES D’ÉTUDE DU PRÉLÈVEMENT(1) :

Dès que le fragment est biopsié, il est découpé en différentes parties dans la salle d’opération pour les techniques suivantes.

– Fixation dans du formol à 10 % pour l’inclusion dans la paraffine, ce qui permet surtout l’étude des artérioles, la mise en évidence de cellules inflammatoires, de dépôts de substance anormale type amylose, donc d’une anomalie au niveau du tissu interstitiel de l’endonèvre.

De même, peut être ainsi réalisée l’étude de l’épinèvre et du périnèvre.

De nombreux marqueurs sont désormais utilisables sur des coupes en paraffine.

C’est ainsi qu’il est possible de mieux préciser les types cellulaires d’un infiltrat (panleucocytes, lymphocytes de types T, B, macrophages…), la constitution de dépôts amyloïdes (chaînes légères, transthyrétine), etc.

Cette technique ne permet pas un examen fiable des fibres myéliniques et amyéliniques.

– Fixation dans du glutaraldéhyde, suivant les conditions habituelles pour inclusion dans l’épon permettant l’étude en coupes semi-fines et fines.

La fixation du filet nerveux doit être immédiate, ce qui implique que l’opérateur ait le fixateur à portée de main lors du prélèvement.

Le fixateur, qui associe du glutaraldéhyde à 2,5 % et du tampon Soerensen, doit être préparé juste avant l’emploi.

Sous une loupe binoculaire, dans le mélange tampon-glutaraldéhyde, on s’efforce d’éliminer le maximum d’épinèvre pour faciliter la pénétration du fixateur.

De petits fragments de fascicules nerveux, de 3 à 4mmde long, sont coupés et isolés.

Deux rinçages dans le tampon Soerensen sont ensuite effectués, puis les fragments sont laissés dans ce tampon pendant 2 heures au réfrigérateur à 4 °C.

Est alors réalisée une postfixation de 1 heure dans un mélange de quantité équivalente de solution osmique et de tampon Palade.

Les prélèvements sont ensuite rincés dans ce tampon à plusieurs reprises.

Seules ces techniques permettent une étude satisfaisante des fibres myéliniques et amyéliniques, de l’espace endoneural contenant le tissu collagène, des capillaires, des fibroblastes et d’éventuelles cellules anormales.

Grâce à des moyens plus ou moins automatisés, peuvent aussi être quantifiées sur coupes semi-fines les fibres myélinisées et les fibres amyéliniques en microscopie électronique.

Si une étude immunocytochimique paraît souhaitable, il peut être utile de fixer quelques fragments biopsiques dans un mélange de glutaraldéhyde-paraformaldéhyde.

En effet, le glutaraldéhyde a comme inconvénient de bloquer les sites antigéniques et donc de rendre difficile une étude immunocytologique sur coupes semi-fines ou ultrafines.

Cette association de deux fixateurs permet de trouver un compromis entre une étude morphologique correcte et des réactions immunologiques possibles.

De même, l’épon rend difficile des réactions immunopathologiques, raison pour laquelle peut être réalisé un immunomarquage avant inclusion.

D’autres matériels que l’épon sont parfois aussi utilisés.

Dans les cas où ces inclusions ne sont pas possibles, on peut alors utiliser l’ultracryomicrotomie, qui pose des problèmes techniques très spécifiques.

– La dissociation des fibres ou teasing décrite par Gombault en 1880 consiste à isoler par microdissection, grâce à une loupe binoculaire et de fines aiguilles, un certain nombre de fibres myélinisées sur une longueur d’environ 1 cm.

La fixation s’effectue comme pour l’étude en microscopie électronique, alors que la postfixation dans la solution osmique dure 24 heures et le rinçage dans le tampon Palade au moins 24 heures.

En microscopie optique, on peut alors étudier la position des noeuds de Ranvier les uns par rapport aux autres et repérer les lésions par démyélinisation et par atteinte axonale ou dégénérescence wallérienne.

Il faut souligner qu’il s’agit d’une technique qui prend du temps et nécessite un certain entraînement du laborantin qui la réalise, si bien que souvent nous ne dissocions qu’incomplètement les fibres pour apprécier globalement les types et l’intensité des lésions.

– En fonction de telle ou telle étiologie suspectée, un fragment peut être congelé pour réaliser une immunofluorescence et/ou une analyse chimique, en particulier si l’on suspecte une maladie de surcharge lipidique.

L’immunofluorescence est réalisée en utilisant les anticorps spécifiques, par exemple pour objectiver des dépôts anormaux d’Ig soit dans l’endonèvre, soit au niveau des fibres myélinisées (immunofluorescence directe).

Il est aussi possible, en cas d’infiltration par des cellules inflammatoires, d’en préciser les différents types, en utilisant également des anticorps spécifiques.

Le nombre et la spécificité des marqueurs sont plus grands que sur des coupes en paraffine.

Par ailleurs, l’immunofluorescence indirecte consiste à faire migrer, sur du nerf périphérique humain normal, un sérum susceptible de présenter une activité anticorps contre un des constituants de la myéline.

Si tel est le cas, toutes les fibres myélinisées deviennent fluorescentes.

Cette technique se révèle en particulier positive au cours des NP associées à une dysglobulinémie (IgM) ayant une activité antiglycolipidique et/ou anti-myelin associated glycoprotein (MAG).

En aucun cas, ces immunofluorescences ne doivent être effectuées sur des fragments de nerf inclus en paraffine, ce type d’inclusion renforçant grandement la fluorescence spontanée du nerf périphérique.

– Dans quelques cas, en vue d’une recherche par exemple d’ordre métabolique ou chimique, un fragment de la biopsie peut être mis en culture.

On obtient ainsi des cellules de Schwann in vitro dont les caractères morphologiques sont d’ailleurs très différents de celles observées in vivo.

– De même, dans certaines indications particulières, on peut réaliser l’intégration de marqueurs de prolifération cellulaire, une hybridation in situ.

– L’extraction d’acide désoxyribonucléique (ADN) sur des prélèvements anciens peut s’avérer utile pour un typage génique rétrospectif de cas de syndrome de Charcot-Marie-Tooth (CMT) biopsiés.

Résultats :

La performance des résultats est fonction de l’utilisation des techniques sus-citées.

Tout dogmatisme dans l’interprétation des lésions doit être exclu pour les raisons suivantes :

– la très petite taille du prélèvement, alors que c’est le plus souvent une partie étendue du système nerveux périphérique qui est touchée : la biopsie est souvent distale alors que l’atteinte peut être à nette prédominance proximale ;

– le nerf prélevé ne peut être évidemment qu’un nerf sensitif ;

– les artefacts morphologiques potentiels sont à bien connaître, car les fixations ne peuvent être réalisées qu’immédiatement après le prélèvement, et non in situ comme chez l’animal anesthésié.

D’autre part, en cas d’étude en immunofluorescence, on constate au niveau du nerf périphérique une fluorescence spontanée, de fond toujours assez forte, comme nous l’avons déjà indiqué ;

– si une deuxième biopsie est réalisée à proximité immédiate de la première, quelques mois ou années plus tard, la cicatrisation du premier prélèvement entraîne constamment une microfasciculation par prolifération tourbillonnante de cellules périneurales.

Cet aspect n’a donc aucun lien avec la pathologie ayant conduit à la biopsie ;

– comme pour la plupart des examens complémentaires, il n’existe que très rarement des lésions élémentaires ou des aspects morphologiques spécifiques.

Il faut donc à nouveau préciser combien le diagnostic et la compréhension des NP reposent en particulier sur l’étude des corrélations cliniques, électriques, histologiques, et éventuellement de biologie moléculaire ;

– en ce qui concerne en particulier les études immunopathologiques, que ce soit en microscopie optique ou électronique, on doit savoir discuter d’éventuels faux positifs et surtout des faux négatifs.

Nous envisageons successivement les études des lésions élémentaires et morphométriques.

A – LÉSIONS PATHOLOGIQUES ÉLÉMENTAIRES :

Toute anomalie de la fonction du système nerveux périphérique est secondaire à une atteinte de l’axone et/ou de la gaine de myéline.

C’est dire que les descriptions initiales des lésions élémentaires du parenchyme nerveux par Waller et Gombault sont encore valables à l’heure actuelle.

Suivant les cas, il est donc habituel de distinguer « neuropathies axonales » et « neuropathies démyélinisantes ».

Comme nous le verrons à plusieurs reprises ultérieurement, dans bien des cas, cette distinction est arbitraire.

C’est ainsi qu’au cours de neuropathies chroniques inflammatoires ou génétiquement induites, il est très habituel d’observer des lésions mixtes, à la fois axonales et par démyélinisation. Par ailleurs, des atteintes primitivement axonales induisent de façon évidente des lésions myéliniques.

À l’inverse, des atteintes démyélinisantes peuvent, que ce soit par leur chronicité ou leur sévérité, ou les deux, induire des pertes de fibres nerveuses.

Il est donc de toute façon raisonnable, même s’il existe souvent une primauté de niveau d’atteinte, de considérer l’axone et la cellule de Schwann comme une unité fonctionnelle.

1- Lésions du parenchyme nerveux :

* Myélinopathies :

Il s’agit de lésions qui affectent primitivement la gaine de myéline ou les cellules de Schwann.

Pour souligner cette atteinte myélinique élective, on parle parfois de dissociation myélinoaxonale.

+ Démyélinisation segmentaire :

La démyélinisation débute habituellement au niveau du noeud de Ranvier qui s’élargit anormalement par rétraction des boucles de la gaine de myéline.

Puis survient une destruction myélinique dont les débris s’accumulent dans le cytoplasme paranodal de la cellule de Schwann.

Peu à peu, se trouve ainsi réalisée une démyélinisation segmentaire internodale, par mise à nu plus ou moins complète et extensive de l’axone entre deux noeuds de Ranvier successifs.

Suivant les cas, comme on peut le voir sur des fibres nerveuses isolées, il existe de multiples zones de démyélinisation segmentaire distribuées au hasard.

Un tel processus stimule la division des cellules de Schwann et certaines peuvent même alors induire une remyélinisation.

C’est alors que l’on observe une diminution des distances internodales qui deviennent très variables par rapport aux distances relativement constantes entre les noeuds de Ranvier d’origine.

La remyélinisation s’apprécie également en microscopie électronique.

Sur des coupes transversales, il apparaît que la gaine de myéline est anormalement fine par rapport au diamètre axonal, du fait d’un nombre trop petit de lamelles myéliniques qui peuvent être incomplètement compactées.

De plus, les cytoplasmes schwanniens sont souvent anormalement dilatés et contiennent de nombreuses mitochondries, du réticulum abondant, un appareil de Golgi dilaté.

Ces modifications traduisent l’hyperactivité métabolique de la cellule de Schwann.

Lorsque ces phénomènes de démyélinisation-remyélinisation se succèdent de façon chronique ou même rechutent après des phases d’interruption de durée variable, apparaît une prolifération concentrique de fragments cytoplasmiques nucléés ou non de cellules de Schwann, ou de simples fragments de membrane basale (surtout chez l’enfant) autour des fibres nerveuses.

Le phénomène est classiquement décrit sous le nom de prolifération en « bulbes d’oignon ».

Il s’agit là d’un mécanisme susceptible d’expliquer une hypertrophie nerveuse palpable cliniquement.

Pendant longtemps, on a pensé que cette hypertrophie, le plus souvent constatée au cours des neuropathies héréditaires, résultait d’une accumulation anormale du tissu conjonctif.

C’est à Grüner que l’on doit d’avoir précisé, grâce au microscope électronique, qu’il s’agissait en réalité d’une prolifération anormale des cellules de Schwann.

Les atteintes axonales sont possibles au cours d’affections considérées comme démyélinisantes.

À ce jour, néanmoins, les explications ne semblent pas cohérentes. Pour certains, les lésions démyélinisantes et axonales évoluent en parallèle et sans évidence d’interdépendance.

D’autres estiment que la dégénérescence axonale n’a pas de lien avec la longueur du segment démyélinisé et serait peut-être induite par la présence endoneurale d’un grand nombre de cellules inflammatoires.

+ Autres atteintes myéliniques :

– Élargissements de certaines lamelles myéliniques.

Il n’est pas rare, sur des biopsies nerveuses humaines, et surtout de neuropathies démyélinisantes, de constater une compaction incomplète des lamelles les plus périphériques de gaines de myéline en voie de remyélinisation.

À ce niveau, l’écartement des lamelles est anormalement et irrégulièrement large. Il faut distinguer ces aspects de ceux observés au cours des neuropathies associées à une dysglobulinémie, le plus souvent de type IgM, beaucoup plus rarement IgG ou IgA.

Les élargissements ne concernent pas toujours uniquement les lamelles les plus périphériques.

Ils se font aux dépens d’une dissociation des lamelles intrapériodiques, régulière, de l’ordre de 23 nm, correspondant à une infiltration par la globuline anormale ayant une activité anti-MAG qui arriverait au niveau de la gaine par le mésaxone externe.

De tels aspects ne sont rencontrés qu’exceptionnellement dans d’autres circonstances qui pourraient suggérer un rôle déterminant du complément dans leur constitution.

Par ailleurs, des anomalies de la compaction myélinique normale sont observées dans d’autres circonstances pathologiques : POEMS, CMT type 1B….

– Anomalies d’épaisseur des gaines myéliniques.

– Hypo- et amyélinisation : l’absence de gaine de myéline ou une gaine de myéline anormalement fine (en dehors des aspects classiques sus-décrits de démyélinisation segmentaire) caractérisent les neuropathies hypomyélinisantes congénitales qui s’intègrent dans le cadre des neuropathies génétiquement induites.

– Hypermyélinisation : il s’agit d’aspects correspondant à un excès de lamelles myéliniques par rapport au diamètre axonal, qui sont souvent responsables de la constitution de boucles plus ou moins complexes.

Morphologiquement, il peut être difficile d’apprécier le caractère simplement relatif ou l’existence réelle d’une réduction de taille de l’axone induite par l’hypermyélinisation.

Ces lésions dites « tomaculaires » sont caractéristiques des neuropathies par compression, et plus rarement de neuropathies de causes très diverses comme les NP associées à une dysglobulinémie monoclonale.

Des proliférations anarchiques et très extensives de la myéline peuvent se rencontrer dans certaines neuropathies congénitales hypomyélinisantes.

L’hypermyélinisation pourrait être secondaire à une anomalie de l’interaction cellule de Schwannaxone.

Il est en effet possible que la cellule de Schwann arrête sa rotation au stade approprié de la myélinisation, à moins qu’une anomalie congénitale ne soit responsable d’une prolifération anormale des membranes basales et des lamelles myéliniques.

– Distension de l’espace périaxonal.

Des zones de séparation de la gaine de myéline de l’axone, réalisant des espaces clairs détectables sur les coupes semi-fines et mieux visibles en microscopie électronique, ont été décrites sur des nerfs de patients CMTX.

+ Lésions particulières des cellules de Schwann :

Leurs caractéristiques morphologiques sont toujours à préciser par un examen en microscopie électronique.

Des inclusions de structure lamellaire, souvent dénommées « pigranules », sont habituellement rencontrées dans certains cytoplasmes schwanniens de fibres myéliniques de nerfs normaux.

Elles pourraient être plus fréquentes au cours de certaines neuropathies, mais néanmoins cela ne paraît pas certain. Des inclusions rondes ou ovalaires, de structure interne cristalline, ont été décrites au cours de neuropathies d’étiologies variées et n’ont donc pas de valeur diagnostique spécifique.

Il n’en est pas de même d’inclusions lysosomales et de structures variées en microscopie électronique, parfois considérées comme spécifiques de certaines leucodystrophies type métachromatique, Krabbe…

On sait en effet que ces maladies de surcharge ne concernent pas uniquement le système nerveux central, mais d’autres tissus, en particulier les nerfs périphériques.

Les symptômes cliniques sont en général très discrets ou même latents, et l’atteinte nerveuse périphérique éventuelle peut être détectée par un examen électrophysiologique systématique.

Pour le diagnostic de telles affections, la biopsie nerveuse est moins agressive qu’une biopsie cérébrale.

Si la notion de prise médicamenteuse n’est pas connue, il arrive que ce soit l’analyse des coupes semi-fines, toujours à confirmer par un examen ultrastructural, qui révèle la présence de nombreuses inclusions polymorphes.

Il s’agit d’anomalies le plus souvent induites par l’amiodarone, plus rarement par les antipaludéens.

* Dégénérescence wallérienne :

Ce type lésionnel est induit par une section des fibres nerveuses qui conduit à une dégénérescence de leurs parties distales.

Jusqu’à la 24e heure, se produit, du fait de l’interruption du transport rapide, une accumulation de corps denses, lysosomes et mitochondries, à la partie initiale des fibres distales.

Puis les axones se rétractent, se désintègrent, alors que disparaissent les vésicules synaptiques.

Au troisième jour environ, les débris myélinoaxonaux sont réduits à l’état de globules ou d’ovoïdes et phagocytés, alors que parallèlement se multiplient les cellules de Schwann qui s’assemblent en bandes cytoplasmiques aplaties : les bandes de Büngner, à l’intérieur des membranes basales qui ont persisté.

L’intégrité de ces structures va permettre rapidement l’apparition des bouquets de régénérescence axonale (clusters des auteurs anglosaxons) et l’évolution vers une restitutio ad integrum du parenchyme nerveux.

* Dégénérescence axonale (« dying back ») (axonopathie distale centrale périphérique) :

Ce type lésionnel est secondaire à une dysfonction du corps neuronal et caractérise ce qu’il est désormais convenu d’appeler les « neuronopathies ».

Les lésions ressemblent à celles décrites, par dégénérescence wallérienne.

Elles concernent surtout les fibres de gros calibre, les plus longues, et progressent habituellement vers la région proximale, non pas de façon régulière mais par des atteintes épisodiques, multifocales. Une chromatolyse des cellules nerveuses peut survenir dans des cas sévères.

Il n’est pas rare que coexiste une atteinte des fibres centrales cordonales postérieures des neurones des ganglions rachidiens postérieurs.

Ce type lésionnel est surtout observé au cours des affections toxiques exogènes, ainsi qu’au cours de certaines maladies dysmétaboliques et génétiquement induites.

Cliniquement, on comprend qu’il s’agit toujours de NP généralisées et symétriques.

* Autres lésions axonales :

+ Atrophie axonale :

Par définition, il s’agit de la réduction du diamètre axonal qu’il n’est d’ailleurs pas toujours facile d’apprécier objectivement sans l’utilisation de méthodes de quantification.

Néanmoins, ces critères ne sont pas suffisants pour affirmer l’atrophie axonale qui se caractérise également par une augmentation anormale de l’épaisseur de la gaine de myéline (trop grand nombre de lamelles myéliniques) par rapport au diamètre axonal.

La gaine myélinique a souvent un aspect crénelé et irrégulier sur des sections transversales, du fait de la rétraction axonale.

En section longitudinale, la distance internodale, qui ne varie pas, paraît anormalement longue.

En dehors de conditions expérimentales particulières (permanent axotomy), de tels aspects ont été décrits au cours des NP urémiques, des maladies de Friedreich et de CMT.

+ Dystrophie axonale :

Il s’agit de lésions peu spécifiques pouvant correspondre à toutes les axonopathies non secondaires à une section nerveuse : accumulation anormale intra-axonale de filaments, mitochondries, corps membranaires, vésicules d’ergastoplasme, etc.

+ Axonopathie proximale :

On observe essentiellement une accumulation intra-axonale anormale et segmentaire de neurofilaments, associée d’ailleurs à une atrophie axonale distale.

Il s’agit d’aspects surtout observés au cours de l’intoxication expérimentale chronique par le B-Biminodipropiononitrile (IDPN).

+ Autres anomalies :

– Dépôts intra-axonaux de corps de polyglucosan ressemblant aux corps amylacés et corps de Lafora.

Il ne semble pas qu’il s’agisse d’aspects lésionnels très spécifiques.

– Accumulation de filaments de 120 à 130 nm de diamètre qui dilatent l’axone, avec souvent une réduction du nombre de lamelles myéliniques au cours de la neuropathie à axones géants ou d’intoxication par le n-hexane, pathologies où ces lésions sont prédominantes.

Elles peuvent également être rencontrées de façon plus ou moins isolée au cours de la maladie de Fabry, de Charcot- Marie-Tooth, du syndrome de Guillain-Barré, etc.

+ Démyélinisation secondaire :

Il est actuellement admis qu’une atteinte axonale puisse être secondairement responsable d’une démyélinisation.

2- Lésions du tissu interstitiel (endonèvre, périnèvre, épinèvre) :

Il peut s’agir de modifications concernant les vaisseaux, l’apparition de macrophages plus ou moins chargés de débris lipidiques, de cellules anormales ou de dépôts divers : amylose , Ig… au niveau de l’endonèvre, de prolifération exagérée du tissu conjonctif interstitiel, etc.

Le périnèvre, constitué de cellules très caractéristiques, peut être concerné par des processus pathologiques variés : épaississement par multiplication cellulaire contribuant à l’augmentation du calibre nerveux comme au cours de la lèpre, accumulation intracytoplasmique de matériel anormal au cours de certaines maladies de surcharge et d’intoxications médicamenteuses, prolifération endoneurale anormale de cellules périneurales dans des circonstances très variées.

Aucun de ces aspects lésionnels n’est spécifique d’une étiologie particulière.

Ils doivent donc être corrélés et rediscutés en fonction des autres critères diagnostiques cliniques, évolutifs, électrophysiologiques, pour préciser au mieux étiologies et mécanismes des NP.

B – ÉTUDE MORPHOMÉTRIQUE :

L’étude morphométrique utilise les techniques dites semiquantitatives à partir de matériel de micro-informatique de plus en plus standardisé et relativement facile à utiliser.

L’étude des coupes transversales sur coupes semi-fines permet de quantifier la raréfaction des fibres myéliniques, alors qu’il faut faire appel à l’examen en microscopie électronique pour les fibres amyéliniques.

C’est lors de l’étude des fibres dissociées que peut être précisée la part respective des dégénérescences segmentaires, axonales, et également quantifiées des lésions plus inhabituelles de type tomaculaire.

Sur le plan pratique, il faut néanmoins nuancer l’intérêt de telles études, toujours longues et, du fait du prix d’investissement nécessaire à l’achat de l’appareil, très chères.

Rappelons que nous n’étudions la biopsie que des nerfs sensitifs, et que cette étude quantitative, aussi précise que possible, ne peut prendre en compte qu’un très petit nombre de lésions par rapport à l’ensemble des nerfs périphériques souvent concernés dans les polyneuropathies.

1- Étude quantitative à partir de la technique des fibres dissociées :

Il s’agit en particulier de quantifier les longueurs internodales, en appréciant les coefficients de variation (écart-type) par moyenne de ces longueurs internodales mesurées sur une même fibre.

La représentation graphique classique d’un échantillon de fibres myélinisées est un nuage de points reliés par un segment de droite, correspondant aux internodes successifs mesurés sur une même fibre (quatre longueurs internodales au moins).

En ordonnée sont représentées les longueurs internodales, et en abscisse le diamètre moyen des fibres.

2- Étude quantitative sur coupes semi-fines et en microscopie électronique :

* Étude des fibres myélinisées sur coupes semi-fines :

Le diamètre des fibres myélinisées varie entre 2 et 12 µm, avec une distribution bimodale compte tenu de deux pics entre 3 et 6 µm et 9 et 12 µm.

Le nombre des petites fibres myélinisées est habituellement supérieur à celui des grandes.

Chez les adultes jeunes, la moyenne est de l’ordre de 7 à 10 000 fibres/mm2 avec d’importantes variations selon l’âge.

C’est ainsi que le nombre de petites fibres diminue progressivement.

L’examen en microscopie électronique est essentiel pour préciser les relations linéaires entre la taille de l’axone et le nombre de lamelles myéliniques.

Il a été démontré que les axones atteignent leur taille maximale entre 3 et 5 ans, mais que certaines fibres peuvent encore se myéliniser jusqu’à l’âge de 14 ans.

D’autre part, la détermination du rapport g (« g ratio »), qui prend en compte l’épaisseur des gaines de myéline en fonction des diamètres des fibres, peut être utile pour apprécier quantitativement un processus remyélinisant chronique.

* Examen en microscopie électronique pour les fibres amyéliniques :

Il s’agit d’un examen minutieux et long.

Il peut être difficile d’identifier avec certitude, sans immunomarquage spécifique, tous les axones amyéliniques, et ainsi de les distinguer de fragments de cytoplasme schwannien normaux.

Le diamètre de ces axones varie entre 0,2 et 2,5 µm, avec une distribution unimodale qui a un pic de l’ordre de 1,4 et 1,6 µm.

Leur nombre varie, suivant les études et l’âge des sujets, entre 20 000 et 35 000/mm2.

La proportion de fibres amyéliniques par rapport aux fibres myéliniques est à peu près de 1 pour 4.

L’étude quantitative des fibres amyéliniques a donc essentiellement un intérêt dans un but de recherche.

Il peut par exemple s’agir de confirmer qu’un processus lésionnel de type axonal concerne bien aussi les fibres amyéliniques.

Une étude corrélative des troubles sensitifs et dysautonomiques est intéressante.

D’autres paramètres peuvent être quantifiés au niveau des nerfs périphériques : l’épaisseur du périnèvre, la prolifération du tissu conjonctif endoneural.

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